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Mauriac.

 — La commune de Mauriac est bornée au nord, à l'est et au sud-est par la commune du Vigean ; elle est séparée des communes d'Ally, de Chaussenac et de Brageac par la rivière d'Auze ; elle est bornée à l'ouest et au nordouest par la commune de Chalvignac.

Elle est arrosée par la rivière d’Auze, les ruisseaux d'Artiges, de Marchamp, et par le ruisseau Mauri ou des Ribeyres.

Sans sortir de la commune, on peut observer la série des terrains que l'on trouve dans le Cantal. Les roches gneissiques dominent dans les vallées d'Auze et du ruisseau d'Artiges; on y trouve aussi des micaschistes. Nous devons signaler, dans les bois au-dessous de Verlhiac-le-ieux, un micaschiste avec grenat.

Dans le bois de Corbeil, on trouve de petits filons métalliques qui ont été signalés en 1772 par Monnet, dans les Observations sur la physique, t. 33, p. 321. D'après ce naturaliste, l'un des filons qui court du sud au nord contient du minerai de plomb, pendant qu'un autre qui le croise ne donne que de l'antimoine. On peut observer ces deux filons sur le chemin du moulin de Marty. A quelque distance de ce point, on reconnaît les traces d'une tranchée peu profonde, au bas de laquelle on voit d'assez gros fragments de baryte carbonatée. Les deux filons cités par Monnet ne sont pas les seuls qui existent sur ce point; quelques échantillons isolés de minerai d'une assez forte dimension prouvent qu'il y en a d'autres.

Au XV° siècle, cette mine avait éveillé l'attention de Durand de Fontanges, alors propriétaire du bois de Corbeil. On lit dans des instructions rédigées pour ses successeurs le passage suivant : « Est besoin de vérifier meurement les mines de Corbeil ; car, par la vérification que l'on en fist à Paris, en l'an 1572, a veu l'affineur qui se tenait à la place des Halles, qu'elles étaient fort maigres de argent. Et (faut) y aviser bien avant de entreprendre une ouverture, car ceste entreprise est pour se ruiner entièrement. Si elles se trouvent bonnes, se fauldra contenter de vendre la coppe du bois. » (Archives de Sourniac.) Les conseils de Durand de Fontanges furent suivis par son fils, qui ne laissa pas de descendants, et dont les biens passèrent dans la maison de Scorailles de Roussilhe. Il ne paraît pas, en effet, qu'on ait jamais tenté sérieusement d'exploiter la mine de Corbeil; tout s'est borné à quelques travaux d'exploration.

Il n'en fut pas ainsi d'un gîte de plomb situé au-dessous de Crouzy-Haut, sur le chemin du moulin de Tescou. Il fut exploité, vers l'année 1760, par le marquis de Simiane, seigneur de Miremont; une galerie, qui existe encore, fut ouverte; mais il fut bientôt abandonné, soit à cause de la cherté des combustibles, ou plutôt parce que l'exploitation n'en était pas avantageuse.

Toutefois, on ne doit pas se hâter de porter un jugement et de regarder ces gîtes comme inexploitables; ils n'ont pas été explorés avec assez de soin pour que l'on puisse se prononcer d'une manière définitive.

Une étroite bande de terrain houiller se montre dans le bois de Tribiac, des deux côtés de la route départementale, non loin du pont d'Auze. D'après l'opinion émise par M. Tournayre, dans ce Dictionnaire,ce lambeau se prolongerait au-dessous des plateaux volcaniques, dans la direction du sud au nord, et irait se relier au terrain houiller de la vallée de Jalleyrac. M. Baudin, ingénieur en chef des mines, qui a fait une étude approfondie du bassin houiller de cet arrondissement, a exprimé la même opinion dans une lettre qu'il nous écrivait en 1854. Si 1 opinion de ces deux savants est fondée, comme je suis porté à le croire, cette bande du terrain houiller, d'après sa direction , passerait à une très-petite distance , à un kilomètre environ a l'est de Mauriac.

Il n'en est pas des houilles comme des bois, elles ne se reproduisent pas. Pour le moment, les houillères du Cantal sont improductives; mais, lorsque la houille deviendra rare, que des voies de communication faciles seront ouvertes à notre pays, dans un avenir peu éloigné peut-être, ces mines deviendront une source de richesses. Les travaux d'exploration ont été exécutés dans la vallée d'Auze par M. Laurichesse: quelques galeries ont été percées, des puits peu profonds ont été creusés; la houille se montre sur plusieurs points. Peut-elle être exploitée avantageusement ? C'est un problème qui n'est pas encore résolu.

Le terrain tertiaire existe sur plusieurs points de la commune; il n'a pris un certain développement que dans la vallée arrosée par les ruisseaux de Verliac et d'Artiges. Cette formation, qui n'est que la continuation de celle de Chambres et de Mazerolle, consiste principalement en bancs d'argile. Des lits de calcaire marneux s'observent dans le communal de Tribiac, appelé du Tour, en face du territoire de Chambre et au-dessous du village de Verliac-le-Vieux. La couche supérieure de cette formation se compose d'argile, mêlée à du sable quartzeux. On voit auprès du village de Verliac-le-Vieux les masures d'un four à chaux. On retrouve quelques lambeaux de ce terrain sur les pentes autour de Tribiac, au midi de Mauriac, sur la route départementale, entre le Pont Vert et Tribiac , et dans les héritages voisins, auprès de St-Thomas, au midi du puy St-Mary.

Dans toutes ces localités, les argiles se montrent- seules. On ne trouve pas de trace de calcaire. Il en est de même à La Besse, où le sable argileux domine. Partout, le terrain tertiaire sépare le terrain primitif des nappes volcaniques. Le sable de ce terrain a été employé dans les constructions de l'époque gallo-romaine, probablement après avoir subi un lavage. Les ciments dans lesquels il était entré présentent une grande solidité, ainsi qu'on a pu le reconnaître dans les soubassements de murs antiques découverts, il y a quelques années , dans la ville de Mauriac. Le sable de La Besse est encore employé, mais rarement. Il serait à désirer que son emploi devint plus fréquent; il remplacerait avantageusement les mauvais sables dont on se sert à Mauriac.

Les nappes basaltiques recouvrent tous les plateaux et couronnent les escarpements de la vallée d'Auze, à Tribiac, à Escouaillers, à Croazy. Dans la partie orientale et méridionale, elles reposent sur le tuf trachytique, que l'on ne retrouve plus à l'ouest du puy St-Mary. Sur trois points différents, au Telliolet, au puy St-Mary, au puy qui domine Tribiac, le basalte forme des buttes arrondies; partout ailleurs, il se présente en nappes. Sa structure est quelquefois grossièrement prismatique, mais plus souvent tabulaire.

Le basalte tabulaire est, de temps immémorial, employé comme moellon dans les constructions de la commune et principalement de la ville de Mauriac. On trouve dans les carrières d'Embarges des pierres plates d'un grand échantillon, et dont l'épaisseur est assez régulière pour qu'on puisse les employer à recouvrir des murs, des aqueducs, etc.

Pendant tout le moyen âge, les blocs de trachyte disséminés dans le tuf étaient recherchés; on les employait comme pierre de taille. Les plus anciens édifices de la ville de Mauriac, l'église et quelques maisons, en petit nombre, en sont bâtis. Ce n'est que vers le commencement du XVII° siècle qu'on a cessé de s'en servir, et qu'ils ont été remplacés par la dolérite.

Le plateau basaltique s'incline à l'ouest; la différence de niveau dans toute sa longueur, depuis la butte de Verliac jusqu'au point culminant de Serres , est de 87 mètres, l'altitude du premier point étant de 761 mètres et celle du second de 674 mètres. Les gorges de l'Auze sont beaucoup plus profondes ; au Moulindu-Pont, l'Auze n'est qu'à 436 mètres au-dessus du niveau do la mer. Différence entre le point le plus bas et le point le plus élevé de la commune : 325 mètres.

Il est à remarquer que les hauteurs du puy St-Mary, du Telliolet ou puy Bourzès et du puy de Tribiac sont à peu près égales, le premier ayant 747 mèt., le second 745 mèt. et le troisième 746 mètres d'altitude.

Le sol de la commune est d'une fertilité moyenne: les prairies qui entourent la ville de Mauriac donnent en abondance des fourrages de bonne qualité; celles de la campagne produisent aussi des fourrages très-bons, mais moins abondants. Les terres sont propres à la culture du seigle, du sarrasin, et, sur quelques points, du froment. Le trèfle y réussit bien; il est peu de villages où il ne soit pas cultivé, mais cette culture n'est pas aussi étendue qu'elle devrait l'être. Les terrains incultes occupent une assez grande surface, surtout à l'ouest de la commune. Ce n'est pas qu'ils soient impropres à la culture; avec des engrais, on en retirerait de très-bons produits. Comment s'en procurer? en améliorant les prairies naturelles, en étendant la culture des plantes fourragères, en un mot, en augmentant ses fourrages.


ORIGINES DE LA VILLE DE MAURIAC D'APRÈS LES LÉGENDES.

Dans un siècle aussi positif que celui où nous vivons, on fait bon marché des vieilles traditions qui nous sont parvenues sous forme de légendes, ornées de tout ce que l’imagination poétique et l'idéal du moyen âge y avaient ajouté. Cependant, s'il ne faut pas leur accorder une confiance aveugle, il ne faut pas les rejeter sans examen. Souvent elles ont conservé le souvenir d'événements historiques importants, et la véritable critique s'attache plus utilement à découvrir, sous les ornements qui les cachent, des faits très-réels, que de les rejeter absolument, par cela seul que la poésie ou le merveilleux y dominent. Peintures fidèles des mœurs et des croyances de nos pères, elles appartiennent encore sous ce rapport à l'histoire. Les villes anciennes, comme les nations antique!, ont eu leur âge héroïque et leurs légendes; Mauriac a eu la sienne. Avant de porter sur elle la loupe de la critique, reproduisons-la dans toute sa naïveté; nous rechercherons ensuite si des documents historiques ne viennent pas donner au fonds de la légende les caractères de l'authenticité.

Trois manuscrits de diverses dates ont conservé l'ancienne tradition sur l'origine do la ville de Mauriac; le plus ancien, écrit en latin et dont la date n'est pas connue, se trouvait en plusieurs copies dans les archives du monastère ; il a été publié par le Père Dominique de Jésus, dans la vie de saint Mari; le second est intitulé : Topographie de la ville de Mauriac. L'épître dédicatoire aux consuls de Mauriac est datée de l'année 1560; une copie de ce manuscrit, faite par Dulaure, est conservée dans la bibliothèque de Clermont, sous le n° . J'en ai aussi un extrait fort complet, que j'ai fait sur le manuscrit autographe qui s'est perdu à Aurillac. Le troisième, sans nom d'auteur, porte le titre d'Histoire du monastère de Mauriac. La comparaison des écritures m'a fait reconnaître qu'il était de la main de dom Laurent, religieux-bénédictin du monastère de Mauriac, à la fin du XVII° siècle.

La chronique publiée dans l ' Histoire de saint Marius est intitulée : Origine de la ville de Mauriac. Nous nous contenterons d'en donner la traduction.

Il ne faut pas se lasser de rappeler les antiques traditions conservées dans les archives du monastère de la ville de Mauriac, au diocèse de Clermont, en Auvergne, afin que la mémoire des évènements ne périsse pas de vétusté avec les chartes qui les constatent, et qu'on puisse les mettre en doute. Au lieu où est située la ville de Mauriac, était une forêt si épaisse, qu'elle servait de refuge aux hommes sylvestres et aux bêtes fauves. A une distance d'environ un mille, sur une éminence qui domine la vallée de l'Auze, s'élevait un château inexpugnable, que l'infidèle et puissant duc Basolus tenait en baronnie. En ce temps-là, Clovis, roi très-chrétien, gouvernait l'empire des Francs; afin de propager et d'étendre la foi qu'il avait embrassée, il chassa de l'Aquitaine Alaric le Goth et le Turc; sa royale fille, Clotilde, agit de la même manière à l'égard du duc, ennemi du nom chrétien, en s'emparant par ruse de son château. La princesse, chassant dans la forêt, tomba dans une fosse; effrayée d'y trouver une lionne couchée avec trois lionceaux, elle voua au Seigneur de bâtir en ce lieu un monastère en l'honneur de saint Pierre-le-Vif, et de le doter à l'instar de celui que son père avait érigé sur le mont Lucotice. qui maintenant s'appelle Sainte-Geneviève de Paris. Par la protection divine, la lionne et les lionceaux s'éloignèrent, et la princesse, miraculeusement sauvée, retourna dans son comté. Bientôt après elle édifia, des pierres du château, avec une royale magnificence, un monastère qu'elle dota des biens de Basolus. Elle y établit, en place du baron, un doyen avec des religieux portant l'habit des moines de St-Benoit. Le peuple affluant de toute part, par un dur labeur, extirpa les rochers, coupa les arbres, joignant une maison à une autre, bâtit la ville et les faubourgs de Mauriac, et l'entoura de murs, de fossés et de ponts. Longues années après, Frère Guy, évêque des Arvernes, vint consacrer le monastère. Tout cela se fit avec le secours du Seigneur, à qui appartient toute louange, toute puissance, tout empire, avec action de grâces, dans les siècles infinis des siècles. Ainsi soit-il. »

La chronique de Montfort est beaucoup plus développée. Je n'ai pas besoin de prémunir le lecteur contre quelques erreurs historiques qu'il est facile de relever. L'histoire ne dit pas que Clovis soit allé à Rome, encore moins qu'il soit venu à Mauriac; mais tout cela n'était pas fait pour arrêter Montfort, qui en commençant sa chronique, et avant l'invasion romaine, fait occuper la Haute-Auvergne par les Maures commandés par Servius-Tullius. Je ne reproduirai pas ici le long récit de notre chroniqueur; je me contenterai d'en donner une fidèle analyse.

Amaury, fils d'Alaric, étant entré dans la Haute-Auvergne à la tête des Visigoths, passa la rivière de Maronne et remarqua les châteaux de St-Christophe et de Biorc; il arriva sous les murs du château vieux, près d'Escouaillers, qui appartenait à une famille de Monselis; il s'en empara et en fit sa principale résidence.

Une muraille, d'une immense étendue, joignait le château vieux aux châteaux de Montclar, de Comby, de Clavier et d'Arches. L'eau du ruisseau Mauri avait été détournée et conduite au château. Cependant Amaury ayant marché contre Clovis à la tête de trente mille hommes, fut complètement défait et abandonna l'Auvergne au vainqueur.

Quelque temps après, la reine Clotilde vint en Auvergne. Arrivée à la tour d'Arches, elle voulut visiter le château vieux; elle ne put y parvenir qu'en suivant un étroit sentier, â travers les bois et d'épais buissons. Au milieu de la forêt, ses yeux furent frappés de l'éclat d'une vive lumière. S'étant approchée, elle aperçut, avec surprise, une lionne avec trois lionceaux qui gardaient une lumière posée sur une pierre de marbre. Sa première impression fut celle de la frayeur; mais, la nuit suivante, elle fut rassurée par une vision qui lui fit éprouver un doux sentiment de joie et de confiance. Elle vit saint Pierre qui précédait la Vierge Marie portant le divin Enfant dans ses bras et se dirigeant vers le lieu où était la lumière. A leur aspect, la lionne et les lionceaux se retirèrent.

La reine comprit qu'il y avait dans cette merveilleuse apparition une manifestation des desseins de Dieu pour la gloire de la mère de J.-C. et du prince des apôtres. Elle fit vœu de fonder une chapelle dédiée à la Vierge, sur le lieu même où la lumière lui était apparue.

A cent pas de distance était un temple de Mercure presqu'en ruine. Elle résolut d'élever à sa place un monastère de l'ordre de St-Benoit, en l'honneur de saint Pierre. Ces choses se passaient en 507. Le roi Clovis était alors à Rome. La reine lui fit part de la vision qu'elle avait eue et des fondations qu'elle avait faites. Le roi approuva tout ce qu'avait fait Clotilde; il fit confirmer les fondations par le Saint-Père et envoya de précieuses reliques.

Clovis, de retour en France, vint à Mauriac; il regretta que le château vieux fût aussi éloigné du lieu où la chapelle et le monastère devaient être édifiés. Il voulait, en effet, y établir les moines. Après en avoir conféré avec Clotilde, il ordonna d'abattre le château et de bâtir avec ses débris la chapelle et le monastère ; il les dota de toutes les terres et redevances qui dépendaient du château vieux. Les habitants du voisinage, attirés par les miracles qui se faisaient à Mauriac, obtinrent la permission de bâtir des maisons à l'entour du monastère et de la chapelle.

A l'époque où écrivait dom Laurent, la fausse charte de fondation du monastère de St-Pierre-le-Vif-de-Sens, attribuée à Clovis, avait été publiée dans l'histoire de l'Ordre de St-Benoit, par D. d'Yeppes, et dom Laurent avait lu Grégoire-de-Tours. Il fit donc concorder la chronique anonyme avec celle de Montfort, at l'une et l'autre avec la charte de Clovis, et l'histoire de Grégoire-de-Tours, conservant tout ce qui n'était pas en opposition avec ces documents.

Le Père de Jésus avait dit dans l'histoire de saint Mary : « Théodechilde a  pu venir en Auvergne ; mais qu'elle ait rencontré des hommes sauvages, comme  des faunes et des satyres, et ensemble ceste lionne avec ses petits dans la forêt de Mauriac, tout cela tient de la fable. » Ce passage avait inspiré au Père Laurent une prudente réserve, et il passe sous silence l'épisode de la lionne et des lionceaux.

La tradition, sous la plume de dom Laurent, perd sa naïveté ; il élague ce qui lui parait peu croyable; il arrange les faits pour qu'ils ne soient pas en opposition avec l'histoire; il fait de la critique, en un mot.

Nous nous abstiendrons de reproduire sa version; qu'il nous suffise de constater ici que le manuscrit du monastère, la chronique de Montfort et le récit de don Laurent diffèrent sur quelques points, mais s'accordent sur d'autres non moins essentiels : la conquête du territoire de Mauriac et la prise du château vieux par les Francs, la fondation du monastère et de l'église de Mauriac par une princesse du sang de Clovis.


CHARTE DE FONDATION DU MONASTERE DE ST-PIERRE-LE-VIF-DE-SENS, PAR CLOVIS.

Dom d'Yeppes, dans son histoire de l'Ordre de St-Benoit; le Père Labbe, dans ses Miscellanea euriosa; le Père Lecointe, dans les Annales ecclesiaslici Francorum , et enfin le Père Dominique de Jésus ont publié cette charte. Le Père Lecointe, t. 2, p. 48, en discute l'authenticité, et il démontre de la manière la plus évidente qu'elle est fausse et supposée; elle est datée de la troisième année après le baptême de Clovis, indiction première, l'an 500; or, l'an 500 ne correspond ni à la troisième année du baptême de Clovis, ni à l'indiction première. En effet, Clovis ayant été baptisé à la Noël de l'année 496, la troisième année après son baptême était l'année 499; l'indiction de l'an 500 était la huitième.

Clovis y fait don à Théodechilde, sa fille, des terres que le duc Basolus possédait dans l'Aquitaine, dans les provinces d'Auvergne, du Limousin et de Périgord; ce ne fut qu'après la bataille de Vogladen , c'est-à-dire en 507, que Clovis devint le souverain de ces provinces.

La charte est signée par saint Germain, évêque de Paris; par saint Médard, évêque de Noyon, et par saint Austregisile, archevêque de Bourges, qui ne furent élevés à l'épiscopat que beaucoup plus tard. Le premier, vers l'an 555; le second, en 530, et le troisième, en 614.

On donne à l'un d'entr'eux le titre d'archevêque, et à cette époque ce titre était inusité dans les Gaules. On trouverait encore d'autres preuves de fausseté dans le style et les formules qui ne sont pas do l'époque; mais celles que l'on a données sont tellement concluantes, qu'il est inutile d'insister.

Toute fausse qu'elle est, cette charte n'est pas sans valeur historique; la copie sur parchemin qui était conservée au monastère de Mauriac, et qui est aujourd'hui perdue, était fort ancienne. Pierre Soustre, notaire et archiviste, dans l’inventai!e des titres de Mauriac, et le baron de Tournemine à qui nous devons l'unique copie de cette charte qui se soit conservée, l'un et l'autre paléographes habiles, attestent qu'elle était de l'écriture du XII° siècle Elle contenait de plus que celles qui ont été publiées, le dénombrement des châteaux, des églises, des villas situées en Auvergne, dont Clovis dotait le monastère de Sens. Ce territoire formait un triangle limité d'un coté par la Dordogne, et des deux autres par la Rue et la Maronne; le puy Mary, qui formait le sommet de l'angle, est nommé dans la charte. Au-delà de la rivière de Rue, il n'est fait mention que de la chapelle de Bort, du village de Chanterie, en Limousin , que l'on comprend dans l'Auvergne, et du village de Granges. Il est à remarquer que Mauriac, ni aucun des villages de cette paroisse, qui ont toujours dépendu du monastère de Mauriac, n'y sont nommés; il est évident qu'on voulait faire croire qu'alors ils n'existaient pas et qu'ils devaient leur origine à l'établissement du monastère. On y fait mention de l'église dédiée à saint Bonnet, sans faire attention que le seul saint qui ait porté ce nom était évêque de Clermont, qu'il vivait au VII° siècle et qu'il est mort au commencement du VIII°, en 707, près de deux siècles après Clovis. Toutefois, en ne donnant à ce dénombrement que la date du XII° siècle, ce n'en est pas moins un des documents qui répand le plus de lumière sur la géographie historique de l'ancien archiprêtré de Mauriac au moyen âge; Il est encore intéressant sous le rapport philologique; on y voit l'ancienne forme des noms de lieu, et ou peut juger des modifications qu'ils ont subies dans l'espace de sept à huit siècles. Quoique dans le Dictionnaire on ait indiqué avec soin tous les lieux mentionnés dans la prétendue charte de Clovis, j'ai pensé qu'il serait utile de donner, dans une appendice, le dénombrement dans son ensemble, en indiquant, dans une première colonne, le nom du lieu tel qu'il est écrit dans la charte, et dans la seconde, le nom moderne avec celui de la commune où il est situé. J'ai eu pour cela deux raisons : c'est que les anciens noms ne sont pas rapportés dans le Dictionnaire, et que la ressemblance de quelques noms a fait considérer à tort quelques lieux situés hors de l'archiprêtré de Mauriac, comme étant mentionnés dans la charte. En groupant les noms suivant le rang qu'ils ont dans la charte, les erreurs ne seront plus possibles, car on remarquera que l'ordre géographique y est fidèlement observé


TESTAMENT DE THÉODÉCHILDE.

 

Cette pièce n'a pas été imprimée, à moins qu'elle ne l'ait été récemment; il en existait une copie du XIV° siècle, aux archives du monastère de Mauriac; elle est perdue. J'avais retrouvé quelques fragments de ce document important dans divers mémoires; j'en ai maintenant une copie entière que je dois à l'obligeance du savant archiviste de l'Yonne, M. Quantin.

On trouve dans cette charte plusieurs des caractères extrinsèques de l'époque mérovingienne; l'orthographe en est vicieuse, le style barbare; elle se termine par des imprécations jointes à une amende pécuniaire, qui sont bien dans les mœurs franques. Le testament n'englobe pas, comme la charte de Clovis, l'ancien archiprêtré de Mauriac presque tout entier; il comprend quelques manses qui, pour la plus part, ont toujours été dans les dépendances du monastère de Mauriac, et, sous ce rapport encore, elle est empreinte d'un caractère de sincérité. Enfin, Basolus n'y porte pas le titre de duc d'Aquitaine; c'est un certain homme appelé Basolus, « quidam homo nominatus Basolus » Cependant, ce titre n'est pas exempt de toute trace de falsification; il est daté de la neuvième année du règne de Clotaire, indiction 2°. Ce serait l'an 520 ; mais cette année correspondait à la 13° indiction. En outre, on nomme parmi les signataires, Médard, évêque de Noyons, qui ne fut élevé à la dignité épiscopale qu'en 555; enfin, on y parle de la vicaria Mariacense, et ce n'est qu'au VII° siècle que l'on trouve le nom de vicairie dans les titres.

S'il est impossible d'affirmer que cette charte est pure de toute interpolation, on ne doit pas en conclure qu'elle est fausse dans toutes ses parties; le fond en est vrai, et je partage complètement l'opinion de M. Quantin, qui la croit fort ancienne, sinon du commencement du VI° siècle. »

J'aurais désiré publier en son entier le testament de Théodechilde, mais cette publication n'aurait été utile qu'autant qu'elle aurait été faite en latin, et ce serait trop s'éloigner du plan de cet ouvrage, je me contenterai donc de donner dans l'appendice les noms anciens et modernes des lieux qui y sont cités, et de traduire ici un court passage de la charte.

Après avoir fait l'énumération des villas situées dans les environs de Sens, qua la reine Théodechilde donne pour la fondation d'un monastère dans le bourg de St-Pierre, elle ajoute : « Il nous a plu aussi de comprendre dans les présentes lettres de cession les biens qu'un certain homme appelé Basolus nous a donnés dans l'Aquitaine, pour racheter sa vie, afin qu'ils appartiennent en pleine propriété, et au nom de Dieu, au lieu sus-nommé (St-Pierre-le-Vif ). »

THÉODECHILDE.

 

D'après les documents et la tradition des monastères de St-Pierre-le-Vif et de Mauriac, Théodechilde aurait été fille de Clovis, et n'aurait pas été mariée.

Fortunatus a consacré deux pièces de vers à la reine Théodechilde; dans la première, sont les trois vers suivants:

 

Ecclesiae sacrae; te dispensante novaulur
Ipsa domum Chritli cundis el ille tuam;
Tu fabricas illi terris, dabit ille supernis…

Dans l'épitaphe de Théodechilde , il dit qu'elle était sœur, fille, épouse el petite-fille de rois; il rappelle ses fondations pieuses, notamment dans ce vers:

Templorum Domini cultrix, pia munera praebens.

Lors du premier partage de la monarchie franque , l'Austrasie, dans laquelle l'Auvergne fut comprise, échut à Thierry, et Grégoire-de-Tours (de gloria confasorum, cap. 41), nous apprend que la reine Théodechilde levait des tributs dans cette province.

En rapprochant ces passages d'auteurs contemporains, Mabillon a pensé que la pieuse princesse, louée par Fortunatus, était Théodechilde, fille de Thierry, roi d'Austrasie, qui fut mariée à Hermigiscle, roi des Warnes. Il pense aussi, avec Lecointe, que cette princesse est la fondatrice du monastère de Sens.

L'opinion de Mabillon nous parait justifiée, et nous l'adoptons; il faudrait, pour la combattre, des documents moins suspects que la charte de Clovis, le testament altéré de Théodechilde et la tradition à laquelle ils ont donné naissance.


BASOLUS.

Ce que l'on sait de certain sur Basolus, c'est qu'il avait des terres en Auvergne; qu'il s'était révolté contre les Francs; que , pour racheter sa vie , il s'était dépouillé de ses biens, avait pris l'habit de religieux dans le monastère de St-Pierre-le-Vif et y avait fini ses jours. Etait-il comte d'Auvergne ou duc d'Aquitaine? Cette question est moins facile à résoudre. D'après le testament de Théodechilde, qui est certainement le document le plus ancien où le nom de Basolus soit prononcé, il n'avait aucun titre; c'était un certain homme, « quidam homo. » Dans la charte de Clovis, dont on connaît la valeur, « c'est le duc Basolus, jeune, superbe, arrogant, maintenant humilié. » Clarius, dans sa Chronique de St-Pierre-le-Vif, écrite vers le milieu du XII° siècle, dit qu'il était comte d'Auvergne. Dans l'épitaphe de Basolus, rapportée par Justel, on lui donne le titre de duc d'Aquitaine. Ce titre lui est encore donné dans une autre épitaphe insérée dans une lettre du savant bénédictin don Victor Cotteron. Il est à remarquer que les titres de Basolus ont grandi avec le temps, et qu'il y a loin du certain homme du testament de Théodechilde au duc d'Aquitaine des épitaphes.

Si nous en venons à l'opinion des auteurs , Justel, l'un des plus anciens, n'hésite pas à le ranger parmi les comtes d'Auvergne et les ducs d'Aquitaine; mais il ne cite d'autre autorité que les chroniques de Sens et de Mauriac.

L'un des historiens les plus érudits et qui, de nos jours, a le plus approfondi l'histoire du midi de la France, Fauriel, s'exprime ainsi au sujet de Basolus (t. 2, p. 111): «  Les premiers actes connus de Thierry , comme souverain de l'Arvernie et des contrées adjacentes, semblèrent n'annoncer de sa part que des dispositions modérées et bienveillantes pour ses sujets aquitains. Il leur donna pour gouverneur ou pour duc Basole, personnage de race gauloise et probablement de Limoges, où l'on trouve, vers tes temps dont il s'agit, une famille de ce nom parmi les plus illustres et les plus puissantes du pays.

Il n'y a qu'un fait connu du gouvernement de Basole en Arvernie , mais un fait caractéristique , c'est une révolte générale de tout le pays contre Thierry. L'histoire ne nous donne aucun détail sur les apprêts ni sur les incidents de cette révolte. On voit seulement qu'elle fut étouffée à temps; que Basole, qui en était le promoteur, fut arrêté , et que Thierry, au lieu de le faire mourir, lui pardonna , à la condition qu'il se retirerait pour le reste de ses jours dans un monastère. »

M. Adolphe Michel, dans l'Ancienne Auvergne, s'est livré à une discussion approfondie des textes où il est parlé de Basolus. C'est bien certainement ce qui a été écrit de plus complet sur ce sujet. Mais M. Michel ne connaissait pas le testament de Théodechilde; et, quoiqu'il ait très-bien démontré la supposition de la charte de Clovis, il croyait cependant que tous les lieux qui y étaient énumérés faisaient partie des domaines de Basolus, qui se seraient étendus dans plusieurs provinces.

Malgré ces graves autorités, il nous parait douteux que Basolus ait été comte d'Auvergne et due d'Aquitaine. Nous avons pour cela quatre raisons principales. La première et la plus concluante, c'est que le testament de Théodechilde, qui est empreint des caractères de la vérité, n'aurait pas parlé en termes aussi méprisants d'un duc d'Aquitaine, même vaincu, surtout s'il avait tenu son pouvoir du roi Thierry. Une seconde considération nous a frappés : Grégoire-de-Tours, né en Arvernie, nomme quelques-uns des ducs qui avaient gouverné la province; il se tait complètement sur Basolus. Aucun document antérieur au XII°° siècle ne donne le titre de duc à Basolus. Enfin, les possessions situées en Limousin et en Auvergne, énumérées dans le testament de Théodechilde, ne sont pas en rapport avec la richesse d'un duc d'Aquitaine. D'après M. Fauriel, la révolte de Basolus aurait précédé celle que Thierry vint punir si cruellement en 531 ; mais cet historien ne cite aucune autorité à l'appui de son opinion. Grégoire-de-Tours, qui a narré avec assez de détail l'invasion de l'Arvernie par Thierry, n'en parle pas. Il n'est pas à présumer qu'un fait de cette importance lui eût échappé.

D'après nous, Basolus était un riche gallo-romain qui possédait auprès de Mauriac, sur les deux rives de la Dordogne, en Limousin et en Auvergne, des propriétés considérables; il prit part à la révolte qu'Arcadius avait fomentée dans l’Arvernie. Thierry, en allant assiéger Chastel-Merliac, l'attaqua dans le fort où il s'était retranché avec les habitants du pays. Il le fit prisonnier, lui fit grâce de la vie à la prière de sa fille Théodechilde, et donna à cette dernière une part de la terre conquise, dont faisaient partie les possessions de Basolus. Sans doute, notre opinion n'est appuyée sur aucun texte positif, mais elle nous semble plus en rapport avec l'histoire de cette époque et avec les textes qui méritent le plus de confiance.

Il nous reste à rechercher quel pouvait être le lieu où Basolus fut vaincu. Pour cela, nous serons encore réduits à des conjectures qui ne sont pas sans fondement, puisqu'elles s'appuient sur la tradition, sur des vestiges de fortification encore très-apparents et sur la dénomination du lieu où on les observe. Au mot Escouaillers, à la suite de cet article, nous décrirons avec détail ce qui reste du château vieux. Qu'il nous suffise, pour le moment, de dire que nous y avons reconnu les restes, sinon d'un château, du moins d'un camp retranché. Ce serait donc au château ou dans le camp d’Escouaillers, que le peuple désigne sous le nom de vieux château, que Basolus aurait été fait prisonnier.


MONASTÈRE.

 

La date précise de la fondation du monastère de Mauriac n'est pas connue; on sait seulement qu'il fut doté des biens donnés à l'abbaye de St-Pierre-le-Vif par la reine Théodechilde. Sa fondation dut suivre de près celle de l'abbaye. On avait besoin d'administrer les possessions considérables délaissées par Basolus; il fallait en percevoir les redevances ; la distance qui séparait Sens de Mauriac rendait cette administration très-difficile. On dut donc, dès l'origine, y envoyer quelques religieux et y fonder un monastère. Ainsi s'explique la tradition qui veut que Théodechilde ait été la fondatrice du monastère de Mauriac.

D'après la chronique de St-Pierre-le-Vif-de-Sens, le monastère aurait été édifié sous le règne de Louis-le-Débonnaire par Hieremias, archevêque de Sens; mais on sait que, dans les anciens titres, le mot édifier ne se rapporte pas toujours à une fondation, et que très-souvent il s'applique à la reconstruction ou à la restauration d'un monastère. C'est dans ce dernier sens que l'on doit, à notre avis, interpréter le passage de la chronique de Sens, dont voici la traduction:

a L'archevêque Jérémie édifia dans l'Aquitaine un monastère en l'honneur de St-Pierre, au lieu appelé Mauriac, et sur le propre fonds que Théodechilde, fille de Clovis, et Basolus, comte d'Auvergne, avaient délaissé à St-Pierre-le-Vif pour l'amour de Dieu et pour la subsistance des moines. Il changea le nom de Mauriac en celu de Noviacus; il édifia ce monastère à la prière de Frodbert, abbé de St-Pierre-de-Sens, pour mettre un terme aux usurpations que les hommes du pays commettaient sur les terres et les domaines de St-Pierre, dont ils faisaient leur propriété; il y établit des moines réguliers de l'église de St-Pierre-de-Sens, pour y vaquer au service divin et afin que ce lieu ne fût pas entièrement dépouillé des terres et des domaines qui lui restaient, et que le monastère demeurât à perpétuité sous la garde de l'abbé Frodbert et de ses successeurs, qui auraient à l'avenir, comme ses prédécesseurs l'avaient eu par le passé , le gouvernement des villas et des églises situées en Aquitaine, dans l'Auvergne et le Limousin. Le même Jérémie, archevêque, et Frodbert, abbé, demandèrent à Louis-Auguste qu'il leur accordât des lettres de privilège, soit pour le monastère de Mauriac, soit pour toutes les dépendances de St-Pierre-de-Sens ; ce qui leur fut accordé. D’archery, Spicit., t. 2, p. 710.)

Malgré les recherches que nous avons pu faire, il nous a été impossible de retrouver le diplôme de Louis-le-Débonnaire; mais, grâce à l'obligeance de M. Quantin, nous pouvons mettre son existence hors de doute. Nous citons textuellement la note que le savant archiviste nous adressait le 24 avril 1851.

L'inventaire des archives de l'archevêché de Sens, écrit au XVII° siècle, fait mention du privilège de Louis-le-Débonnaire pour l'année 827, 9 mai; il en donne cette analyse:

« Confirmation accordée par Louis-le-Débonnaire à Hieremias, archevêque, des privilèges donnés par lui-même et par ses prédécesseurs aux archevêques, pour l'église de Sens , les monastères de Ste-Colombe , St-Pierre , St-Jean , St-Héracle, etc., et pour le monastère qu’Heremias a fait bâtir au-delà de la Loire. »

En rapprochant le sommaire de l'inventaire de la chronique de St-Pierre, il ne peut pas s'élever de doute que le monastère bâti au-delà de la Loire n'était autre que le monastère de Mauriac. Son existence dans la première moitié du IX° siècle est donc constatée. Les usurpations dont se plaint le chroniqueur de St-Pierre avaient dû se manifester peu de temps après la donation de Théodechilde, et rendre nécessaire le premier établissement du monastère; elles avaient du devenir plus nombreuses pendant la lutte entre les ducs d'Aquitaine et les rois de la seconde race. Plus tard, Sens et Mauriac avaient fait partie de royaumes différents. La suprématie de St-Pierre-le-Vif n'était plus que nominale; le monastère érigé au VI° siècle étant peut-être ruiné , il y avait nécessité de le rétablir, de le replacer sous la dépendance de St-Pierre-de-Sens, et d'obtenir une charte de privilège qui sanctionnât les droits de l'abbaye. C'est ce qui fut fait vers l'année 827, ainsi que nous venons de le dire.


CHAMP DE SÉPULTURE, VESTIGES D'HABITATIONS DE L'ÉPOQUE GALLO-R0MAINE.

Pour ne pas interrompre notre récit, nous n'avons pas parlé des restes d'anciens monuments qui ont été découverts à Mauriac dans le cours de ce siècle. Ces restes sont sans doute peu importants; on me permettra cependant de les décrire avec quelque détail. L'avenir nous réserve très-certainement d'autres découvertes; elles viendront compléter celles qui se sont faites de nos jours- Mais, pour que l'on puisse en tirer des inductions et reconstruire en quelque sorte l'ancien vicus de Mauriac, il est nécessaire de décrire avec une minutieuse exactitude les restes de bâtiments ou les objets antiques que le hasard a fait découvrir. Ce n'est qu'à cette condition qu'une description archéologique peut être utile.

