Quelle plus belle description du site d'Alleuze que celle de Pierre Chassang dans son opuscule Alleuze, son château, son église paru en 1981 (imprimerie La Dépêche d'Auvergne, Saint-Flour) ?
"Soudain, à quelques centaines de mètres du village du Barry, le plateau s'infléchit brusquement. Un dernier tournant et, dans l'entrelacement des branches, les yeux éblouis ..., éblouis par une vision romantique d'une sauvage et grandiose beauté ; au fond d'une gorge escarpées, un pain de sucre, ceint aux trois quarts par les eaux du lac artificiel de Granval ; sur son étroite plate-forme, un hérissement de pierres amoncelées, comme vomies par le cratère d'un petit volcan, se détachant au levant sur le vert sombre des bois"
Accroché à son piton rocheux, le château d'Alleuze est situé sur le territoire de la commune d'Alleuze, entre St Flour et le barrage de Grandval. La construction du barrage de Grandval, mis en service en 1960, a créé une sorte de presqu'île puisque le château d'Alleuze surplombe aujourd'hui un bras de la retenue de Grandval et offre de nombreux points de vue autour du site.
Les ruines que nous voyons sont celles du deuxième château qui fut rebâti sur ce site, quasiment à l'identique du premier, un rectangle délimité par quatre angles dotés de quatre grosses tours aux murs épais.On y accède par une porte unique surmontée d'un écusson aux armoiries disparues. Dans la tour nord-est, un escalier permettait d'accéder aux premier et deuxième étages. Les autres tours abritaient des corps de garde auxquels on accédait par des marches creusées dans l'épaisseur des murs car l'une de ses vocations fut de défendre le roi et d'assurer la sécurité de Saint-Flour. Sa reconstruction se serait étalée de 1267 à 1285.
En 1383, le château, fort mal gardé, fut pris par un vilain brigand, Bernard de Garland, qui y resta 8 ans, il en améliora la sécurité en faisant construire murailles et pont levis. sa conformation ingrate ajoutée aux actes de cruauté dont il se rendit coupable dans toute la région lui valurent le surnom de "méchant bossu d'Alleuze". En 1387, les Sanflorains tentèrent en vain de reprendre le château en l'absence du bandit, ils échouèrent piteusement et la vengeance de Garland fut terrible. Il organisa le blocus de Saint-Flour, la noblesse locale et la population payèrent le prix fort. Il fallut 4 ans de tractations pour se débarrasser de ce brigand qui quitta enfin les lieux entre le 8 et le 13 janvier 1391 contre monnaie sonnante et trébuchante. L'évêque de Clermont, Henri de la Tour s'oppose à l'ordre de destruction du château souhaité par les édiles de Saint-Flour et y installe son représentant, le Maréchal de Rodez. Cependant le pays traumatisé redoutait le retour du bandit, les femmes se signaient lorsque son nom était prononcé. Un jour de grand marché à Saint-Flour, en 1405, la rumeur se répand comme un trainée de poudre, "les Anglais auraient repris Alleuze" ! Ni une ni deux, la foule en colère s'arme et se rend en masse à Alleuze dont les occupants s'étaient absentés. Le château est incendié et mis à bas. L'évêque de Saint-Flour assigne les consuls et la population de Saint-Flour qui, après 6 ans de procédure, sont condamnés à payer un forte indemnité ou à reconstruire le château qu'ils ont détruits.
Choix est fait de la reconstruction mais insatisfait du résultat, l'évêque de Clermont engage une nouvelle procédure, contestée par le Consul Saysset pour lequel le château a été rebâti tel qu'il était avant son occupation par Bernard de Garland. Finalement la ville de Saint-Flour dut s'acquitter d'un dédommagement conséquent pour ne pas avoir reconstitué l'enceinte extérieure érigée par le cruel brigand.
Le château passa ensuite de mains en mains, il fut sans doute rebâti vers 1536, tomba entre les mains des Huguenots, puis, à la fin du XVIe fut vendu par l'évêque de Clermont à Jean de Lastic-Sieujac. Il resta propriété de la famille mais, faute de rentabilité, celle-ci semble l'avoir abandonné. On ignore ce qu'il advint du château pendant la Révolution Française. Ses pierres servirent vraisemblablement de matériaux de construction et au final, il devint officiellement propriété de la commune d'Alleuze.
Le château d'Alleuze a fait l'objet d'une inscription aux Monuments Historiques par arrêté du 9 mars 1927.
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Le cinéma a été séduit à plusieurs reprises par le site du château d'Alleuze :
- La Grande vadrouille (1966): Gérard Oury tourna plusieurs scènes de La Grande Vadrouille sur le site d'Alleuze, notamment la poursuite entre le camion de fruits et légumes et le side-car allemand. A l'occasion du cinquantenaire du film, La Montague du 30 décembre 2016 écrivait : "Les routes longeant la Truyère, du côté d'Alleuze et de Faverolles, ont servi de terrain de jeu aux cascadeurs. Un œil attentif permet d'apercevoir les ruines du château d'Alleuze à l'écran. Le barrage de Grandval est quant à lui transformé en poste de contrôle allemand. Début 1966, la production contacte Fernand Mallet, alors ingénieur divisionnaire des Ponts et chaussées, afin d'obtenir, vers la mi-mai, des figurants et du matériel pour le tournage. Localement, Jean Laroussinie et Maurice Pignol participent au film. On les voit tracer la ligne continue dans la descente qui conduit du village de La Barge au château d'Alleuze. Un des temps forts de la séquence voit le cascadeur Rémy Julienne sauter à moto dans un ravin entre Languiroux et La Barge. Une fois en boîte, un technicien devait se rendre quotidiennement à Paris pour le traitement des prises de vue de la journée. Au retour, il ramenait celles de la veille pour le visionnage. Les journées de tournage étaient intenses. Et pour redonner de l'énergie à tout ce monde, l'hôtelier en ville basse de Saint-Flour, Pierrot Prat, était chargé de la préparation du déjeuner. Enfin, l'équipe du film se retrouvait en soirée, à l'auberge des frères Blancon, à La Barge d'Alleuze, au son de l'accordéon."
- Un homme de trop (1967) : Costa-Gavras tourna quelques scènes de son film Un homme de trop sur le site du château d'Alleuze et dans ses environs. Le quotidien La Montagne évoque ce tournage dans un article paru le 28 aout 2012.
- L'extraterrestre (2000) : Didier Bourdon a tourné quelques scènes de son film L'extraterrestre sur le site d'Alleuze. A noter que dans la scène finale du film, le train, qui écrasa Xab, est le X 2403 de l'association Gentiane Express. Cette scène a été tournée sur le viaduc de Barajol dans le Cantal.
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