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MAURIAC PENDANT LES GUERRES DES ANGLAIS.

 On ne se rend pas assez compte aujourd'hui des déplorables résultats de celte longue lutte entre deux nations rivales; on ne connaît pas assez-les malheurs qui accablèrent notre pays. Il nous serait impossible de raconter les faits d'armes, les combats que nos ancêtres livrèrent, les siéges qu'ils eurent à soutenir, les rançons, les partis qu'ils eurent à payer; nous n'avons rien trouvé i ce sujet: pas de détails, pas de faits particuliers; mais, à leur place, nous pouvons présenter un tableau malheureusement trop exact de la ville de Mauriac et de ses environs à cette époque, et on pourra se faire une idée de tout le sang qui avait été versé, de toutes les dévastations qui avaient été commises pour réduire cette contrée à un si triste état.

Les Anglais avaient commencé à dévaster l'Auvergne après la funeste journée de Poitiers. Vers l'année 1369, ils démantelèrent les tours de Biorc (commune de Barriac), de Comby ou du Fayet (commune de Trizac), du Vaulmier, de Montclar, d'Arches, de Claviers, de St-Christophe, et le château de Miremont. Les faubourgs de Mauriac avaient été détruits. Dans les Etats tenus à Aurillac le 13 mars 1577 (1378), il fut a ordonné que jasoit que la ville de Mauriac eust acostumé de paier pour villefort que en ce subside ne paierait se non par feux de plat païs pour ce que elle est trop gastée. »

Le procès-verbal des Etats constate que le château de Chambre était tenu par les grandes compagnies, et que le lieu d'Unsac (Junsac), dans la prévôté de Mauriac, était détenu n'a guères par les Anglais. »

Le doyen de Mauriac, comme haut justicier et ayant la garde et le gouvernement de cette ville, représente â Jean, duc d'Auvergne, que la ville de Mauriac, qui avait été longtemps frontière des ennemis, se trouvait si dépeuplée par le départ des plus riches habitants, occasionné par les malheurs qu'ils avaient éprouvés, qu'il n'était plus possible à ceux qui restaient de pouvoir se garder. Le prince ayant égard à cette supplique, ordonne à son gouverneur des montagnes de faire réparer les murs et les fossés de la ville, et de faire faire à cet effet, avec le consentement des habitants, les levées d'argent nécessaires; fait injonction et commandement aux habitants de ne pas abandonner la ville et de la garder. Donné en mandement, à Aurillac, sous le scel du prince, le 1er octobre 1378.» (Bibl. imp-, Correspondance d'Auvergne.)

Le 12 février 1399, l'abbé d'Aurillac autorise noble Pierre de St-Martial, seigneur de Drugeac, à rétablir les fourches patibulaires et autres signes de justice qui avaient été détruits par les incendies. Le pays ayant été déserté par les habitants, laissé sans culture et réduit en landes, par suite des guerres qui avaient longtemps désolé le pays. « Ob heremitatem et desertationem patriae tempore guerrarum quœ in illis partibus viguerunt. »

Dans les premières années du XV° siècle, plusieurs villages des environs de Mauriac étaient vacants; cela résulte d'une enquête conservée en original à l'hôtel-de-ville de Mauriac. Elle est du4 juillet 1453.

Jean del Coudert dépose qu'il y a environ quarante ans, personne ne demeurait dans le Mas-de-Serre ni au Mas-de-Chayrouse.

Jean Raymond, âgé de cinquante ans, déclare que dans sa jeunesse le Masde-Salzines était vacant.

Pendant les guerres, certains habitants de Chalvignac s'étaient réfugiés dans la ville et cultivaient les terres qui en étaient voisines.

Antoine Delseriès de Chalvignac dépose qu'il y a vingt ou vingt-cinq ans, son père lui dit en allant de Mauriac a Chalvignac : «  Aysi faciam nos blat en aquo  de Chayrosa que demoravan à Mauriac el temps de la guerra Iei nous faisions du blé dans les appartenances de Chayrouse, quand nous demeurions à Mauriac, au temps de la guerre.

Claude de Fraxinis, autre témoin, autrefois tenancier d'un quart du Mas deSerre, demeurait à Laroquebrou. Enfin, Jacques Sarret déclare qu'il y a quarante ans, son frère Jean tenait, à titre de location, le village d'Escoliès qui était vacant.

Cette déplorable situation n'était pas particulière à la Haute-Auvergne. Dans son histoire manuscrite de Charles VII, Thomas Basin, évêque de Lisieux, dit que depuis la Loire jusqu'à la Seine et même jusqu'à la Somme, presque toutes les terres restèrent longtemps sans culture, tous las cultivateurs étant morts ou en fuite. On n'osait cultiver que les terres situées auprès des villes et des châteaux forts. La sentinelle placée an haut des murs agitait la cloche d'alarme ou sonnait du cor dès qu'elle apercevait au loin une troupe d'ennemis, et aussitôt ceux qui travaillaient dans les champs se hâtaient de chercher un asile derrière les murs des châteaux forts » (Chéruel, Histoire de l'administration monarchique. )

L'excès de tant de maux amena une réaction salutaire. On conçoit que tous les Français se soient réunis sous l'étendard royal pour chasser l'étranger, et l'on comprend cette haine héréditaire qui a divisé pendant si longtemps la France et l'Angleterre.