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TESTAMENT DE THÉODÉCHILDE.

 

Cette pièce n'a pas été imprimée, à moins qu'elle ne l'ait été récemment; il en existait une copie du XIV° siècle, aux archives du monastère de Mauriac; elle est perdue. J'avais retrouvé quelques fragments de ce document important dans divers mémoires; j'en ai maintenant une copie entière que je dois à l'obligeance du savant archiviste de l'Yonne, M. Quantin.

On trouve dans cette charte plusieurs des caractères extrinsèques de l'époque mérovingienne; l'orthographe en est vicieuse, le style barbare; elle se termine par des imprécations jointes à une amende pécuniaire, qui sont bien dans les mœurs franques. Le testament n'englobe pas, comme la charte de Clovis, l'ancien archiprêtré de Mauriac presque tout entier; il comprend quelques manses qui, pour la plus part, ont toujours été dans les dépendances du monastère de Mauriac, et, sous ce rapport encore, elle est empreinte d'un caractère de sincérité. Enfin, Basolus n'y porte pas le titre de duc d'Aquitaine; c'est un certain homme appelé Basolus, « quidam homo nominatus Basolus » Cependant, ce titre n'est pas exempt de toute trace de falsification; il est daté de la neuvième année du règne de Clotaire, indiction 2°. Ce serait l'an 520 ; mais cette année correspondait à la 13° indiction. En outre, on nomme parmi les signataires, Médard, évêque de Noyons, qui ne fut élevé à la dignité épiscopale qu'en 555; enfin, on y parle de la vicaria Mariacense, et ce n'est qu'au VII° siècle que l'on trouve le nom de vicairie dans les titres.

S'il est impossible d'affirmer que cette charte est pure de toute interpolation, on ne doit pas en conclure qu'elle est fausse dans toutes ses parties; le fond en est vrai, et je partage complètement l'opinion de M. Quantin, qui la croit fort ancienne, sinon du commencement du VI° siècle. »

J'aurais désiré publier en son entier le testament de Théodechilde, mais cette publication n'aurait été utile qu'autant qu'elle aurait été faite en latin, et ce serait trop s'éloigner du plan de cet ouvrage, je me contenterai donc de donner dans l'appendice les noms anciens et modernes des lieux qui y sont cités, et de traduire ici un court passage de la charte.

Après avoir fait l'énumération des villas situées dans les environs de Sens, qua la reine Théodechilde donne pour la fondation d'un monastère dans le bourg de St-Pierre, elle ajoute : « Il nous a plu aussi de comprendre dans les présentes lettres de cession les biens qu'un certain homme appelé Basolus nous a donnés dans l'Aquitaine, pour racheter sa vie, afin qu'ils appartiennent en pleine propriété, et au nom de Dieu, au lieu sus-nommé (St-Pierre-le-Vif ). »

THÉODECHILDE.

 

D'après les documents et la tradition des monastères de St-Pierre-le-Vif et de Mauriac, Théodechilde aurait été fille de Clovis, et n'aurait pas été mariée.

Fortunatus a consacré deux pièces de vers à la reine Théodechilde; dans la première, sont les trois vers suivants:

 

Ecclesiae sacrae; te dispensante novaulur
Ipsa domum Chritli cundis el ille tuam;
Tu fabricas illi terris, dabit ille supernis…

Dans l'épitaphe de Théodechilde , il dit qu'elle était sœur, fille, épouse el petite-fille de rois; il rappelle ses fondations pieuses, notamment dans ce vers:

Templorum Domini cultrix, pia munera praebens.

Lors du premier partage de la monarchie franque , l'Austrasie, dans laquelle l'Auvergne fut comprise, échut à Thierry, et Grégoire-de-Tours (de gloria confasorum, cap. 41), nous apprend que la reine Théodechilde levait des tributs dans cette province.

En rapprochant ces passages d'auteurs contemporains, Mabillon a pensé que la pieuse princesse, louée par Fortunatus, était Théodechilde, fille de Thierry, roi d'Austrasie, qui fut mariée à Hermigiscle, roi des Warnes. Il pense aussi, avec Lecointe, que cette princesse est la fondatrice du monastère de Sens.

L'opinion de Mabillon nous parait justifiée, et nous l'adoptons; il faudrait, pour la combattre, des documents moins suspects que la charte de Clovis, le testament altéré de Théodechilde et la tradition à laquelle ils ont donné naissance.