Dans la banlieue de Mauriac, les fragments de tuiles romaines ne sont pas rares. J'en ai trouve dans le pâturage appelé Pré-Mergue , section D, n°167 du plan cadastral; dans le pré de Laboal, même section , n° 5 , et dans le jardin faisant autrefois partie du Pré-Celerier, n° 271, section G. Ils sont surtout nombreux au puy Senaillac , autrefois Seraillac , qui faisait partie des communaux de la ville, partagés en vertu de la loi du 10 juin 1793; ils s'y trouvent mêlés à des poteries antiques et à des terres cuites de diverse nature. Je possède une monnaie d'Antonin-le-Pieux , trouvée dans le jardin de M. Rousselot, au-dessous du cours Monthyon.

Une note de mon père, alors sous-préfet de Mauriac, constate qu'au commencement de ce siècle, en défonçant le cimetière actuel, les ouvriers trouvèrent deux vases en verre vert, qui avaient la forme de bouteilles carrées avec des anses; quatre autres vases en verre de même forme, mais plus petits, furent découverts dans le même lieu. M. Brunon, conservateur des hypothèques à Mauriac, les acheta; ses héritiers, auprès desquels j'ai pris dans le temps des informations, ignorent ce qu'ils sont devenus.

Le 15 février 1838, les ouvriers occupés à défoncer la partie sud-est du même cimetière, trouvèrent une espèce de puits taillé dans le tuf, ayant 1 mèt. 33 cent, de profondeur, et dont le diamètre était, dans un sens, de 66 cent., et, dans l'autre, de 49 cent.; au fond, était un bloc de trachyte à surface plate, sillonnée par des raies droites et irrégulières, semblables à celles que trace le soc de la charrue; au-dessus, était une couche assez épaisse de terre grasse et onctueuse, mêlée à des charbons. Une dalle de basalte recouvrait ces débris.

Au mois d'avril 1851, les travaux de défoncement furent continués; je les surveillais avec attention. On découvrit, dans la partie méridionale, un vase en poterie grossière rouge ; il ne lui manquait pour être entier que l'anse, qui avait été brisée avant qu'il ne fût enfoui; il a 10 centimètres de haut, et ressemble par sa forme aux vases funéraires trouvés dans d'autres parties de la France; à côté, étaient la moitié d'une urne et les trois-quarts d'une soucoupe qui avait servi à la recouvrir. Ces objets sont en ma possession.

Les vases dont nous venons de parler étaient en tout semblables à ceux qui ont été employés aux sépultures jusqu'au III° siècle de l'ère chrétienne. Les cendres des riches étaient renfermées dans des urnes en verre, en terre sigillée; celles des pauvres étaient conservées dans des vases plus grossiers; souvent elles n'étaient recouvertes que par une simple tuile, un tesson ou une dalle de basalte, comme on vient de le voir. Ainsi, par une coïncidence fortuite, ce petit coin de terre où reposaient les cendres oubliées des premiers habitants de Mauriac devait, quinze siècles plus tard, être rendu à sa destination première.

Des découvertes non moins intéressantes ont été faites dans l'intérieur de la ville. Je ne rappelle que pour mémoire quelques fragments de tuiles romaines trouvés lors de la construction de la maison Courboulès, rue St-Georges, appartenant aujourd'hui à M. Robert, procureur impérial.

Au mois de juillet 1838, le sieur Veyssier, libraire, fit exécuter des fouilles sur la partie occidentale de la nef de l'ancienne église des Bénédictins, pour y bâtir une maison placée à l'angle de la place de l'Hôtel-de-Ville et de la rue du Collège. Le pavé de l'église reposait sur une couche d'argile rouge, .qui y avait été sans doute placée pour prévenir le tassement inégal du pavé et l'asseoir plus solidement, peut-être aussi pour arrêter les émanations des corps ensevelis dans l'église. Un peu au-dessous du pavé , on trouva une tombe en pierre de taille, moins large vers les pieds que vers les épaules, à l'extrémité de laquelle on avait ménagé un espace carré pour recevoir la tète; elle était recouverte par une dalle de basalte. On trouva dans l'intérieur des ossements et des lambeaux d'une étoffe de soie très-forte et dont la couleur était altérée.

Le sol était composé, jusqu'à une profondeur de 2 m. à 2 m. 35 c., de débris de moellons, de pierres de taille, argile , de charbons, de fragments de bronze fortement oxidés, d'une assez grande quantité de briques et de tuiles à rebord. On y trouva un bloc de ciment composé de chaux et de fragments de briques, en tout semblable à celui des aires gallo-romaines. A 2 mètres de profondeur, on découvrit le soubassement d'un mur qui se dirigeait du nord au midi et qui était évidemment antérieur à l'église; il était composé de rares fragments de basalte noyés dans un ciment d'une extrême dureté, fait avec de la chaux et du sable quartzeux blanc, tel qu'on le trouve mêlé à l'argile de nos terrains tertiaires. Celui qui avait été employé à la construction de l'église était tout différent: c'était du sable do rivière mêlé de parcelles micacées et même de parcelles de roches volcaniques.

Auprès de ce mur était une assez grande quantité de charbons de bois, restes sans doute d'un incendie. Ce mur était à l'est de la maison Veyssier.

A l'ouest, à 5 mètres de profondeur, deux tombes creusées dans le tuf et au-dessous du niveau des fondements de l'église, contenaient des squelettes humains et profondément altérés. La position de ces tombes me porta à les considérer comme antérieures à l'église.

Dans les mois de mai et de juin 1851, l'ancienne halle, située sur la place de l’hôtel-de-Ville, a été démolie. On a trouvé dans les fondations, à 1 m. 66 c. de profondeur, des cercueils creusés dans des troncs d'arbre, au-dessus desquels étaient plusieurs couches de cercueils en planche.

En faisant le nivellement de la place, rendu nécessaire par la démolition de la halle, on a trouvé de nombreux fragments de tuiles romaines et des morceaux de bronze oxidé. On découvrit aussi un tombeau qui contenait les restes de trois corps. I1 était construit en dalles de basalte, dont les unes, formant les côtés, étaient posées de champ, celles qui servaient da couverture étaient appuyées les unes contre les autres en forme de toit.

Les 4 et 5 octobre 1852, les fouilles opérées dans la rue du Collège pour la construction d'un égout partant de la maison de Mlle Violle, faisant autrefois partie du monastère et se terminant en face de la porte de l'église du collège, ont mis à découvert, à 4 ou 5 mètres de distance de la petite porte du collège, une grande quantité de tuiles romaines que j'ai évaluées à une demi-charretée. Ces tuiles, presque toutes brisées, étaient enfouies dans un terrain gras, onctueux, pénétré de matières animales. Au milieu de ces débris, les ouvriers ont découvert sous mes yeux un vase presque entier en poterie rouge fine, ayant la forme d'une assiette ou d'un plateau à rebords. La forme en est d'une grande correction, le vernis parfaitement conservé. A l'intérieur, on lit le nom du fabricant : LIBNVS F. (Libnus fecit). Ce nom n'est pas compris parmi ceux qu'ont cités M. Bouillet dans sa Statistique monumentale du Puy-de-Dôme, et M de Caumont dans son Cours d'antiquités monumentales.

J'ai recueilli des fragments de vases d'une forme différente, mais d'une poterie semblable; l'un d'eux, qui appartenait à une coupe, est entouré d'ornements en relief d'un bon dessin. J'ai trouvé aussi des fragments de poterie fine, noire, le fond d'un vase en poterie blanche et un morceau de vase en verre blanc , avec des ornements en relief. La veille du jour où je visitai ces fouilles, les ouvriers avaient enfoui divers morceaux de poterie portant en relief des figures qu'ils comparaient à des fleurs de lys.

Au nord du lieu où les tuiles étaient accumulées en plus grande quantité, on a découvert les fragments d'un mur se dirigeant de l’est a l'ouest et coupant la rue. Il était construit en blocages de basalte, noyés dans un ciment en tout semblable à celui dont nous avons déjà fait connaître la composition, en parlant des fouilles exécutées dans l'ancienne église des Bénédictins.

En remontant la rue et au nord de ce mur, la nature des débris n'était plus la même : à peine y trouvait-on quelques rares fragments de tuiles romaines; le tuf apparaissait à une moins grande profondeur. Les 9, 10 et 11 octobre, les fouilles ayant été continuées, on a découvert huit tombeaux inégalement espacés et enfouis à des profondeurs différentes; ils étaient tous creusés dans des troncs de chêne divisés en deux parties égales qui étaient, l'une et l'autre, creusées comme des taupiers, d'après la comparaison fort juste des ouvriers. Ces tombes étaient toutes orientées les pieds du corps étaient à l'est, la tête à l'ouest. Le cercueil s'élargissait considérablement vers la tête et allait en diminuant du côté des pieds. Sept de ces cercueils ont été fouillés; on n'y a trouvé que des ossements dont la décomposition était fort avancée. Dans l'un d'eux, on a recueilli des restes de vêtements en laine et de brodequins en cuir.

L'évêque Guillaume Durand (Rationale dioini Officii, lib. vu, di Officio mortuorum), cité par M de Caumont, s'exprime ainsi en parlant des sépultures: «  On ne doit pas revêtir les corps de leurs habits ordinaires, comme cela se pratique en Italie. Selon quelques-uns, il faut leur attacher des brodequins aux jambes, afin qu'ils paraissent tout disposés pour le Jugement dernier. »

Les fouilles dont on vient de parler n'ont été exécutées que vers le milieu de la rue et sur une largeur d'environ un mètre. On ne peut pas douter que, si elles avaient été plus complètes, on aurait découvert beaucoup d'autres objets curieux.

Lors de la construction de l'hôtel-de-ville, on trouva, en creusant les caves et les fondations jusqu'à la profondeur de 6 mètres, un terrain meuble, gras, dans lequel étaient plusieurs couches superposées de cercueils en bois dont quelques uns avaient été creusés dans des troncs de chêne. On en a trouvé de semblables entre l'ancienne halle et l'ancienne église des Bénédictins, sur la place actuelle de l'Hôtel-de-Ville. On en avait découvert encore, en 1834, lors de la construction de la maison de M. Deydier, marchand épicier, dans la rue allant de l'église à la porte St-Mary.

Afin de présenter dans leur ensemble les découvertes faites dans l'enceinte de la ville de Mauriac, nous n'avons pas distingué les monuments de l'époque galloromaine de ceux du moyen âge. Il nous reste à en faire la classification chronologique.

Les tuiles à rebord, les poteries sigillées, les fondements de murs que nous avons décrits appartiennent à l'époque gallo-romaine et prouvent que Mauriac avait des habitants avant l'établissement de la monarchie franque. Il est à remarquer que les vestiges d'habitations romaines se trouvent auprès ou dans l'enceinte de l'ancien monastère. On sait qu'un assez grand nombre d'édifices religieux furent construits sur des ruines de monuments élevés par le paganisme. Le monastère de Mauriac et son église avaient-ils été bâtis sur les ruines d'un temple dédié à Mercure, ainsi que le veut la tradition? Je l'ignore. Ce qui me paraît certain, c'est qu'à la place où ils furent élevés, il avait existé des constructions dues à la civilisation antique. L'archéologie vient donc en partie à l'appui de la tradition et lui donne une sanction inattendue.

Les tombes de diverses espèces, découvertes dans l'intérieur de la ville, appartiennent toutes au moyen âge Elles occupaient la place entière de l'Hôtel-de-Ville, l'emplacement de l'hôtel-de-ville lui-même, une partie de la rue du Collège, et s'étendaient jusqu'à la porte St-Mary. Les sarcophages en pierre trouvés dans les mêmes lieux, et les cercueils creusés dans des troncs d'arbre me paraissent remonter aux époques les plus reculées du moyen âge. Il est parlé de ces derniers dans la loi salique, sous le nom de Noffus ( Ducange. ) L'usage d'inhumer dans des cercueils en pierre avait succédé à la coutume de brûler les corps. Dès les premiers temps du christianisme, on se servit de coffres en pierre, les familles des décédés n'étant pas toujours assez riches pour acheter des cercueils aussi coûteux; on les taillait dans des troncs d'arbre. Ce ne fut que plus tard qu'on se contenta de cercueils en planche. Il est assez difficile de déterminer l'époque à laquelle on cessa d'employer les troncs d'arbres pour les sépultures; mais leur position au-dessous de plusieurs couches de cercueils en planche, semble établir que cette époque est fort reculée. Il résulte en outre, de divers documents, qu'au commencement du XVI° siècle au plus tard, l'ancien cimetière de Mauriac n'occupait que le quart environ de la place actuelle de l'Hôtel-de-Ville, et dans cette partie on n'a trouvé aucun cercueil semblable à ceux dont nous parlons.

Il est à remarquer que le cimetière a occupé, à diverses époques, un espace considérable et hors de proportion avec l'enceinte de l'ancienne ville; on pourrait expliquer ce fait en admettant que depuis plusieurs siècles la population de Mauriac a été considérable. Mais cette explication ne nous parait pas suffisamment justifiée; il en est une autre qui nous satisfait davantage.

On connaît en France, non seulement auprès des villes anciennes, telles qu'Arles, Sens, Autun, mais dans des localités moins importantes, de vastes cimetières; ils n'étaient pas seulement réservés aux morts de la paroisse, on y inhumait encore ceux qui y avaient choisi leur sépulture, à cause des saints personnages qui y étaient inhumés, ou des reliques qui étaient conservées dans les églises voisines. Un historien contemporain raconte qu'au XII° siècle, les villes situées sur les bords du Rhône envoyaient leurs morts pour être inhumés au cimetière d'Arles. Sans doute la réputation du cimetière de Mauriac ne s'étendait pas dans un rayon aussi étendu.

Cependant, dans ces siècles de foi, bon nombre d'habitants de la contrée durent manifester la volonté d'être ensevelis près des lieux où les corps de saint Mary et de saint Quinidius étaient conservés, près de l'église où l'on rendait à la Mère de Dieu un culte solennel, et c'est ainsi que le cimetière prit à Mauriac des proportions qui n'étaient pas en rapport avec la population de la paroisse.


TIERS DE SOL D'OR FRAPPÉ A MAURIAC

 

Nous donnons la description de ce triens d'après un article de notre savant compatriote M. Conbrouse, inséré dans la Revue numismatique de l'année 1846.

Au droit est une tête à courte chevelure, ornée d'un bandeau perlé, avec cette légende parfaitement lisible : MAVRIACO VIC; au revers : BERTO... DVS MO. Sigles : AR. (ArvernA) posés sur une base dentelée et surmontée d'une petite barre horizontale. Ce tiers de sol, qui avait d'abord appartenu à M. Conbrouse, lait aujourd'hui partie du cabinet des médailles de la bibliothèque impériale.

La légende du droit et le type auvergnat disent d'abord que ce trient a été frappé à Mauriac sous la première race; mais à quelle époque de cette période? Telle était la question que s'était posée M. Conbrouse et qu'il croit ne pas pouvoir résoudre dans l'état actuel de la science. .

Le journal le Moniteur du Puy-de-Dôme a fait mention d'une note lue à l'académie de Clermont par M. Largé, ancien inspecteur de l'académie, sur un autre triens qu'il attribue à Mauriac.

M. Conbrouse terminait son article par un passage qu'il nous importe de citer: « Le rapide aperçu historique et numismatique qui précède suffira, disait-il, pour faire apprécier le double intérêt que présente le trient de Mauriac. Notre  découverte constate en effet, par un monument contemporain, l'existence d'une ville de la Haute-Auvergne sous la première race, et donne enfin à cette province un monétaire qu'on ne peut lui contester. »


TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT MARY.

 Il ne peut pas entrer dans notre plan de donner ici la vie de saint Mary et l'histoire des miracles opérés par son intercession. Ceux qui voudraient en prendre une connaissance plus complète, pourront consulter le père Dominique de Jésus (Histoire des saints de la Haute-Auvergne), et le recueil des Bollandistes qui ont publié la vie de saint Mary, d'après le manuscrit du XII° siècle qui était conservé dans les archives du monastère de Mauriac. Il nous suffira de constater que dès le XI° siècle le culte de saint Mary était célèbre dans toute l'Auvergne, et qu'il s'étendit dans les provinces voisines du Limousin et du Quercy. Vingt-sept églises, chapelles et autels lui furent dédiés ou consacrés. Il y en avait douze dans le diocèse de Clermont, onze dans le diocèse de St-Flour, une chapelle dépendant de l'abbaye de Bonnesaigne lui était dédiée en Limousin, une autre dans les faubourgs de Cahors, et une troisième à Villesèche, en Quercy. Un autel lui était consacré à St-Pierre-le-Vif-de-Sens.

Nous citerons parmi les églises du diocèse de Clermont où saint Mary était l'objet d'un culte particulier, l'église collégiale de St-Pierre-de-Clermont, Notre-Dame-du-Port de la même ville, St-Saturnin (Puy-de-Dôme), Orcet, Colamines, le Breuil. La chapelle du château d'Apchon était dédiée à St-Mary.

Dans le diocèse de St-Flour, les églises de St-Mary-le-Creux, de St-Mary-le-Plain, de St-Mary-de-la-Besseyre, la chapelle de St-Mary, près de Marcolès, lui étaient dédiées ; des autels lui étaient consacrés dans la cathédrale de St-Flour. a St-Julien-de-Brioude, à St-Julien-de-Fiz, à Molèdes, etc.

Les reliques d'un saint dont le culte était aussi répandu, attiraient dans le lieu où elles étaient vénérées un grand nombre de pèlerins, et, à ne considérer les choses qu'au point de vue purement temporel, ces pèlerinages donnaient lieu à des échanges, à un commerce d'autant plus importants que le nombre des pèlerins était plus considérable. C'est sans doute à ces réunions que nos foires les plus anciennes doivent leur origine. Elles se tenaient et se tiennent encore le jour de la fête du patron ou les jours suivants. Je pourrais en citer un grand nombre; je n'en nommerai que deux, celles de St-Géraud et de St-Mary.

L'auteur anonyme d'une vie manuscrite de St-Mary, écrite dans la première moitié du XVII° siècle, en parlant de sa fête, dit : « Qu'elle est non seulement célèbre en dévotion, mais encore illustre en une foire des plus belles et renommée de toute la province; car elle est abondante en toute sorte de denrées et marchandises de diverses provinces, voire les plus éloignées, et en la vente de toute sorte de bestail. » 

La translation des reliques de saint Mary est, après l'établissement du monastère, l'un des événements les plus importants dans l'histoire de notre modeste cité, et elle ne contribua pas peu, en son temps, à son développement et à sa célébrité. L'ancienne vie de saint Mary nous apprend qu'une noble dame, nommée Ermengarde, voyant avec peine qu'où ne rendait pas aux reliques de notre saint un culte assez solennel dans l'église de St-Mary-le-Creux, les fit transporter en grande pompe dans le monastère de Mauriac; elle assista elle-même à la translation, accompagnée d'un grand nombre de chevaliers.

Peu de temps après cette translation, on bâtit sur une colline qui domine la ville et que l'on voit de dix à douze lieues à la ronde, une chapelle dédiée à la Vierge et à saint Mary; elle fut consacrée par un évêque de Clermont, nommé Etienne, qui s'y rendit accompagné d'un clergé nombreux et de la noblesse du pays.

L'ancienne vie de saint Mary n'indique ni l'année, ni le siècle où la translation fut faite et la chapelle édifiée; on ne peut donc fixer qu'une date approximative; ne perdons cependant pas de vue que le manuscrit où ces deux événements sont mentionnés est du XII° siècle, et que l'auteur en parle comme de choses déjà anciennes.

Le père Dominique de Jésus a cru pouvoir attribuer la translation des reliques de saint Mary à Ermengarde de Rochedagoux, et fixer la consécration de la chapelle à l'année 1050.

Ermengarde de Rochedagoux appartenait à une noble famille; elle avait donne des biens considérables à l'église; elle vivait du temps d'Etienne V, évêque de Clermont. Un évêque de ce nom avait consacré la chapelle du Puy-St-Mary. Le rapprochement de ces faits certains semble justifier la conjecture ingénieuse du père Dominique de Jésus, et il faudrait peut-être s'y arrêter si, dans le même siècle, il n'avait pas existé en Auvergne une très-noble dame du même nom, qui était contemporaine d'un évêque portant le nom d'Etienne.

C'était Ermengarde d'Arles et de Toulouse, femme de Robert 1er, comte d'Auvergne, et sœur de la reine Constance, épouse du roi Robert ; elle vivait à la fin du X° siècle et au commencement du XI°. Nous trouvons à la même époque deux évêques du nom d'Etienne : Etienne III, qui fut évêque depuis 1010 jusqu'en 1013, et Etienne IV, qui occupa le siége de Clermont depuis 1015 jusqu'en l'année 1024. La comtesse d'Auvergne méritait sans doute, mieux qu'Ermengarde de Roche Dagoux, la qualification de très-noble que lui donne la vie ancienne de saint Mary; et on n'est pas étonné que, lorsqu'elle fit opérer la translation des reliques, elle fut accompagnée d'un grand nombre de chevaliers (ingenti mullitudine militum). Une suite aussi brillante était plus en rapport avec la position d'une comtesse d'Auvergne, sœur de la reine de France, qu'avec celle d'une dame de Roche-Dagoux. On pourrait donc, à notre avis, reculer jusqu'aux premières années du XI° siècle la translation du corps de saint Mary et la construction de la chapelle qui lui fut dédiée.

Le corps saint reposait pendant neuf mois dans la chapelle de l'église du monastère. Le dimanche qui précédait le 8 juin, les religieux, suivis du peuple et du clergé, portaient la chasse dans l'église du Puy-St-Mary; elle y demeurait jusqu'au premier dimanche de septembre. Ce jour-là, le clergé de Mauriac, les curés et les habitants des paroisses d'Anglards, de Salins, du Vigean, de Sourniac, de Jalleyrac, d'Arches et de Chalvignac se rendaient en procession à l'église du Puy-St-Mary. Tous les ans, chacun des curés des sept paroisses y célébrait la messe à son tour el selon son rang. Le Saint-Sacrifice terminé, on prenait la châsse du saint, on la portait processionnellement dans la ville. Les religieux, de leur côté allaient au-devant de la procession jusqu'à l'église de Notre-Dame-des-Miracles; là , le curé de Mauriac remettait la châsse aux religieux qui la déposaient dans la chapelle du monastère , où les saintes reliques étaient vénérées de nouveau. Les cérémonies terminées, le trésorier du Monastère donnait à dîner aux sept curés ou vicaires des paroisses voisines, accompagnés chacun de deux hommes, dont l'un avait porté la croix et l'autre la bannière.

L'auteur anonyme que nous avons déjà cité parle en ces termes du culte rendu à saint Mary: « Les sacrées reliques de ce glorieux saint estant en la chapelle de la susdite colline, y sont souvent visitées, tant des habitants de la ville et paroisse que des pays circonvoisins Durant l'espace de trois mois qu'elles y demeurent, on y fait dire plusieurs messes les jours de feste, voire mesmes les jours ouvriers; on y fait d'ailleurs, pendant ce temps, plusieurs dévotions et divers dons, non seulement d'argent, mais encore de cire, de fromages et de grains. Les paysans, en outre, de la susdite paroisse de Mauriac ont accoutumé de s'assembler tous les derniers dimanches d'août, et chasque année, en ladicte chapelle, et y célèbrent en particulier une feste en l'honneur du saint, qu'on appelle la Feste des Pagis ou des Paysans , qui a toujours deuement continué tous les ans depuis l'institution d'icelle. »

Cette fête s'est maintenue ; célébrée avec moins de solennité, elle est demeurée la fête des villageois et a conservé son ancien nom.

Pour donner une idée de la foi des populations, je citerai un dernier passage de l'auteur anonyme de la Vie de saint Mary: « On avait accoutumé de poser la châsse des reliques de ce bienheureux confesseur, en entrant dans la chapelle et sortant d'icelle durant les processions , sur une grande pierre qui estait près de l'entrée du chœur, du costé gauche, qui a esté rompue et emportée à petits morceaux par la dévotion du peuple , d'autant qu'elle guérissait des fièvres et des douleurs de tête; et continue-t-on encore (l'auteur écrivait en 1644) toujours d'en ronger et emporter de petits lopins, les jours des célébrités et festes du saint, tellement qu'il n'en reste plus rien que ce qui est dans la terre; mesmes j'ai veu souventes fois diverses personnes, ès-susdits jours, qui tâchaient de reposer leur teste sur ladite pierre et de s'endormir sur icelle. »

La chapelle, consacrée au commencement du XI° siècle, avait été reconstruite; le chœur a été démoli il y a environ vingt ans. La forme de quelques nervures qui restent encore et l'écusson de la famille du Fayet de Latour, qui était sculpté sur l’une des clefs de la voûte, font présumer que cette reconstruction avait eu lieu vers le milieu du XV° siècle, par les soins de Guillaume du Fayet, trésorier en 1443.

En 1574, lors de la prise de la ville de Mauriac par les huguenots, le toit et les lambris de la chapelle du Puy-St-Mary furent détruits; l'autel seul était couvert. Elle demeura dans cet état pendant soixante-dix ans. Le toit et les lambris furent rétablis, en 1644, par dom Rupert Lavialle de Surgères, prieur du monastère.

Pendant la révolution, la chapelle fut vendue nationalement et transformée en une maison qui sert de taverne les jours de foire de St-Mary. Le buste du saint qui décorait l'autel a été sauvé et conservé par les propriétaires de l'ancienne chapelle. Chaque année, le jour de la foire, il était exposé à la vénération des fidèles. Il Y a doux ou trois ans, on s'aperçut que les offrandes, assez nombreuses encore, ne tournaient pas au profit du culte, et, par une mesure administrative qu'on ne peut que louer, la statue fut portée à la sacristie de l'église de Notre-Dame, où elle est encore.


TROUBLES DANS LE MONASTÉRE.

 XII° Siècle. — Depuis son rétablissement, au IX° siècle, le monastère était demeuré sous la dépendance de l'abbé de St-Pierre-de-Sens, qui y exerçait le droit de visite , imposait des règlements et confirmait la nomination des doyens. En 1096 , au mois de juillet, Hermuin, abbé de St-Pierre-le-Vif, mourut à Mauriac dans le cours de sa visite; il fut remplacé par Arnaud. Ce dernier, voyant que les liens qui unissaient le monastère de Mauriac à l'abbaye de Sens tendaient à se relâcher; que les religieux de Mauriac cherchaient à se soustraire à la dépendance de St-Pierre-le-Vif et à s'affilier à la Chaise-Dieu ou à Cluny , se rendit à Rome, muni de lettres de recommandation des archevêques de Sens et de Lyon et d'Hugues, abbé de Cluny , et il obtint du pape Paschal une bulle qui confirmait tous les privilèges de l'abbaye de St-Pierre et plaçait ses possessions sous la protection du siége apostolique ; elle est datée du 4 des ides de novembre, indiction 2°, la cinquième année du pontificat de Paschal second, correspondant à l'année 1104. Nous donnons la traduction de la partie de cette bulle qui concerne le monastère de Mauriac, d'après la copie qui nous a été adressée par M. Quantin: « Nous voulons que le monastère établi à Mauriac, en Auvergne, avec toutes ses possessions, demeure à perpétuité sous la juridiction (sub jure) et dans la dépendance (sub ditione) de votre monastère (la bulle est adressée à l'abbé de St-Pierre). Nous faisons défense à tout homme de troubler ledit monastère dans ses possessions, de les lui enlever, de retenir les choses données ou offertes, de les diminuer, d'exercer contre les religieux de téméraires vexations, voulant que le tout soit conservé intégralement sous le gouvernement et pour l'usage de ceux auxquels ces choses ont été concédées. »

Muni de cette bulle, Arnaud se rendit, au mois d'avril suivant, en la ville de Troyes où Richard , évêque d'Albano, tenait un concile. Il y fut donné lecture de la bulle du Saint-Père; les privilèges qui y étaient contenus furent confirmés par tous les assistants. Arnaud obtint encore la déposition de Gausbert, doyen de Mauriac et moine de la Chaise-Dieu, qui s'était montré désobéissant et rebelle, et il le remplaça par un religieux de son abbaye, appelé Pierre de St-Baudry ou Baudier (de sancto Balderio).

L'abbé avait pris un doyen de son choix; la dépendance du monastère de Mauriac avait été confirmée par une bulle du Souverain-Pontife; il semblait donc que tout germe de discorde était éteint; il n'était pas présumable que ce même doyen choisi par Arnaud manquât à l'obéissance qu'il lui devait, prit pour complices de sa révolte la noblesse du pays et le peuple de Mauriac, et trouvât dans J'autorité diocésaine, sinon une protection ouverte, du moins une force d'inertie qui paralysait l'action de l'abbé de St-Pierre. C'est cependant ce qui arriva. La désobéissance se transforma en révolte, le sang coula, l'église du monastère fut interdite ; l'excommunication vint frapper les complices du doyen, et il ne fallut rien moins que la double puissance du roi et du légat du Saint-Siége pour rétablir l'ordre si profondément troublé. Le moine Clarius, témoin de ces graves événements, les a racontés avec détail dans sa Chronique de St-Pierre-le-Vif-de-Sens, sous les années 1109 et 1110. Nous reproduisons sa narration, en empruntant la traduction de M. Adolphe Michel (Ancienne Auvergne, t. 1, p. 209). Nous n'aurions pas pu faire aussi bien.

Un chapelain de Mauriac avait eu les yeux arrachés par ordre du doyen, Pierre-de-Saint-Baudier, supplice affreux qui lui avait été infligé par un pur esprit de vengeance. Ce malheureux prêtre, quelque temps auparavant, était allé à Sens pour dénoncer à l'abbé l'inconduite et les mauvais procédés du doyen et de ses moines, et pour lui demander justice sur les griefs dont il avait à se plaindre personnellement. L'abbé Arnauld, ayant reconnu que ces réclamations étaient fondées, avait envoyé l'ordre au doyen de faire au chapelain toutes les réparations qui lui étaient dues. Le doyen avait répondu à cette injonction en faisant saisir le malheureux prêtre par les hommes d'armes du château de Claviers, qui le jetèrent dans un cachot et lui firent subir la cruelle opération dont nous avons parlé.

« C'était un audacieux défi jeté à l'autorité de l'abbé de St-Pierre, une manière aussi insolente que barbare de briser le joug qui rattachait le monastère auver-" gnat à l'abbaye franque, et de proclamer l'indépendance du premier. Arnauld, en apprenant la conduite du doyen de Mauriac, en comprit toute la portée; il se rendit en toute hâte à Cluny, où séjournait alors le légat apostolique, Richard, évêque d'Albano; il invoqua l'intervention de son autorité pour faire rentrer dans le devoir le doyen révolté et les moines associés à sa révolte. Le légat donna aussitôt mission à l'évêque de Clermont de ramener ces fils rebelles de l'église tous le joug de l'obéissance canonique, en les frappant du glaive de l'EspritSaint. Quant aux auteurs de l'acte de barbarie commis sur la personne du chapelain, les laïcs devaient être excommuniés et les clercs interdits.

L'évêque ne se pressa point d'obtempérer à ces prescriptions du légat, ce qui obligea l'abbé de Saint-Pierre de venir à Mauriac et de tenter un moyen de conciliation. L'affaire fut déférée à un conseil de famille, composé de dignitaires de l'ordre de Saint-Benoit, savoir : l'abbé de Saint-Géraud, d'Aurillac ; celui de Saint-Martin, de Tulle, et Raoul, prieur de la Chaise-Dieu. Le doyen se présenta devant ce tribunal, escorté d'un grand nombre de chevaliers et de laïcs. L'archiprêtre, Pierre de Saignes, qui avait reçu les instructions secrètes de l'évêque, lui servait de conseil; il lui suggéra de décliner la compétence des arbitres et de réclamer le jugement de l'évêque. L'abbé, s'appuyant des antiques privilèges de son ordre, combattit avec force ce déclinatoire; mais le doyen s'étant retiré, Arnaul le déclara contumace et rebelle, ainsi que ses adhérents, et leur défendit de rentrer dans le monastère.

s Le doyen et ceux des moines qui s'étaient associés à sa révolte (la chronique que nous suivons assure qu'ils n'étaient qu'au nombre de quatre), ne rentrèrent pas moins dans le cloître; et s'ils en sortaient, c'était pour tenir des conciliabules avec les seigneurs de Claviers, de Montclar, de Salers et de Scorailles, que le doyen avait mis dans ses intérêts, en promettant de les enrichir aux dépens du prieuré de Mauriac. Ils arrêtèrent entr'eux d'emprisonner l'abbé, de tuer ses gens et de s'emparer de ses équipages; car un abbé voyageait alors avec tout l'attirail d'un grand seigneur. Ce plan résolu, ils n'attendaient plus qu'une occasion favorable pour l'exécuter.

Cependant, l'abbé cédant aux instances des moines demeurés fidèles à l'obéissance, avait nommé et installé un autre doyen : c'était Robert de Capsane, prieur d'Orcet, autre dépendance de l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif. Cette mesure amena l'explosion du complot ourdi par les partisans de Pierre de St-Baudier, Le dimanche de la Septuagésime (1110), après la messe, l'ancien doyen, à la tête d'une multitude de gens de guerre et de gens du peuple, tous armés, se précipite vers le monastère. Une brèche est faite au mur d'enceinte; l'entrée du cloître est forcée, et cette foule furieuse se répand dans toutes les parties de l'habitation claustrale, cherchant et l'abbé et le nouveau doyen et les moines venus de France, c'est-à-dire de l'abbaye-mère, pour assouvir sur eux leur fureur; mais tous s'étaient échappés par une issue secrète. Les perturbateurs, trompés dans leur attente, sortent tumultueusement du cloître et rencontrent enfin ceux qu'ils cherchaient, réunis devant la chapelle de Saint-Benoit, assis et délibérant. A leur approche, le nouveau doyen informé qu'ils en voulaient particulièrement à sa vie, se retire en toute hâte dans la chambre de l'abbé et en ferme solidement la porte derrière lui. Ces forcenés entourent l'abbé et ses moines restés dehors, et vocifèrent contre eux des menaces et des injures; puis, se ruant sur ces hommes vénérables et sans défense, ils les saisissent .par les capuchons de leurs cueillies, les secouent, les frappent indignement du plat de leurs épées, sans, toutefois, leur faire aucune blessure. Mais le doyen n'est pas là, le doyen qu'ils ont voué à la mort : ils découvrent la retraite qu'il s'est choisie, et toute leur fureur se tourne aussitôt de ce coté. Ils essaient d'enfoncer la porte; elle résiste à tous les efforts ; quelques-uns plus ardents grimpent sur le toit, en arrachent les tuiles et pratiquent une ouverture qui leur permet de plonger leurs regards jusqu'au fond de la pièce où s'était enfermée leur tremblante victime. Une énorme pierre est jetée par cette ouverture ; elle devait écraser le doyen, elle n'écrase qu'un bahut où se trouvait renfermé le reste de l'argent que l'abbé avait apporté pour son voyage, et dont les perturbateurs firent leur proie. L'un d'eux apercevant Robert de Capsane tapi dans un angle de la chambre, lui lance à la tête, et de toute la force de son bras, le bâton dont il était armé. Le projectile atteint le doyen au menton et le met tout en sang. Alors, lui, ramassant toute son énergie, prend le parti de sortir d'une retraite qui ne lui offre plus aucune sûreté; il ouvre la porte de la chambre; puis, armé du bâton même qui l'avait blessé, les yeux menaçants, et fulminant d'âpres paroles, il s'ouvre un passage à travers la foule des perturbateurs étonnés. Il entre dans l'église par la porte claustrale, monte dans la tour qui servait de fortification à l'église, après en avoir fortement fermé la porte en dedans. Il trouve au sommet de cette tour un grand nombre de religieux qui s'y étaient déjà réfugiés.

Cependant, les ennemis du nouveau doyen s'étaient précipités à sa poursuite, et, trouvant toutes les portes fermées devant eux, ils avaient escaladé les murailles du cloître et les galeries extérieures de l'église, renversant ou brisant tout ce qui s'opposait ù leur passage. Ils étaient ainsi arrivés à l'entrée de la tour; mais, désespérant d'en pouvoir enfoncer la porte, ils en approchaient le feu pour la brûler lorsqu'un des partisans de l'abbé, armé d'une lance, se précipite sur un des serfs du prieuré, plus acharné qu'aucun autre à cette œuvre diabolique, et lui enfonce sa lance dans le côté. Cet acte de vigueur effraya tellement les assaillants, qu'ils laissèrent là leur entreprise et se sauvèrent en tumulte. Au même instant, une pierre lancée du haut de la tour atteignit et renversa une femme qui accourait apportant un casque à son fils, activement occupé en ce moment à démolir l'église. Cette femme se faisait remarquer entre toutes par son exaltation furieuse : « Frappez, tuez, brûlez ces Francs! » criait-elle de toutes ses forces, quand elle fut atteinte d'un projectile tombé de la tour; elle ne survécut que peu de jours au coup qu'elle avait reçu Or, son fils était un de ceux qui avaient traîtreusement saisi et conduit en prison le malheureux chapelain auquel l'ancien doyen avait ensuite fait arracher les yeux.

