J'ai rencontré Hélène Magne, l'auteur d'Une vie de ronces à l'occasion des Journées du Patrimoine, elle fait partie des bénévoles qui assurent les permanences de la maison de la Catine, reconstitution d'un intérieur auvergnat par l'Association des Amis de l'Abbatiale et du Passé de Montsalvy. J'ai été séduite par son accueil, elle n'était pas là juste pour être là, elle animait littéralement les lieux, parlant de la vie à la campagne fin XIXe, début XXe comme si elle l'avait vécue.
Si elle en parle si bien, c'est sans doute parce que la vie d'Hélène, née en 1955, donc dans la deuxième moitié du XXe siècle, dans un hameau de Saint-Clément (Cantal), est marquée, dès le début, par la misère, misère physique – elle et sa nombreuse fratrie recevaient plus de coups que de nourriture et devaient travailler durement avant et après l'école - mais aussi misère morale – père alcoolique (il achetait le vin en tonneau) et incestueux, mère enchaînant les grossesses et les escapades. Quant à la tendresse, n'en parlons pas, c'est la grande absente, sauf peut-être celle qui unit Hélène et son frère, Blanqui.
Encouragée par des connaissances, Hélène raconte tout cela dans un livre paru en 2021, récit autobiographique écrit à la première personne, dans lequel elle livre ses souvenirs ; certains relégués dans les profondeurs de sa mémoire comme une mesure de sauvegarde face à tant d'horreurs, d'autres toujours très vivaces tels que les belles rencontres qui ont fort heureusement aussi jalonné sa vie.
Le style est celui de l'oralité, les mots jaillissent, bruts de décoffrage, au fur et à mesure que les souvenirs remontent à la surface, en vrac. Hélène a couché les mots par bribes, par touches, en courts chapitres ; on imagine aisément combien cette démarche a dû lui coûter en énergie, en retours douloureux sur son passé, la laissant parfois K.O.
Tous les ingrédients étaient réunis pour qu'Hélène soit aigrie, rancunière et en colère contre la terre entière ; c'est tout le contraire qui s'est produit, elle a pardonné à ses parents de n'avoir pas su l'aimer, de l'avoir instrumentalisée et culpabilisée, elle la victime. Hélène Magne est aujourd'hui une femme libre, dynamique et en phase avec son époque.
Sa colonne vertébrale fut le travail, le seul héritage de son enfance mais surtout le seul moyen de gagner sa vie tout en conquérant son autonomie. C'est aussi grâce au travail qu'elle a fait les plus belles rencontres de sa vie, connu l'amitié, l'entraide et gagné le respect de celles et ceux qui croisent son chemin.
A toutes celles et tous ceux qui se plaignent – pas assez de ceci, pas assez de cela, etc - je recommande vivement la lecture salvatrice d'Une vie de ronces.
Vous pouvez contacter Hélène par téléphone au 06 28 28 89 97 ou par mail
DTF, sept. 2022