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SIÉGE DU JUGE DE LÉVÊQUE DE CLERMONT DANS LES MONTAGNES D'AUVERGNE.

 

Le concile de Latran, tenu en 1213 sous Innocent III, exhorta les évêques dont le diocèse serait trop étendu pour qu'ils pussent veiller sur tout leur troupeau, à choisir des personnes zélées et habiles pour instruire, pour gouverner, pour faire les visites du diocèse et administrer la justice ecclésiastique à leur place. C'est de cette époque que date l'institution des grands vicaires et des officiaux. Ces derniers étaient les vicaires de l'évêque pour l'exercice de la juridiction contentieuse; ils prononçaient les jugements et décidaient les contestations pour lesquelles on suivait une procédure régulière. A l'origine de l'institution des officiaux, il n'y eut très-probablement qu'un seul official dans le diocèse de Clermont. Mais la vaste étendue du diocèse, la difficulté des communications entre le haut et le bas pays d'Auvergne, surtout pendant l'hiver, porta l'évêque à avoir un juge ou un official dans les montagnes d'Auvergne. On trouve les premières traces de cette institution vers les années 1274 et 1277. A cette dernière date, Bernard, archiprêtre de St-Flour, était juge de l'évêque de Clermont dans les montagnes d'Auvergne. Dans un acte de 1278, il prend le titre de « Auditor causarum episcopi Claromontensis in montanis. » Auditeur des causes de l'évêque de Clermont dans les montagnes. A partir de 1289, le titre de cet officier fut fixé: les sentences sont intitulées au nom du juge de l'évêque de Clermont dans les montagnes : « Judex Claromontensis episcopi in montanis. » Sa juridiction s'étendait sur les trois archiprêtrés de St-Flour, d'Aurillac et de Mauriac. Avant l'érection de l'évêché de St-Flour, le siége du juge des montagnes était fixé à Mauriac. J'en trouve la preuve dans deux actes passés sous le sceau du juge, l'un en 1309, l'autre en 1311 ; il est dit dans l'un et dans l'autre qu'ils ont été reçus « in nostra curid Mauriaci. » Dans notre cour de Mauriac.

Lorsque les deux archiprêtrés de St-Flour et d'Aurillac eurent été distraits du diocèse de Clermont pour former le diocèse de St-Flour, la résidence du juge fut maintenue à Mauriac; elle ne pouvait pas être ailleurs.

A la fin du XIII° siècle et jusqu'au milieu du XIV°, un grand nombre d'actes furent reçus par le juge de l'évêque de Clermont. La justice royale n'était alors qu'imparfaitement établie. Les justices seigneuriales n'offraient pas toutes les garanties désirables. Le juge de l'évêque, au contraire, pouvant contraindre par les censures ecclésiastiques alors si redoutées, avait le moyen le plus sûr de faire exécuter les contrats reçus sous son sceau, ainsi que les jugements qu'il rendait. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher les causes qui avaient fait prendre à la juridiction ecclésiastique une extension si grande que, suivant l'expression de Pasquier, « les faubourgs étaient devenus plus grands que la ville. » Il suffit de constater le fait pour que l'on puisse apprécier l'importance du siége qui fut établi à Mauriac. Le juge de l'évêque nommait des notaires qui recevaient les actes sous son sceau; il avait un greffier, un procureur d'office; il ne jugeait qu'en premier ressort. On pouvait se pourvoir contre ses décisions devant l'official de Clermont; du moins on le pratiquait ainsi en 1530.

Le juge de l'évêque tenait tous les ans un synode à Mauriac; les curés de l'archiprêtré étaient dans l'obligation d'y assister; on y traitait ce qui regardait l'administration, la réformation des mœurs et la discipline. La tenue de ce synode avait été autorisée par le pape Jean XXII, en 1326. Mourguios, dans sa chronique rimée, définit ainsi les attributions du juge de l'évêque:

 

Ce juge était un prêtre entendu en droiture.
Le pouvoir de sa charge et sa judicature
S'étendait sur les clercs, tant de la prévosté
Que sur ceux de Mauriac

Il tenait à ces fins tous les ans son synode

Huit jours dans le carême, auquel jour si commode.

Le temps était très-beau : tous Messieurs les curés,

Ou bien leurs substituts s'y transportaient exprès.

En ce chœur synodal il faisait toujours faire,

En faveur de leur haut et divin caractère ,

Une harangue, laquelle estait faite parfois

En latin doctement, autrefois en François.

Mais, quand le salutaire et divin sacrifice
De la messe était fait et fini le service,
Il leur ramentevoit le poids et la grandeur
De leur charge et devoir avec zèle et ferveur:
Et, les ayant instruit et repu leur mémoire
De ce qui estait requis est nécessoire,
Selon que son devoir l'obligeoit saintement,
Les menait tous diner fort honorablement. »

En 1622, Joachin d'Estaing, évêque de Clermont, supprima la cour spirituelle de Mauriac , « je ne sais pourquoi, » dit Mourguios. Il ordonna, en outre, qu'à l'avenir les prêtres de Mauriac se rendraient à Clermont pour assister au synode diocésain. Cette décision froissa les prêtres, et, suivant l'usage de l'époque, ils firent un procès. Ayant interjeté appel de l'ordonnance de l'évêque devant l'archevêque de Bourges, l'affaire fut évoquée au parlement; elle revint ensuite devant l'archevêque,

tant fut procédé qu'enfin par son instance (de l'évêque)

Et la tardiveté paresse et nonchalance

Des prêtres, il obtint sentence et les dépens

Contr'eux, qui se montoient douze ou treize cents francs. »

 

Les prêtres, à leur tour, se pourvurent contre la sentence de l'archevêque devant le parlement,

« Où le procès orc est qu'on poursuit instament. »

 

Mourguios écrivait sa chronique vers 1645. Il est très-probable que les prêtres de la prévôté de Mauriac perdirent leur procès au parlement, comme ils l'avaient perdu à Bourges.