Jusqu'à présent, les pertes les plus sensibles étaient du côté des perturbateurs; aussi, leur ardeur se ralentit elle tout-à-coup, et finirent-ils par se disperser, n'ayant obtenu d'autres résultats de leurs violences que quelques dégâts matériels.

Par suite de ces événements, et à cause des profanations dont le monastère avait été le théâtre et du sang dont il avait été souillé, l'église avait dû être interdite, et on avait cessé d'y célébrer l'office divin. L'abbé envoya deux de ses religieux vers l'évêque pour le prier de venir réconcilier son église. Ce prélat, souvent obligé de se mettre en campagne, dirigeait alors une expédition militaire à trois journées au-delà de Clermont. Les envoyés de l'abbé de Saint-Pierre le rejoignirent sous la tente; mais il refusa d'obtempérer à la requête do l'abbé et de réconcilier l'église du prieuré. Il accorda seulement que les moines pourraient célébrer l'office divin dans l'oratoire de Saint-Benoit, sans le son des cloches, et dans la chapelle de Sainte-Marie, avec les cloches, dans les jours de grande solennité.

Cependant, comme on l'a vu, l'émeute s'était apaisée et le champ de bataille, en définitive, était resté aux partisans de l'abbé. Or, les habitants de Mauriac, craignant pour eux les conséquences de son ressentiment, car il pouvait attirer sur eux les foudres du Vatican et la puissance du roi de France, demandèrent à faire la paix avec lui. Ils offrirent de se soumettre à telles réparations qui seraient jugées convenables par Ebles, vicomte de Ventadour, et par quelques autres barons qu'ils lui nommèrent, lesquels se réuniraient à d'autres arbitres qu'il plairait à l'abbé de désigner. Arnauld accepta ce compromis. Les arbitres, choisis de part et d'autre, s'assemblèrent et déterminèrent d'un commun accord les réparations qui devaient être faites à l'abbé ; mais ceux de Mauriac les trouvèrent si exorbitantes qu'ils refusèrent d'y souscrire , malgré la parole qu'ils avaient donnée avant le compromis. Quoi qu'il en soit, Arnauld quitta Mauriac sans avoir obtenu aucune satisfaction et vint droit à Clermont. Il n'y trouva pas l'évêque; mais, comme il n'était que trop fondé à ne pas attendre de lui un concours bienveillant, il crut devoir s'adresser à la puissance séculière, qu'il trouverait peut-être plus favorable. Arnauld s'adressa donc à la comtesse douairière d'Auvergne, administrant le comté en l'absence de Guilhaume VI, son fils, qui, selon notre chronique, se trouvait alors en pèlerinage à Rome.

La comtesse accueillit très-bien l'abbé de St-Pierre ; mais, quand au sujet de sa visite, elle se borna prudemment à lui conseiller de se rendre au château d'Evaux, en Combraille, où il trouverait réunis en synode, sous la présidence du légat apostolique, l'archevêque de Bourges, métropolitain de l'évêque d'Auvergne, ce prélat lui-même, l'archevêque de Bordeaux et l'évêque d'Angoulême. Il ne pouvait trouver une meilleure occasion de faire retentir sa plainte et d'obtenir justice, tant contre les ennemis de l'église de Mauriac que contre l'évêque d'Auvergne. » L'abbé suivit ce conseil et se rendit à Evaux. Quand il eut exposé ses griefs au sein du synode, le légat et les autres pères reprochèrent vivement à Pierre-le-Roux sa désobéissance aux prescriptions apostoliques qui lui avaient été notifiées, et lo déni de justice dont il s'était rendu coupable envers l'abbé de St-Pierre. Ils déclarèrent, en outre, que tous les engagements pris au préjudice de l'église de Mauriac par l'ancien doyen, sans le consentement de l'abbé et du chapitre claustral, étaient abusifs, caducs, et devaient être annulés.

L'évêque d'Auvergne s'excusa du mieux qu'il put sur le passé, et promit, pour l'avenir, de faire pleine et entière justice à l'abbé. Il l'engagea à se retirer dans son prieuré d'Orcet, où il lui ferait prochainement connaître l'époque de son arrivée dans le haut-pays, et lui assignerait un jour pour l'entendre en présence de ses adversaires et pour faire droit, selon l'équité, à ses réclamations.

L'abbé se retira donc, plein de confiance, au prieuré d'Orcet; mais l'évêque ne fit rien de ce qu'il avait promis. Las de l'attendre inutilement et apprenant qu'il était venu clandestinement dans la montagne, Arnauld quitta Orcet et se dirigea vers le château de Charlus, qui était alors du domaine de l'évêque et oû il espérait le rencontrer. Au-dessous du château, au fond de la vallée de la Sumène, est le village de Bassignac, dont l'église était une propriété de l'abbaye de St-Pierre ; c'est là que l'abbé vint prendre gîte. Mais il y apprit que l'évêque n'était pas à Charlus, et que, cherchant à éviter sa rencontre, il avait pris une autre route pour rentrer dans sa ville épiscopale. L'abbé ne voulut pas poursuivre plus loin et revint de Bassignac à Mauriac, où il attendit encore l'évêque toute une semaine. Pendant son séjour, le vicomte de Ventadour et quelques autres seigneurs du pays essayèrent, mais inutilement, d'amener les bourgeois à quelque composition et de les réconcilier avec l'abbé. Celui-ci, qui, sans doute, ne se trouvait pas suffisamment en sûreté à Mauriac, se retira de nouveau à Orcet, à travers les neiges et par des chemins affreux; car l'hiver sévissait encore dans toute sa force dans ces âpres contrées, bien qu'on fût déjà à la fin de mars. De là, il envoya de nouveaux messagers à l'évêque pour le mettre en demeure de lui faire enfin justice, conformément à ses promesses et aux injonctions qui lui avaient été faites dans le synode d'Evaux; l'évêque répondit par un refus formel.

Dès que cette réponse lui eut été rapportée, l'abbé quitta Orcet pour aller se plaindre au métropolitain. Il arriva à Bourges en cinq jours de traite.

D Arnauld obtint de l'archevêque de nouvelles lettres pour son suffragant de l'Auvergne; mais, persuadé que ces lettres ne seraient pas plus efficaces que les précédentes, il se rendit près du roi, à Orléans, après avoir célébré les fêtes de Pâques dans l'abbaye de Fleury-sur-Loire. Il exposa au monarque les outrages et les violences qu'il avait subis de la part des gens de Mauriac; il se plaignit amèrement de l'étrange conduite de l'évêque de Clermont qui, sans tenir aucun compte des lettres royales qu'il lui avait déjà remises, non seulement n'avait rien fait pour le secourir, mais paraissait, au contraire, de connivence avec ses ennemis. Le roi se montra fort ému et fort courroucé tout à la fois. Il fit rédiger immédiatement, à l'adresse du prélat de l'Auvergne, des lettres foudroyantes par lesquelles il lui mandait qu'il avait appris , avec autant d'étonnement que de déplaisir, ses procédés peu bienveillants à l'égard du prieuré de Mauriac, qui était du domaine royal et une chapelle des rois Francs; qu'il lui enjoignait d'en agir tout autrement à l'avenir, et que, s'il avait des explications à donner ou des griefs à faire valoir contre l'abbé de Saint-Pierre, il eût à se présenter devant la cour du roi.

» Muni du diplôme royal, l'abbé se rend encore à Langres, où se trouvait alors le légat. Le délégué de Rome reçoit ses nouvelles doléances et lui remet un nouveau bref pour l'évêque récalcitrant. Un religieux de Mauriac, nommé Rigaud, qui avait accompagné l'abbé dans toutes ses courses, fut chargé de porter à Clermont toutes ces lettres itératives du légat, de l'archevêque de Bourges et du roi de France. Il y arriva dans la semaine des Rogations- L'évêque reçut les lettres dont Rigaud était porteur, et, devant des injonctions si pressantes et si précises, il sentit qu'il n'y avait plus qu'à obéir. Il promit donc formellement de faire tout ce qui lui était prescrit. En effet, le samedi après l'Ascension il se mit en route pour les montagnes, arriva à Mauriac, et le lendemain, dimanche, il réconcilia l'église du monastère. Mais au lieu d'excommunier en masse, comme le légat et son métropolitain le lui avaient prescrit, tous les fauteurs laïcs des désordres passés, il n'en excommunia qu'une partie, c'est-à-dire ceux-là seulement qui, formant la faction du doyen déposé, refusaient de restituer les biens du prieuré qu'il leur avait engagés ou qu'ils avaient usurpés. Quant à ceux qui étaient seulement coupables d'injures et de violences envers la personne du nouveau doyen, il refusa de les excommunier, malgré tout ce que put faire l'envoyé de l'abbé pour qu'il donnât cette juste satisfaction à l'église de St-Pierre.

» Ce moine se sépara de l'évêque en protestant vivement contre ce nouveau déni de justice, et se remit en route pour aller rendre compte à son abbé du résultat imparfait de sa mission. Il alla prendre gîte à Mauzac, qui était une abbaye de son ordre; et comme par une faveur toute spéciale de Dieu, dit le chroniqueur, il y rencontra le légat Richard, qui so rendait dans le Languedoc pour présider un concile qu'on devait célébrer prochainement à Toulouse, le moine de Sens raconta comment les choses venaient de se passer à Mauriac, et comment les injonctions qu'il avait portées de la part du légat à l'évêque d'Auvergne n'avaient été qu'incomplètement exécutées. Richard se rendant à Clermont pour y célébrer la fête de la Pentecôte et y présider un synode du diocèse convoqué par l'évêque, emmena avec lui le moine Rigaud et l'introduisit dans le synode pour, qu'en présence de tout le clergé de la province, il pût exposer sa plainte. Après que l'envoyé de l'abbaye de Sens eut été entendu, le cardinal-légat demanda sévèrement à l'évêque pourquoi il ne s'était pas conformé plus scrupuleusement aux prescriptions apostoliques, et pour quels motifs il s'obstinait, contre toute raison, à refuser à l'abbé et à l'église de St-Pierre toute la justice qui leur était due, et il le somma une dernière fois d'excommunier sans exception tous ceux de ses diocésains qui avaient troublé la paix du prieuré et profané l'église de Mauriac. Bon gré mal gré, l'évêque s'exécuta et formula, séance tenante, la sentence d'excommunication dans les termes qui lui étaient dictés. A son tour. le légat, au nom du Saint-Siège et en vertu des pouvoirs qui lui étaient conférés, fulmina l'anathème contre ceux d'Escorailles, de Salers, de Montclar et les bourgeois de Mauriac qui refusaient d'obéir à l'abbé et au doyen de St-Pierre. » Ses lettres à cet effet ayant été rédigées et scellées, il les remit au moine Rigaud et ajouta de vive voix, parlant toujours comme délégué de l'autorité apostolique, qu'a l’avenir, l'abbé de St-Pierre et ses successeurs ne pourraient choisir le doyen de Mauriac que parmi les religieux de l'abbaye-mère ou du prieuré même. Cette parole fut dite en présence de l'évêque ct d'un grand nombre d'assistants. Le légat eut, d'ailleurs, le soin d'informer l'archevêque de Sens de cette disposition, en l'invitant à tenir la main à son exécution en ce qui le concernait.

Quelques mois après, c'est-à-dire dans les premiers jours du mois d'octobre, le même légat présida un concile qui fut célébré dans l'abbaye de Fleury-sur-Loire, et où se trouvèrent les métropolitains de Sens, de Reims, de Tours et de Bourges, avec les évêques et les abbés do leurs provinces. Dans ce concile furent confirmées les excommunications prononcées dans le synode de Clermont, et l'on profita de la présence de l'évêque d'Auvergne et de l'abbé de St-Pierre pour les réconcilier.

« Ainsi se termina cette affaire qui avait agité le pays pendant deux ans, mis en émoi le clergé et le peuple, nécessité l'intervention du roi de France et du mandataire de la cour de Rome, et occupé plusieurs conciles. »

Le moine Clarius laisse ignorer les causes locales qui avaient entraîné toute la population laïque, noble, bourgeoise et serve, à soutenir le doyen dans sa révolte. La première de toutes était sans doute la haine héréditaire des Aquitains contre les Francs. C'est au cri de percutite, occiditle, ardete Franco iltos, «  frappez, tuez brûlez les Francs, » que le peuple poursuivait les partisans de l'abbé de Sens. Le pays supportait impatiemment la domination d'un abbé étranger, qui n'avait avec lui aucun rapport de nationalité, aucune communauté d'affection et d'intérêt, et qui était impuissant à le protéger. Les religieux saisissaient toutes les occasions de se soustraire à une obéissance insupportable pour eux.

L'ordre de Cluny était alors dans toute sa puissance; l'abbaye de la Chaise-Dieu, dont la fondation était récente, voyait chaque jour son influence s'étendre, principalement en Auvergne, par l'affiliation d'un grand nombre de prieurés. Le monastère de Mauriac, qui ne pouvait pas prétendre à une indépendance absolue, avait montré sa préférence pour la Chaise-Dieu en choisissant son doyen parmi les moines de cette abbaye. Au moment où la lutte entre Sens et Mauriac était la plus animée, on proposa à l'abbé Arnaud, pour tout pacifier, de remplacer Pierre de St-Baudier par un moine do la Chaise-Dieu ou de Cluny; mais l'abbé repoussa cette proposition, prévoyant, dit le chroniqueur, que ce serait la perte de ce lieu; plus tard, lorsque le légat eut donné une satisfaction complète à l'abbé Arnaud, le chroniqueur n'oublie pas de constater que le légat défendit qu'à l'avenir le doyen fût pris dans un autre monastère que ceux de Sens ou de Mauriac, et cette défense fut renouvelée en présence des évêques et de tous les assistants. On le voit donc, en demandant pour doyen un moine de la Chaise-Dieu, le monastère de Mauriac voulait s'affranchir de l'obéissance qu'il devait à l'abbé de Sens, en s'affiliant à une puissante abbaye. L'abbé de Sens le comprit et soutint son droit avec une persistance et une fermeté qui finirent par triompher de toutes les résistances.

Quoique la dépendance du monastère de Mauriac eût été consacrée par les actes les plus solennels, les abbés de Sens redoutant toujours cet esprit d'indépendance qui avait été comprimé plutôt que détruit, obtinrent dans le cours du XII° siècle des bulles de confirmation des papes Honorius II, Innocent II, Luce II, Alexandre III et Luce III Ces bulles sont conçues dans les même termes que celles de Paschal II, dont nous avons cité un passage.


L'EGLISE DU MONASTERE.

 La chronique de St-Pierre-le-Vif nous apprend qu'au commencement du XII° siècle, en l'année 1109, il y avait à Mauriac, outre l'église du monastère, un oratoire dédié à Saint-Benoit et la chapelle de Sainte-Marie. Lorsque l'église fut interdite, l'évêque ne voulut permettre la célébration du service divin que dans l'oratoire de St-Benoit, sans sonner les cloches; il n'autorisa le plein exercice du culte que dans la chapelle de Sainte-Marie. L'oratoire et la chapelle étaient donc distincts et séparés de la principale église; s'ils en avaient fait partie, ils auraient été frappés du même interdit.

L'oratoire, plus tard chapelle de St-Benoit, existe encore ; elle dépendait du monastère et correspondait à l'angle nord-est du cloître, dont elle était séparée par d'autres constructions. Depuis la révolution on en a fait deux maisons, dont l'une est occupée par un café. Cet édifice assez vaste a été remanié à diverses époques, tout en lui conservant à l'est sa forme absidale on demi-circulaire. Avant 1789, il avait perdu sa première destination. Une salle contenait les archives; l'étage supérieur servait de grenier pour conserver les céréales. On remarque encore dans la partie orientale de cet édifice quelques restes de la construction primitive.

La chapelle de Sainte-Marie est évidemment l'église de N.-D. des-Miracles; je ne veux pas dire qu'elle était en 1109 telle qu'elle est aujourd'hui, je veux seulement constater qu'à cette époque il y avait une église dédiée à la Vierge indépendante de celle du monastère.

Le moine Clarius, témoin oculaire des événements qu'il raconte, nous fait connaître, sans y avoir pensé, les principales dispositions du monastère et de l'église.

Il y avait une première enceinte qui formait une cour ; ce n'était qu'après avoir franchi cette enceinte qu'on arrivait au réfectoire, au cellier, etc. En partant de la cour, il fallait traverser le cloître pour arriver au devant de la chapelle de St-Benoit; le doyen avait un logement séparé; le cloître communiquait avec l'église. Il y avait dans l'église une tour qui lui servait de défense. La porte par laquelle on y pénétrait était intérieure.

Ces dispositions avaient été si bien conservées jusque dans les derniers temps, qu'on aurait pu penser que le monastère el l'église n'avaient pas subi de changements, si les caractères de l'architecture de ces édifices et des documents précis n'établissaient que de nouvelles constructions avaient remplacé les anciennes sans altérer le plan primitif.

Les bâtiments du monastère existent encore en entier; ils formaient avec l'église un parallélogramme régulier, au centre duquel se trouvait le cloître. Ils étaient séparés du doyenné par une cour. Ces bâtiments n'ont aucun caractère; il n'en était pas de même de l'église qui, malheureusement, n'existe plus. Je n'ai vu d'entier que la nef et la partie inférieure de cette magnifique tour connue dans la contrée sous le nom de Clocher carré. Le chœur n'existait plus au commencement du siècle; l'un des pignons du transept n'a été détruit que depuis une dizaine d'années, lors de la construction de la maison Gibert. La nef était encore entière en 1824; elle fut démolie un an ou deux ans plus tard; les matériaux furent employés à la construction de l'hôtel-de-ville.

Quoique les ruines elles-mêmes de l'antique édifice aient disparu, il nous sera possible d'en donner une description, sinon complète, du moins exacte pour certaines parties, et suffisante pour faire connaître l'ensemble du monument.

Le plan de l'église figurait une croix latine; elle était divisée en trois nefs. Les piliers carrés qui supportaient les Toutes avaient sur chacune de leurs faces des colonnes engagées; les voûtes de la nef et des bas cotés étaient à arêtes; les unes et les autres étaient renforcées par des arcs doubleaux. Les voûtes de la nef étaient garnies de puissantes nervures ornées de chevrons, les fenêtres des bas-côtés étaient en plein cintre; autour de l'archivolte régnait un cordon de billettes. Deux portes extérieures donnaient accès dans la nef; l'une, septentrionale, était ornée de billettes; l'autre, placée à l'occident, était à plein cintre et découpée en festons. Elle était précédée par un vaste porche ouvert de trois côtés et soutenu par des piliers épais, avec des colonnes engagées. C'est par ce porche que la rue du Collège communiquait avec la place et qu'on allait de la place au cours Monthyon. Une tour carrée surmontait le porche ; construite à différentes époques, elle s'élevait à une très-grande hauteur et laissait loin au-dessous d'elle les autres tours de la ville. Pierre de Balzac, doyen depuis 1469 jusqu'en 1501, avait fait réparer la tour et élever la flèche qui la surmontait. Ses armes étaient sculptées à la voûte et en plusieurs autres endroits. La flèche fut incendiée parles huguenots lors de la prise de la ville, en 1574. Une chronique manuscrite qui finit en 1630, et que je crois de Louis Mourguyos, prêtre de Mauriac, parle ainsi de cet évènement : « Ils brûlèrent l'aiguille du clocher du fond du monastère, qui fut une chose lugubre et déplorable à le voir brûler, et un dommage irréparable à cause que c'était un clocher très-agréable à le regarder, et son aiguille-tout-a-fait admirable à raison de sa hauteur, et pour l'artifice d'icelle, une pièce signalée et qui marquait un œuvre des plus somptueux et magnifiques; voire des plus célèbres et relevés qui fussent non seulement au pays, mais encore ès provinces circonvoisines.. »

Cette flèche ne fut rétablie qu'en 1664, par les soins de dom François-Laurent, syndic du monastère; elle était couverte partie en tuile schisteuse, partie en plomb; il y avait à chaque angle du clocher une pyramide ou clocheton en pierre de taille.

Je n'ai pas pu obtenir de renseignements précis sur la manière dont le chœur était disposé; tout ce que l'on a pu me dire, c'est qu'il était fort grand, comme dans la plupart des églises monastiques, et qu'il était séparé de la nef par une grille.

Je trouve dans une lettre du 2 décembre 1631, adressée par dom Placide de Vaulx au révérend père dom Grégoire Terisse, supérieur général de la congrégation de St-Maur, qu'il y avait quatre chapelles; elles étaient dédiées : l'une, à saint Quinide; la seconde, à saint Mary; la troisième, aux saints Innocents; la quatrième, à sainte Théodechilde.

Outre la grande tour carrée, il y avait à la jonction du transept septentrional, avec la nef, une tour ronde appelée le petit clocher, où l'horloge était placée. Une troisième tour octogone dominait le centre de la croix.

Du même coté et en dehors de l'église, était une chapelle que j'ai vue entière; elle était entourée de trois côtés par le cimetière; elle était dédiée à saint Michel. Au-dessous, il y avait une crypte qui servait de charnier; elle était remplie d'ossements humains qui ont été transportés, il y a peu d'années, dans une fosse du cimetière actuel. Les voûtes et les ouvertures de la chapelle étaient à plein cintre, les murs étaient bâtis comme ceux de l'église, en pierre de taille; il était facile de reconnaître les caractères de l'architecture du XII° siècle.

D'après Audigier, Hist. ms. d'Auvergne, le chœur de l'église du monastère était du IX° siècle, et la nef du XI°

N'ayant pas vu le chœur, il m'est impossible de contester l'exactitude de la date donnée par Audigier, quoique je la croie fautive; mais il n'en est pas de même pour la nef. La description que nous en avons faite suffit, ce nous semble, pour établir qu'elle était du XII° siècle.

« Il y a quelques années, me trouvant a Tulle, j'entrai dans la cathédrale ; je fus frappé de sa ressemblance avec l'église du monastère de Mauriac. Même plan, même ornementation ; le style seulement était plus fleuri. Comme à Mauriac, l'église est précédée d'un vaste porche, ouvert de trois cotés et surmonté d'une tour carrée; elle était terminée à l'orient par quatre chapelles » (mérimée, Noies d'un voyage en Auvergne et dans te Limousin, p. 130) ; il y en avait quatre à Mauriac. La porte principale est festonnée, et les nervures de la nef sont ornées de chevrons, ou plutôt de zig-zags. La seule différence que j'ai remarquée consiste dans les ornements des festons qui n'existaient pas à Mauriac. M. Mérimée pense que l'église de Tulle, commencée en 1103, ne fut achevée que vers la fin du XII° siècle.

L'ornementation de l'église de Mauriac était plus sévère, et je serais porté à penser que sa construction avait été terminée quelques années avant celle de l'église de Tulle, quoique l'une et l'autre soient du même siècle.

La cathédrale actuelle de Tulle était avant l'institution de l'évêché, en 1317, une église abbatiale. Géraud de Scorailles, abbé de Tulle, fut présent, en 1131, avec Malfred de Scorailles, doyen de Mauriac, à la donation de plusieurs mas, faite par Etienne de Scorailles, leur cousin, pour la fondation de l'abbaye de Vallète. Geoffroy, moine de Vigeois, fait une honorable mention de Matfred, doyen de Mauriac, en l'année 1174, et il le dit frère de Géraud, abbé de Tulle. Matfred n'était plus doyen en 1179; il était à cette époque remplacé par Hugues de Vaize. Il mourut à Rocamadour, où il s'était retiré, le 27 octobre 1185. Géraud, abbé de Tulle, mourut, d'après Baluze (Hist. de Tulle), le 12 décembre 1188, après avoir gouverné l'abbaye pendant 38 ans.

Ainsi, dans la seconde moitié du XII° siècle, le doyenné de Mauriac et l'abbaye de Tulle avaient à leur tête deux membres de la même famille. Les deux basiliques de Mauriac et de Tulle étaient édifiées dans le même période de temps; dans l'une el dans l'autre on avait suivi le même plan, l'ornementation était semblable. Ne doit-on pas conclure du rapprochement de ces faits que ces édifices avaient été élevés par les deux frères Matfred et Géraud de Scorailles?

Nous parlerons plus loin de l'église de N.-D.-des-Miracles, qui fut bâtie dans le même siècle; nous nous bornerons ici à une simple réflexion. C'est qu'à aucune époque ancienne ou moderne on n'a élevé en même temps dans la ville de Mauriac deux monuments aussi remarquables que nos vieilles basiliques. Il y avait donc au XV° siècle, dans nos montagnes, une puissance, un élan qui ne se sont pas renouvelés depuis. Il y avait la foi sincère, ardente, universelle, qui inspirait les grandes œuvres et créait les moyens de les exécuter.


Traités entre les religieux, Guido de Miramont et Artmand de Mauriac.

 Si la foi était vive, si elle enfantait des merveilles, les passions humaines n'en subsistaient pas moins, et les seigneurs féodaux s'y livraient avec d'autant plus de violence qu'elles n'étaient pas réprimées. On donnait aux églises et on les dépouillait, sauf à restituer ensuite ce qu'on leur avait pris, ainsi que le constatent les actes de cette époque. Il existait comme aujourd'hui des droits incontestables, d'autres qui étaient contestés par ignorance ou par cupidité. La justice royale, qui put seule mettre un terme aux abus de la force, n'existait pas encore. Il n'y avait d'autre frein que celui de la religion ; il reprenait tôt ou tard sa puissance; mais son action était assez souvent paralysée. Il y avait peu de monastères qui ne fussent inquiétés par quelque puissant Voisin, et ils étaient souvent contraints d'acheter des protecteurs ou même de partager leurs droits pour en sauver une partie. Ce contrat était fort connu au moyen âge sous le nom de partage; nous en avons deux exemples dans la Haute-Auvergne, à Maurs et à Pleaux. L'abbé de Maurs ne pouvant se défendre des usurpations et des violences de ses voisins, fit un pariage avec l'évêque de Clermont et lui céda la moitié de ses droits. L'abbé de Charroux, duquel dépendait le prieuré de Pleaux, fit, pour le même motif, une concession semblable au roi Philippe-le-Bel.

Nous avons vu à l'article Chalvignac, t. 2, p. 101, que les seigneurs de Miremont voulaient, en 1105, exercer sur les biens du monastère des droits qui ne leur étaient pas dus; le nom de Mauriac, que certains d'entre eux avaient pris, annonçait de leur part des prétentions à la seigneurie ou à une part de la seigneurie de cette ville. Deux traités furent conclus dans le courant du XII° siècle entre les seigneurs de Miremont et le monastère de Mauriac; ces traités sont parvenus jusqu'à nous; ils nous ont paru présenter un véritable intérêt historique; nous en donnerons la traduction d'après une copie que nous avons prise sur les originaux.

« Qu'il soit connu de tous comment s'est terminée la contestation soulevée par les frères de Mauriac contre Pierre Adémar et contre ses fils, Guido de Miramont et Bernard , son frère, au sujet des terres qu'ils avaient usurpées. Le père et le frère de Guido étant morts, Pierre, doyen de Mauriac, et les autres frères se sont plaints contre ledit Guido du tort que son père et lui leur avaient fait, et de l'injure qu'ils avaient soufferte pendant cette contestation ; le doyen, aussi bien que les autres frères, ont supporté très-longtemps de nombreuses angoisses. Enfin Guido, très-souvent averti par ledit doyen, touché de la grâce céleste, se repentit d'avoir méfait envers le Seigneur, le bienheureux Pierre et les frères de Mauriac. C'est pourquoi, poussé par le doyen Pierre, il entra dans la salle capitulaire avec plusieurs habitants de Mauriac, et. en présence du susdit doyen et des frères, il leur abandonna ce qu'il détenait injustement, demandant l'indulgence de tous. La notice des terres délaissées est telle, à savoir : le mas de Faët, principal objet de la contestation, lequel, en définitif, a été remis de bonne foi au Seigneur, à St-Pierre et aux moines de Mauriac, tant présents qu'à venir, entre les mains de Pierre de Mirabel, alors doyen de Mauriac ; la moitié de ce même mas lui (à Guido) fut délaissée, à la charge cependant, tant qu'il vivrait, de demeurer sans contestation vrai et féal au Seigneur, à St-Pierre, au susdit doyen et aux autres moines, afin qu'après sa mort, la moitié dudit mas rentre dans le patrimoine de St-Pierre et de ses serviteurs, sans condition et sans opposition. Il confirma les concessions qu'il avait faites par son serment, librement prêté en plein chapitre, tous l'entendant- Semblablement, il donna et concéda tout ce que son père, ses oncles et ses autres parents avaient délaissé au Seigneur et à St-Pierre. Enfin, il confirma la donation de la rente perpétuelle de deux sols, faite par Bernard, son frère, mort dans le voyage de Jérusalem. Nous avons pour témoins de ce pacte Pierre, archiprêtre, Artmand des Vaïsses, Bernard d'Artiges, R. de Soz, Géraud Benedicti et Rotbert. Toutes ces choses ont été approuvées et confirmées en présence de Pierre, doyen, et de tout le couvent de Mauriac; Louis, roi des Francs, régnant, le pape Calixte, occupant le siége apostolique. »

Calixte II est le seul pape de ce nom qui ait été contemporain d'un roi de France du nom de Louis; il occupa le trône pontifical depuis l'an 1119 jusqu'en 1124 (1). Louis VI, dit le Gros régna depuis l'an 1108 jusqu'en 1137. C'est donc dans l'espace de temps qui s'écoula entre les années 1110 et 1124 que Guido de Miramont confirma les donations faites par ses prédécesseurs, et délaissa au monastère de Mauriac les terres que ses prédécesseurs et lui avaient usurpées.

La date du second traité sera plus difficile à déterminer. Nous l'essaierons cependant; mais avant, nous devons donner le texte de ce traité:

« Qu'il soit notoire à tous les vivants, qu'Artmand de Mauriac et ses fils, ne  tenant pas les conventions qu'ils avaient faites avec les moines de Mauriac du

temps de Pierre Amblard, doyen, ont fait de grands maux à la terre du monastère et aux moines, à cause de la leide (2) du sel et de plusieurs prestations casuelles qu'il voulait exiger dans la ville et imposer au monastère. Les moines ayant refusé d'acquiescer à ces prétentions injustes et ne voulant reconnaître à Artmand , dans la ville ou sur les choses du monastère, d'autres droits que ceux qui lui avaient été concédés dans le premier traité, souffrirent de grands maux de la part d'Artmand et de ses fils. Cependant, après de longues contestations, ils se mirent entre les mains d'Eble, vicomte, après avoir donné dix cautions de chaque côté. Eble les conduisit à la cour de Raymond, vicomte, et » là, toutes leurs demandes furent approuvées; mais Artmand ne voulut ni ne put justifier ses prétentions. Plus tard, étant touché par la grâce divine, conduit par le remords et le désir de faire pénitence des maux qu'il avait faits au monastère et aux moines, il vint volontairement et spontanément devant eux, et leur abandonna la leide du sel ; il se départit de l'injuste prétention qu'il avait de prélever sur chaque mas du village de Verlac (Verliac) quatre septiers d'avoine, tout le temps que les animaux desdits mas seraient conduits dans ses  pâturages. Artmand se démit de toutes les mauvaises coutumes qu'il prétendait exercer sur le monastère et dans la terre du monastère, et les moines donnèrent à Artmand et à ses fils le mal qu'ils avaient fait à eux et à leur terre. Présents: Altier de Marlat, Artmand des Vaïsses , Pierre Guillaume et Géraud Gausbert, et tous les bourgeois (omnibus burgensibus). »

Les deux vicomtes dénommés dans cette charte sont Eble de Ventadour et Raymond de Turenne; leurs terres touchaient à celles du monastère de Mauriac; c'étaient les seigneurs les plus puissants du voisinage , et il n'est pas étonnant qu'ils eussent été choisis pour arbitres. Ce point me parait être sans difficulté; mais il est plus difficile de déterminer si ce sont Eble 1er ou Eble II de Ventadour, Raymond I° ou Raymond II de Turenne qui furent chargés de régler les différends existant entre le monastère de Mauriac et Artmand de Mauriac Eble I était contemporain de Raymond I", et Eble II vivait du temps de Raymond IL

Raymond, premier du nom, vicomte de Turenne, succéda à Bosou I°, son père, en 1091 ; il vivait encore en 1122. (Justel, hist. de la maison de Turenne, preuves, p. 29). On ignore l'époque da la mort d'Eble 1°, vicomte de Ventadour; mais son fils, Eble II, n'étant décédé qu'en 1170 en revenant de Jérusalem, il est très probable qu'Eble I° vivait en 1122 et peut-être plus tard. En supposant que le traité dont s'agit eût été fait du temps d'Eble II, il serait antérieur à l'année 1170; mais je crois qu'il faut reculer cette date; voici pourquoi : On a sans doute remarqué que dans le premier traité, q»i est certainement antérieur à l'année 1124, Artmand des Vaïsses (de Vaisiis), est au nombre des témoins. Nous retrouvons encore son nom dans le second traité. Il ne serait pas absolument impossible qu'il eût pu être témoin en 1124 et en 1170; mais cela est peu probable ; et nous pensons qu'il faut admettre que l'un et l'autre traité ont été faits vers le même temps, du vivant de Raymond I°, vicomte de Turenne, et d'Eble I°, vicomte de Ventadour, c'est à dire dans le premier quart du XII° siècle.


ARCHIPRÊTRÉ DE MAURIAC.

 

L'institution des archiprêtres est fort ancienne. Le pape Léon IV, en 830, détermine quelques-unes de leurs attributions, dont la principale était de veilier sur les curés de leur archiprêtré et de rendre compte à l'évêque de leur conduite. (De Héricourt, Lois ecclés. de France, p. 104). L'époque à laquelle le diocèse de Clermont fut divisé en archiprêtrés n'est pas connue; mais il est certain que cette division est antérieure au XII° siècle. La chronique de St-Pierre-le-Vif-de-Sens fait mention, en l'année 1109, de Pierre de Saignes, archiprêtre, qui favorisait la rébellion du doyen de Mauriac contre l'abbé de St-Pierre-le-Vif. Pierre, archiprêtre, qui pourrait bien être Pierre de Saignes, est témoin du traité fait entre les moines de Mauriac et Guido de Miremont, avant l'année 1124. Un assez grand nombre d'actes du XIII° siècle, dont j'ai les extraits, sont faits en présence de l'archiprêtre de Mauriac; il en est de même au XIV° siècle et dans les siècles postérieurs. La Haute-Auvergne était divisée en trois archiprêtrés, qui avaient pris le nom des trois villes principales, Aurillac, St-Flour et Mauriac.

A une époque que je ne saurais indiquer, mais que je crois postérieure à l'érection de l'évêché de St-Flour, en 1317, les fonctions d'archiprêtre de Mauriac furent réunies à la cure de St-Thyrse d'Anglars. Il en fut de même de tous les archiprêtrés du diocèse de Clermont, qui furent unis à une cure. L'archiprêtré de Rochefort fut uni à la cure de St-Bonnet, près Salers.

L'archiprêtré de Mauriac était, après celui de Limagne, le plus vaste du diocèse; il se composait de cinquante-deux cures, sur lesquelles l'archiprêtre avait le droit de visite; il comprenait l'arrondissement de Mauriac tout entier, moins le canton de Champs; il formait un triangle limité à l'est et en partie au nord par la rivière de Rue; encore au nord et au couchant, par la Dordogne, et au midi, par les rivières de Bertrande et de Maronne.

Quoique cette circonscription fût uniquement ecclésiastique dans le principe, elle était si naturelle, qu'elle fut adoptée à la fin du XIII° siècle pour la prévôté, et au XVII°, pour l'élection de Mauriac.

Malgré le désir que j'ai d'abréger et de ne pas donner à cet article des proportions démesurées, je ne crois pas pouvoir me dispenser de reproduire le pouillé de l'archiprêtré de Mauriac, ou, en d'autres termes, la notice des bénéfices et des cures qui y étaient compris. Cette partie de notre histoire ecclésiastique est aujourd'hui fort peu connue. Une publication semblable a été faite dans la 7° livraison, par notre collaborateur, M. de Chazelles, pour l'ancien évêché de Saint-Flour. Nous avons donc le pouillé des archiprêtré de St-Flour et d'Aurillac; en donnant le pouillé de l'archiprêtré de Mauriac nous aurons une notice complète sur les bénéfices et les cures de la Haute-Auvergne avant la révolution de 89. Pour la rédaction de notre travail, nous nous sommes servis d'un pouillé manuscrit de l'évêché de Clermont de la fin du XVII° siècle, et du Calendrier d'Auvergne de 1763. C'est dans ce dernier ouvrage que nous avons puisé tout ce qui est relatif aux cures; pour tout le reste, nous avons suivi le pouillé manuscrit.

L'archiprêtré de Mauriac, uni à la cure de St-Thyrse d'Anglars, est à la collation de l'évêque; l'archiprêtre a droit de visite sur cinquante-deux cures.

Le chapitre de St-Chamand est composé d'un doyen et de douze prébendes, qui sont à la nomination du seigneur du lieu et à la collation de l'évêque. Revenu, à la fin du XVII° siècle, le doyen. 200 livres; les prébendes, 100 livres.

Le doyenné de St-Pierre de la ville de Mauriac, ordre de St-Benoit de la congrégation de St-Maur, est à la nomination du roi et tenu en commande. Les offices claustraux, avec les prieurés de Mauriac, du Falgoux, de Bassignac et de St-Vincent sont unis à la mense; le doyen pourvoit à ceux d'Orcet et du Vigean, et nomme aux cures de Prodelles, d'Arches, de Dassignac, de Mauriac, du Vigean, du Falgoux et de St-Vincent. Revenu : le doyen, 4,000 liv. ; les moines, 4,000 liv.

