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MONASTÈRE.

 

La date précise de la fondation du monastère de Mauriac n'est pas connue; on sait seulement qu'il fut doté des biens donnés à l'abbaye de St-Pierre-le-Vif par la reine Théodechilde. Sa fondation dut suivre de près celle de l'abbaye. On avait besoin d'administrer les possessions considérables délaissées par Basolus; il fallait en percevoir les redevances ; la distance qui séparait Sens de Mauriac rendait cette administration très-difficile. On dut donc, dès l'origine, y envoyer quelques religieux et y fonder un monastère. Ainsi s'explique la tradition qui veut que Théodechilde ait été la fondatrice du monastère de Mauriac.

D'après la chronique de St-Pierre-le-Vif-de-Sens, le monastère aurait été édifié sous le règne de Louis-le-Débonnaire par Hieremias, archevêque de Sens; mais on sait que, dans les anciens titres, le mot édifier ne se rapporte pas toujours à une fondation, et que très-souvent il s'applique à la reconstruction ou à la restauration d'un monastère. C'est dans ce dernier sens que l'on doit, à notre avis, interpréter le passage de la chronique de Sens, dont voici la traduction:

a L'archevêque Jérémie édifia dans l'Aquitaine un monastère en l'honneur de St-Pierre, au lieu appelé Mauriac, et sur le propre fonds que Théodechilde, fille de Clovis, et Basolus, comte d'Auvergne, avaient délaissé à St-Pierre-le-Vif pour l'amour de Dieu et pour la subsistance des moines. Il changea le nom de Mauriac en celu de Noviacus; il édifia ce monastère à la prière de Frodbert, abbé de St-Pierre-de-Sens, pour mettre un terme aux usurpations que les hommes du pays commettaient sur les terres et les domaines de St-Pierre, dont ils faisaient leur propriété; il y établit des moines réguliers de l'église de St-Pierre-de-Sens, pour y vaquer au service divin et afin que ce lieu ne fût pas entièrement dépouillé des terres et des domaines qui lui restaient, et que le monastère demeurât à perpétuité sous la garde de l'abbé Frodbert et de ses successeurs, qui auraient à l'avenir, comme ses prédécesseurs l'avaient eu par le passé , le gouvernement des villas et des églises situées en Aquitaine, dans l'Auvergne et le Limousin. Le même Jérémie, archevêque, et Frodbert, abbé, demandèrent à Louis-Auguste qu'il leur accordât des lettres de privilège, soit pour le monastère de Mauriac, soit pour toutes les dépendances de St-Pierre-de-Sens ; ce qui leur fut accordé. D’archery, Spicit., t. 2, p. 710.)

Malgré les recherches que nous avons pu faire, il nous a été impossible de retrouver le diplôme de Louis-le-Débonnaire; mais, grâce à l'obligeance de M. Quantin, nous pouvons mettre son existence hors de doute. Nous citons textuellement la note que le savant archiviste nous adressait le 24 avril 1851.

L'inventaire des archives de l'archevêché de Sens, écrit au XVII° siècle, fait mention du privilège de Louis-le-Débonnaire pour l'année 827, 9 mai; il en donne cette analyse:

« Confirmation accordée par Louis-le-Débonnaire à Hieremias, archevêque, des privilèges donnés par lui-même et par ses prédécesseurs aux archevêques, pour l'église de Sens , les monastères de Ste-Colombe , St-Pierre , St-Jean , St-Héracle, etc., et pour le monastère qu’Heremias a fait bâtir au-delà de la Loire. »

En rapprochant le sommaire de l'inventaire de la chronique de St-Pierre, il ne peut pas s'élever de doute que le monastère bâti au-delà de la Loire n'était autre que le monastère de Mauriac. Son existence dans la première moitié du IX° siècle est donc constatée. Les usurpations dont se plaint le chroniqueur de St-Pierre avaient dû se manifester peu de temps après la donation de Théodechilde, et rendre nécessaire le premier établissement du monastère; elles avaient du devenir plus nombreuses pendant la lutte entre les ducs d'Aquitaine et les rois de la seconde race. Plus tard, Sens et Mauriac avaient fait partie de royaumes différents. La suprématie de St-Pierre-le-Vif n'était plus que nominale; le monastère érigé au VI° siècle étant peut-être ruiné , il y avait nécessité de le rétablir, de le replacer sous la dépendance de St-Pierre-de-Sens, et d'obtenir une charte de privilège qui sanctionnât les droits de l'abbaye. C'est ce qui fut fait vers l'année 827, ainsi que nous venons de le dire.