L'abbaye et couvent des religieuses de Brageac, ordre de St-Benoit, a la nomination du roi Revenu : 1,700


COMMUNAUTES RELIGIEUSES.

 

Le couvent des carmes mitigés de la ville de Pleaux.

Le couvent des pères récollets de la ville de Salers.

Le Collège des pères jésuites de la ville de Mauriac. Revenu : 5.000 liv.

COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES DE FILLES.

 

Le couvent des religieuses de Ste-Catherine de Sienne, de la ville de Mauriac. Le couvent des religieuses de Notre-Dame, de la ville de Salers.


CURES.

 

A la nomination de l’évêque de Clermont.

St-Thyrse d'Anglards.
St-Etienne de Chaumeil.
St-Martin-mont-Cantaleix.
St-Martin de Sauvat.
Ste-Croix de Saignes.
St-Pierre d'Auzers.
St-Martin de Barriac.
St-Christophe.

St-Vincent d'Ally.

St-Chamand.

Ste-Eulalie.

St-Martin-Valmeroux.

St-Projet et St-Georges.

St-Paul, près Salers.

St-Mathieu de Salers.

St-Martin de Colandres.

St-Hippolyte et St-Blaise d'Apchon.

St-Bonnet, près Salers.

St-Barthélemy de Moussages.

St-Georges de Méallet.

A l'abbé de Charroux, diocèse de Poitiers.

St-Sauveur de Pleaux. À l'abbesse de Blesle, diocèse de St-Flour.

Ste-Madeleine de Chastel-Marlhac.

A l'abbesse de Bonnesaigne, diocèse de Limoges.
N.-D. de Champagnac.
Ste-Croix de Veyrières.

A l'abbesse de Lavassin.

St Georges de Riom-ès-Montagnes.

Au doyen de Mauriac.

St-Pierre de Prodelles.
Ste-Radegonde de Bassignac.
St-Julien d'Arches.
N.-D. de Mauriac.
St-Laurent du Vigean.
St-Germain du Falgoux.
St-Vincent.

A l’archiprétre de Mauriac.

St-Pantaléon de Salins.
St-Victor de Tourniac.
St-Remy.

St-Amand de Sourniac.
St-Blaise de Scorailles.

A l'abbesse de Brageac.

N.-D. de St-Thibaud de Brageac.
St-Etienne de Chaussenac.

Au chapitre du Port, de Clermont.

St-Martin de Jalleyrac.

 

Au prieur de Vignonet.

St-Robert de Vignonet.
St-Pierre d'Antignac, son annexe.

Au prieur de Bort.

St-Ferréol ou St-Jacques de Salsignac. St-Pierre de Menet.

Au prieur de Vebret.

St-Bauzire de Trizac .
St-Maurice de Vebret.

Au prieur de Drugeac.

St-Géraud de Drugeac.
St-Babel de Drignac.

A la communauté de Fontanges.

St-Vincent de Fontanges.

Au seigneur de Madic.

St-Eutrope dudit lieu.

 

Au commandeur d'Ydes.

St-Georges dudit lieu.

Les cures de

St-Loup de Loupiac,

St-Martin de Chalvignac, ont été omises dans le calendrier et le pouillé que nous avons consulté; elles n'en faisaient pas moins partie de l'archiprêtré de Mauriac.


L'ÉGLISE DE N.-D.-DES-MIRACLES ET LA PAROISSE.

Nous avons déjà fait remarquer que, dans les premières années du XII° siècle, il y avait à Mauriac une chapelle dédiée à la Vierge, reconstruite dans le cours du même siècle sur un plan plus vaste; elle est devenue l'église de la paroisse.

Pour éviter des longueurs et des répétitions fastidieuses, je ne décrirai pas ici dans son ensemble l'église de Notre-Dame-des-Miracles. Cette description a été donnée, dans ce Dictionnaire, par MM. Durif et Mallay ; on peut la lire aux pages 371 et 432 de la 9' livraison. A l'époque où l'on s'occupa du classement de l'église de N.-D. parmi les monuments historiques, je rédigeai une notice descriptive qui fut publiée dans les Tablettes historiques de l'Auvergne, année 1842, et dans le Bulletin monumental de la même année. Elle a été depuis reproduite dans d'autres ouvrages, et notamment dans le Dictionnaire des Pèlerinages de l'abbé Migne. Un beau dessin du portail occidental a trouvé place dans les magnifiques planches de l'Ancienne Auvergne. Notre belle église est, comme on le voit, parfaitement connue et justement appréciée. Je me contenterai donc de donner les dates de quelques reconstructions partielles. La tour octogonale qui domine la coupole fut ornée, en 1383, d'une flèche qui fut rétablie en 1563. La tour fut, en partie, reconstruite en 1625

« Par le soin, travail et diligence

D'Antoine d'Anjolye, homme de suffisance ,
De courage, de sens et de bon jugement.

………………………………………………………….
Ce qu'il fit aux dépens et des propres moyens

De tous les habitants et des paroissiens,

Qui s'employèrent tous d'affection et d'âme

Pour cest affaire saint, de la Vierge leur dame.

 

(Chronique en vers de M. Louis Mourguios,

 communiquée par M. Et. de Tournemine.)

 

Elle fut abattue dans la révolution par les ordres du conventionnel Châteauneuf-Randon. Elle a été rétablie sur les dessins de M. Mallay, architecte à Clermont, l'un des collaborateurs de ce Dictionnaire. La première pierre fut posée, le 25 juillet 1845, en présence des membres du conseil de fabrique. Cette reconstruction a été faite, pour les deux tiers, au moyen des fonds alloués par le ministre des cultes, et pour l'autre tiers, aux dépens de la fabrique. Les cultivateurs de la paroisse transportèrent les matériaux ; les bois de charpente et le droit de carrière de la pierre de taille furent donnés par des propriétaires et tenus à compte sur le tiers de la dépense à la charge de la fabrique.

Les quatre chapelles adossées aux collatéraux sont étrangères au plan primitif de l'église; elles n'ont rien de remarquable. Celle de Ste-Anne fut fondée en 1458, le lundi après la fête de Ste-Catherine, par Pierre Galauby, chanoine de Clermont et archiprêtre de Rochefort; celle du Sépulcre fut fondée en 1542; celle de la Nativité, en 1543, et celle des Fonds-Baptismaux, appelée autrefois de la Guioto, en 1544.

Les retables des autels de St-Mary et du Rosaire ont été faits aux frais de la communauté des prêtres, par les sieurs Vidal et René, sculpteurs à Aurillac; ils furent posés le 23 juin et le 22 octobre 1707. Les colonnes torses dont ils sont ornés ne sont pas sans mérite.

Je ne connais point l'époque précise à laquelle fut élevé le beau retable du chœur; ce fut, je pense, vers le milieu du XVIII° siècle. Quoique l'architecture de cet autel ne soit pas en rapport avec celle de l'église, il n'en est pas moins fort remarquable ; les quatre colonnes de marbre qui le décorent, ses lambris en marbre, ses corniches dorées lui donnent un aspect riche et imposant. La chaire, qui est du même temps, est aussi fort belle et d'un bon dessin, quoique un peu lourde.

La cuve des fonds baptismaux est ronde; elle est ornée de dessins et de moulures de l'époque bysantine; il serait à désirer qu'elle fût dégagée du mur auquel elle est adossée. Sculptée dans tout son pourtour, elle était destinée à être vue sur toutes ses faces. L'église de Mauriac possède quelques bons tableaux. Le plus remarquable représente les miracles de la Vierge. La tradition l'attribuait, par erreur, à Lesueur; un connaisseur fort habile et fort expérimenté croit qu'il est d'un élève de Van-Dyck. Les armoiries que l'on voit au bas de ce tableau prouvent que c'est un ex-voto. Avant la construction du retable, ce tableau était placé au maître-autel. La chronique rimée de Mourguios en parle en ces termes:

« Mais quant à celui-là, de nostre aimable et bonne

Dame, maîtresse, mère et fidèle patronne ,

Qui est au grand autel du temple paroissien ,

Il fut fait, et son cadre à Paris, pour le bien

Et la dévotion de la susdite ville ,

En l'an quarante-trois après six cent et mille,

Aux frais et coûts des sieurs du Tillet, gens pieux ,

Et grandement dévots à la Reine des cieux ,

Qui daignèrent douer et illustrer icclle

D'une si riche image en peinture si belle;

Marque de leur ferveur et sainte charité,

De leur munificence et rare piété.

Le Sr de Bonnefon (1), fils premier né d'Elie ,

Personnage dévot à la vierge Marie ,

Et docte, obtint ce don et bien des susdits sieurs,

Qu'il avait en sa charge, estant ses auditeurs. »

 

(1) Jean de Bonnefon, secrétaire du roi, tut, pendant trente-six ans, intendant de messire Charles Girard, marquis du Thiltay, président de la chambre des comptes de Paris, qui lui légua, par son testament du 2 septembre 1666, la somme de 18,000 livres pour ses bons services et lui tenir lieu de récompensa d'iceux et appointements, dont il ne luy a donné aucune chose depuis quinze ans.

Il ne parait pas qu'il ait été marié. Par son testament du 20 juin 1666, il légua à Pierre Bonnefon, son frère, docteur en médecine, la somme de 15,000 liv. à prendre sur le prix de l'office de secrétaire du roi.

 

 

Les tableaux de Tobie, des quatre Evangélistes et de saint François-d'Assise ont été donnés par M. Grasset, ancien maire de Mauriac. Celui de la résurrection du Lazare fut donné par le gouvernement, vers 1842, sur la demande de M. Salvage, alors député.

Le culte rendu à Marie dans l'église de Mauriac est depuis longtemps célèbre.

En 1317. Bernard VII, de La Tour-d'Auvergne, fait vœu d'aller en pèlerinage à N.-D. de Mauriac, et en cas où il mourrait sans avoir rempli ce vœu, il chargea son fils de l'accomplir.

Depuis une époque fort reculée, un cierge brûlait nuit et jour devant l'autel de la glorieuse vierge Marie. Cette coutume s'était en partie perdue, et le cierge n'était plus allumé que pendant la nuit. Par acte du 18 mars 1510, frère Salomon dels Fraissis (de Fraxinis), doyen de Mauriac, chargea le cellérier du monastère d'entretenir à perpétuité un cierge allumé pendant le jour devant l'autel de Marie. Il défendit de faire plus de douze cierges d'une livre de cire. Il donna, pour l'entretien de cette fondation, des rentes sur l'affar de Sartiges, le Vigean-Soubro, le Prat, commune de Jalleyrac, etc. Une sentence du bailliage d'Aurillac, du 12 janvier 1634, condamna les religieux à entretenir jour et nuit une chandelle ardente devant l'image de N.-D. de la paroisse. Celte sentence fut confirmée par un arrêt du parlement de Paris, du 31 janvier 1660.

En l'année 1483, les notables habitants de Mauriac et des environs fondèrent à perpétuité, en l'honneur de la Vierge, une messe haute qui devait être célébrée tous les jours de chaque semaine au maître-autel.

Le 14 octobre 1716, l'official de Clermont rendit une sentence par laquelle il ordonna que les prêtres communalistes continueraient de chanter chaque jour  la messe de Nostre-Dame accoutumée estre célébrée dans ladite église, à haute voix, avec diacre et sous-diacre, laquelle sera dite par l'hebdomier, privativement au vicaire perpétuel et son secondaire. Et sera ladite messe célébrée le dimanche avant la messe de paroisse, dont l'heure demeurera fixée, depuis Pasques jusqu'à la Toussaint, à sept heures, et depuis la Toussaint jusqu'à D Pâques, à huit heures.

Les évêques Thomas du Prat, en 1528; Louis d'Estaing, François de Bonal, approuvèrent l'office spécial de N.-D.-des-Miracles, et accordèrent des indulgences aux fidèles qui prennent part à la fête.

L'église de Mauriac a été récemment l'objet d'une faveur spéciale. Par un décret donné à Rome la veille des kalendes de janvier 1854, le souverain pontife a délégué Mgr Lyonnet, évêque de St-Flour, pour couronner en son nom la statue vénérée de N.-D.-des-Miracles.

Par un induit daté de Rome, le 24 avril 1855, notre Saint-Père le pape Pie IX a accordé à perpétuité une indulgence plénière à tous ceux qui visiteraient l'église de N.-D.-des-Miracles, le jour de la fête ou pendant l'Octave, et qui y recevraient la communion. Une indulgence de deux cents jours est accordée à ceux qui assisteront à la fête ou qui visiteront l'église pendant l'Octave. Aussitôt que la nouvelle des grâces si abondamment départies à notre église fut parvenue dans nos montagnes, les populations de la ville et des campagnes furent profondément émues. L'élan était général, l'enthousiasme universel; une souscription fut ouverte pour offrir à la Vierge un manteau et un voile dignes de sa brillante couronne. Chacun voulut concourir à cette œuvre ; le pauvre montra autant d'empressement que le riche; on demandait à tous, aucun ne refusa.

Le conseil de fabrique avait depuis longtemps le projet de compléter la décoration de l'église de N.-D., en la faisant orner de vitraux peints. Il avait reculé quelque temps devant une dépense considérable ; mais toute hésitation cessa, et le jour où le couronnement eut lieu , les vitraux sortis des ateliers de M. Emile Thibaut, de Clermont, étaient déjà posés.

Le 15 mai 1855, jour de la fête patronale, Mgr l'évêque de St-Flour, délégué apostolique, assisté des évêques de Nevers et de Tulle et d'un nombreux clergé, couronna la statue vénérée en présence de M. le préfet, de M. de Parieu, député; de plusieurs hauts fonctionnaires, de toutes les autorités locales et d'un immense concours de fidèles venus de toutes les parties du département du Cantal et des départements voisins. Il fut dressé procès-verbal de cette cérémonie pour en conserver le souvenir, et aussi pour témoigner à Mgr Lyonnet la reconnaissance de la cité.

La fête de N. D est célébrée à Mauriac avec une pompe et une solennité sans égales dans le diocèse. Le salut, surtout, excite l'admiration et fait naître les plus douces émotions. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer une description de cette touchante cérémonie, due à la plume élégante et exercée de M. l'abbé Delteil, professeur de rhétorique à Mauriac, auteur d'une fort bonne notice sur la fête et le pèlerinage de N.-D.-des-Miracles.

« La vaste église a déployé toutes ses magnificences; elle rayonne de lumières; le trône de la Vierge s'élève au centre de la croix latine ; le concours des fidèles est immense. Des émotions pures comme la reine de la fête, enivrantes comme une belle soirée de printemps, remplissent tous les cœurs, débordent et se propagent par une heureuse contagion. Le signal est donné; l'officiant, précédé de sa nombreuse assistance, fait le tour de l'église, au moyen d'un passage qu'on lui ménage à grand'peine, à travers la foule compacte, pour se rendre à son siége en face du trône de Marie. Quand chacun est à son poste, quand l'œil embrasse d'un regard l'ensemble de la cérémonie, oh ! Alors, comme l'a dit une bouche d'évêque, le spectacle n'est plus de ce monde. Ce clergé si nombreux, ces légions de beaux enfants que la piété et peut-être l'innocent orgueil des mères s'est plu à parer des livrées angéliques, ces ailes, ces flambeaux, ces voix enfantines qui se marient avec les voix pleines et graves des chantres, ce concert de louanges et de prières qui se poursuit entre les tribunes et les assistants du trône de la Reine des miracles, ce bonheur qui brille dans tous les yeux et fait battre doucement toutes les poitrines, tout vous enchante et vous ravit hors de vous-même; c'est un charme, une extase véritable; les heures passent comme des instants. La bénédiction solennelle du Saint-Sacrement termine cette cérémonie qui ne peut guère avoir que son égale ici-bas. Chacun se retire pénétré et comme embaumé d'un parfum de céleste béatitude. »

Dans un placet présenté au roi par les prêtres communalistes de Mauriac, vers l'année 1760, ils exposent que jusqu'au XV° siècle il n'y a point eu de curé dans l'église de Mauriac, le cellérier du monastère en faisait les fonctions. Il est aujourd'hui difficile de vérifier l'exactitude de cette assertion; ce qu'il y a de certain, c'est qu'avant cette époque on ne trouve pas dans les copies de titres qui sont parvenues jusqu'à nous, le titre de curé donné à un ecclésiastique de l'église de Mauriac ; mais le chapelain de l'église de Notre-Dame est mentionné dans la chronique de St-Pierre-le- Vif et dans plusieurs actes du XIII° siècle. Il en est un dont la copie nous a été conservée par dom Verdier-Latour (Bible de Cler mont), dans lequel ce chapelain est désigné d'une manière indubitable; il est du 17 des kalendes de septembre 1261 ; c'est une reconnaissance consentie par Guillaume de Tournhac, en faveur de Pierre de Vigero (peut-éte Vigoro): elle est faite sous le sceau de Guillaume Guitard, prêtre tenant la place du chapelain de l'église de Ste-Marie de Mauriac pendant la vacance de la chapellenie, en présence de Géraud de Domis, prêtre, chapelain de l'autel de Ste-Marie du monastère, de Maurin de Salzines, chapelain du monastère, et de Guillaume de Domis, chapelain du Puy-St-Mary. Dom Verdier Latour donne la description suivante du sceau du chapelain de N. D. « Le sceau porte une sainte vierge tenant l'Enfant-Jésus entre ses bras devant un homme à genoux ; il y a de l'écriture illisible autour du sceau. »

En 1274, Jean Laromets, chapelain de Mauriac, est nommé tuteur dans le testament de M. Pierre de Transmons, médecin, de Mauriac.

Au XV° siècle, le titre de vicaire perpétuel ou de curé a remplacé celui de chapelain.

Les chapelains exerçaient-ils les fonctions curiales? C'est possible, quoique cela soit contestable; mais il n'est pas douteux qu'elles étaient remplies par les vicaires perpétuels; le titre qu'ils portaient en est la meilleure preuve.

Le doyen du monastère était le curé primitif de la paroisse. Dans l'origine, le curé primitif jouissait de tous les revenus de la cure, qu'il faisait desservir par un vicaire auquel il donnait une certaine portion des fruits ou une pension pour sa subsistance, qu'on appelait portion congrue. Le curé de Mauriac recevait du doyen ou du monastère 22 setiers de froment et 10 livres d'argent pour sa portion congrue. Plus tard, conformément à une déclaration du roi, de juillet 1689, elle fut réglée à une somme de 450 livres. Le curé ou vicaire perpétuel était nommé par l'évêque, sur la présentation du doyen. Le monastère jouissait des droits de la marguillerie; mais il était obligé de fournir ce qui était nécessaire aux frais du culte. Par une transaction du 21 décembre 1667, les religieux se démirent en faveur des curé et prêtres de tous les profits et émoluments appartenant au monastère, pour raison de la sacristie de l'église de N.-D. Ladite démission ne s'entendant que des profits journaliers et droits casuels, et le monastère s'obligea à payer annuellement aux curé et prêtres une rente de 240 livres non rachetable.

Il y avait dans l'église de N.-D. une communauté de prêtres qui existait dès le XII° siècle. En 1170, il fut fait une fondation au profit de la communauté des prêtres de Mauriac; il en fut fait une autre en 1266. Dans son testament déjà cité, Pierre de Transmons, médecin, légua à la communauté des prêtres de Mauriac, pour son anniversaire, vingt deniers de rente qu'il avait acquis de Guillaume de Melet, damoiseau. Ces fondations se multiplièrent pendant les siècles suivants. En 1517, en 1577, en 1582 , en 1616, les prêtres filleuls de l'église de N.-D. furent compris en commun dans les rôles des décimes. Ils faisaient toutes les fonctions et exerçaient tous les droits des communautés. Tous les jours ils chantaient l'office canonial, assemblaient des chapitres, comme cela se pratique dans les églises collégiales, et même infligeaient des peines à ceux dont la conduite pouvait se relâcher. (Placet au roi.)

En présence de ces actes multipliés, de cette possession de plusieurs siècles, il semblait que le droit de former une communauté ne pouvait pas être contesté aux prêtres filleuls de l'église de Mauriac. C'est cependant ce qui arriva, et un arrêt du parlement, de 1720, déclara qu'ils ne formaient pas une communauté, et leur en enleva toutes les attributions; nous dirons plus loin à quelle occasion cet arrêt fut rendu et par qui il fui provoqué.

Jusqu'au milieu du XVII° siècle, il ne paraît pas qu'aucun débat fût survenu entre le doyen et les religieux d'une part, et le curé et les prêtres communalistes de l'autre, au sujet de leurs droits respectifs; du moins, il n'en est pas resté de traces. Mais, à partir de cette époque, des contestations nombreuses s'élevèrent entre le monastère et l'église et se perpétuèrent pendant près d'un siècle; elles avaient presque toutes pour objet des droits honorifiques, que les religieux voulaient exercer et qui leur étaient déniés. Lorsque la réforme de St-Maur eut été établie au monastère de Mauriac, les religieux réformés sentirent la nécessité non seulement d'assurer le recouvrement des revenus du monastère, de rétablir les bâtiments qui tombaient en ruine, mais encore d'exercer les droits honorifiques qu'ils pouvaient avoir, et de faire revivre ceux qui étaient tombés en désuétude. Eu 1649, dom Gautrean était prieur du monastère; Pierre Pommeric était vicaire perpétuel. Le jour de la fête de N.-D.-des-Miracles, le prieur, suivi des religieux, voulut célébrer la grand'messe à la paroisse; le sermon devait être prêché par un religieux; la messe était commencée lorsqu'une scène scandaleuse, qui n'aurait été que plaisante ou ridicule ailleurs, mais qui était fort grave et très-inconvenante dans le lieu et les circonstances où elle se passait, vint troubler le service divin. Au moment où le religieux gravissait les degrés de la chaire, on le tira violemment par le froc et par les pieds, et on l'aurait étranglé et fait tomber par terre sans quelques-uns des assistants, lesquels auraient fait cesser ces violences. Les autres néanmoins continuaient le tumulte et scandale, proférant plusieurs paroles injurieuses contre ledit prédicateur et autres religieux,

mesme contre le prieur célébrant, auraient fait sonner toutes les cloches et  trompettes, et battre les tambours avec un si grand bruit et désordre, que les religieux chantant la grand'messe ne pouvaient entendre le célébrant, ni le célébrant lesdits religieux chantants, jusques à ce que ledit tumulte ayant un peu cessé par plusieurs remontrances faites aux auteurs d'icelui et au peuple, ledit » célébrant aurait repris la sainte messe et continué jusques à l'offertoire, où  ledit prédicateur voulant commencer le sermon et demandant la bénédiction  audit célébrant, selon la coutume usitée de tous les temps, lesdites personnes » auraient excité un autre grand trouble et vacarme, faisant sonner toutes les cloches et trompettes, battre les tambours dans ladite église Par le moyen

dudit trouble et vacarme, le prédicateur n'aurait pu commencer la prédication, ains auroit esté obligé de descendre de la chaire, et le célébrant contraint de discontinuer le chant de la grande messe et la parachever à basse voix avec beaucoup de peine et d'interruption. ( Copie contemporaine du monitoire de Joachim d'Estain , évêque de Clermont.)

Le curé et les communalistes qui, dans cette circonstance, étaient d'accord avec lui, étaient parvenus à empêcher les religieux de prêcher, droit qu'ils leur contestaient; mais ce succès avait été obtenu par la violence, et, comme tous les succès de ce genre, il ne pouvait pas être de longue durée. Des ecclésiastiques et des laïques avaient pris part à ces voies de fait condamnables. L'évêque de Clermont fut saisi de l'affaire; il adressa un monitoire à tous les curés, vicaires et prêtres de son diocèse pour qu'ils eussent à contraindre, sous peine d’excommunication, tous les témoins de cette scène déplorable à faire leur déclaration devant Me Chaumeil, notaire royal à Mauriac, dans les six jours â partir de la publication du monitoire. Il paraît que la cause des moines était peu populaire; ils avaient, en effet, exposé à l'évêque qu'ils ne peuvent avoir preuve que par censure. D'une autre part, les laïques avaient été traduits devant la juridiction criminelle. On fit grandes informations et plaintes de part et d'autre, avec plusieurs sommations et adjournemens; le procès fut porté en la Cour de Parlement de Paris pour être jugé en toute rigueur. Mgr l'évêque d'Aulonne, suffragant de Mgr l'évêque de Clermont, supplia le révérend supérieur de la congrégation d'agréer qu'il fust l'amiable compositeur de toute ceste dispute, ce que luy ayant fort volontiers accordé; le révérend père prieur et le vicaire (M. Pomerie, curé), se trouvèrent à Clermont, comme il les en avait priés par  lettres, où il donna sentence aux parties le 1er jour du mois de février 1650. (Hist. ms. du monastère, par dom Laurent) Le curé , se croyant lésé par cette sentence, s'en fit relever par des lettres royaux. Le procès allait donc reprendre son cours, lorsque le prieur et le curé transigèrent par un acte authentique du 22 octobre 1650. Il fut convenu que le prédicateur de la fête de N.-D.-des-Miracles serait nommé alternativement par chaque partie. Non seulement on reconnut au prieur, en l'absence du doyen, le droit de célébrer la grand'messe chantée et officiée par les religieux et les prêtres, mais encore ces derniers et le curé s'obligèrent à aller processionnellement à l'église du monastère et retourner ensemble, avec lesdits religieux, commencer la procession à l'église paroissiale, à la fin de laquelle le supérieur dudit monastère ou autre des religieux, en son absence, donnerait la bénédiction. (Extrait de la transaction.)

Dom Laurent dit que, dans cette transaction, le père prieur relâcha beaucoup de son droit » en consentant à ce que la nomination du prédicateur fût alternative. Sauf ce point, la suprématie du monastère avait été reconnue. Le curé n'était plus que l'inférieur du doyen et des religieux ; il était leur vicaire, et ils étaient les curés primitifs. Ce dernier honneur n'était pas sans charges; Pierre Pomerie le savait. Il intenta trois procès contre les religieux : l'un à sa requête, pour faire fixer sa pension ou portion congrue; le second au nom de son frère Antoine Pomorie, au sujet d'un bénéfice appelé la vicairie de St-Benoit, et le troisième en son nom et en celui des prêtres communalistes, disant qu'à cause de l'office de cellérier joint à la mense conventuelle et comme sacristain de leur église, on était obligé à leur fournir le vin pour toutes les messes , et faire brûler un cierge nuit et jour devant l'image de Notre-Dame , dans leur église. Le père Rongier, qui avait succédé à dom Gautreau, se montra moins conciliant que son prédécesseur; il soutint les trois procès  contre vents et marées, et les perdit tous trois et les deux premiers avec dépens. On ne saurait dire, ajoute dom Laurent, le crédit que cela leur fit perdre (aux religieux) et les dommages qu'ils en ont reçus.

Vers l'an 1715, messire Antoine Gibert, docteur en théologie, vicaire perpétuel de l'église de Mauriac, était vieux et infirme. Les prêtres communalistes, qui avaient pour syndic M. Pomeyrol, cherchèrent à s'emparer des fonctions curiales, et à dépouiller le vicaire perpétuel des droits honorifiques et utiles de son église, et de ceux en particulier qui lui étaient dus comme vicaire du doyen; ils poussèrent si loin leurs innovations, que le curé se vit obligé de les poursuivre devant l'official de Clermont. Les religieux intervinrent dans l'instance pour y soutenir les droits de leur vicaire perpétuel; ils se plaignaient, en outre, de ce que les prêtres communalistes n'assistaient pas aux processions établies, et de ce qu'ils en établissaient de nouvelles, notamment celle de l'octave de N.-D.-des-Miracles, sans autorisation. Mais ce qui cause un grand scandale (disent les  religieux dans un mémoire présenté à l'official), c'est qu'ils ont érigé autel contre autel; ils ont fait ériger un autel dans la paroisse à l'honneur de saint Mary, et, le jour de sa fête, ils chantent depuis peu une messe solennelle, et font une procession après icelle, et font appeler une relique dudit saint: » Saint-Mary-le-Cadet, qui a supplanté l'aisné des moines.

………….Le jour de l'octave de N.-D.-des-Miracles, le sieur Pomeyrol se distingue par des nouveautés singulières : il fait faire une procession solennelle qui n'est point approuvée par Mgr de Clermont, fait officier et porter l'étole à un simple prêtre autour de la ville; il ne veut pas que le curé paraisse ce jour dans son église, jour qu'il appelle le triomphe de sa prétendue communauté. Les doyen et religieux s'opposent à cette procession, parce qu'il est porté dans la transaction (de 1650) qu'ils présideront à toutes les processions solennelles qui se feront à Mauriac.

Après diverses productions de pièces et une procédure fort compliquée, l'official rendit sa sentence le 16 octobre 1716; elle est fort longue et statue sur tous les chefs de réclamation ; elle contient un règlement qui détermine, d'une manière claire et précise, les attributions et les droits des prêtres et du curé, ainsi que les rapports qu'ils devaient avoir, soit entre eux, soit arec les religieux. Les prêtres obtinrent gain de cause au sujet de l'érection de l'autel de St-Mary et de la procession de l'octave de Notre-Dame, à condition néanmoins de représenter, avant le jour prochain desdites festes, la permission qu'ils ont deu  obtenir pour l'érection dudit autel et institution desdites processions ou d'en obtenir une nouvelle, et, à défaut de ce, ledit autel demeurera interdit et les processions supprimées. La qualité de communalistes n'avait pas été contestée aux prêtres filleuls devant l'official, et partout dans la sentence elle leur avait été maintenue.

La sentence ecclésiastique ne satisfit pas le curé; il en appela, comme d'abus devant le Parlement de Paris. Pendant l'instance, Antoine Gibert résigna ses fonctions curiales en faveur de Joseph Bonnefon, docteur de Sorbonne. Ce dernier pensa que le meilleur moyen de mettre un terme aux prétentions des prêtres filleuls et de prévenir de nouvelles collisions, était de leur contester leur qualité de communalistes. C'est ce qu'il fit avec un plein succès, et, en 1726, le Parlement rendit un arrêt portant qu'il y avait abus en ce qu’on avait donné aux prêtres filleuls la qualité de communalistes; leur fait défense de la prendre à l'avenir, et d'exercer aucun des droits dont jouissent les corps et communautés approuvés comme telles dans le royaume; leur interdit l'administration des biens et revenus de leur église; ordonne que ces biens seront régis par des marguillers

laïcs, avec le curé, à l'effet de quoi les habitants de Mauriac seront tenus de  s'assembler pour procéder à la nomination de nouveaux marguillers.

Cet arrêt fut mal accueilli dans la ville, et par une délibération du 21 juillet, les habitants déclarèrent qu'ils voulaient se pourvoir contre cet arrêt. Dans une autre assemblée, ils donnèrent une procuration unanime pour y former tierce-opposition; il parait qu'il n'y fut pas donné suite, et plusieurs arrêts du Parlement condamnèrent les habitants à nommer des marguilliers. Cependant, en 1752, ils reprirent leur tierce-opposition; ils la fondèrent sur l'intérêt qu'ils ont de diminuer les charges de leur ville et de voir jouir paisiblement leurs enfants d'un bien qui leur est affecté depuis tant de siècles et qui ne peut appartenir qu'à eux, puisque pour être admis dans le nombre des prêtres, il faut être né et baptisé dans la paroisse.

On comptait si peu sur le succès de cette opposition, que les prêtres filleuls adressèrent un placet au roi pour qu'il reconnût ou plutôt qu'il autorisât leur communauté. J'ignore quel fut le résultat de ces démarches ; je crois, cependant, qu'elles ne réussirent pas et que la communauté ne fut pas rétablie

La question des droits honorifiques fut soulevée de nouveau, alors que le curé avait recouvré toute son autorité. L'abbé de Sers, doyen du monastère, qui ne redoutait pas les procès, fit notifier, le 7 mai 1731, à M. Bonnefon, curé, que le 9 du même mois, jour de la fête patronale, il irait faire l'office dans l'église paroissiale, conformément aux anciens usages. Cette notification fut faite par Me Soustre, notaire. La réponse du curé ne se fit pas attendre; le même jour, et devant le même notaire, il contesta le droit du doyen, soutint qu'il n'était pas curé primitif, et lui fit défense de venir le troubler dans son église.

Le curé et le doyen s'en étaient remis à la décision de l'évêque de Clermont; mais celui-ci n'ayant pas statué, le 7 mai 1735 le doyen déclara de nouveau, et cette fois par un acte d'huissier, qu'il irait officier le jour de la fête patronale. Nouvelle opposition de la part du curé, signifiée dans la journée par un huissier. Nonobstant cette opposition, le 9 mai suivant, l'abbé de Sers, suivi des religieux du monastère, de Bernardins et de Cordeliers, tous en habits sacerdotaux, se rendit à l'église paroissiale. Les religieux étaient si nombreux qu'ils occupaient le chœur tout entier, jusqu'à la première marche de l'autel. Il parait cependant que le curé parvint à y pénétrer et à officier. Les religieux, le doyen en tête, sortirent de l'église et firent la procession autour de la ville; mais ils ne furent suivis ni par le clergé séculier, ni par le peuple. Les scandales de 1649 ne se renouvelèrent pas, peut-être au grand mécontement du doyen, qui n'aurait pas été fâché que le curé se fut un peu compromis. Il n'en fit pas moins dresser un procès-verbal par ses officiers de justice, et il engagea immédiatement un procès contre le curé, au bailliage d'Aurillac.

J'ignore quelle fut l'issue de ce procès, et cela importe peu. La décision qui fut rendue, qu'elle ait été favorable au doyen ou au curé, n'ajouterait rien au tableau de mœurs qui est sous les yeux du lecteur. II suffit de savoir que des questions de préséances, de droits honorifiques, agitèrent pendant un siècle l'église de Mauriac, et qu'elles se prolongèrent alors que l'incrédulité commençait à se faire jour, et presque jusqu'à la veille de ce grand cataclysme qui devait engloutir dans le même abyme toutes les institutions religieuses.


FRANCHISES DE LA VILLE.

La chronique de St-Pierre-le-Vif fait mention des bourgeois de Mauriac et les distingue des serfs; un acte du commencement du XII° siècle, que nous avons cité, est passé en présence des bourgeois de Mauriac . Quoique le nom de bourgeois ait été donné ordinairement aux habitants des villes affranchies et qu'il équivalût au mot de civis, citoyen, je ne veux pas prétendre qu'il eût cette signification dans la chronique et l'acte que nous venons de rappeler; mais toujours est-il que si le gouvernement municipal n'était pas encore établi à Mauriac, il y avait des hommes libres qui possédaient des propriétés affranchies de toute servitude et qui habitaient une ville enceinte de murs. (Voir du Cange, au mot burgensis.)

Vers le milieu du XIII° siècle, les hommes libres de Mauriac, obéissant à ce mouvement qui poussait la bourgeoisie vers son affranchissement, manifestèrent la volonté de faire administrer la cité par des consuls ou des recteurs de leur choix. De vifs débats avaient eu lieu à ce sujet entre les bourgeois et le doyen, lorsque, d'un commun accord, ils choisirent pour arbitre de leur différend et pour amiable compositeur, Geoffroi, abbé de St-Pierre-le-Vif-de-Sens.

Au mois de juin de l'an 1248, Geoffroy rendit une sentence arbitrale par laquelle il déclare que, prenant en considération les avantages tant du monastère que de la ville, après avoir pris le conseil de bons hommes, il ordonne qu'à l'avenir les hommes de Mauriac éliront, ainsi qu'il leur plaira, douze d'entre eux qu'ils présenteront au doyen dans la huitaine; le doyen nommera quatre recteurs ou gardiens (custodes) pris parmi les douze personnes présentées; il leur adjoindra le cellérier ou un autre moine; leur pouvoir durera pendant onze mois; ils auront dans leurs attributions les édifices de la ville, les tailles, les prises d'armes, les guerres; ils poursuivront les affaires de la ville, pourvu que ce ne soit pas contre le monastère. Dans le cas où le doyen n'aurait pas nommé les quatre recteurs dans la huitaine, les hommes susdits auront le droit de les choisir eux-mêmes. Il ordonne que le doyen ou le moine qui sera adjoint aux recteurs ne pourra rien garder devers lui de l'argent provenant de la taille, si ce n'est du consentement des hommes de Mauriac. Les recteurs ou gardiens ne pourront recevoir ou prendre le serment ou des gages de ceux qui ne voudront pas payer (la taille), sans un mandat du doyen et sans son autorité. Dans le terme de onze mois, les quatre recteurs rendront compte des recettes et des dépenses au moine adjoint et aux hommes susdits. Il ordonne qu'à l'avenir aucune monnaie ne serait reçue et publiée dans la ville de Mauriac sans le consentement du couvent et des hommes de Mauriac, ou sans son ordre exprès. Dans le cas où il surviendrait de nouvelles difficultés entre le doyen et les hommes de Mauriac, Geoffroy en réserve le jugement à lui et à ses successeurs.

On voit par cette sentence, qui est fort courte et dont nous avons traduit littéralement la plus grande partie, que l'arbitre n'accorde pas aux bourgeois de Mauriac le droit d'administrer seuls la cité; il leur adjoint un religieux choisi par le doyen. Il ne donne point aux administrateurs le titre de consuls, il les nomme recteurs ou gardiens; du-reste, ils ont le droit de faire la guerre, de lever des tailles, d'édifier ou de réparer les murs de ville, d'avoir des édifices publics, d'ordonner les prisés d'armes et de poursuivre les affaires qui intéressent la commune; mais aucune part du pouvoir judiciaire ne leur est concédée ; il est entièrement réservé au doyen, et ils ne peuvent contraindre les débiteurs de la commune à se libérer par la prise des gages ou par le serment, sans l'autorité du doyen. D'une autre part, la disposition des deniers provenant de la taille leur appartient exclusivement, et le moine adjoint ne peut en rien retenir sans le consentement des bourgeois.

A tout prendre, cette charte était plus qu'un acte de manumission ou de simple affranchissement, elle constituait un pouvoir municipal qui n'était pas complètement indépendant et libre de tout élément étranger ; mais qui n'en assurait pas moins aux bourgeois une influence prépondérante dans l'administration de la cité.

La sentence arbitrale n'avait pu tout prévoir; de nouvelles difficultés s'élevèrent entre le doyen et les bourgeois; en premier lieu, au sujet des faux poids et des fausses mesures; en second lieu, sur le droit d'usage dans la forêt de Salvalis, que le doyen contestait aux bourgeois, quoiqu'ils offrissent de payer la redevance accoutumée de deux livres de pain par feu et par an. Le doyen, depuis deux ou trois ans, retenait pour le prix d'achat les maisons vendues dans la ville, les revendait ensuite à d'autres au préjudice des bourgeois. Enfin, il diminuait l'étendue des pacages de la ville appartenant aux bourgeois, en le vendant. L'abbé de St-Pierre, conformément à la disposition finale de la sentence, fut saisi de ces difficultés, et cette fois ce n'est plus comme arbitre qu'il prononce, mais comme juge souverain, ayant une juridiction pleine et entière sur le doyen et les bourgeois.

Le vendredi après l'octave des apôtres saint Pierre et saint Paul 1256, Geoffroy de Montignac, abbé de St-Pierre-le-Vif, fait un règlement dans lequel il expose que, quoique le doyen et le couvent de Mauriac eussent été cités à comparaître devant lui à l'octave des apôtres Pierre et Paul, le doyen en personne et le couvent par un fondé de pouvoirs suffisants, et que les bourgeois de Mauriac eussent été cités pour le même jour, pour traiter diverses affaires intéressant la ville de Mauriac et s'occuper de certaines plaintes faites par le doyen et les moines, ledit doyen et le couvent ne se sont pas présentés et n'ont pas envoyé de procureur; les bourgeois, au contraire, ont comparu, au nombre de onze, ayant des pouvoirs suffisants de tous les autres. Le lendemain du jour fixé pour la comparution , il a traité avec les onze bourgeois de l'aune , de la carte du vin, de la livre, du poids, du bichet et de toute autre mesure; et, comme l'usage des faux poids et des fausses mesures n'avait jamais été réprimé à Mauriac, plusieurs s'en servaient dans ladite ville; il ordonna que ceux qui feront usage à l'avenir de fausse carte, de fausse livre, de faux poids, de faux bichet et de toute autre fausse mesure, paieront quatre sols et un denier d'amende; en outre, la fausse mesure sera brisée. Sur les quatre sols d'amende, deux sols appartiendront à la ville, et seront employés à réparer les murs et les fossés ou aux affaires communes ; les deux sols restants seront réservés et employés ainsi qu'il le trouvera bon.

Le même jour, Geoffroy adresse des lettres revêtues de son sceau à son très cher ami, noble et vénérable homme et discret seigneur, le recteur du vicomté de Ventadour. Il le charge de s'enquérir par lui-même ou par d'autres personnes capables, s'il est vrai : 1° que le doyen Etienne ne permet pas aux bourgeois de Mauriac de prendre dans la forêt de Salvalhés (ne) le bois nécessaire à leur chauffage, ainsi qu'ils l'ont fait de tout temps, moyennant une redevance de deux livres de pain; 2° si le doyen retient pour le prix d'achat les maisons et autres possessions vendues par les bourgeois et les revend à d'autres, quoique cela ne se fût jamais fait, si ce n'est depuis environ deux ans ; 3° s'il vend les pâturages de la ville, ce qui ne lui est pas permis; et, dans le cas où ces faits seraient reconnus vrais, le recteur avertira le doyen pour qu'il ait à se désister de ces actes d'oppression (gravaminibus) , et qu'il laisse les bourgeois user de leur droit suivant la coutume. Dans le cas où, après cette monition, il ne se désisterait pas, nous l'excommunions par écrit, dit Geoffroy, vous le dénoncerez excommunié ou le ferez dénoncer excommunié publiquement.

Il résulte de cet acte , que les habitants de Mauriac avaient un droit d'usage dans la forêt du doyen; que le retrait féodal était une innovation, qu'il ne s'exerçait que depuis environ deux ans, et que les pâturages étaient la propriété des bourgeois; que, par conséquent, les propriétés privées étaient franches et libres, de même que les propriétés communales.

L'abbé de St-Pierre-le-Vif ne s'en tint pas aux deux actes que nous venons de citer. Le lendemain, c'est-à-dire le samedi après l'octave des apôtres saint Pierre et saint Paul, il nomma pour garder la ville de Mauriac à sa place ou pour ses lieutenants (loco nostris) Durand Guichard, Barthélemy de Fraïsse et Guillaume Jarbt ou Jarbit. Enfin, le dimanche suivant, il excommunia en jugement frère Etienne, doyen de Mauriac, pour sa désobéissance et parce qu'il n'avait pas observé les statuts faits par le doyen, Hugues, pour l'église de Mauriac.

Les documents importants que nous venons d'analyser ont été conservés par dom Verdier Latour , religieux bénédictin; les copies , certifiées par lui, font partie du cabinet des chartes de la bibliothèque impériale. L'acte par lequel l'abbé de St-Pierre nomma Pierre de Montlaur en remplacement du doyen excommunié n'est pas parvenu jusqu'à nous; mais il en est fait mention dans d'autres pièces dont l'authenticité n'est pas douteuse. Cette nomination fut faite le jeudi après la fête des apôtres Pierre et Paul de l'an 1258.

Les bourgeois de Mauriac avaient trouvé dans Geoffroy de Montignac un défenseur ferme et zélé; mais le doyen excommunié était Etienne de Scorailles; il appartenait à une famille qui n'avait plus le haut rang qu'elle avait occupé dans le pays aux XI° et XII° siècles, mais qui n'en avait pas moins encore une grande puissance par ses alliances et les terres qui lui restaient. Avant que l'abbé de Sens n'eût prononcé les sentences qui s'étaient succédé avec tant de rapidité dans l'octave de la fête des apôtres Pierre et Paul de l'année 1256, sur la citation qui lui avait été donnée à comparaître devant son supérieur , Etienne s'était pourvu par la voie de l'appel, en cour de Rome, contre les décisions antérieurement rendues par Geoffroy et son prédécesseur. Cet appel fut fait par procureur, devant l'official de Clermont, qui en donna acte en présence d'Adhémar de Cros, archidiacre d'Aurillac, de Raoul de Cros, chanoine ëe Clermont, de Pierre de Massiac et Pierre de Cordes, chanoines d'Arthone, d'Hugues , prieur d'Orcet, de Géraud Mazet, Me Jacques Ponchet et Jean Delandis, clercs, de Durand de Gerzat, curé de l'église de Fontanges, et de Robert Aicelin, chanoine de Billom

On remarque dans cet appel le passage suivant: « Pour ce qui peut toucher à la juridiction du seigneur roi des Francs ou de l'illustre comte de Poitiers, nous appelons à eux ou à celui d'entre eux devant lequel l'appel doit être relevé de droit, mettant sous la sauvegarde du Saint-Siège apostolique ou sous celle du roi et du comte, le doyen, le couvent de Mauriac, leurs églises et leurs fauteurs et alliés, avec tous leurs biens, leurs possessions et leurs droits. »

Cet appel fut renouvelé à Paris, le dernier dimanche de novembre 1256, dans la cour du roi, par le doyen lui-même, en présence de l'abbé de St-Pierre-le-Vif. Les témoins de cet acte furent l'abbé de Mozat, l'abbé d'Aurillac, Guillaume, moine de Mauriac , Jean d'Albin , moine d'Aurillac, Armand, moine de Mozat, M'Girardin, moine de Cluny , et Me Hugues Delségur. L'acte fut reçu par de Cortone, notaire.

Il est à remarquer que l'ordre des juridictions était si mal défini ou si peu connu, que le doyen ne savait pas s'il devait porter son appel devant le roi ou devant le comte, et que, dans le doute, il le relevait devant l'un et l'autre. Je n'ai rien trouvé qui puisse faire penser que l'appel ait été suivi devant la juridiction civile. Mais il n'en fut pas de même de l'appel en cour de Rome. Le pape Alexandre IV nomma des commissaires chargés d'instruire l'affaire. L'abbé de Sens et le doyen nommèrent des procureurs; celui du doyen et des religieux de Mauriac fut Gilbert, prieur de St-Etienne, près Peyrou.

Les principaux griefs exposés par le procureur d'Etienne de Scorailles et des religieux sont les suivants:

Il se plaint de ce que l'abbé a excommunié le doyen et plusieurs religieux, au préjudice de l'appel qu'ils avaient formé en cour de Rome; qu'il les avait cités devant lui, à Sens, quoique Mauriac fût éloigné de cette ville de sept à huit journées; qu'il avait excommunié différentes personnes qui avaient formé une confrérie en l'honneur de saint Mary, dont le culte est célébré à Mauriac avec la plus grande vénération; qu'il a porté de fait la même excommunication contre le doyen et le chambrier , s'ils consentaient à cette confrérie; qu'il les a cités à Sens sans que personne lui demandât cet acte de justice; qu'il n'a agi ainsi que parce qu'il voyait avec peine que le doyen avait le droit de porter le Laton pastoral et la chappe dans l'église de St-Pierre, et de s'asseoir à côté de lui au chœur et au réfectoire; qu'il avait pris sous sa protection Géraud de Chavel et sa famille, qui sont sous la juridiction du doyen et des religieux; qu'il a dissout une confrérie établie entre les Iniques de la ville de Mauriac, au préjudice de la juridiction que le doyen et les religieux ont dans cette ville et qu'ils exercent pleinement; qu'usurpant leur juridiction, il a cité les hommes de la ville de Mauriac, leurs sujets immédiats, à comparaître devant lui pour entendre les règlements qu'il voulait faire dans la ville de Mauriac, quoique la juridiction ordinaire ne lui appartînt pas et ne lui eût pas été déléguée; qu'il les contraignait à observer les statuts faits par Hugues, son prédécesseur, portant que le nombre des moines ou dm familiers reçus dans le monastère ne pourrait s'élever au-delà de douze ou de quinze, quoique les revenus de l'église suffisent pour vingt-quatre ou un plus grand nombre; que ces statuts n'étaient pas raisonnables et qu'ils n'étaient pas tenus de les observer. Il demande que les appels interjetés par le doyen et les religieux soient déclarés canoniques; que tout ce qui a été fait soit réformé, et notamment l'excommunication prononcée contre eux; qu'il leur soit rendu pleine et entière justice, le doyen et le couvent ne pouvant plaider commodément dans le diocèse de Sens à cause de la puissance et de la malice de l'abbé.

Dans sa réponse, le procureur de l'abbé de St-Pierre-le-Vif maintient que le monastère de Mauriac, tant pour le temporel que pour le spirituel, dépend de l'abbaye de St-Pierre; qu'il est en la puissance, sous la juridiction et sous la protection de l'abbé; que ce dernier a le droit de faire tous les règlements nécessaires et de corriger tout ce qui est répréhensible de même que dans l'abbaye de St-Pierre-le-Vif; que la ville de Mauriac et les hommes de cette ville sont sous sa juridiction dans et son territoire ; qu'ils sont ses hommes et ont recours à lui comme à leur seigneur ; qu'ils viennent devant lui quand il les cite, y font valoir leurs droits et reconnaissent sa compétence.

Pour prouver la dépendance du monastère de Mauriac, il invoque la décision rendue par les délégués du pape Honorius, oppose sur ce point l'autorité de la chose jugée, et ajoute qu'il est constant que le monastère de Mauriac a été donné à celui de St-Pierre-le-Vif, comme il serait, dit-il, facile de l'établir si cela était nécessaire. Il dit ensuite qu'Etienne, doyen de Mauriac, a reconnu lui-même le pouvoir temporel de l'abbé de St-Pierre, en lui remettant les ciels du monastère, qu'il reçut ensuite des mains de l'abbé.

Les premiers commissaires n'ayant pas pu terminer la contestation, le pape nomma Je cardinal Oltobonus pour juger cette cause; il rendit, en 1265, une sentence définitive qui fut approuvée par le pape Urbain IV, le 5 des calendes de mai de la même année. Elle ne fit que confirmer la dépendance du monastère de Mauriac. Le doyen et le couvent furent condamnés aux dépens s'élevant à 2,600 livres tournois, somme énorme valant, d'après le prix actuel du marc d'argent, 48,996 1. 11 s. 6d., et, d'après le pouvoir actuel de l'argent, 295,861 fr. 80 c. (Leber, Tableau du pouvoir de l'argent dans l’essai sur la fortune privée au moyen âge.) Nous ne ferons connaître qu'une disposition de cette sentence.

Si quelque débat s'élève entre le doyen et les moines de Mauriac ou entre le doyen et les laïques de ce lieu, et que quelqu'un d'eux se croie grevé injustement, il en appellera librement et valablement devant l'abbé, son supérieur immédiat.

Ainsi, les appels de la justice du doyen, dans les causes où il était intéressé, se portaient devant l'abbé de St-Pierre-le-Vif. Le recours des bourgeois conire les décisions du doyen était maintenu.

Un acte du samedi avant l'Ascension, 1293, contient un règlement de l'abbé de St-Pierre-le-Vif sur la forme dans laquelle les appels devaient être faits. Il avait appris que diverses personnes étant dans l'intention d'appeler des décisions du doyen et des religieux, étaient arrêtées par l'énormité des frais qu'il fallait exposer pour se rendre à Sens. Voulant leur venir en aide et diminuer les dépens, il charge discrets hommes, Jean, dit Autreseil (Autressail), Marcel et Pierre de Cuisac (Cussac), bourgeois de Mauriac, le trésorier et le camérier du monastère, ces derniers à peine de suspense et les premiers à peine de cent livres tournois, de recevoir les appels, de citer le doyen et le couvent devant lui à jour fixe, et de lui transmettre des lettres patentes contenant le nom des appelants, les citations, le jour de la comparution, le nom des intimés et la relation de tout ce qu'ils auront fait, leur donnant à cet égard tout pouvoir, jusqu'à révocation. (Bibl. de Clermont, fonds de D. Verdier-latour. ) L'abbé cherchait a rendre plus facile le recours à la juridiction supérieure; il fallait, en effet, un intérêt puissant pour aller plaider devant un juge aussi éloigné. Il parait aussi qu'il n'était pas facile de trouver sur les lieux des officiers de justice qui voulussent citer le doyen et les religieux, puisque l'abbé enjoignait, sous des peines sévères, à trois bourgeois et à deux religieux de donner les citations. Le droit d'appel dut donc être à-peu-près illusoire par la difficulté qu'il y avait à l'exercer.

Dans les nombreux griefs élevés par le doyen, il n'y en a aucun qui ait pour objet la sentence arbitrale de 1248, qui avait établi le gouvernement municipal à Mauriac; le doyen, d'ailleurs, ne pouvait se pourvoir contre une sentence rendue en vertu d'un compromis qu'il avait signé. Mais il ne parait pas qu'il attaquât au fond les sentences relatives aux poids et mesures, aux droits d'usage, au retrait féodal et à la propriété des communaux; c'était le droit de les rendre qu'il contestait plutôt que la décision elle-même.

Quoique le gouvernement municipal ait pris peu de développement à Mauriac et qu'il ne nous reste que de faibles traces de son existence, cependant nous trouvons au xv siècle deux documents qui constatent l'exécution de la sentence de 1248.

Le 17 février 1418, Henri de Beaumont, doyen, ayant égard aux représentations des habitants, nomme un religieux de son monastère et deux bourgeois auxquels il donne pouvoir de régir et gouverner pendant un an les affaires de la ville, faire entretenir les murs et les fossés, imposer les tailles, poursuivre les procès, condamner les délinquants à certaines amendes, restreintes à une somme déterminée.

En 1442, Guillaume de St-Exupery , doyen , fit une institution semblable. (Extraits des titres de Mauriac, bibl. impériale. C. Correspondance d'Auvergne.) Il ne parait pas que la commune de Mauriac ait eu un sceau ; on en aurait sans doute retrouvé quelque empreinte, ou il en serait fait mention dans quelque acte; nos recherches a cet égard ont été infructueuses. Il est parlé du sceau des consuls de Mauriac dans un ouvrage moderne, aussi recommandable par l'érudition que par l'exactitude (la Paléographie de M. de Wailli, t. 2, p. 204). Cette indication avait vivement excité ma curiosité ; j'ai vu ce sceau aux archives de l'empire (carton J., 272). Il se trouve au bas d'un hommage rendu au roi par Raynald et Francia, sa femme, d'un territoire situe dans la paroisse de Quézac. L'acte est du samedi avant la Pentecôte, 1284. L'hommage est reçu par Jacques Lemoine, bailli des montagnes pour le roi, en présence des consuls de Maurs. J'ai examiné le sceau avec soin, et j'ai reconnu qu'il appartenait aux consuls de Maurs. L'erreur échappée au savant paléographe était très-facile à commettre à cause de la ressemblance des noms, et il fallait peut-être l'œil d'un homme du pays pour la découvrir. Il n'y avait pas à Mauriac de maison ni d'arche communes, et, par conséquent, pas d'archives. Jusqu'à une époque très-rapprochée de nous, les délibérations du corps municipal étaient passées devant notaire. Les minutes de ces délibérations se sont perdues pour la plupart, et ce n'est qu'à partir du milieu du XVII° siècle qu'on aurait l'espoir de les retrouver; encore faudrait-il les chercher dans les études de divers notaires et au milieu d'une foule d'actes sans intérêt, ce qui ne serait pas un petit travail. Nous aurions voulu entreprendre cette recherche ; le temps nous a manqué; un autre plus heureux que nous pourra la faire et ajouter une page intéressante à l'histoire de notre ville.

Le plus ancien des registres des délibérations conservés à l'hôtel-de-ville a été commencé le 19 décembre 1765.


ÉTABLISSEMENT DES CONSULS.

 En l'année 1554, le roi Henri II accorda à la ville le droit de nommer des consuls avec tous les privilèges et prérogatives dont jouissaient les consuls d'Aurillac. Le 15 août 1557, les doyens et religieux donnèrent les mains à l'entérinement des lettres royaux, sous la condition que les consuls prêteraient serment au doyen ou à son vicaire, et qu'ils n'exerceraient aucune autorité suite monastère et ses dépendances.

Le 27 décembre 1558, une assemblée de ville fut tenue en présence du doyen et du prieur du monastère, pour régler le mode d'élection des consuls et le nombre des conseillers. Cette délibération fut approuvée par un édit du roi François II, donné à Fontainebleau au mois d'août 1560, enregistré au parlement, le 15 mars 1560(1561). Le roi Charles IX accorda des lettres semblables le 7 janvier 1560 (1561), qui furent aussi enregistrées le 15 mars 1560 (1561) ( arch imp., ordonnances de Charles IX, registre Z). Ces lettres approuvent la délibération prise par les consuls, scindic, bourgeois, manans et habitans de

la ville de Mauriac contenant l'ordre, forme et manière qu'il leur semble devoir estre tenu, garder et observer à la nomination et création des consuls et scindic de ladite ville, et ce qu'ils devront annuellement faire conformément aux autres villes dudit pays.

Les habitants de Mauriac et les nouveaux consuls obtinrent du roi Henri II, en 1555, l'établissement de trois nouvelles foires, les jours de saint Marc, de saint Rock el de saint Thomas, et le droit de tenir un second marché le vendredi.

De graves abus s'étaient introduits dans l'administration de la justice de la ville; les officiers de justice et les préposés du doyen commettaient diverses exactions; les crimes et les délits demeuraient sans répression, et les délinquants marchaient la tête haute menaçant les officiers de justice. Le doyen et les officiers claustraux ne résidaient pas au monastère; les bâtiments tombaient en ruine; les consuls et le syndic se plaignirent; les Etats du royaume étaient convoqués à Orléans, et les consuls de Mauriac avaient fait insérer leurs justes griefs contre le doyen dans le cahier de la prévôté; on demandait à grands cris des réformes. Si les uns espéraient beaucoup de la tenue des Etats, les autres ne la redoutaient pas moins. Les consuls et le doyen nommèrent des arbitres qui furent chargés de régler leurs différends.

Jean Bessier, doyen de Mauriac, et Jean de Montai, abbé de Maurs, jadis doyen de Mauriac, réservataire et pensionnaire des collations des offices, bénéfices et partie des fruits dudit doyenné, nommèrent pour leurs arbitres Me Jehan Parizot (1), procureur du roi au bailliage et siége présidial d'Aurillac. et François Juery, avocat au même siége.

Jehan de Laborie, bourgeois de Mauriac, Sr de Montalet et premier consul de ladite ville; Guillaume de Rivo, notaire royal et syndic de la ville, et Pierre Peyralbe, délégué par la ville, choisirent pour arbitres Pierre Passefont, lieutenant particulier audit bailliage et siége présidial, et Antoine Sarret, juge ordinaire d'Aurillac. Le 23 octobre 1560, au moment où les Etats venaient de s'ouvrir, les arbitres rendirent une sentence en plusieurs articles, qu'il importe de faire connaître avec détail.

ART. 1.

Le doyen résidera au monastère, ou un religieux pour lui, en sus du nombre des religieux ;  il fera résider au monastère les officiers et autres religieux.

Art. 2.

Les bâtiments tombant en ruine faute d'entretien, le doyen fera réparer avant Pâques l'église, le clocher et sa maison, et contraindra ou fera contraindre les officiers dudit monastère, tels que les cellérier, prieur du Vigean, chamarier et trésorier dudit monastère, à réparer chacun le quartier du cloître qu'il est tenu de réparer ex anliqud consuetudine.

Art. 5.

Les délinquants demeurant impunis faute de main forte, résidant dans la ville et outrageant les officiers du doyen, ce dernier fera, le plus promptement possible, exécuter les décrets, et procédera à la condamnation des excès ou maléfices.

ART. 4.

Le doyen ayant fait conduire au château de Laroquebrou ou ailleurs des habitants de Mauriac, combien qu'il y ait en son doyenné en la dite ville prisons

fortes et seules, a esté ordonné par ainsi que le dit seigneur ne aultres de luy advohés, ne pourront distraire auleung des subjects de la dite juridiction de  Mauriac hors icelle. Ains sera tenu le dit seigneur faire réparer et entretenir dans le temps que dessus les prisons du dit doyenné, et en icelles mettre les dé linquants de sa juridiction et celle leur fère et parfère leur procès.

Art. 8.

Sur ce que les subjects dudit seigneur doyen n'avaient moyen de rebuter les  deffaulx dès qu'ils étaient donnés fors qu'en comparant dans l'heure et pendant la grand messe conventuelle du dit monastère, a été ordonné qu'on pourra rebuter les defâuts  par tout le jour qu'ils auront été donnés.

Art. 6.

Le doyen donnera immédiatement sa procuration pour accepter les legs faits par l'évêque de Clermont pour la fondation du Collège et l'établissement des Jésuites.

Art. 7.

Les officiers du doyen faisaient plusieurs fois dans l'année la taxe du vin, et prenaient chaque fois de chaque débitant une pinte de vin contenant deux quarts. A l'avenir les officiers ne percevront qu'un quart de vin par an de chaque débitant. Ils feront la taxe deux fois par an, ou plus souvent si cela est nécessaire, sans rien exiger au-delà.

Art. 8.

Les habitants se plaignaient de ce que plusieurs ornements et reliques avaient été égarés et perdus; il est ordonné qu'il sera fait inventaire de la croix, ornements et reliques qui seront mis sous la garde du trésorier du monastère.

Art. 9.

Parce que plusieurs cours autres que du seigneur doyen se tenaient et expédiaient en la dite ville comme ung siége d'esleus, du sieur évêque de Clermont  et autres seigneurs circonvoisins; il est ordonné que toutes autres cours pourront se tenir au parquet du doyen, en demandant licence une fois l'an au doyen ou à ses officiers.

Art. 10.

Sur l'immoderée prise du droit de ghaule (sic) des prisons du dit sieur, a esté M ordonne que doresnavant le geôlier et concierge prendra pour l'issue des prisons niera criminels trois sols, et pour les civils 20 deniers; et pour la garde d'ung  criminel, d'ung chacung jour naturel 20 deniers, et des détenus pour debte civile dix deniers. Et les détenus pour debte civile ne seront mis en basse ni obscure fosse, mais par le préau et cloistre de la maison du dit doyenné.

Art. 11.

La cour ordinaire du dit seigneur se tiendra trois fois la semaine. Il n'y aura pas de droit de clame dans les instances préparatoires, s'il n'y a conclusions prises.

ARt. 12

Toutes mesures et poids seront marqués, vérifiés et échantillés par les officiers du seigneur, appelés les consuls de la ville.

Art. 13.

Et quant au leguat fait au dit monastère par Mme de Montal, a été ordonné que les habitants se pourvoiraient auprès des héritiers de ladite dame.

Cette sentence fut assez mal observée, au moins dans la disposition qui obligeait le doyen et les officiers claustraux à la résidence.

Depuis l'édit de 1554 jusqu'à la fin du XVI° siècle, l'autorité municipale était exercée à Mauriac par trois consuls, dont l'un avait le titre de premier consul et était choisi parmi les citoyens les plus notables. Il y avait en outre des conseillers qui prenaient part aux délibérations. Dans les affaires importantes, l'universalité des habitants était appelée aux assemblées.

A partir de 1690, l'organisation des municipalités des villes subit de nombreuses modifications; on multiplia les offices municipaux dans un but fiscal: certains privilèges furent attachés à ces offices, afin d'engager les particuliers A en payer la finance au trésor ; il arriva dans certaines villes, et notamment Mauriac, qu'on ne trouva personne pour acheter certains de ces offices, et la ville fut obligée d'en payer la finance Par un édit du mois de juillet 1690. un procureur du roi et un greffier de l'hôtel-de-ville furent établis à Mauriac; M. Desmaries fut procureur du roi; l'office de greffier a subsisté jusqu'en 1789 et a été occupé par diverses personnes.

Un édit du mois d'août 1692 établit des maires dans toutes les villes du royaume. Cet office fut acquis par M. Pomerie, et il est demeuré quelque temps dans sa famille.

En 1696, et au mois de novembre, le roi établit des conseillers du roi gardes-cels dans les hôtels-de-Ville. Personne ne s'étant présenté pour remplir cet emploi, il fut uni au corps et communauté des officiers de l'hôtel-de-ville, et les maires, échevins et habitants de Mauriac payèrent pour cette union la somme de 550 livres, dont il leur fut donné quittance le 4 janvier 1701.

Au mois de mai 1702, et en janvier 1704, deux édits créèrent à Mauriac des offices de lieutenant de maire et de premier et de troisième consul; les habitants et communauté de Mauriac obtinrent la réunion de ces offices à leur corps, et payèrent une finance de 1,500 livres. (Quittance du 25 novembre 1712)

Un édit de septembre 1714 ayant supprimé les offices de Maire et les ayant rendus électifs, il n'y eut plus de maire perpétuel; le corps commun présentait trois candidats parmi lesquels le roi choisissait le maire.

Au mois de septembre 1765, le corps de ville ayant présenté trois candidats qui n'avaient pas été agréés, le ministre St-Florentin invita le corps commun à en présenter d'autres. Par une délibération du 25 janvier 1766, l'autorité municipale persista dans sa première présentation et protesta contre la décision du ministre. Le 9 février suivant, M. de St-Florentin fit connaître que sa majesté n'avait pas jugé à propos d'avoir égard aux protestations de la municipalité. Le 24 février, de nouveaux candidats furent présentés, et le roi nomma maire M. Desjardins, ancien officier de cavalerie, chevalier de St-Louis. Le maire avait pour collaborateurs deux échevins, qui ne pouvaient demeurer en exercice que pendant deux ans. Le renouvellement s'opérait tous les ans par l'élection de l'un d'eux. Le dernier élu était second échevin ; il devenait premier échevin l'année suivante.

L'article 57 d'un édit de 1765 portait qu'il n'y aurait de maires que dans les villes ayant une population déterminée. Celle de la ville de Mauriac n'atteignait pas le chiffre fixé; les fonctions de maire furent supprimées, et le 30 juin 1770, le corps municipal prit une délibération par laquelle il fut arrêté: qu'à l'avenir le conseil de ville ne serait composé que de deux échevins, de trois conseillers, de six notables, d'un syndic, receveur, et d'un secrétaire greffier.

Cette organisation fut maintenue jusqu'à la révolution de 89. A partir de cette époque, l'autorité municipale fut constituée de la même manière dans toute la France, et la municipalité de Mauriac n'eut à subir que les modifications apportées par les lois générales dans l'organisation municipale de la France.


PRÉVÔTÉ.

 

Dans sa dissertation historique sur la forme dans laquelle la justice a été rendue en Auvergne , imprimée au commencement du tome ier de son Commentaire sur la coutume d'Auvergne, Chabrol s,'exprime ainsi : « La même ordonnance  de 1319 suppose trois prévôtés dans la Haute-Auvergne : Aurillac, St-FJour et Mauriac; mais ce qu'elle appelait prévôté, dans cette partie, étaient des  districts et divisions du pays , et non des juridictions royales; il n'y a aucune trace qu'il ait jamais existé de prévôté royale a Mauriac, Aurillac ni St-Flour, qui

étaient des terres d'église La tradition est que dans les temps où l'évêché

de Clermont comprenait toute la Haute-Auvergne, les évêques divisaient cette partie de la province en quatre prévôtés, où ils faisaient résider des archidiacres ou grands vicaires.

Chabrol est tombé ici dans une erreur qui a été répétée et que l'on reproduit encore tous les jours. Il semble que les termes de l’ordonnance de 1319, qui ne fait aucune distinction entre les prévôtés de la Basse-Auvergne et celles de la Haute-Auvergne, auraient dû faire naître quelques doutes dans son esprit; il reconnaît que les premières étaient des juridictions royales; pourquoi les secondes ne l'auraient-elles pas été?

Que les évêques de Clermont eussent divisé la Haute-Auvergne en trois parties et non en quatre, cela est très-certain; mais ces circonscriptions portaient le nom d'archiprêtré ou d'archidiaconé, et non celui de prévôté. Ce qui a pu faire confondre les circonscriptions ecclésiastiques avec les prévôtés, c'est que le territoire de ces dernières était le môme que celui des archiprêtré, et comme il n'y avait que trois archiprêtré dans la Haute-Auvergne, il n'y eut d'abord que trois prévôtés. Ce ne fut en effet que plus tard, après 1319, que la prévôté do Maurs fut démembrée de celle d'Aurillac. Ces raisons seraient peut-être suffisantes pour démontrer l'erreur de Chabrol; mais il existe trois titres originaux, dont deux sont conservés aux archives do l'Empire, et dont l'autre fait partie de ma collection, qui établissent très-clairement que les prévôtés d'Aurillac, de Mauriac et de St-Flour étaient dans l'origine de véritables juridictions royales.

On sait que, sous le règne de St-Louis et de quelques-uns de ses successeurs, les prévôtés étaient données en ferme, ce qui entraînait de graves abus, ainsi qu'on ne tarda pas à le reconnaître. Dans le compte du bailliage d'Auvergne, du terme de l'Ascension 1299 (arch. imp. , J i 166, n° 2), on trouve au dos du rouleau, parmi les produits du bailliage des montagnes, les articles suivants : ° De la » ferme de la prévôté d'Aurillac, pour toute l'année, 50 livres; de la ferme de > la prévôté de Mauriac, pour toute l'année, 50 livres; pour la ferme de la prét, vôté de St-Flour, pour toute l'année, huit vingt (160) livres. » Etait-ce de la juridiction épiscopalc que le roi tirait ce revenu? Évidemment non. Il affermait sa juridiction propre, ses prévôtés royales. Le second titre, celui que je possède, est plus positif encore. J'en donne une analyse exacte, et je traduirai, comme pour le premier, le passage le plus important.

Noble Raymond de Scorailles avait fait élever des fourches patibulaires sur un puy appelé de la Chassagne, dépendant de la châtellenie de Montbrun ; ces fourches avaient été détruites à la requête d'Hugues do St-Gal, damoiseau, procureur du roi au bailliage des montagnes, par Etienne Berauld (B. raidi), prévôt royal dans la prévôté de Mauriac » (prepositum regium in preposilura Mauriaci). Raymond de Scorailles s'étant pourvu contre cet acte, Jean Bellet, bailli des montagnes, pour le roi, reconnut le droit de Raymond, et commit Thomas Roque, clerc, pour remettre le seigneur de Montbrun dans la saisine des fourches patibulaires dont il avait été dépouillé. Les lettres du bailli sont datées du vendredi après la chaire de Saint-Pierre 1340. Le dernier titre fait partie du trésor des chartes, registre LXXV, pièce 339. Nous en donnons le texte en partie; il nous parait intéressant sous plusieurs rapports.

« Johan, roi, savoir faisons à tous présens et à venir, que comme notre amé et féal Bernard, viconte do Ventadour, chevalier, nous eust requis, que avec une foire que il a chascun an en la ville de Mauriac, a certain jour du mois de juing , nous li vousissions octroyer une autre foire chascun an en y celle ville, le jour de la S. Luc et Jendemain , laquelle il disoit estre profitable a li a a ladite ville, et a tout le commun du pays, et sur ce eussions mandé et comis a notre bailli des montaignes d'Auvergne que appelles notre procureur et les autres qui seroient a appeller, il enqueist bien et diligemment quel profit ou quel domaige ou préjudice seroit a nous et a aucun se nous li octroions ladite foire et que sur ce nous certifiast véritablement. Le quel bailli après l'enqueste ou information faite sur ce et icelle envoie par devers nous, laquelle nous avons fait veoir diligemment et parceque par y celle nous est apparu  que le dit bailli, appelé à ce Girarl Chalmes, notre prévost ordinaire de Moriac, en lieu et en ceste partie substitut de notre procureur, et ceulx du pays et d'environ qui a ce faisoient a appeller et a qui povoit toucher, et que tous d'un commun accord divisement requis et examinés sur ce point, ont déposé que la dicte foire le jour et lendemain de la S. Luc seroit au proffit de tout le commun pays, sans domaige de nous ne d'autrui. Nous, en considération a ce et que c'est le commun proffit, avons octroié et octroions par ces lettres de notre grace especiale au dit vicomte de Ventadour, pour lui, ses hoirs et ayant cause, la dicte foire chascun an en la dicte ville de Moriac, le jour et lendemain de la S. Luc ou mois d'octobre, et mandons, etc.

Ce fu fait a St-Germain en la Laye, l'an de grace mil trois cent quarante cinq ou mois de may.

Par le Roy:                                                                                           Sine financia.

P. D.ANNOY.

Pour ne pas nous détourner de notre sujet, nous n'examinerons pas à quel titre le vicomte de Ventadour avait demandé l'établissement d'une foire dans une ville qui ne faisait pas partie de sa seigneurie, et si, dans cette circonstance, il n'avait pas usé des droits appartenant à Jean de Ventadour, alors doyen de Mauriac, qui était bien certainement son parent. Nous ferons seulement remarquer que l'ordonnance du roi Jean, et les lettres du bailli des montagnes ne laissent aucun doute qu'il y a eu un prévôt royal à Mauriac et une juridiction royale. Quoique je n'aie pas trouvé des titres aussi positifs pour les prévôtés de St-Flour et Aurillac, je ne doute pas qu'il n'y eût dans chacune de ces circonscriptions un prévôt royal, comme à Mauriac.

On ne trouve pas de trace de l'existence de ces prévôtés pendant l'apanage du comte Alphonse; elles furent probablement établies après la cessation de t'apanage, alors qu'il n'y eut dans la Haute-Auvergne d'autre juridiction que celle du roi. Leur origine remonterait donc vers l'année 1271 ; mais leur existence a la fin du XIII° siècle n'est pas douteuse; le compte de 1299 que nous avons cité l'établit suffisamment.

Après le nouvel apanage fait en 1360 en faveur du duc de Berry, on ne trouve pas non plus de trace de l'existence des prévôts royaux de la Haute-Auvergne. Je suis porté à penser qu'à partir de cette époque ces juridictions furent supprimées ; d'une part, la juridiction royale se trouvait considérablement réduite; le bailli d'Aurillac et son lieutenant de St-Flour suffisaient pour l'expédition des affaires de ces deux prévôtés, qui étaient les plus considérables; celle de Mauriac étant partagée entre deux ressorts n'était pas assez importante pour exiger la conservation d'un juge spécial. D'une autre part, le duc de Berry avait deux siéges, l'un à Andelat, l'autre à Crévecœur ou à St-Martin-Valmeroux; ce dernier siége était établi dans la prévôté de Mauriac et sur les limites de la prévôté d'Aurillac, et suffisait pour ces deux circonscriptions. D'ailleurs, les bailliages d'Andelat et de St-Martin n'étaient, à proprement parler, que des prévôtés ou des justices inférieures, puisque les appels étaient portés, non devant la cour du roi, mais à la sénéchaussée ducale, dont le siége était à Riom sous un autre nom; ils avaient remplacé les anciennes prévôtés. Dans la nouvelle organisation judiciaire, les prévôtés n'étaient plus nécessaires; elles cessèrent d'exister comme juridictions royales, mais elles furent conservées comme districts ou divisions territoriales.

La répartition de l'impôt, jusqu'au XVII° siècle, s'est faite par prévôtés. Les
quatre villes prévôtales avaient le privilège de représenter le haut-pays, soit aux
Etats généraux du royaume, soit aux Etats particuliers de la province et à ceux
de la Haute-Auvergne : c'étaient les quatre bonnes villes. Aux Etats généraux
tenus à Blois, en 1588, la Haute-Auvergne était représentée par les quatre villes
chefs-lieux des prévôtés. Les députés de Mauriac furent Jacques Dupleix, consul
de Mauriac, et Guillaume de Rivo, syndic de la prévôté. ( Procès-verbal des Etats,de Vernyes, Mémoires, p. 72.)

Quoique les quatre villes d'Aurillac, de St-Flour, de Mauriac et de Maurs re-
présentassent seules le pays, cependant à l'époque des guerres contre les Anglais, et pendant les troubles religieux du XVI° siècle, d'autres villes et même certains bourgs envoyèrent des députés aux Etats. Ainsi, pour la prévôté de Mauriac, on trouve que les députés de Salers, de Pleaux, et même de Fontanges et de St-Chamand ont été admis dans quelques assemblées; mais ce n'était là qu'une exception.

Les affaires communes de la prévôté se résolvent en la ville chef de la prévôté, appelés les députés des villes de la prévôté, et les affaires du pays, en la
ville capitale de St-Flour, appelés les députés des quatre prévôtés; lesquels assistent a l'assiette et département des tailles qui se fait au commencement de l'année, ( De Vernyes, Mémoires, p. 57.) On voit par ce passage que les quatre villes administraient les affaires du pays, et que les affaires de chaque prévôté se traitaient au chef-lieu avec les autres villes de la prévôté, qui, pour Mauriac, étaient Salers et Pleaux.

Les quatre villes avaient aussi le privilège d'assister chaque année à la répartition de l'impôt. Ce privilège ne leur a jamais été contesté; mais d'autres ont
voulu le partager avec elles, et ces prétentions ont donné lieu à d'assez graves
contestations et a des procès qui entretenaient l'esprit do rivalité de nos petites
villes;

Par des lettres données à Riom, le 3 septembre 1516, dans l'assemblée des
Etats, Charles de Bourbon, connétable, duc de Bourbon et d'Auvergne, fit un règlement portant : «  Quant au hault-pays, que les villes de St-Flour, de Salers,
d'Orilhac , de Chaudesaigues, de Moriac, de Murat, de Maurs et d'Alenche, assisteront avec les esleus et commissaires à l'assiéte des deniers royaulx, tant
» aydes que tailles, que seront doresenavant mis sus audit pays. »

Il est fort douteux que le duc d'Auvergne eût le droit de faire un règlement
obligatoire pour la répartition des deniers royaux; un semblable pouvoir n'appartenait qu'au roi, et le connétable commettait dans ses lettres une véritable usurpation sur la puissance souveraine; mais elles avaient suffi pour soulever les prétentions des villes de Salers, de Chaudesaigues, de Murat et d'Allanche.
En 1521, Hugues de Benavent, Jean de Laroche et Pierre de Laroche, envoyés
de la ville de Salers, assistèrent a la répartition des tailles imposées sur le pays.
En l'année 1589, Hugues Folret, consul de Salers, se présenta à St-Flour à l'as-
semblée chargée de procéder à la répartition des impôts. « Gaspard Pomerie,
consul de Mauriac, remonstra à l'esleu que le dit Folret, consul de Salers, ne
pouvait ni ne devait l'assister et devait sortir de la salle, pour n'avoir jamais
accoustumé ce faire, et n'y avoir les dits consuls de Salers aucune assistance, voix, ni opinion, et par iceluy Folret insisté au contraire. » L'esleu rendit une sentence par provision, portant que le consul de Salers assisterait à la répartition jusqu'à ce qu'il en aurait été autrement ordonné.

Le 16 janvier 1595, les quatre prévôtés réunies prirent une délibération. Le premier article porte que les consuls de Salers et Murat n'auront entrée, ni voix propositive ni délibérative dans les assemblées générales.

Ces contestations donnèrent lieu à un procès qui s'était engagé entre les villes de Mauriac et de Salers, et qui était encore pendant, en 1613, devant le conseil du roi. MM. Chaviale, avocat, et Bonnefon, l'un et l'autre consuls de la ville de MauriJc, y défendaient les intérêts de cette ville. Les villes d'Aurillac, de St-Flour et de Maurs étaient intervenues dans l'instance pour y soutenir les droits de la ville de Mauriac.

D'après une réponse faite par les consuls de Salers aux productions de la ville de Mauriac, on voit que la difficulté portait sur les points suivants:

La ville de Mauriac ne contestait pas que les consuls de Salers pussent assister aux Etats et au département des tailles pour y présenter des remontrances ou des doléances, ainsi que les autres paroisses; mais elle soutenait que les députés d'Aurillac, de St-Flour, de Mauriac et de Maurs y avaient seuls voix délibérative; que le connétable de Bourbon n'exerçant aucune juridiction sur les chefs de prévôté, n'avait pu conférer un droit semblable à la ville de Salers; que, d'ailleurs, ce droit eût-il existé, serait prescrit par le non usage; qu'en effet, ce n'était que pendant les troubles que les consuls de Salers avaient eu entrée dans les assemblées du pays; mais que, depuis les troubles comme avant, ils n'y avaient pas assisté. Ils invoquaient l'autorité de la chose jugée, résultant d'une sentence du 9 janvier 1606, par laquelle il était ordonné que les députés de Salers n'auraient séance, ni voix délibérative aux assemblées et département des tailles; que cette sentence en rappelait trois autres de 1589. de 1602 et de 1605, qui avaient jugé dans le même sens. Ils invoquaient les cahiers des Etats du pays d'Auvergne (on n'en indique pas la date), « par lesquels appert en l'article 12, que de tout temps la tenue des Estats se faisait par les députés des quatre chefs de prévosté, et néanmoins que la ville de St-Flour tenant le parti de la Ligue, comme aussi les autres prévôtés, avaient donné entrée à d'autres villes, qui auparavant n'y avaient entrée, suppliant le roi d'ordonner que dorénavant la tenue des Estats se ferait suivant l'ancienne coutume; ce qui fut accordé. »

Dans leur requête d'intervention, en date du 31 décembre 1613, les consuls d'Aurillac, de St-Flour et de Maurs, disaient que le droit exclusif des quatre chefs de prévôté avait été confirmé, « tant par le feu roy de très-heureuse mémoire (Henri IV), que aussi par le roy heureusement régnant (Louis XIII) , par arrest de son conseil d'Etat, donné en présence de la reyne régente, sa mère. » 

Les consuls de Salers s'appuyaient sur la possession, sur les lettres du connétable de Bourbon, qui, disaient-ils, exerçait les droits royaux. Ils soutenaient en outre que les sentences qu'on leur opposait n'étaient que provisoires, puisqu elles ne portaient de défenses que Jusqu'à ce que la ville de Salers aurait fait juger l'instance pendante à Mont-Ferrand.

Un premier arrêt du conseil d'Etal ordonna « que les consuls de la ville de Salers auraient communication du cahier des dettes communes dudit pays, par les mains dès députés des villes de St-Flour, Aurillac, Maurs et Mauriac, pour les voir desbatre; faisant sa majesté défense aux députés des villes de faire aucune poursuite ny procéder à aucune levée de deniers, jusques à ce que autrement en aye été ordonné. » Cet arrêt ne termina pas la contestation; l'instance se poursuivait encore à la fin de 1614, ainsi que le constate un inventaire des pièces adressées par la ville de Salers à M. de Bargues, l'un de ses habitants, qui était alors à Paris. (Archives de la maison de Bargues )

Peu de temps après et avant l'année 1623, las assemblées du haut-pays furent supprimées par un arrêt du conseil, sur la demande d'Henri de Noailles, lieutenant du roi dans la Haute-Auvergne, à cause « des préjudices que telles assemblées du pays apportaient aux affaires du roi. » (De Mesgrigny, Relation de l’état de la province d'Auvergne en 1657; Tablettes hist., 5° année, page 147.)

On ne contestait pas seulement aux quatre chefs de prévôté le droit exclusif de représenter le pays; mais certaines localités prétendaient avoir le droit de désavouer ce qui avait été fait par les quatre villes, et n'être pas liées par leur consentement.

En 1558, la ville de Salers, le bourg de St-Martin-Valmeroux et quelques autres localités qui ne sont pas nommées, désavouèrent le consentement donné par les consuls de Mauriac dans une affaire intéressant la prévôté. Un arrêt de la Cour des aides, siégeant alors à Mont-Ferrand, les débouta de leurs prétentions, déclara valable le consentement qui avait été donné, et confirma les prérogatives de la ville de Mauriac comme chef de prévôté. (Chronique de Montfort.) La ville de Salers paya pour sa part des dépens 34 livres 14 s. 3 deniers. (Compte des consuls de Salers.)

A cette époque, la prévôté était représentée dans les assemblées par les consuls de Mauriac, et en outre par un syndic spécial élu par les habitants de Mauriac. La ville de Salers éleva des contestations au sujet du syndicat, en l'année 1561. Un arrêt des généraux des aydes, de Mont-Ferrand, repoussa ces prétentions, et elle fut condamnée aux dépens, qui s'élevèrent à 37 1. 13 s 13 d. A partir de cette époque, les privilèges de la ville de Mauriac, comme chef de prévôté, ne furent plus contestés. Lorsqu'il y avait une assemblée de la prévôté, elle se tenait à Mauriac, et Salers y envoyait ses députés. Le 25 août 1575, ils assistèrent à la délibération du tiers état de la prévôté, assemblé à Mauriac au sujet de la guerre des religionnaires.

Ils assistèrent aussi à une autre assemblée du 10 avril 1577, où les trois membres de la prévôté, c'est-à-dire Mauriac, Pleaux et Salers se trouvèrent.

En 1789, lors de la convocation des Etats généraux, le corps municipal de la ville de Mauriac, sur la proposition de M. Paulin du Claux, syndic, prit une délibération, à la date du 11 janvier, par laquelle il demandait que les députations aux Etats généraux se lissent par prévôté, et que celle de Mauriac eût le droit de nommer deux députés pris dans le tiers état. Il se fondait sur les précédents, et notamment sur l'ordre qui avait été suivi lors de la convocation des Etats généraux à Blois. On joignit à la délibération une copie du certificat délivré par le greffier des Etats, constatant que M° Jacques Dupleix, consul de Mauriac, et M° Guillaume de Rivo, syndic de la prévôté et habitant de Mauriac, députés pour le tiers état de cette prévôté, avaient assisté aux Etats généraux depuis le 20 octobre 1588 jusqu'au 17 janvier 1 589. Cette demande ne fut pas accueillie; les élections se firent par bailliage, et les électeurs de la Haute-Auvergne furent réunis à St-Flour en une seule assemblée qu'on appela l’Assemblée baillagère.

L'heure des anciennes institutions avait sonné, et c'était pour la dernière fois que la ville de Mauriac devait se prévaloir de ce titre de chef de prévôté dont elle était fière et qu'elle avait gardé pendant cinq cents ans.


SIÉGE DU JUGE DE LÉVÊQUE DE CLERMONT DANS LES MONTAGNES D'AUVERGNE.

 

Le concile de Latran, tenu en 1213 sous Innocent III, exhorta les évêques dont le diocèse serait trop étendu pour qu'ils pussent veiller sur tout leur troupeau, à choisir des personnes zélées et habiles pour instruire, pour gouverner, pour faire les visites du diocèse et administrer la justice ecclésiastique à leur place. C'est de cette époque que date l'institution des grands vicaires et des officiaux. Ces derniers étaient les vicaires de l'évêque pour l'exercice de la juridiction contentieuse; ils prononçaient les jugements et décidaient les contestations pour lesquelles on suivait une procédure régulière. A l'origine de l'institution des officiaux, il n'y eut très-probablement qu'un seul official dans le diocèse de Clermont. Mais la vaste étendue du diocèse, la difficulté des communications entre le haut et le bas pays d'Auvergne, surtout pendant l'hiver, porta l'évêque à avoir un juge ou un official dans les montagnes d'Auvergne. On trouve les premières traces de cette institution vers les années 1274 et 1277. A cette dernière date, Bernard, archiprêtre de St-Flour, était juge de l'évêque de Clermont dans les montagnes d'Auvergne. Dans un acte de 1278, il prend le titre de « Auditor causarum episcopi Claromontensis in montanis. » Auditeur des causes de l'évêque de Clermont dans les montagnes. A partir de 1289, le titre de cet officier fut fixé: les sentences sont intitulées au nom du juge de l'évêque de Clermont dans les montagnes : « Judex Claromontensis episcopi in montanis. » Sa juridiction s'étendait sur les trois archiprêtrés de St-Flour, d'Aurillac et de Mauriac. Avant l'érection de l'évêché de St-Flour, le siége du juge des montagnes était fixé à Mauriac. J'en trouve la preuve dans deux actes passés sous le sceau du juge, l'un en 1309, l'autre en 1311 ; il est dit dans l'un et dans l'autre qu'ils ont été reçus « in nostra curid Mauriaci. » Dans notre cour de Mauriac.

Lorsque les deux archiprêtrés de St-Flour et d'Aurillac eurent été distraits du diocèse de Clermont pour former le diocèse de St-Flour, la résidence du juge fut maintenue à Mauriac; elle ne pouvait pas être ailleurs.

A la fin du XIII° siècle et jusqu'au milieu du XIV°, un grand nombre d'actes furent reçus par le juge de l'évêque de Clermont. La justice royale n'était alors qu'imparfaitement établie. Les justices seigneuriales n'offraient pas toutes les garanties désirables. Le juge de l'évêque, au contraire, pouvant contraindre par les censures ecclésiastiques alors si redoutées, avait le moyen le plus sûr de faire exécuter les contrats reçus sous son sceau, ainsi que les jugements qu'il rendait. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher les causes qui avaient fait prendre à la juridiction ecclésiastique une extension si grande que, suivant l'expression de Pasquier, « les faubourgs étaient devenus plus grands que la ville. » Il suffit de constater le fait pour que l'on puisse apprécier l'importance du siége qui fut établi à Mauriac. Le juge de l'évêque nommait des notaires qui recevaient les actes sous son sceau; il avait un greffier, un procureur d'office; il ne jugeait qu'en premier ressort. On pouvait se pourvoir contre ses décisions devant l'official de Clermont; du moins on le pratiquait ainsi en 1530.

Le juge de l'évêque tenait tous les ans un synode à Mauriac; les curés de l'archiprêtré étaient dans l'obligation d'y assister; on y traitait ce qui regardait l'administration, la réformation des mœurs et la discipline. La tenue de ce synode avait été autorisée par le pape Jean XXII, en 1326. Mourguios, dans sa chronique rimée, définit ainsi les attributions du juge de l'évêque:

 

Ce juge était un prêtre entendu en droiture.
Le pouvoir de sa charge et sa judicature
S'étendait sur les clercs, tant de la prévosté
Que sur ceux de Mauriac

Il tenait à ces fins tous les ans son synode

Huit jours dans le carême, auquel jour si commode.

Le temps était très-beau : tous Messieurs les curés,

Ou bien leurs substituts s'y transportaient exprès.

En ce chœur synodal il faisait toujours faire,

En faveur de leur haut et divin caractère ,

Une harangue, laquelle estait faite parfois

En latin doctement, autrefois en François.

Mais, quand le salutaire et divin sacrifice
De la messe était fait et fini le service,
Il leur ramentevoit le poids et la grandeur
De leur charge et devoir avec zèle et ferveur:
Et, les ayant instruit et repu leur mémoire
De ce qui estait requis est nécessoire,
Selon que son devoir l'obligeoit saintement,
Les menait tous diner fort honorablement. »

En 1622, Joachin d'Estaing, évêque de Clermont, supprima la cour spirituelle de Mauriac , « je ne sais pourquoi, » dit Mourguios. Il ordonna, en outre, qu'à l'avenir les prêtres de Mauriac se rendraient à Clermont pour assister au synode diocésain. Cette décision froissa les prêtres, et, suivant l'usage de l'époque, ils firent un procès. Ayant interjeté appel de l'ordonnance de l'évêque devant l'archevêque de Bourges, l'affaire fut évoquée au parlement; elle revint ensuite devant l'archevêque,

tant fut procédé qu'enfin par son instance (de l'évêque)

Et la tardiveté paresse et nonchalance

Des prêtres, il obtint sentence et les dépens

Contr'eux, qui se montoient douze ou treize cents francs. »

 

Les prêtres, à leur tour, se pourvurent contre la sentence de l'archevêque devant le parlement,

« Où le procès orc est qu'on poursuit instament. »

 

Mourguios écrivait sa chronique vers 1645. Il est très-probable que les prêtres de la prévôté de Mauriac perdirent leur procès au parlement, comme ils l'avaient perdu à Bourges.


MONASTÈRE PENDANT ET DEPUIS LE XIII° SIÈCLE.

 

Nous avons fait connaître plus haut les résultats de la dernière tentative faite par le doyen et les religieux de Mauriac pour échapper à l'obéissance qu'ils devaient à l'abbé de St-Pierre-le-Vif-de-Sens; nous avons vu quels en avaient été les résultats et la somme énorme de frais qu'ils avaient été obligés de payer. A partir de l'année 1263 jusqu'à la fin du XV° siècle, les élections des doyens se firent régulièrement; on exécuta la sentence du cardinal Ottobonus , et la paix ne fut plus troublée. Le monastère prospéra sous la longue administration de Hugues de Scorailles. Salomon dels Fraissis (de Fraxinis), qui appartenait à une famille de Mauriac, fit diverses fondations pieuses, depuis 1308 jusqu'en 1325, et augmenta les revenus du doyenné.

A cette époque, une grande infraction à la règle de St-Benoit était consommée depuis longtemps. Les revenus avaient été partagés entre les offices claustraux, et chaque officier en jouissait en propre; ils achetaient, consentaient des baux à cens et faisaient faire les terriers en leur propre nom.

Ces officiers étaient nombreux : il y avait un prieur claustral, un cellérier, un camérier ou chambrier, un infirmier, un trésorier, un aumônier, un pitancier. Les prieurés du Vigean, de St-Vincent, de Bassignac, du Falgoux, de St-Etiennede-la-Geneste et de St-Victour, en Limousin, étaient aussi des offices claustraux. Les prieurs étaient pris parmi les religieux et étaient tenus de résider au monastère.

Il y avait, à la même époque, un obédientier de Champagnac; mais cet office, qui avait probablement peu d'importance, fut uni, au XIV° siècle, au prieuré de St-Vincent. Il en fut de même du prieuré de Vendes, qui fut uni au prieuré de Bassignac.

Le monastère avait des revenus considérables, puisqu'ils pouvaient suffire à l'entretien de plus de vingt religieux. Il percevait des rentes dans les paroisses de Mauriac , du Vigean , d'Arches , de Chalvignac , de Jalleyrac , de Bassignac, d'Anglards , de St-Bonnet, de St-Vincent, du Falgoux , d'Ally , de Barriac, de Tourniac, dans la Haute-Auvergne, et dans les paroisses de Soursac, de St-Victour et(de St-Etienne-de-la-Geneste, en Limousin; il avait, en outre, aux portes de Clermont, le riche prieuré d'Orcet.

La terre de Mauriac était une des plus importantes de la Haute-Auvergne. Nous en ferons connaître plus loin le revenu. C'était, en outre, un grand fief; le nombre des vassaux était considérable; quelques-uns appartenaient aux premières maisons du pays.

Nous citerons quelques actes d'hommage, d'après un inventaire de l'année 1676, et l'extrait des titres de Mauriac, conservé à la bibliothèque impériale. Ce dernier document nous a été communiqué par notre savant et zélé collaborateur, M. de Sartiges-d'Angles.

Le vendredi après l'octave de la Pentecôte 1270, Rigaud de Montclar, chevalier, reconnaît tenir en franc fief du doyen de Mauriac son château et village de Chambres et autres possessions, et lui en fait hommage. A chaque changement du doyen ou du seigneur, ce dernier est tenu de rendre la tour du château au doyen, qui en prendra possession, accompagné de deux religieux et d'un sergent. Le sergent, portant la bannière du doyen, l'arborera au haut de la tour en criant deux fois : Mauriac! Mauriac! Pendant ce temps, aucune personne de la famille du seigneur ne pourra se trouver dans la .tour. Le doyen la remettra ensuite entre les mains du seigneur.

Cet hommage fut renouvelé par Hugues de Montclar, en 1283; par Ebles de Montclar, en 1288; par Adémar de Montclar, en 1344.

Jehan de Noailles, alors seigneur de Chambres , fit hommage au doyen , le 15 septembre 1478.

Le 15 août 1255, le seigneur de St-Victour, près Bort, rend hommage de tout ce qu'il a dans la terre et prieuré de St-Victour.

Le 22 septembre 1281, Guillaume de St-Victour, en rendant hommage au doyen, reconnaît qu'il doit lui rendre son château pendant un certain temps et lui donner un bon repas à muage de seigneur.

Au mois de juillet 1279, Hugues de Charlus rend hommage au doyen pour l'affar de Prades, situe en la paroisse de Bassignac.

En l'année 1297, le seigneur de Scorailles rend hommage pour les villages du Puech, Vèze et autres.

Le 4 des calendes de novembre 1270, Maurin et Raymond d'Albars font hommage au doyen.

Ebles, comptour de Saignes, rend hommage pour ce qu'il tient dans la paroisse de Trizac, 1269.

Cet hommage est renouvelé en 1476 par Astorg de Peyre, comptour de Saignes.

D En 1297, Brun de Claviers, chevalier, rend hommage au doyen de Mauriac. En 1309, cet hommage est renouvelé. A l'époque où la seigneurie de Claviers passa dans la maison de La Tour-d'Auvergne, et plus tard dans la maison de France, le doyen compta parmi ses vassaux le comte d'Auvergne et Catherine de Médicis, reine de France.

En 1272, Raymond de Mazeyroles fait hommage au doyen.

Parmi les autres vassaux du doyen , au XIII° et XIV° siècles, on trouve les seigneurs de Lavaur, les Sartiges, les du Fayet, les d'Anglars , les Austrassail, les de Trezens, les Lasvaysses, les Lescole, les Marion de St-Martin-Valmeroux; plus tard, les St-Martial de Drugeac, etc.

Comme seigneur féodal, le doyen ne relevait que du roi. D'après l'armoriai de Claude Revel, neuf chevaliers ou écuyers marchaient sous sa bannière. Il avait a Arches une tour fortifiée et une autre à St-Thomas, près de Mauriac. Le doyen avait la justice haute, moyenne et basse dans la ville et la paroisse de Mauriac, dans la paroisse d'Arches et sur plusieurs villages de différentes paroisses. La justice était exercée en son nom par un juge ordinaire, un procureur fiscal, un juge d'appeaux qui avait le titre de bailli et un lieutenant du bailli.

£n 1505, N. de La Jarrige était lieutenant du bailli. En 1516, Louis de Chavagnac était bailli. Pierre Soustrc était lieutenant en 1563 jusqu'en 1570. A partir du xv ir siècle, il n'y avait qu'un bailli, un procureur fiscal et un greffier.

D'après un compte du mois de janvier 1516, les revenus du doyen, pour l'année 1515, étaient:

Argent 313 1. 11 s. 4 d.

Froment 203 setiers.

Seigle.. ... .. 1,339 setiers.

Avoine 956 setiers.

Gellincs (poules) 215

Dimc des agneaux 16

Foin … 48 quintaux.

OEufs.. . 100

Jonades (fromages)........ 2

Paille 10 charretées.

Bois 242 charretées.

 

Il résulte du même compte que le froment se vendait 16 sols le setier, le seigle 15 sols, l'avoine 8 sols, la charretée de bois 2 sols, la gelline 12 deniers, 48 quintaux de foin 4 livres, ou à peu près 16 sols le millier.

En convertissant les redevances en argent d'après le prix porté dans le compte, et sans y comprendre les œufs, les fromages, la paille et les agneaux, le revenu s'élevait à 1,901 liv. 11 s. 4 d., valant, d'après le prix du marc actuel, 8,550 liv., et, d'après le pouvoir actuel de l'argent, 51,300 fr. (Tables de M. Leber.)

Si l'on recherche la valeur de ces redevances, en prenant pour base le prix moyen actuel du setier de grain , équivalent à 4 décalitres , de la charretée de bois et du quintal de foin; en comptant le froment à raison de 8 fr. le setier, le seigle à 6 fr., l'avoine à 3 fr., la charretée de bois à 4 fr., les 50 kil. de foin à 2 fr. et les poules à 1 fr. pièce, les redevances en denrées représenteraient en argent la somme de 13,795 fr.

Les revenus des offices claustraux, sans y comprendre le revenu des prieurés, étaient plus considérables; ils consistaient en:

Froment.... 577 setiers 1 carte.

Seigle 1,672 setiers 1 carte.

Avoine 574 setiers 1 carte.

Gellines 153

Bois.. 29 charretées

Cire 5 livres.

Argent 168 liv.

Si l'on évalue en argent les redevances en denrées, comme nous l'avons fait plus haut d'après leur valeur actuelle, elles s'élèveraient à la somme de 16,057 f 50c,

Ces redevances étaient considérables, et cependant elles ne représentaient pas le revenu réel de l'ancien patrimoine du monastère. Me Pierre Soustre, notaire et archiviste, qui avait rédigé l'inventaire de tous les titres du monastère vers l'année 1750, avait inséré dans cet inventaire les observations suivantes, qui me paraissent très-fondées.

« Les enfants des principaux seigneurs du pays ont esté ordinairement doyens (il aurait pu ajouter ou officiers claustraux), dont plusieurs se sont comporté au désavantage du monastère, ayant arrenté à leurs familles et amis plusieurs belles terres et domaines du monastère, les leur ont données en fief et diminué les anciennes rentes qu'ils devaient, et c'est la cause et l'origine de grand nombre d'hommages que les seigneurs voisins et autres doivent à ce monastère.»

Dans les premiers temps, les familles des doyens, leurs amis, quelquefois de puissants voisins dont il fallait acheter la protection, se contentèrent de l'abandon de quelques terres, de quelques rentes; plus tard, certaines familles usèrent de doyenné comme d'un patrimoine, s'en partagèrent les revenus et se les transmettaient de génération en génération, comme faisant en quelque sorte partie de leur hérédité.

Trois membres de la famille de Saint-Exupery qui possédait le château de Miremont, s'étaient succédés sans interruption dans le doyenné de Mauriac. Guillaume de St-Exupery avait été doyen depuis 1438 jusqu'en 1456; cette année, Etienne lui avait succédé, et celui-ci avait été remplacé, en 1462, par Antoine. La maison de Miremont exerçait dans le monastère une si grande influence, qu'elle avait pu conserver le doyenné à trois de ses membres par la vote de l'élection.

Antoine de St-Exupery étant décédé en 1468, les religieux nommèrent pour lui succéder frère Jean Danjulien, chambrier du monastère, homme dévoué a la maison de Miremont, qui l'avait fait élire et qui espérait, sous un doyen de son choix, prendre une bonne part des revenus du doyenné.

Pendant que les religieux s'occupaient de l'élection, Mathieu de Laporte, chanoine de Clermont, obtenait de la cour de Rome, le 8 des calendes de septembre 1468, des lettres de provision du doyenné de Mauriac. Le 1er décembre 1468, Philippe, archevêque d'Arles, chargé de mettre en possession le nouveau titulaire, rendait une sentence de censure contre tous ceux qui s'opposeraient à l'exécution des bulles du pape Enfin, le 5 juin 1469, Mathieu de Laporte prenait possession du doyenné par un procureur. Mais avant cette prise de possession, il avait permuté son bénéfice avec Pierre de Balzac, profès de Marmoutier. qui lui avait cédé un prieuré dans le diocèse d'Angers et lui avait constitué une certaine pension. Par une bulle datée de la veille des ides de juillet 1469, le pape Paul approuva ces arrangements, et nomma Pierre de Balzac doyen de Mauriac.

Le nouveau doyen appartenait à une famille alors toute-puissante ; fils de Jean de Balzac et de Jeanne de Chabannes, il était frère de Rodec de Balzac, sénéchal de Nîmes et de Beaucaire, conseiller et chambellan du roi, et de Robert de Balzac, sénéchal d'Agenais, qui fonda le chapitre de St-Chamand; il était petit-fils de Jacques de Chabannes, grand-maître de France. Il prit possession du doyenné, le 9 octobre 1469. La puissance de sa famille, et, disons-le, ses vertus, ne le mirent pas à l'abri des contestations et d'une résistance opiniâtre. Jean Danjulien, soutenu par la maison de Miremont, s'appuyant sur l'élection faite par le chapitre, prétendait être valablement nommé, et il empêchait Pierre de Balzac de jouir paisiblement de son bénéfice. Les lettres d'excommunication fulminées contre lui en 1471 ne l'avaient pas arrêté; des lettres du roi, qui lui faisaient défense, ainsi qu'aux seigneurs de Miremont, ses ° soutenants » , de troubler Pierre de Balzac, n'eurent pas plus de succès. La contestation était pendante au parlement lorsqu'elle fut terminée par une transaction. Frère Jean Danjulien, chambrier de Mauriac, se départit de tous les droits qu'il avait sur la doyenné; de son côté , Pierre de Balzac lui céda le prieuré du Vigean et celui de St-Nicolas-du-Mans, et pour la pension de quarante livres qu'il était tenu de lui payer, il abandonna à Louis de St-Exupery, neveu de Danjulien, la cure de .Mailly-le-Chastel, diocèse d'Auxerre, ou celle de Torsiat, diocèse de Clermont, à son choix.

Devenu paisible possesseur du Doyenné, Pierre de Balzac fit reconstruire en partie le cloître et le réfectoire; il fit faire la flèche du clocher carré; il répara les bâtiments du doyenné, et l'on voit encore ses armes sur l'une des portes de l'école des Frères, qui faisait autrefois partie du doyenné, Il était fort charitable, donnait beaucoup et dotait de jeunes filles pauvres et vertueuses. Pierre de Balzac était en même temps prieur de Bort; il fit construire le clocher, l'horloge, la fontaine et le pont de cette ville.

En 1493, étant abbé de Véselay, il résigna le doyenné de Mauriac et le prieuré de Bort, en faveur de Robert de Balzac, qui était probablement son neveu, sous la réserve d'une pension. Le 9 septembre 1493, les religieux et le chapitre du monastère donnèrent leur approbation à cette résignation, et le 9 novembre suivant, Robert de Balzac prit possession du doyenné. Il avait une sœur, Jeanne de Balzac, qui avait épousé Amaury de Montal, seigneur de Laroquebrou et bailli des montagnes d'Auvergne. D'après un compte rendu en l'année 1316, il parait que Mme de Montai percevait une partie des revenus du doyenné; du moins, ses quittances étaient passées en compte. On ne peut pas douter que, d'après des arrangements de famille, le doyenné de Mauriac devait passer dans la maison de Montal.

En 1519, Dieudonné de Montal, fils de Jeanne de Balzac, achète de Raymond de Castro tous les droits qu'il avait sur le doyenné de Mauriac, moyennant me pension de 120 livres. En 1525, il était doyen commendataire de Mauriac et protonotaire du St Siége apostolique; il nomma, en cette qualité, le vicaire le St-Pierre-de-Prodelle.

Dieudonné avait un frère aîné, Robert, qui fut tué dans les guerres d'Italie avant d'avoir été marié; lui seul pouvait soutenir la maison; mais, pour cela, il fallait quitter le froc, se faire relever de ses vœux, et comme il était en même temps aumônier du roi et par conséquent prêtre, obtenir de la cour de Rome

la permission de se marier. Le 10 des calendes de janvier 1531, une bulle du pape lui donna les autorisations nécessaires, et, le 6 février suivant, il épousa, en présence d'un cardinal, François de Clermont, et de deux évêques, Louis de Joyeuse, évêque de St-Flour, et Jacques de Barthon-Montbas, évêque de Lectoure, Catherine de Castelnau, dame de Clermont-de-Lodève. ( Nobiliaire d'Auvergne.)

Dieudonné de Montal avait abandonné l'habit religieux; il était rentré dans le monde; mais il ne voulait pas laisser sortir le doyenné de Mauriac de sa maison. Il y avait un Jean de Montal, fort jeune encore; on le fit nommer doyen de Mauriac.

Il parait cependant qu'en 1549 la maison de Montal craignant de ne plus pouvoir recruter les doyens dans son sein, lit résigner le doyenné en faveur de Jean Bessier. Ce nouveau titulaire prit possession le 30 août 1550, et contracta l'engagement de résigner à sen tour, au profit du religieux qui serait agréé par la maison de Montai. Il tint religieusement sa parole, et, en 1580, Pierre Viale-Soubrane fut nommé sur sa résignation. Celui-ci, indiqua pour son successeur Jean Bertrand, qui garda le doyenné jusqu'en 1631. Pour plus de sûreté, les seigneurie Montai se faisaient remettre des résignations en blanc, qu'ils pouvaient remplir à leur gré. Ces doyens confidentiaires faisaient leur résidence à Laroquebrou et ne prenaient nul souci du maintien de la discipline dans le monastère, ni de l'entretien des bâtiments. Ils ne venaient qu'une fois par an pour percevoir la petite part de revenu que le seigneur de Montai leur abandonnait. Le doyenné de Mauriac était devenu, pour la maison de Montal, un domaine au» quel elle faisait rendre tout ce qu il pouvait produire, eu réduisant les dépenses autant que possible. On comprend quel fut le résultat de cet état de choses; le service divin fut presque abandonné; les moines n'ayant plus de surveillants se livrèrent à toute sorte d'écarts; les bâtiments tombaient en ruine; le cours de la justice était paralysé ; le monastère et la ville étaient dans la plus complète anarchie.

Un mémoire des religieux réformés, écrit vers l'année 1G30, fait une vive peinture de ces désordres, qui sont à peine croyables. Nous en citerons quelques passages.

« Ce monastère fust toujours bien entretenu jusqu'à environ l'an 1500, que la  maison de Montal se saisit du doyenné. Ce fust pour lors qu'il commença d'aller en décadence et en ruyne tant au spirituel qu'au temporel. Car, comme ceste maison de Montal était puissante dans le pays et qu'elle jouyssoit du dit doyenné sous la confidence de quelques pauvres misérables ses valets et domestiques, le service divin commença à y discontinuer, les édifices à se ruyner, et les moines, pour n'avoir de chef, à s'adonner à toute sorte de débauches. Il se voit que depuis cent ans en ça que ladite maison de Montal a jouy continuellement dudit doyenné, comme fait à présent le Sr marquis de Merville, héritier d'icelle, sous la confidence d'un pauvre misérable nommé Jehan Bertrand, son domestique, elle n'a pas fait un double de réparation, occasion pourquoy l'église menace d'une ruyne prochaine, les voûtes d'icelle estant toutes crevassées et fendues, n'y ayant aucune sorte d'ornements pour la célébration du divin office. Le cloistre démoli en plusieurs endroits où se vidaient ordinairement par armes les querelles des habitants, le chapitre estait un receptacle et une décharge de toutes les ordures de la ville, le réfectoire sans aucune charpente ni couverture; deplus, il se vérifie qu'il ne s'est dit de matines dans ledit monastère il y a plus de 50 à 60 ans, ni le plus souvent de grand messe. » ...

« Les religieux dudit monastère, qui, comme seigneurs de la ville, estaient » obligés de servir de bon exemple, n'auraient servi depuis cent ans et ne servent encore que de scandale à icelle et a tous les lieux circonvoisins, pour estre celuy qui se dit supérieur d'iceluy un pauvre misérable confident qui n'a rien

moins à cœur que le service de Dieu et qui ne lait nulle résidence dans iceluy. Les moines qui y ont esté dans le dernier siècle estant des personnes faisant  plustost l'office de voleurs que de moines, deux desquels s'entretuèrent dans

le cloistre il y peust avoir quarante ans (vers 1590), et y en restant de présent cinq autres qui sont en tout pires, plus vitieux et scandaleux que les  précédents, courants toutes les nuits par les rues avec les soldats du dit Sr de Merville, ne bougeant des cabarets à jouer, boire et manger avec eux, l'un desquels a scandalisé la ville par son libertinage, deux des autres faisant les marchands et trafiquants par les foyres et marchés tout ainsi que des prophanes séculiers, achaptant les procès des uns et des autres et leur servant de solliciteurs parmi les cours. Ne portant le plus souvent d'habit et n'assis tant d'ordinaire a l'office, et enfin vivant les uns et les autres plustost en soldats débordés qu'en bénédictins. »

Dans un autre mémoire, on dit que a les meilleurs bénéfices estoient tenus « en confidence depuis longtemps par les gentilshommes voisins; les religieux, » tout à fait dépravés dans leurs mœurs, n'y faisaient aucune demeure (au monastère), ains comme des brebis égarées, sans pasteurs, demeuraient çà et là où bon leur semblait. »

Tels furent, pour le monastère, les résultats de l'absence d'un chef, du mépris de la règle et du défaut de discipline. Hâtons-nous de dire, cependant, que quatre religieux se préservèrent de la corruption et restèrent fidèles à leurs devoirs. Leur nom mérite d'être conservé; c'étaient : Jean Grenier, cellérier; Antoine Bouchard, prieur claustral et aumônier; Jacques Cherrier, chambrier, et Jacques de Galauba, trésorier. La réforme de la congrégation de St-Maur venait d'être introduite en France; ces quatre religieux, indignés de l'inconduite de leurs frères, animés d'un saint zèle pour rétablir l'observance de la règle de St-Benoit dans leur monastère, se rendirent à Limoges, à l'abbaye de St-Augustin, et résignèrent volontairement leurs bénéfices entre les mains de dom Maur du Pont, supérieur général de la congrégation. Ils furent soutenus dans leurs projets de réforme par tout ce qu'il y avait d'honnête dans la ville, principalement par le père Molinier, recteur du Collège des jésuites, de Mauriac, et parle vénérable curé de la ville, M. Rocque.

C'est le 4 août 1627 que les anciens religieux avaient fait un acte pour introduire la réforme dans le monastère. L'année suivante, le supérieur général obtint des lettres patentes du roi Louis XIII, portant que la congrégation de St-Maur serait établie à Mauriac. Ces lettres sont datées du 15 juin 1628. Le 17 juillet suivant, dom Gérard des Alus, abbé de Si-Augustin, de Limoges, accompagné de cinq ou six religieux, prit possession du monastère et y établit la nouvelle observance, au grand bonheur de ce monastère, grand plaisir et contentement des gens de bien, et applaudissement général de tous les habitants s de la ville. »

L'introduction de la réforme dans le monastère de Mauriac était loin de satisfaire le marquis Descars de Merville ; il avait épousé Rose de Montal, fille unique de Gilles de Montai, et il jouissait à ce titre des revenus du doyenné. Le 19 juillet, il arriva dans la ville avec dom Bertrand, doyen confidentiaire, « fort pauvre et ignorant homme. Ils étaient accompagnés par trente ou trente-cinq gentilshommes ou soldats, tous armés d'épées, d'arquebuses et de pistolets. Ils se logent en ville et interdisent aux pères de la congrégation l'entrée de l'église, et les tiennent enfermés dans la cellérerie, rodant tout armés dans l'église et le cloitre. »

Autant le marquis de Merville cherchait à se faire redouter des religieux, autant il était doux et caressant pour les bourgeois. «  Désirant non seulement étonner les habitants de la ville par ses gens de guerre, mais aussi les réjouir tout ensemble à dessein de changer l'affection qu'ils avaient pour cest establissement et les obliger à prendre son parti, il fit faire des largesses au peuple, invitait les plus apparents à de grands banquets et se montrait affable et courtois envers tous. Lorsqu'il lui sembla que personne n'oserait l'en contredire, il vint dans la maison de la cellérerie, de laquelle il tira sous de beaux prétextes les susdits religieux, et les ayant amenés dans la maison de Jante, hoste des fauxbourgs de la dite ville et de là au château de Miremont, les fit conduire le lendemain, les uns à Bourdeaux et Toulouse, et les autres à Limoges, sans avoir pourtant usé contreux d'aucune sorte de violence.

Sur ces entrefaites, il n'est pas croyable combien l'émeute fut grande dans la ville, le peuple s'eslevant avec tant de fureur qu'il se transporte incontinent à la maison d'Antiniac, ruant une gresle de pierres contre les portes et fénestres d'icelle, rompant les vitres, et l'eussent sans doute mis à mort sur le champ, s'il eust esté si hardi que de paroistre tant ils étaient échauffés contre lui pour avoir tenu le parti du sieur marquis de Merville.

Quelque temps après, Bertrand, doyen confidentiaire, vint se loger en la ville, accompagné de cinq ou six soldats dudit marquis, pour s'opposer au retour des religieux réformés et leur empescher l'entrée du monastère, y demeurant toute ceste année et une bonne partie de la suivante. Cependant le Sr de Merville y vint plusieurs fois escorté de plusieurs gens de guerre, pensant intimider les habitants de la ville, employant tout son pouvoir et celui de ses amis pour contraindre les religieux à se départir de leur dessein ; mais tous leurs efforts furent vains.

Les religieux poursuivant vivement leur première entreprise, obtinrent plus ample commission du roy, et revenus à Mauriac le 20 octobre 1629, au grand plaisir de toute la ville, se retirèrent dans la maison de la cellérerie. Plusieurs habitants, contraints par l'ordre du roy de les assister et donner main-forte, couchèrent pendant dix mois dans la maison de la cellérerie, munis de quantité d'armes pour la défense et asseurance de leurs personnes et empescher qu'ils ne revinssent de rechef estre enlevés, ce qui estait à craindre.

Pour ce mesme effect, les portes de la ville demeurèrent toujours fermées, et les citoyens faisaient sentinelle et feu de garde jour et nuit. Le Sr de Merville, ayant su ce retour, vint tout aussitôt à Mauriac, et ayant demandé que les portes de la ville fussent ouvertes, le premier consul, qui parut avec la livrée sur les murailles, luy fist réponse qu'à la vérité il luy ferait ouvrir les portes, mais que s'il entrait, il ne luy répondait pas de sa vie; ce qui l'obligea à se retirer. (Hist. ms. de l’ introduction de la réforme, far dom Laurent. )

Cependant, la présence du marquis de Merville sous les murs de Mauriac avait rendu les soldats do frère Jean Bertrand beaucoup plus insolents; ils faisaient mille avanies aux habitants et leur cherchaient à chaque instant querelle. Ils poursuivaient surtout dom Grenier, cellérier, et le curé Roque, qu'ils regardaient comme les introducteurs de la réforme, et avaient manqué les faire mourir deux ou trois fois. Le Sr de Merville, de son côté, fit enlever par ses soldats le Sr Grenier, neveu du cellérier, et le fit enfermer dans le château de St-Amarante, en Périgord. Il l'y retint prisonnier pendant trois mois. Grenier, aidé par le curé de l'endroit, trouva le moyen de s'échapper. Rentre à Mauriac, il ne s'y trouva pas en sûreté et fut contraint de se retirer pendant quelque temps à Aurillac.

De semblables violences, une révolte si éclatante contre la justice et les ordres du roi ne pouvaient pas rester impunies.

Immédiatement après l'enlèvement des religieux réformés, les consuls de la ville avaient dressé procès-verbal des faits et l'avaient adressé au garde des sceaux. Des informations furent faites par le S' de Romand, lieutenant général au présidial de Limoges, qui en avait reçu la commission du roi. Plus tard, le vibaillif informa contre les soldats du doyen Bertrand, à la tête desquels était un nommé Dupont, de Bordeaux ; il se saisit de cette « canaille », dit un mémoire du temps, et les conduisit dans les prisons d'Aurillac.

Le marquis de Merville, de son côté, était poursuivi rigoureusement. Il avait à répondre devant la justice d'un meurtre commis vers l'année 1629; l'année précédente, il avait tué son propre oncle. Les violences qu'il avait fait commettre a Mauriac n'étaient pas à comparer à ces deux crimes; mais elles n'en avaient pas moins^donné lieu à des poursuites criminelles. S'étant rendu a Paris en l'année 1631, les archers se présentèrent à son hôtel pour l'arrêter; il se mit en défense, opposa une vive résistance et fut tué dans la lutte. Dom Bertrand mourut en 1631 et fut remplacé par M. de Cotignon de Chamvry, fils du secrétaire de la reine Marie de Médicis. A partir de cette époque, les religieux de la congrégation de St-Maur ne furent plus troublés dans la possession du monastère. Ils transigèrent avec les autres religieux, au moyen de quelques pensions qu'ils leur assurèrent. Pour dédommager M. Grenier de la captivité qu'il avait subie par dévouement à leur cause, ils lui abandonnèrent pendant sa vie les rentes qu'ils percevaient sur son domaine de Salzines.

Dans peu de temps, les bâtiments anciens furent réparés. Un nouveau corps de logis donnant sur la rue du Collège fut édifié, l'église fut complètement restaurée, on acheta les vases et les ornements nécessaires; enfin, dans peu d'années, par une sage administration, le monastère fut rétabli dans son ancien état. Les religieux réformés donnèrent par leurs vertus, par leur piété et leur soumission à la règle, autant d'édification que les~autres avaient causé de scandale, le suis porté à croire que, dans le siècle suivant, ils se relâchèrent un peu de la rigueur de la règle; mais je n'en ai point de preuve positive, et je ne puis m'appuyer que sur la tradition. .


LE COLLÈGE.

Avant l'établissement du Collège, les lettres étaient cultivées à Mauriac. La communauté des prêtres était nombreuse; on trouvait dans ce corps" et dans le monastère des hommes instruits et capables d'enseigner à la jeunesse les langues anciennes et la philosophie, ou plutôt la scolastique, qui étaient les principaux éléments de l'éducation à cette époque.

En 1539, Guillaume Duprat, évêque de Clermont, étant venu à Mauriac dans le cours de sa visite pastorale, il fut reçu par les prêtres, les gens d'église et les habitants fort honorablement, « et luy furent faites trois langues (harangues) latines et grecques, l'une â l'entrée de la porte , par les gens de la ville , l'autre à  l'entrée de l'église, par les gens d'église, et l'autre à sa retraite, pour la recommandation de toute la ville et église. » (montfort.)

Quelques années après cette visite, en 1545, Guillaume Duprat fut député par le roi François I°r pour aller au concile de Trente ; il assista aux sept premières sessions, tenues sous le pontificat de Paul III. Le concile ayant été suspendu et ensuite repris en l'année 1550, Henri II y députa de nouveau Guillaume Duprat. C'est à son retour du Concile qu'il introduisit les jésuites en France.

Par son testament du 25 juin 1560, il ordonna qu'il serait fondé trois collèges de la Société de Jésus : l'un à Paris, l'autre à Billom, au bas-pays d'Auvergne, et l'autre à Mauriac. Il légua 7,000 Kv. pour construire le Collège de Mauriac. 400 liv. tournois de rente à prendre sur le prévôt des marchands, 200 sols de rente, constitués par différents particuliers, à la charge par les consuls et habitants de Mauriac de dépenser 1,500 liv. pour acheter le terrain et pour faire les bâtiments du Collège; de plus, il légua 1,775 liv. de rentes annuelles pour être divisées par ses exécuteurs testamentaires entre les trois Collèges par lui fondés à Paris, à Billom et à Mauriac. Le Collège de Mauriac n'eut aucune part dans cette somme; mais, en compensation, les exécuteurs testamentaires chargèrent le Collège de Paris de nourrir quatre pauvres écoliers qui seraient choisis par les consuls de Mauriac et nommés par le recteur du Collège de cette ville. Plus tard, ces bourses furent réduites à une. Jusqu'à la révolution, la ville de Mauriac .eut le droit de disposer d'une bourse au Collège des jésuites de Paris, qui porta d'abord le nom de Collège de Clermont, et qui ensuite prit celui de Louis-le-Grand , qu'il a conservé et sous lequel il est devenu célèbre. Dans un mémoire écrit vers l'année 1763, pour engager les consuls à réclamer les quatre bourses fondées au Collège de Louis-le-Grand, je trouve le passage suivant : « Vous leur rappellerez (aux habitants de Mauriac) que , s'ils peuvent se glorifier d'avoir des concitoyens dans les Académies de Paris, c'est à ces places qu'ils le doivent. L'abbé Chappe, membre de l'Académie des sciences, avait fait ses études au Collège de Louis-le-Grand; c'est là que son goût pour les mathématiques s'était développé et qu'il avait pu approfondir cette science. C'est bien certainement à lui que fait allusion le passage que nous venons de citer.

Les consuls et les habitants de Mauriac s'empressèrent de remplir les intentions de Guillaume Duprat. Le concordat entre les exécuteurs testamentaires et les habitants est du 12 décembre 1563; ils furent bien au-delà : dans moins de dix années, la ville de Mauriac acheta les emplacements nécessaires pour l'établissement du Collège, donna 2,600 liv., fit construire à ses frais six classes, abandonna au Collège le bois du Suc-des-Ecoliers,, aujourd'hui bois de St-Jean, et quatre-vingts septerées de terre joignant le bois. Ces concessions ne furent pas les seules : diverses portions de communaux furent encore données, les unes pour être jointes aux prés de St-Jean, les autres pour agrandir l'enclos du Collège; on autorisa les jésuites à prendre une partie des fossés de la ville ; enfin, par contrats des 1 I septembre et 23 octobre 1606, et 30 mars 1608, les habitants donnèrent aux jésuites quinze maisons pour former l'enclos de leur établissement. La ville fit, comme on le voit, de grands sacrifices pour la fondation du Collège ; les dons des particuliers ne furent pas moins considérables.

Jeanne de Fontanges, douairière de Lavaur, par contrats des 2o décembre 1393 et 8 avrillo99, avait donné la somme de 12,091 liv. 9 sols; le revenu de 8,691 liv. devait être employé annuellement à la nourriture et entretien, à Mauriac, do douze pauvres et de leur précepteur, et le revenu des 2,400 liv. restant devait être payé à un homme de bonnes vie et mœurs qui prêcherait annuellement en l'église paroissiale de Mauriac les Advents et Caresmes. Les jésuites s'approprièrent ces legs, et ne remplirent d'autre charge que celle de la prédication des Avents et Carêmes.

Jean Servanton, curé d'Arches, donna, par différents contrats, une somme de 20,000 liv , sans autre charge que celle d'employer annuellement 100 liv. à l'entretien de la bibliothèque.

Le 27 septembre 1641 , Pierre de Douhet, seigneur d Auzers, fit donation de ses biens à Marion, son fils aîné, et lui substitua Gilbert, son cadet; et, dans le cas de leur décès sans enfants, leur substitua les jésuites du Collège de Mauriac pour recueillir sa succession. L'aîné entra dans la société et devint recteur du Collège, de Mauriac; le cadet décéda sans postérité. Son décès occasionna entre 1rs héritiers et les jésuites un procès que ceux-ci gagnèrent par un arrêt du grand conseil, du 19 septembre 1678; mais cet arrêt ne termina pas toute la contestation, car, en adjugeant tous les biens de Pierre de Douhet aux jésuites, le grand conseil avait réservé aux héritiers la légitime de Gilbert. C'était un nouveau sujet de contestation qui fut terminé par une transaction du 2 octobre 1689. Les jésuites profitèrent, dans la succession d'Auzers , de 29,700 liv., de la terre de St-Christophe , évaluée 20,000 liv., et de tous les revenus de la terre d'Auzers depuis 1678 jusqu'en 1689, estimés à 65,000 liv. Il parait, en outre, que, par un contrat du 25 avril 1655, le seigneur d'Auzers leur avait donné cent vingt septerées de terre, des prés produisant soixante-dix charretées de foin et des pâturages suffisants pour deux paires de bœufs. Ces biens, qui avaient été acquis d'un sieur Domal, furent réunis au domaine de St-Jean.

Le cardinal de Larochefoucaut, ancien évêque de Clermont, doit être aussi nommé parmi les bienfaiteurs du Collège de Mauriac. Par un contrat du 10 mars 1612, il donna 14,400 liv. qui devaient être partagées entre les Collèges de Billom et de Mauriac, et, le 10 juin 1644, il donna 18,000 liv. pour être également partagées entre les Collèges de Billom, de Mauriac et de Montferrand. Cette donation avait été faite à la charge de faire, de deux en deux ans, des missions dans le diocèse,.

En 1693, Georges Guérin , docteur en théologie , curé de St-Martial de Paris, originaire de Mauriac, légua 6,000 liv pour la fondation d'une chaire de philosophie.

Vers l'année 1637, Charles d'Estaing, prieur de St-Martin-Valmeroux, résigna ce bénéfice en faveur du Collège de Mauriac auquel il fut uni.

Le 6 août 1750, M. Bonnefon, titulaire du prieuré de St-Laurent du Vigean, s'en démit pour être uni et incorporé au Collège de Mauriac, sous la réserve des fruits sa vie durant, et à condition que les jésuites établiraient un second cours de philosophie. Les religieux du monastère de Mauriac et le curé du Vigean ayant formé opposition à cette union, il s'ensuivit un procès devant l'ofiicial et devant le parlement de Paris. Les jésuites obtinrent des lettres-patentes de confirmation du décret de l'évêque de Clermont, portant que le prieuré serait uni au collège de Mauriac ; et, toutes les parties ayant donné leur consentement à l'enregistrement des lettres-patentes, il intervint, le 16 décembre 1754, un arrêt du parlement qui ordonna qu'elles seraient enregistrées, ° pour, par les jésuites, jouir de l'effet d'icelles. M. Bonnefon décéda le 27 mars 1762. Les jésuites prirent possession du prieuré le lendemain, 28 du même mois; ils n'en jouirent pas lontemps, leurs biens ayant été mis sous le séquestre dans la même année.

Les donations que nous venons de rappeler ne furent pas les seules; beaucoup d'autres moins importantes furent faites par le seigneur de Mazerolles, par le seigneur de Saint-Chamand du Pescher, par le sieur Dubois, seigneur d'Embort, et quelques autres, ° sans compter les dons secrets et inconnus que les jésuites se » sont attirés, et qui surpassent tous ceux dont il a été fait mention.

(Factum des consuls de Mauriac au roi, 1693, imprimé)

Les biens connus du Collège de Mauriac, à l'époque de l'expulsion des jésuites, consistaient:

1° Dans le domaine de St-Jean et le pré près le Collège, affermé. . 2,8501iv.

2° Dans celui de Laroche, acheté en 1643, affermé 900

3° Dans le prieuré de St-Martin-Valmeroux, loué au curé, quitte de

toutes charges 150

4u Dans la terre de St-Christophe, achetée en 1671 et affermée ... 450

5* Dans différents cens et rentes, produisant 172

6* Dans les deux contrats sur les aydes et gabelles, produisant 325

7° Dans vingt-un contrats de constitution de rentes, produisant. ... 178

 8° Dans le prieuré de St-Laurent du Vigean, affermé.. 1,630

Total du revenu du Collège de Mauriac.. 6,675

Dans le compte rendu du 15 septembre 1763 par le président Rolland aux chambres du parlement assemblées, il porte les revenus à 7,675 liv., par une erreur d'addition.

 

Les charges étaient de deux natures : les unes portaient sur les biens, les autres provenaient des fondations.

1° Tailles sur le domaine de Laroche                                                      189  2°

2* Cens seigneurial sur le domaine de Laroche ………………………….82 12 11

3° Tailles sur le domaine de St-Jean                                                        600        

4° Cens seigneurial sur ce domaine                                                          39   2   6

5° Fondation pour un service pendant l'octave du St-Sacrement.       20

6° Pour le prédicateur de l'Avent et du Carême                                   200

7° Aux prêtres communalistes, aux filles de Ste-Agnès et aux

pauvres honteux                                                                                            140

8° Décimes du Collège .                                                                            250

9° Entretien de la sacristie 150

10° — des bâtiments, des domaines et du Collège. .                           300

11° Portion congrue du curé et secondaire du Vigean                        450

12° Redevances aux bénédictins de Mauriac                                       260

13° Entretien de l'église du Vigean                                                           100

14° Au curé du Vigean, pour les novailles                                                 12

15° A l'abbé de Mauriac et au vicaire de St-Benoit                                 72

16° Plus, pour les décimes                                                                          259

Total                                                                                                           3,143 17 7

Le revenu montait à, 6,675 liv.

Dès son origine, le collège de Mauriac avait été convenablement doté, et chaque siècle avait vu sa dotation s'accroître. A l'époque de sa fondation et pendant près d'un siècle, ce fut le seul Collège de la Haute-Auvergne. Aussi les élèves y affluaient-ils de toute cette partie de la province et de la province voisine dit Limousin. Le nombre des élèves était considérable; il était évalué, en 1762, par les officiers de justice d'Aurillac, à un chiffre moyen de 300 à 350. Les éludes; étaient florissantes, et il en était sorti un grand nombre d'hommes distingues. C'est dans ce Collège que l'académicien Marmontel avait fait ses études, et que l'abbé Chappe avait commencé les siennes. Dans le factum que nous avons déjà cité, les consuls de Mauriac, en demandant le maintien de deux classes que les jésuites voulaient supprimer, exposent au roi le bien qu'a produit l'établissement du Collège. « C'est ce Collège, disent-ils, si nécessaire au public, que, depuis son établissement, l'hérésie n'a eu, dans cette partie de la province d'Auvergne, aucun advantage considérable. Ce Collège, célèbre par le nombre des hommes illustres qu'il a élevés, et qui ont rempli et remplissent dignement les plus importantes places de l'Eglise et de l'Etat, et qui font tout ensemble honneur à leur nom et au Collège. Si les consuls et habitants de Mauriac ne craignaient de blesser la modestie des grands hommes ou celle de leurs successeurs, il leur serait aisé de faire voir à Votre Majesté que ce Collège a élevé des abbés chefs d'ordre, des vicaires généraux et officiaux en nombre, plusieurs auditeurs de Rote, des présidents, conseillers en vos parlements et autres cours supérieures, et finalement un grand nombre de prêtres et religieux qui se sont distingués, au dedans et au dehors du royaume, par leurs vertus, leur doctrine et par leurs écrits, qui seront des monuments éternels de la nécessité de ce Collège, sans le secours duquel les pères jésuites mesmes ne posséderaient pas des grands hommes auxquels la compagnie, prévenue de leur mérite personnel, de l'étendue de leurs lumières et de leur sagesse consommée , a confié et confie en ce » royaume les plus grandes et importantes affaires. » (Factum des consuls, p. 6.)

Au moment où les jésuites furent expulsés du Collège, sa prospérité n'avait pas diminué. D'immenses approvisionnements de matériaux avaient été faits pour le reconstruire sur un plan plus vaste. Les bois, la chaux étaient sur place, la pierre était taillée; on allait se mettre à l'œuvre au moment où tous les biens des jésuites furent séquestrés et leur société dissoute. La ville de Mauriac était attachée aux jésuites ; elle désirait leur conservation, et elle ne craignait pas de faire leur éloge au moment où ils étaient attaqués de toutes parts. Dans un mémoire adressé au parlement par les habitants de Mauriac, ils exposent que, « grâce aux soins, aux prières et aux bons exemples des jésuites, ce Collège forme d'excellents sujets; c'est une vérité que l'évêque et l'intendant ne sauraient méconnaître, et sur laquelle la ville réclame leur suffrage... Il n'y a pas un citoyen qui ne soit d'accord que tout ce qu'il sçait, il le tient des jésuites; qu'il n'a reçu d'eux que d'excellents principes de religion et d'éducation; que , dans tous les temps , il les a, vus se comporter avec une édification salutaire et exemplaire. Cette conduite a de leur part, les secours qu'ils prêtent journellement par la prédication, les confessions , pour l'instruction du peuple et principalement pour la bonne éducation de la jeunesse, donnent lieu de croire qu'ils ne sauraient être que  très-imparfaitement remplacés. »

En s'exprimant ainsi, les habitants de Mauriac faisaient fort mal leur cour au parlement : ce n'étaient pas des éloges qu'on leur demandait, mais plutôt des accusations contre les jésuites. Aussi, le président Rolland ne manque-t-il pas de dire, dans son rapport, que les habitants et les officiers de justice qui ont appuyé ce mémoire sont dans l'erreur.

Pendant que les habitants de Mauriac perdaient leur temps à défendre les jésuites, les habitants d'Aurillac et les officiers royaux de cette ville prenaient leur parti et agissaient. Ils traitaient avec l'Université, demandaient la suppression du Collège de Mauriac et la réunion de ses propriétés au Collège d'Aurillac. Ils rédigèrent plusieurs mémoires, dont l'un était divisé en trois points : dans le premier on démontrait la nécessité de conserver des écoles publiques dans la Haute-Auvergne, dans le second on faisait voir que le Collège d'Aurillac était un de ceux qui devaient être conservés, dans le troisième on voulait prouver « que le Collège  de Mauriac est, non seulement inutile , mais très-préjudiciable au bien de la province, et qu'il doit résulter des avantages considérables de sa suppression el de la réunion de ses revenus au collège d'Aurillac. » Les motifs que l'on présentait comme décisifs étaient au nombre de trois : « 1° La suppression du Collège de Mauriac  amènera la diminution des écoliers, ce qui augmentera le nombre des cultivateurs; 2° l'éducation que les écoliers recevront à Aurillac sera bien meilleure qu'à Mauriac (on ne dit pas pourquoi) ; 3° il y aura augmentation du commerce et de la consommation d'Aurillac. » *

Pendant que la ville d'Aurillac prenait tous les moyens possibles pour obtenir la suppression du Collège de Mauriac, les habitants de Mauriac lui donnaient de nouvelles armes contre eux.

Le 6 septembre 1762, un huissier ayant voulu procéder à la vente des meubles délaissés par les jésuites, et ayant compris dans sa vente des planches et matériaux destinés à la reconstruction d'une partie du Collège, cette vente excita un mouvement que l'huissier appela sédition et révolte; il en dressa procès-verbal. Le procureur du roi rendit plainte le 9; le même jour intervint une ordonnance portant permission d'informer. Le lieutenant-général d'Aurillac se transporta sur les lieux où, après avoir dressé différents procès-verbaux, il procéda à l'information les 13, 14, 15, 16 et 17 septembre, et le 23, il prononça dix décrets, savoir: six de prise de corps et quatre d'ajournement personnel.

Les habitants de Mauriac se réunirent, et, le 14 septembre, ils rédigèrent un mémoire portant, dit le président Rolland, « des plaintes amères contre les officiers d'Aurillac, qui ont cherché à dégrader le Collège pour le faire supprimer et en réunir les biens à celui de leur ville. » Pour prouver que les officiers d'Aurillac ont voulu ruiner le Collège de Mauriac, les habitants mettaient en fait que, non seulement on avait vendu tous les meubles meublant les classes, mais même une marmite de cuivre enchâssée dans le mur de la cuisine, qu'il a fallu pour cela démolir en partie. Ils demandaient que, vu l'intérêt particulier des habitants d'Aurillac à dégrader et anéantir le Collège de Mauriac , qu'il plût à la Cour de conférer à la sénéchaussée de Clermont l'exécution des arrêts qu'elle rendra relativement au Collège de Mauriac.

Nous n'avons pas pu retrouver ce mémoire. Le président Rolland dit qu'il était bien fait, et contenait de bonnes vues sur l'administration du Collège et de ses biens; il n'en cite qu'un assez long passage dans lequel les habitants s'excusent d'avoir fait l'éloge le plus flatteur des ci-devanl soi-disanl jésuites. «  Nous étions dans la bonne foi, disent-ils, les apparences étaient pour eux ; nous ne connaissions ni la méchanceté, ni la perversité de leur doctrine et morale, ni la leur. » Ils les accusent ensuite d'avoir vendu les provisions et les bestiaux, de s'être fait paver les arrérages de rentes, d'avoir spolié la congrégation des écoliers en enlevant les vases sacrés, et d'avoir disposé de leur mobilier et des ornements de leur église en prétextant  indignement que c'était leur bien.

Ce mémoire eut un plein succès; le Collège de Mauriac fut confirmé par des lettres-patentes du roi, données à Versailles, le 20 juin 1765, sur la demande des habitants de Mauriac et de l'évêque de Clermont. Le août 1768, le parlement rendit un arrêt de règlement pour l'administration du Collège, et l'exécution en fut confiée au lieutenant-général du bailliage de Clermont-Ferrand.

Par des lettres-patentes dont je n'ai pas la date précise, le Collège de Mauriac fut autorisé à prendre le titre de Collège royal. Il fut confié à des prêtres séculiers. Le nombre des élèves se maintint à 300 jusqu'à la révolution. A cette époque, on remplaça les prêtres par des professeurs laïques. Mais cette institution nouvelle n'eut pas de durée; le Collège fut fermé, la chapelle devint le lieu de réunion des assemblées populaires, et la gendarmerie fut casernée au Collège. Les bâtiments n'avaient pas4été vendus, et le domaine de St-Jean avait été conservé à la ville par quelques citoyens qui l'avaient acheté de la nation.

Aussitôt que l'ordre fut rétabli et qu'un gouvernement réparateur fut constitue, une école secondaire remplaça le Collège. Elle fut dirigée par des ecclésiastiques, et, jusqu'à ce jour, les professeurs des hautes classes et le principal ont toujours été choisis dans le clergé.

Le nombre moyen des élèves est de 90 à 120. Dans les dix dernières années, le Collège a été complètement restauré, les classes ont été assainies, les bâtiments recouverts ; un vaste dortoir a été établi pour les pensionnaires ; les chambres des professeurs ont aussi été réparées.

Il y a au Collège une bibliothèque ouverte au public; on y trouve quelques anciennes éditions précieuses, une collection des classiques grecs et latins, celle des monuments de l'histoire de France, publiée par le Gouvernement, et d'autres bons ouvrages.


ÉLECTION.

 Par édit du roi François 1er, du mois de novembre 1543, il fut créé une élection particulière à Mauriac, composée d'un élu particulier, d'un procureur du roi et d'un greffier. (Note de M. P. De Chazelles.) Antérieurement et depuis, les esleus de St-Flour avaient un lieutenant dans la prévôté de Mauriac, qui résidait tantôt à Salers, tantôt a Mauriac.

Par un édit du mois de décembre 1629, une élection en chef fut créée à Salers; supprimée par déclaration du 3 avril 1630, elle fut rétablie par édit du mois de février 1639; elle fut de nouveau supprimée, et cette fois définitivement, par un édit du mois d'août 1664. Cependant, le roi, considérant que la ville de Mauriac était éloignée de vingt-cinq lieues de celle de St-Flour, en pays de montagnes, et que ses sujets, bien loin de recevoir quelque soulagement de la suppression de l'élection de Salers, recevraient un notable préjudice, rétablit à Mauriac une élection particulière qui serait composée « d'un conseiller du roi esleu particulier, d'un substitut du procureur général et d'un greffier, pour rendre la justice et avoir connaissance du fait des aydes, tailles, levées et impositions, et dont les appellation* ressortiront, comme ci-devant, à la Cour des aydes de Clermont-Ferrand. » Il fut établi, par le même édit, un bureau de recette particulière en la ville et prévôté de Mauriac, dans lequel le receveur des tailles de l'élection de St-Flour serait obligé de tenir un commis.

Cette élection subsista jusqu'à la révolution. M. Grenier, ancien président de l'élection de Salers, fut nommé élu par l'édit de création, qui est du 10 décembre 1664. M. de Vezoles fut le premier procureur du roi. En 1789, M. Paulin Duclaux était élu, et M. Bonnefon, procureur du roi.

Dans chaque élection, il y avait au moins un subdélégué de l'intendant. Le premier subdélégué de Mauriac fut M. Courboulès de Montjoly. Ces fonctions passèrent ensuite dans la maison de Vigier, dont quelques membres furent tout à la fois subdélégués et receveurs des tailles. Le subdélégué, en 1789, était M. de Tournemire.

Le roi ayant créé des assemblées provinciales par l'édit de juin 1787, pour délibérer sur les affaires des provinces, il fut établi dans chaque chef lieu d'élection des assemblées d'élection. Ces assemblées avaient des attributions analogues à celles des conseils généraux et des conseils d'arrondissement actuels.

Par un arrêté du 9 octobre 1787, l'assemblée divisa l'élection en quatre arrondissements, dont les chefs-lieux étaient : Mauriac, Salers, Pleaux et Menet.

Le président de cette assemblée avait été nommé par le roi. C'était M. le comte d'Anglards de Bassignac. Six membres avaient été choisis par l'assemblée provinciale, savoir : pour l'ordre du clergé, M. Colinet de Labeau, doyen du chapitre de St-Chamand; pour l'ordre de la noblesse, M. le comte de Sartiges; pour l'ordre du tiers état, M. Lescurier, lieutenant-général au bailliage royal de Salers, Dapeyron de Cheyssiol, avocat à Pleaux, Raymond Tautal, avocat à Menet, Ternal, bourgeois à Mauriac.

Conformément à l'édit, l'assemblée ainsi composée élut pour se compléter:

Pour L'ordre Du Clergé,

M. d'Anglards, curé de St-Martin-Cantalès. — M. de Burg, curé de St-Paul.

Pour L'ordre De La Noblesse, M. de Fontanges, baron de Cousans. — M. le chevalier de La Tour de St-Vincent.

Pour Le Tiers état,

M. Delalo, médecin à Mauriac. — M. Lescurier de Fournol, bourgeois à Anglards. M. Fenolhac de Prades, notaire à Trizac . — M. Perier de Lavergne, notaire à Ostenac.

L'institution des assemblées provinciales et des assemblées d'élection fui supprimée par le décret de l'Assemblée nationale, du 22 décembre 1789, et par les lettres-patentes du roi, de janvier 1790. La France ayant été divisée par départements, il fut établi, dans chaque chef-lieu , une assemblée chargée de l'administration, sous le titre d'administration du département; au chef-lieu de chaque district, une administration de district, et enfin, dans chaque municipalité, une administration municipale.

Mauriac devint le chef-lieu d'un district, plus tard d'un arrondissement; il resta le chef-lieu administratif, comme il l'avait été de la prévôté et de l'élection.


MAURIAC PENDANT LES GUERRES DES ANGLAIS.

 On ne se rend pas assez compte aujourd'hui des déplorables résultats de celte longue lutte entre deux nations rivales; on ne connaît pas assez-les malheurs qui accablèrent notre pays. Il nous serait impossible de raconter les faits d'armes, les combats que nos ancêtres livrèrent, les siéges qu'ils eurent à soutenir, les rançons, les partis qu'ils eurent à payer; nous n'avons rien trouvé i ce sujet: pas de détails, pas de faits particuliers; mais, à leur place, nous pouvons présenter un tableau malheureusement trop exact de la ville de Mauriac et de ses environs à cette époque, et on pourra se faire une idée de tout le sang qui avait été versé, de toutes les dévastations qui avaient été commises pour réduire cette contrée à un si triste état.

Les Anglais avaient commencé à dévaster l'Auvergne après la funeste journée de Poitiers. Vers l'année 1369, ils démantelèrent les tours de Biorc (commune de Barriac), de Comby ou du Fayet (commune de Trizac), du Vaulmier, de Montclar, d'Arches, de Claviers, de St-Christophe, et le château de Miremont. Les faubourgs de Mauriac avaient été détruits. Dans les Etats tenus à Aurillac le 13 mars 1577 (1378), il fut a ordonné que jasoit que la ville de Mauriac eust acostumé de paier pour villefort que en ce subside ne paierait se non par feux de plat païs pour ce que elle est trop gastée. »

Le procès-verbal des Etats constate que le château de Chambre était tenu par les grandes compagnies, et que le lieu d'Unsac (Junsac), dans la prévôté de Mauriac, était détenu n'a guères par les Anglais. »

Le doyen de Mauriac, comme haut justicier et ayant la garde et le gouvernement de cette ville, représente â Jean, duc d'Auvergne, que la ville de Mauriac, qui avait été longtemps frontière des ennemis, se trouvait si dépeuplée par le départ des plus riches habitants, occasionné par les malheurs qu'ils avaient éprouvés, qu'il n'était plus possible à ceux qui restaient de pouvoir se garder. Le prince ayant égard à cette supplique, ordonne à son gouverneur des montagnes de faire réparer les murs et les fossés de la ville, et de faire faire à cet effet, avec le consentement des habitants, les levées d'argent nécessaires; fait injonction et commandement aux habitants de ne pas abandonner la ville et de la garder. Donné en mandement, à Aurillac, sous le scel du prince, le 1er octobre 1378.» (Bibl. imp-, Correspondance d'Auvergne.)

Le 12 février 1399, l'abbé d'Aurillac autorise noble Pierre de St-Martial, seigneur de Drugeac, à rétablir les fourches patibulaires et autres signes de justice qui avaient été détruits par les incendies. Le pays ayant été déserté par les habitants, laissé sans culture et réduit en landes, par suite des guerres qui avaient longtemps désolé le pays. « Ob heremitatem et desertationem patriae tempore guerrarum quœ in illis partibus viguerunt. »

Dans les premières années du XV° siècle, plusieurs villages des environs de Mauriac étaient vacants; cela résulte d'une enquête conservée en original à l'hôtel-de-ville de Mauriac. Elle est du4 juillet 1453.

Jean del Coudert dépose qu'il y a environ quarante ans, personne ne demeurait dans le Mas-de-Serre ni au Mas-de-Chayrouse.

Jean Raymond, âgé de cinquante ans, déclare que dans sa jeunesse le Masde-Salzines était vacant.

Pendant les guerres, certains habitants de Chalvignac s'étaient réfugiés dans la ville et cultivaient les terres qui en étaient voisines.

Antoine Delseriès de Chalvignac dépose qu'il y a vingt ou vingt-cinq ans, son père lui dit en allant de Mauriac a Chalvignac : «  Aysi faciam nos blat en aquo  de Chayrosa que demoravan à Mauriac el temps de la guerra Iei nous faisions du blé dans les appartenances de Chayrouse, quand nous demeurions à Mauriac, au temps de la guerre.

Claude de Fraxinis, autre témoin, autrefois tenancier d'un quart du Mas deSerre, demeurait à Laroquebrou. Enfin, Jacques Sarret déclare qu'il y a quarante ans, son frère Jean tenait, à titre de location, le village d'Escoliès qui était vacant.

Cette déplorable situation n'était pas particulière à la Haute-Auvergne. Dans son histoire manuscrite de Charles VII, Thomas Basin, évêque de Lisieux, dit que depuis la Loire jusqu'à la Seine et même jusqu'à la Somme, presque toutes les terres restèrent longtemps sans culture, tous las cultivateurs étant morts ou en fuite. On n'osait cultiver que les terres situées auprès des villes et des châteaux forts. La sentinelle placée an haut des murs agitait la cloche d'alarme ou sonnait du cor dès qu'elle apercevait au loin une troupe d'ennemis, et aussitôt ceux qui travaillaient dans les champs se hâtaient de chercher un asile derrière les murs des châteaux forts » (Chéruel, Histoire de l'administration monarchique. )

L'excès de tant de maux amena une réaction salutaire. On conçoit que tous les Français se soient réunis sous l'étendard royal pour chasser l'étranger, et l'on comprend cette haine héréditaire qui a divisé pendant si longtemps la France et l'Angleterre.


PRISE DE LA VILLE DE MAURIAC PAR LES HUGUENOTS.

 Nous avons fait connaître à l'article Chalvignac, au mot Miremont les événements qui précédèrent et qui suivirent la prise de la ville de Mauriac; nous n'y reviendrons pas; nous nous bornerons à raconter cet épisode important des guerres de religion, d'après les documents qui nous ont été conservés.

Dès la fin de l'année 1573, on avait conçu des craintes sérieuses, et on s'attendait à une attaque de la part des réformés qui occupaient le château de Miremont. A partir du 8 décembre, on monta la garde dans la ville, et les chefs de maisons de la terre de Mauriac furent appelés pour y venir faire le guet et augmenter la garde. Les murs de la ville, qui n'étaient pas assez élevés, furent exhaussés dans presque tout leur contour, et fortifiés par des fossés dans les endroits où il n'y en avait pas. Les quatre portes principales, nommées de St-Georges, de St-Mary, de St-Thomas et de St-Jean furent murées. Le chevalier de Montal, auquel on donne le titre de seigneur de Mauriac, avait sous ses ordres les capitaines Soursac et Besaudun. Le capitaine Soursac commandait dans la ville; le capitaine Lejac ou Layac (ce nom est écrit de deux manières) était son lieutenant; ils avaient leur compagnie en garnison à Mauriac, d'après l'ordonnance de M. de St-Herem, gouverneur de la province. Le 16 avril 1374, les huguenots, commandés par le vicomte de Lavedan, vinrent assiéger la ville Le consul Pages était sur la tour de la porte St-Mary, auprès de la maison de François Laborie; il y avait déjà repoussé trois assauts lorsque les huguenots surprirent la ville du côté du Barry-Neuf (rue Neuve), et y entrèrent par escalade. La trahison du capitaine Lejac la leur avait livrée.

Le courageux consul, le brave défenseur de la cité, fut pris et mis en prison; sa boutique, qui contenait toute sa fortune, fut pillée; il demeura pendant six semaines dans une basse fosse du château de Miremont, faute de pouvoir payer la rançon à laquelle il avait été taxé. Etant parvenu à se libérer, il se réfugia au château de Scorailles. Là, il fut averti par M. de Lafayette que le capitaine François Layac était détenu dans les prisons de Riom, accusé d'avoir trahi la ville de Mauriac en la rendant aux ennemis; mais que, faute d'informations et de poursuites, on était sur le point de le relâcher. Pagès, qui se tenait caché, avait des intelligences dans la ville de Mauriac pendant que les ennemis la tenaient, et était au courant de tout ce qui s'y passait et des projets des huguenots. Il fut prié par le lieutenant Rongier et plusieurs autres habitants de Mauriac de se rendre à Riom pour informer contre ledit Layac. Il n'hésita pas à accepter cette mission; six témoins furent entendus à Scorailles par l'autorité de la cour de Riom. Les preuves étaient accablantes; Layac fut ouï, interrogé, condamné à mort et exécuté.

Lors de la prise de la ville, elle fut livrée au pillage; les vases sacrés furent emportés à Miremont, les cloches furent fondues et on en fit des canons. Bouissou, curé de la ville, eut la main droite coupée; Louis de Montclar, chambrier du monastère, fut tué ; d'autres meurtres furent commis, et tous les bourgeois et les prêtres mis à rançon.

Lorsque les huguenots apprirent que le gouverneur St-Herem venait avec une grosse armée pour délivrer la ville, ils ne jugèrent pas à propos de l'attendre. Mais avant de se retirer, ils brûlèrent tous les faubourgs et un tiers des maisons de la ville ; ils découvrirent et pillèrent les temples; ils coupèrent la porte St-Mary, ruinèrent les fortifications, pensant par là rendre la ville démantelée, pour y rentrer à leur plaisir.

Les ennemis abandonnèrent la ville le jour de Ste-Marthe, 29 juillet ; on fonda ce jour là une procession pour rendre grâce à Dieu de la délivrance de la ville. On la fait encore, mais sans pompe, sans solennité ; on ne sait même plus pourquoi elle a été instituée.

La ville était complètement ruinée, mais le patriotisme et le dévouement de ses habitants n'étaient pas épuisés; il fallait rétablir les fortifications, entretenir des gens de guerre; on était sans ressources. Regnault Laborie, bourgeois de Mauriac, fournit les fonds nécessaires; on répara les murs et les portes, une garnison de 80 arquebusiers fut mise à Mauriac, sous le commandement du capitaine Rispide. Quatre corps de garde furent établis et occupés par les habitants de la ville et de la paroisse; on ouvrit la porte St-Georges qui était murée, et on put se défendre contre les ennemis qui venaient souvent escarmoucher et donner des assauts dans les faubourgs et jusqu'aux portes de la ville, pour tâcher de la reprendre (1).

 

(I) Compte rendu, en 1586, aux conseillers de la maison consulaire, par Me Jean Pages et Anne Delzongles, en qualité de tutrice de Martin Badailh, lesdits Pages et feu Badaith , consuls de la ville de Mauriac, en 1574. Ce compte était conservé dans les archives du monastère. M. le baron de Tournemire avait Tait un extrait de ce document précieux; il m'a été communiqué par M. Et. de Tournemine, son fils. Commission du roi Henri III, donnée à Paris, le 13 juin 1580, portant permission d'imposer sur la ville de Mauriac la somme de 400 liv. tournois, avancée par Regnault Laborie, en I574. L'original de cette commission m'a été communiqué par feu M. Pierre Mirande.

Un manuscrit anonyme, qui finit en 1630 et que je crois être de Louis Mourguios, contient le récit des ravages commis par les huguenots pendant qu'ils tenaient la ville; il est plus détaillé que celui que nous avons fait d'après les titres. Pour ne pas lui ôter sa couleur et lui laisser toute sa naïveté, nous le transcrivons littéralement.

« Cette ville catholique a aussi senti la rage et la malice de l'hérésie de ce temps, ainssi que plusieurs autres villes du royaume. Le vendredi d'après Pasques, 16 d'avril 1574, sous le règne de Henry 3°, elle fust traîtreusement prinse par les calvinistes, lesquels pour la haine qu'ils portoient à la religion catholique , firent plusieurs dégâts durant trois mois douze jours qu'ils furent en icelle, savoir depuis ledit jour 16 avril, jusques au jour de Ste-Marthe, 29 de juillet, qu'ils vinrent à la quitter; auquel jour on a accoutumé de faire tous les ans, depuis, une procession solennelle en action de grace.

Pendant le susdit temps; leur impiété et malice vint jusques à tel point, qu'outre beaucoup de meurtres qu'ils commirent d'abord et de sang froid , tant de prêtres que d'autres habitants, ils brûlèrent les maisons des religieux, le chœur du monastère, celuy de l'église de Notre-Dame et les fauxbourgs de la ville; mirent par terre le toit du cloître, comme aussi du clocher de l'église et celui du fond du monastère où ils mirent le feu. Ils brûlèrent encore la plupart des titres et documents qui concernoient les droits du monastère, les privilèges et antiquités de la ville; fracassèrent les belles et remarquables vitres d'iceluy (2);

(2) ………………….Qui estoient variées

De diverses couleurs, peintes et illustrées
De plusieurs beaux portraits

(Chronique rimés de Mourguios.)

 Emportèrent les anciennes, royales et artistement élaborées tapisseries qui couvroient et entouroient les murailles de l'intérieur d'iceluy , ès quelles estoient représentas les mystères de la mort et passion de Notre-Seigneur, comme aussi sa résurrection, son ascension, la mission du Saint Esprit, et encore la bataille et défaite d'Alarir et des Goths ; emportèrent, de plus, les trois cloches qui estaient dans le susdit clocher, d'une merveilleuse et excessive grandeur, desquelles l'une s'appelait Salomon, qui ne servoit seulement que pour l'horloge, l'autre Ballazar et la troisième Mari, qui servoient lorsque quelqu'un des principaux et des plus apparens de la ville estoit trépassé , et pour carillonner lors des processions; le son et tintement desquelles estoit si fort et pénétrant que les personnes qui vouloient parler ensemble ne pou voient s'entendre les unes les autres lorsqu'elles sonnoient, desquelles on fist faire des canons et pièces d'artillerie au chasteau de Miremont.

On emporta aussi les balustres de fer et tous les ferremens desquels les chapelles et le chœur du monastère estoient fermées et embelies, et encore les ferremens des portes de la paroisse ; une croix d'argent surdorée et enrichie de beaucoup de reliques et de pierres précieuses, d'une insigne grandeur, qu'on appelait la Croix de saint Pierre, qui estoit une des plus riches croix qui soit en monastère de France; la châsse du même saint, qui estoit de la grandeur quasi d'un homme. On emporta, de plus, tous les vases sacrés, châsses artistement élaborées des corps de saint Mary et de saint Quinide, qui estoient de fin argent, et plusieurs autres coffrets de même estoffe, où estoient les reliques et ossemens de plusieurs saints. et vinrent à disperser icelles par-ci par-là en jouant entreux; et. finalement, tous les meubles et trésors dont ledit monastère estoit enrichi et décoré- Les susdites reliques furent recueillies et cachées par des gens de bien, et remises par après dans le monastère, entre les mains des religieux, lorsque reste vermine et racaille eut quitté la ville.

Enlevèrent de malice et de rage, de dessus le grand portail de l'église de N.-D.-des-Miracles , ainssi appelée à cause des grandes merveilles qui y ont esté autrefois opérées par l'intercession et faveur de ceste glorieuse vierge; les menottes, ceps et chaînes de plusieurs esclaves captifs et prisonniers qui y avoienl esté suspendues et attachées avec de gros clous; et, non contents de tous ces excès et dégasts, ils vindrent encore à tel point d'insolence et d'indignité, qu'ils faisaient estable du monastère à leurs chevaux, leur faisant manger l'avoine sur les autels, voire faisaient leurs ordures et vilainies sur iceux, et dans les bénitiers, et toute autre sorte d'indignités et d'irrévérences dans icrluy. Ce qui symbolise fort avec leurs grands ayeuls les hérétiques albigeois. »

La ville de Mauriac eut de la peine à se remettre du coup fatal qui lui avait été porté; quant au monastère, il ne s'en releva jamais.

En 1592, quelques brigands, au nombre de 70 à 80, tous à cheval et bien armés, pénétrèrent dans la ville le jour de la St-Mary pendant que toutes les portes étaient ouvertes. Ils pillèrent les habitants, qui ne purent faire que deux prisonniers, et ils s'enfuirent chargés de butin. M. Déribier, auquel j'emprunte ce fait, dit que c'étaient dos ligueurs. Le prévôt Lacarrière se transporta à Mauriac avec le capitaine Lavalette et sa troupe; mais il ne put que constater le pillage et en poursuivre les auteurs.

 


LES MYSTÈRES JOUES A MAURIAC.

 

L'histoire d'une cité ne se compose pas uniquement des siéges qu'elle a subis, des revers qu'elle a éprouvés, des institutions qui ont été fondées dans son sein; ce n'est là qu'une partie de la vie des populations; il en est une autre plus intime, dont on n'a pas toujours pris soin de conserver le souvenir, et qui nous fait connaître les goûts, les fêtes, les plaisirs de nos pères. Le manuscrit de Montfort contient deux chapitres : l'un, sur les mystères joués à Mauriac; l'autre, sur une fête donnée à l'occasion de la paix, en 1559; ils m'ont paru intéressants comme peinture de mœurs, et c'est à ce titre que je les place sous les yeux des lecteurs, sans y rien changer.

La passion jouée.

 

« Le mystère de la passion notre Seigneur J.-C. fust jouée par personnaiges en la ville de Mauriac, où femmes, prêtres, religieux, gens mariés et à marier estaient joueurs; et fust jouée fort excellemment au cemetière de Mauriac, l'an 1524. Laquelle année passèrent quelques gendarmes qui cuidairent desbaucher lesdits mystères de la passion d'estre joués. Mais après il se joua (sic), et desdits gendarmes en furent noyés plusieurs à Argentat, en Dordogne. »

La Suzanne.

 

Le jeu et belle histoire de la Suzanne fust joué à personnaiges au cemetière de Mauriac, par les prêtres et enfants de la ville de Mauriac, fort magnifiquement et somptueusement, et ce l'année 1544. »

Le Sacrifice d'Abraham.

 

« L'année 1547, que le roi de France François ler mourut à Rambouillet, fut joué l'histoire et jeu, par personnaiges, du sacrifice d'Abraham, au cemetière de Mauriac, par les prêtres et enfants de ladite ville, et fut jouée bravement et bien ou avait grand foison de gens de l'entour de Mauriac. »

La Conversion de la Magdeleine jouée.

 

« L'année après 1548, aussi fut jouée l'histoire de la Magdeleine fort magnifiquement et pompeusement, par les prêtres et enfants de la ville de Mauriac, et fut jouée dans l'église parrochiale de ladite ville.

La Paix des Rois, et Feu de Joie à Mauriac.

A l'occasion de la paix conclue en 1559, le 2 avril, avec la reine Elisabeth, et le 3, avec Philippe II, roi d'Espagne, de grandes réjouissances eurent lieu à Mauriac, de l'avis du conseil de ville et des consuls. Nous donnons la description de cette fête, écrite par Montfort, qui y avait probablement assisté.

« Le lundi soir, 34 avril 1559, les sergents royaux et du seigneur parcoururent les rues et carfours de Mauriac, et commandèrent sous grands peines et amendes de nettier et mondifier les rues et en jeter tous fumiers, ordures et pierres y estant, et faire lendemain baulx paremens de tapisseries par les fenestres et rues, comme est de coustume faire aux processions générales commandées par le roi, et ce fait, avec encens et bonnes odeurs d'herbes et fleurs parfumer et orner les lieux mal sentans et ordures desdits fumiers.

Après, avec fifres et tambourins de Suisses, passèrent les compagnons en bon ordre et équipaige s'es jouissant par la ville, chantant plusieurs belles chansons sur la paix faite nouvellement, et les cloches de la ville résonnèrent tout le soir, outre toute aultre coustume par cy devant faite.

Le endemain matin, jour fête et foire, monseigneur St-Marc, 25 avril 1559, de rechief lesdits sergents passèrent faire commandement parer les portes, fenestres, maisons et rues de la ville, le plus honorablement que faire se pourra. Et ce fait, MM. les religieux et prêtres assemblés ordonnarent faire générale procession parmi la ville pour la paix, et que tous religieux et prêtres revêtus des chapes tant du monastère que de l'église, au nombre d'environ soixantesept, fussent en dévotion servir et faire l'exercice nécessaire à ladite procession générale, dans l'ordre plus honorable que se peut faire de deux en deux, tenant chœur, comme est de coustume audit Mauriac. En faisant laquelle procession, les sacrées et vertueuses images Notre-Dame, monseigneur St Mary, St Pierre et sa croix vénérablement y furent appourtées, ou avait grand nombre de peuple tant de la ville que estranger, qu'à peine la place était abondante à le recevoir.

Et après que la procession eut volté la ville et posée au milieu de la place, les chantres, musiciens, dirent et chantèrent en choses faites Regina cœli et plusieurs beaux motets à grand harmonie, et après que plusieurs ménétriers et tamborins eurent fait leurs mélodies et que plusieurs arquebuses et bombardes eurent fait leurs effects.

Ce pendant que monsieur le grand prieur disait les suffrages requis à telle procession, les consuls firent construire de grands bois un feu par lesdits sergents. Lesquels consuls royalement revêtus, et assis à leurs bancs entapissés, avec un million de torches ou flambeaux, mirent le feu audit bois, tellement que la flambe montait plus hault que notre halle du milieu de la place.

Et lors petits enfants, tous en chœur, environ le feu à grand joie, chantaient, les ménétriers, trompettes et cloches à sonner, le monde à s'esjouir, que n'y eust homme ne femme que de joye n'en plurat; après ce fait, tous les religieux et prêtres chantèrent l'hymne: O! gloriosa Domina, mélodieusement, posément et à dévotion.

Lequel fini, un héraut à cheval, bien vestu et équipé, vint, lequel adressa au peuple avec grand gravité et prononciation, un discours en vers, contenant l'éloge de monsieur de Guyse, du grand Vendozme, des princes de Nevers et de Piedmont.

Un soubs diacre revestu prononça pour l'église une prière en quatre vers.

Un paysan, pour le peuple, à genoux, dit une prière en quatre vers.

Un mercenaire, à genoux, dit une autre prière en quatre vers.

Enfin, ledit héraut, de rechef, vint adhorter le peuple.

Et cela fait, tous les religieux et prêtres, environ 80, tous 6 genoux, se mirent a chanter le Te Devin laulamus. Au loing, et plusieurs musiciens derrière les tapis estant en grand quantité à l'entour de la balle et audevant les botiques de la place, se mirent à chanter à quatre parties en choses faites, chansons mélodieuses avec fifres, tamborins et guitares; d'ung costé et d'autre que c'estoit grand merveille et plaisir mondain.

Cependant, MM. les consuls firent apporter foison de vin et de confitures pour tous adsistans refectionner à leur plaisir, tellement que enfin petits et grands, de joie et comme bien aises du tout, criarent : Vive le Roi et honneur à sa cour. Après plusieurs sauts et morisques faits par des petits à ce faire instigués, et après moyennant aussi plusieurs coups de bombardes, faulcons, fusées et pétards continuels.

Après tout cela fait, la sainte procession, reliques monseigneur St-Mary, image Notre-Dame, et croix monseigneur St-Pierre, ensemble tous les adsistans allèrent rendre grâce a Dieu à l'église, a genoux, baisans terre en signe de humilité à Dieu, qui nous avoit ladite paix tant désirée envoyée. Et ce fut l'année 1559. »


ÉTAT ACTUEL DE LA VILLE DE MAURIAC

 La ville est agréablement située sur le penchant d'une colline qui s'incline au midi et à l'ouest. Les jardins et les riches prairies qui l'entourent donnent de la grâce au paysage. La promenade est petite; mais on y jouit d'une vue tout à la fois étendue et riante. Le cours Monthyon qui la précède et qui forme aujourd'hui un boulevard, est orné d'une obélisque que la reconnaissance publique éleva au bienfaisant Monthyon, intendant de la province d'Auvergne. C'était en l'année 1770, la misère était à son comble, les grains avaient atteint un prix exorbitant, la quarte de seigle se vendait huit francs dix sous ou 42 fr. 50 c. l'hectolitre, les ouvriers étaient sans travail ; M. de Monthyon, touché de cette situation, trouva le moyen de donner du pain aux malheureux et de faire exécuter dans la ville de Mauriac des travaux d'embellissement et d'utilité publique. On ouvrit le chemin du Limousin, aujourd'hui route départementale, n° 1er, à travers l'enclos du Collège; on nivela la grande rue appelée Place St-Georges; on construisit la fontaine en forme d'obélisque du cours Monthyon, et la fontaine de la place St-Georges ou de la porte de la ville. L'eau fut mise à cette dernière fontaine le 2 mars 1771. M. de Tournemire, alors subdélégué, seconda parfaitement les intentions de l'intendant, et ils trouvèrent l'un et l'autre, dans les échevins Bertin et Delalo, des administrateurs aussi dévoués qu'intelligents.

Une inscription en vers, composée par Marmontel, fut gravée sur le marbre de l'obélisque, pour perpétuer le souvenir des bienfaits du vertueux intendant et de la reconnaissance de la cité.

La ville de Mauriac est assez bien bâtie ; les édifices publics sont remarquables. La sous-préfecture est un charmant hôtel entre cour et jardin; l'hôtel-de-ville, dont les fondements furent jetés vers 1824, et qui n'a été terminé qu'en 1829, a de la grandeur; il est à regretter que les fondations n'aient pas été établies avec plus de soin, et que des lézardes se soient manifestées dans quelques parties du bâtiment.

La place, dégagée aujourd'hui d'une vieille halle el de deux maisons qui l'obstruaient, est grande, régulière et admirablement décorée, d'un côté, par la belle église de N.-D., et de l'autre, par l’hôtel-de-ville. Une fontaine monumentale complétera bientôt sa décoration.

Le tribunal n'a rien de remarquable ; la salle d'audience, restaurée il y a peu d'années, est fort convenable.

Le presbytère, l'école des frères, ont été construits il y a peu d'années et sont suffisants.

Les religieuses de Notre-Dame, qui ont succédé aux religieuses de St-Dominique, établies à Mauriac en 1656, ont un bâtiment vaste, bien aéré, et un enclos magnifique dont l'exposition est fort belle.

L'hospice, dont la direction est confiée aux Sœurs de Nevers, est suffisant et fort bien tenu.

La ville de Mauriac possède tous les établissements que l'on trouve dans un chef-lieu d'arrondissement : une sous-préfecture, un tribunal civil de première instance, composé de quatre juges, d'un procureur impérial, d'un substitut, d'un greffier et d'un commis greffier; une justice de paix, un commissaire de police.

L'administration des finances y compte un receveur particulier, un contrôleur des contributions directes, un vérificateur de l'enregistrement, un conservateur des hypothèques, un receveur de l'enregistrement, un garde général, un directeur des postes, un receveur-entreposeur et deux employés.

Pour les travaux publics, il y a un ingénieur ordinaire et deux conducteurs, un agent-voyer d'arrondissement et deux agents-voyers ordinaires.

Les établissements d'instruction sont nombreux : il y a un Collège en plein exercice, une école primaire gratuite, dirigée par les Frères de la doctrine chrétienne, deux écoles gratuites de filles, l'une au couvent de Notre-Dame, l'autre à l'hospice. Les dames de ces deux établissements reçoivent des pensionnaires et des externes. L'enseignement y est complet.

Un inspecteur des écoles primaires a sa résidence â Mauriac.

Un lieutenant de gendarmerie commande les brigades de l'arrondissement. Celle du chef-lieu est à cheval, et se compose d'un maréchal-des-logis et de six gendarmes.


VILLAGES ET HAMEAUX DE LA COMMUNE DE MAURIAC.

1° .Albo, autrefois Albolo ou Albolus, village. On remarque dans une grande bruyère, située au nord et au couchant de ce village, des enceintes qui ont été considérées comme des tumulus, quoique la plupart n'en présentent pas les caractères. La plus grande est située au nord du village; elle a 21 mètres de diamètre dans un sens, et 22 m. 40 c. dans l'autre; elle forme donc un cercle à peu près parfait. Il n'y a pas d'éminence dans l'enceinte, qui cependant parait intacte. A trente mètres environ de distance, au sud, sont trois menhirs assez rapprochés, dont deux sont abattus et gisent sur le sol. A cent mètres au nord de l'enceinte, est un tumulus qui a été en partie fouillé pour en extraire de la pierre Je n'ai trouvé dans la partie fouillée aucun débris de tuile, de poterie ou de métaux.

Sur une éminence qui domine le village, à l'ouest, on remarque cinq enceintes qui semblent disposées entre elles d'une manière assez régulière. La première, au nord, est isolée ; au midi, il y en a une autre qui s'aligne parfaitement avec elle. Sur les côtés de celle-ci sont autres deux enceintes formant avec elle un triangle irrégulier. Leur situation respective peut être représentée approximativement par des points qui seraient rangés ainsi: L'enceinte placée au nord a 14 m. 45 c. de diamètre dans un sens, et 13 m. 30 c. dans l'autre. Celle qui est au sud, et qui est la plus grande, a 17 mètres dans un sens et 16 dans l'autre. Les deux enceintes latérales sont à peu près égales; l'une a 13 m. 30 c. dans un sens, et 11 mètres dans l'autre; la dernière a 15 m. 60 c. dans tous les sens Les bords de ces enceintes sont plus élevés que le sol qu'elles entourent; la plus grande a une petite élévation au centre.

Le temps m'a manqué pour réaliser le projet que j'avais de faire exécuter des fouilles dans ces enceintes, au moins dans la plus grande ; jusqu'à ce que des découvertes de poteries, d'armes ou d'ossements y auront été faites, je serai porté à les considérer comme des enceintes sacrées. Elles sont toutes formées de la même manière par un cercle de grosses pierres recouvertes presqu'en totalité par le gazon. On a trouvé à une certaine distance de cet endroit, mais dans les appartenances du village, un assez grande quantité de tuiles romaines.

Artiget, Artigias, village au sud-est de Mauriac. Altitude au point culminant de son territoire, 753 m.

Belair, maison isolée, dans les dépendances du village de Tiïbiac.

Blandignac. domaine appartenant à M. Galvaing, avocat. On trouve quelques fragments de tuiles romaines sur son territoire.

Boulan, autrefois Bolon, village; il appartient en partie à la commune de Mauriac; l'autre partie dépend du Vigean. Point culminant, 697 m.

Bouscharel (le), hameau.

Briquetterie (la), hameau. On y fabriquait, il y a peu d'années, de la tuile et de la brique. Cette propriété appartient à M. Ternat-Lapleau.

Chayrouse, domaine appartenant à Mme Em. Mirande.

9° Chau (Ia), village sur la route d'Aurillac.

10° Cressnsac, domaine appartenant à M. Laurichesse.

11° Crousi-Soubro, autrefois Crausinus, village. On trouve dans un champ dépendant de ce village, appelé des Ourtanels, appartenant à M. le docteur Bonnefon, des tuiles romaines en assez grande quantité.

12° Escouailler, autrefois Escolier. Au dessous de ce village, à la tête des bois et au couchant du moulin bâti sur le ruisseau des Ribeyres ou de St-Jean, on remarque un monticule qui s'avance dans la vallée et dont le sommet forme une esplanade assez étendue; sur trois côtés elle est circonscrite par des escarpements ou des pentes rapides; elle s'alonge du midi au nord. A ce dernier aspect, un col assez profond la sépare des terrains supérieurs. Il paraît qu'un large fossé avait été creusé pour approfondir le col et rendre moins abordable l'esplanade qui s'élève à plus de quinze mètres au-dessus du fossé.

Les flancs de la colline et l'esplanade elle-même sont couverts de bois Cette dernière porte le nom de Plono del viel Chastel, plaine du vieux château. C'est en cet endroit que les légendes ont placé le château de Basolus; c'est avec les matériaux de ce château que l'on aurait bâti l'église de Mauriac, le monastère et deux maisons de Mauriac, dont l'une est située sur la place, et l'autre, reconstruite depuis l'année dernière, était située dans la rue Neuve. Un habitant d'Escouailler me racontait naguère sur les lieux ces vieilles traditions. Dans l'opinion populaire, tout ce qu'il y avait d'ancien a Mauriac, en monuments religieux ou en maisons, avait été construit avec les débris du château de Basolus. Dans quelques mémoires relativement récents, tous postérieurs à l'année 1560, et qui me paraissent avoir été écrits sous l'influence de ce grand conteur de Montfort. le château de Basolus aurait porté le nom de Monselis, qu'on ne trouve nulle part dans les titres, ni dans les souvenirs du peuple. Je préfère la dénomination populaire; elle me paraît plus exacte; elle peut, du reste, se justifier par l'état des lieux.

Qu'il y ait eu sur cette colline d'anciennes fortifications, la tradition, les légendes même suffiraient pour l'établir. Le nom qu'a conservé ce plateau, nom créé par le peuple et conservé par lui, a tiré son origine non d'une supposition, mais d'un fait réel.

J'ai visité plusieurs fois ce plateau, j'y suis encore allé il y a peu de temps, et cette fois, pas plus que dans mes précédentes excursions, je n'ai rien découvert qui pût donner l'idée d'un château; on n'y aperçoit nul vestige de murs de séparation, pas le moindre reste de ciment , pas le moindre fragment de tuile ou de poterie, et rappelons-nous que le château aurait appartenu à Basolus, qu'il serait de l'époque gallo-romaine, et que si on avait enlevé les pierres d'appareil pour d'autres constructions, on aurait laissé sur place les débris des tuiles qui couvraient l'édifice, et il n'en reste pas la moindre trace.

Ce que l'on y voit n'est pas moins intéressant, est plus curieux peut-être et ouvre un large champ aux conjectures. Le plateau est parfaitement uni ; au midi et au couchant il s'étend jusqu'aux escarpements, et rien n'annonce qu'il y ait eu à ces aspects un rempart ou un travail d'art quelconque. Il n'en est pas de même à l'est et au nord; dans cette partie, le plateau est défendu par un retranchement de pierres brutes qui s'élève à trois ou quatre mètres au-dessus de la plaine, qui en suit les contours, et dont la base a au moins dix mètres de largeur. Ces pierres sont placées sans ordre; elles sont en général d'un faible échantillon. Sur un ou deux points on croit reconnaître quelques traces de mur, ce qui pourrait porter à penser que ces pierres ne sont que les restes d'un rempart détruit ; cependant, d'après l'aspect qu'elles présentent, elles sembleraient plutôt avoir été réunies pour former un valtum. C'étaient même les seuls matériaux que l'on pût employer pour former une enceinte sur une plaine qui repose sur le roc et où la terre végétale n'a qu'une très-faible épaisseur, 10 à 15 centimètres au plus.

Ce retranchement est formé en partie avec des fragments de gneiss qui ont été pris sur place , et par des blocs de basalte qui y ont été transportés de plus d'un kilomètre de distance, point le plus rapproché où l'on trouve les roches basaltiques. Parmi les blocs de gneiss et de basalte se trouvent quelques rares fragments de micaschiste; plusieurs de ces fragments, de même que des blocs de gneiss, paraissent avoir été fortement chauffés. Dans toutes les parties du vallum, on trouve des basaltes, non seulement scorifiés, mais fondus. Ici, la matière en fusion a enveloppé des morceaux de gneiss ; là, la chaleur a été si intense que le gneiss s'est boursouflé et a éprouvé un commencement de fusion. Plusieurs blocs de basalte fondu ont conservé l'empreinte des charbons sur lesquels il avait coulé.

Pour peu qu'on ait observé les produits volcaniques, il est facile de reconnaître que la fusion des basaltes d'Escouailler n'est pas le résultat de la volcanisation, mais qu'elle a été artificielle ; les empreintes de charbon suffiraient seules pour l'établir.

Ces fragments auraient-ils été fondus dans un incendie? Mais, pour fondre le basalte, il faut une température bien plus élevée que celle produite dans l'incendie d'un bâtiment. Dans ce pays, les maisons sont bâties en basalte ; les incendies n'y sont pas très-rares. Où a-t-on vu que le basalte ait été fondu? nulle part; il rougit, il éclate, il ne fond pas. Le gneiss est encore plus réfractaire; nous avons recueilli un échantillon qui avait subi un commencement de fusion.

Aurait-il existé quelque usine sur le plateau où le basalte aurait eté employé à la construction des fourneaux? Rien ne le constate, et cela n'est pas probable. D'abord, ayant sous la main une pierre réfractaire, le gneiss, on n'aurait pas été chercher au loin une pierre beaucoup plus fusible et par conséquent moins bonne. Ensuite , les scories se trouveraient réunies dans un espace circonscrit où on les trouverait en abondance ; elles sont, au contraire, réparties avec assez d'égalité dans toutes les parties du retranchement, qui a de 60 à 80 mètres de longueur.

Ces scories seraient-elles les restes de ces murs vitrifiés dont les gaellt nous ont laissé des exemples en Ecosse et dans quelques parties de la Gaule? C'est ce qu'il y a de plus vraisemblable, et cependant cette opinion n'est pas sans difficultés; car, dans ce cas, on ne trouverait pas les scories en blocs isolés. Réduites en fragments, elles ont résisté à l'injure des temps; le peu d'altération qu'elles ont subi fait voir qu'elles se seraient parfaitement conservées en masse. Cependant, cette difficulté ne me paraît pas insurmontable : l'opération de la fusion aurait pu être imparfaite, elle aurait pu être manquée, et alors, ne pouvant construire un mur, on aurait élevé un retranchement avec les basaltes à demi fondus et ceux qui se trouvaient sur place. Il pourrait se faire aussi que le mur, ne présentant pas assez de solidité, eût été détruit et qu'on l'eût remplacé par un retranchement.

M. Anatole de Barthélemy a publié dans le Bulletin monumental, t. 12, p. 483, une lettre sur le camp vitrifié de Peran (Côtes-du-Nord); il décrit ainsi le mur vitrifié de ce camp : « Les vitrifications paraissent avoir coulé des parties supérieures; elles coulent le long des pierres qu'elles enveloppent souvent et pendent en forme de stalactites dans les interstices.

Il nous a paru, dit l'auteur, que ce parapet calciné était formé ainsi : les assises inférieures à peu près intactes ; au-dessus, plusieurs lits de pierres fondues , séparées par des couches de cendres et de charbons, et enfin , le sommet du parapet, qui paraît moins calciné que le centre. Il ajoute: « A Peran, il n'y a pas véritablement vitrification , mais seulement fusion ; les pierres ont subi l'action du feu , mais à des degrés bien différents : les unes sont à peine atteintes, tandis que d'autres sont calcinées et d'autres à moitié fondues. »

A Escouailler comme à Peran, il y a des pierres fondues (les basaltes], des pierres calcinées (les gneiss et les micaschistes). A Peran, on voit, dans le mur, un lit de cendres et do charbons; à Escouailler, de nombreuses scories portent l'empreinte de charbons. La fusion n'est pas parvenue jusqu'à la vitrification; il en est de même au Château-Vieux, il y a eu fusion du basalte : il présente des stalactites, des scories; il conserve l'aspect lithoïde ; il n'est pas vitrifié. Peran explique et fait comprendre Escouailler. Il faut admettre que ces basaltes fondus, ces gneiss calcinés faisaient partie d'un mur vitrifié, renversé par un motif quelconque. Il faut admettre aussi que le Château-Vieux était un camp retranché qui remonte à une époque fort reculée et probablement à l'époque celtique, et qui aurait servi de camp de refuge à l'époque gallo-romaine et même plus tard.

13° Marchamps, domaine avec une jolie habitation, à la famille Capelle.

14° Martalou , autrefois Massalou, domaine appartenant à M. Bonnefon , ancien juge de paix.

15° Mas (le), hameau. On trouve des tuiles romaines dans un champ dépendant de ce village.

16° Moles (chez), hameau.

17° Moulin-Je-Blandignac, hameau.

18° Moulin-d Escouailler, hameau.

19r Moulin-de-Murty, hameau.

20° Moulin-du-Pont, hameau.

21° Moulin-de-Tescou, hameau.

22° Pommier (le), hameau.

23° Puy-St-Mary, hameau ; il a remplacé la chapelle de ce nom.

24° Queuilles (les), hameau.

25° Reyt (le), domaine à M. Ternat-Lapleau.

26° Roussille (la), domaine à la familft Ternat.

27° Saint-Jean, autrefois l'Auzeleyre, ancien domaine du Collège, appartenant à la ville.

28° Saint-Thomas-de-Salvalis. Il y avait, avant la révolution, une chapelle dédiée à saint Thomas; elle était fort ancienne. Le doyen Salomon y avait fondé une vicairie au commencement du XIV° siècle. Il y avait, à coté de la chapelle, une forte tour appartenant au monastère. La tour a été détruite; la chapelle a été transformée en maison d'habitation.

29° Salzine, domaine divisé en deux parts, dont la plus considérable appartient à M. Chapouille, avocat, et l'autre à M. Deydier, pharmacien. En 1256 , Maurin de Salzines, prêtre, donna tous ses biens au monastère de Mauriac.

30° Serres, village.

31° Trébiac, autrefois Tarpiac, Tarbiac, Tarpiacum. C'est le village le plus considérable de la commune. Il est bâti dans une charmante situation : la vue s'y étend, d'un côté, jusqu'aux plus hautes cimes des montagnes de Salers, et, de l’autre, jusqu'aux derniers plans des montagnes du Limousin. On trouve des briques romaines sur deux points de son territoire , dan» le champ et le pré de Vedrenne , appartenant à M. Chevalier-Dufau, procureur impérial à Aurillac, et dans un petit pré attenant à la maison Godenèche.

32° Vaysses (les), domaine avec un bel enclos, appartenant à M. Laden. On parle d'un souterrain qui existerait aux Vaysses et par lequel on aurait communiqué avec le château de Miremont. Il est possible qu'il y ait un souterrain aux Vaysses (ce fait n'a pourtant pas été vérifié) ; mais, bien certainement, il n'a pas la longueur que la tradition populaire lui attribue.

53° Verthac-le-Jeune, autrefois Mercœur, village.

34" Verlhac-le-Vieux. autrefois Viriliacum. village.

En terminant, je fais un appel à l'indulgence du lecteur. Ecrit à la hâte et presque en courant, cet article laissera beaucoup a désirer. Occupant une position officielle à laquelle je me dois avant tout, j'ai préféré employer le peu de temps que j'avais à l'examen et au classement des faits qu'à la rédaction. Si on trouvait quelques lacunes dans cet article, j'en conviendrais volontiers; le temps m'a manqué pour les remplir. Cependant, aucun fait important, à mes yeux, n'a été omis.

 29 octobre 1856…………………………………………………….. Em. Delalo

 

 

 

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