Né à Arnac en 1874, Etienne Marcenac part à Paris au début du XXe siècle où il fréquenta assidûment les milieux régionalistes. Dès 1908, il contribua activement à la fondation de La Musette, "revue artistique et littéraire, organe de la Société des originaires du Massif Central", dont il fut directeur.
En 1909, il publie son poème L'Aurillacoise, empreint de nostalgie, mis en musique par Mademoiselle Juliette Mayenobe : "C'est Aurillac qui nous vit naître, au bruit de ses bons chaudronniers, dont les joyeux refrains peut-être nous égaillèrent les premiers. Nous connaissons toutes ses rues où nous jouâmes tout bambins. Ses monuments, ses avenues, les coins discrets de ses jardins ..."
Homme de lettres mais aussi et surtout homme de terroir profondément attaché à ses racines, il rentre au pays en 1919, à la fin de la première guerre mondiale, et s’installe au hameau d’Uzols (Saint-Santin Cantalès) où il possède une propriété.
Il publiera trois recueils de poèmes dont Quenouilles et Musettes en 1910, Pierre Quillard (Mercure de France) en écrira la préface :
« Dans une prochaine édition de son excellente anthologie des poètes du terroir, M. Adrien Van Bever ne manquera point de faire un place à côté de Vermenouze à M. Etienne Marcenac. Celui-ci n’est pas exclusif en son patriotisme auvergnat. Mais c’est l’Auvergne qui a tout son cœur ; il en chante les horizons et les fêtes et sans qu’il soit plus particulièrement porté à la tristesse, il fait alterner les regrets avec les bourrées ainsi que doit le faire tout bon joueur de cabrette et avant leur disparition complète il note pour ceux qui viendront après lui les usages qui s’en vont et les métiers qui meurent … »
Entre deux poèmes, et parce que l'époque était aux discours en tout genre et en toute circonstance, Etienne Marcenac n'a jamais manqué d'honorer un condisciple. En témoigne le document ci-dessous extrait de la revue Lo Cobreto du 15 décembre 1927, numéro entièrement consacré à Antonin Dusserre, écrivain auvergnat paysan décédé à Carbonat (Arpajon sur Cère) le 16 novembre1927 :
A l'ombre des bouleaux, son meilleur succès, est publié en 1932. Dans un article paru en novembre 1932, l’écrivain Emile Guillaumin écrivait, à propos de l'ouvrage :
" M. Marcenac, qui n'est pas à faire ses preuves, continue dignement son grand compatriote Vermenouze. Les alexandrins évoquent avec beaucoup d'art, d'émotion et de vérité les tableaux rustiques de son pays rude et fort ".
En 1933, l’Académie Française lui décerne le prix Artigue (prix de poésie attribué de 1929 à 1967) pour A l’ombre des bouleaux, reconnaissant implicitement la qualité de l’écriture poétique d’Etienne Marcenac.
Suivra Offrandes à l'absente en 1942 auquel s’ajoutera Le rouet des rêves, publication posthume, en 1959. En effet, Etienne Marcenac décède le 19 avril 1956, à l'âge de 82 ans, il est enterré dans le caveau familial à Saint-Santin Cantalès aux côtés de son épouse décédée prématurément en 1937.
Une rue d’Aurillac porte son nom et un panonceau a été apposé sur l’un des murs de sa maison natale à Arnac.
Ses strophes illustreront également un grand nombre de cartes postales de la série Le Cantal Pittoresque que l’on pourra découvrir en feuilletant l’album ci-dessous. Un clic sur l'image permet de l'agrandir et de lire les vers d'Etienne Marcenac.
On découvrira également un aspect de son œuvre témoignant de son grand attachement à ses racines cantaliennes et paysannes avec ce poème écrit à Paris en décembre 1908 que nous retranscrivons ci-dessous dans son intégralité : Vieux Noël de chez nous
C'est un soir gris et sale, il neige sur la ville ;
On entend dans Paris rire de gais passants,
Des bandes de fêtards qui vont d'un pas agile
Vers des lieux de plaisir, vers de tristes beuglants.
Les restaurants de nuit, les cafés, les tavernes,
Où de pâles beautés aux vieux font les yeux doux,
Ont allumé ce soir leurs nombreuses lanternes,
Car on fête Noël, Noël aimé de tous !
Mais les cloches soudain, du haut des cathédrales,
Lancent aux quatre vents leur hosanna joyeux,
Notre-Dame là-bas, aux tours monumentales,
Répond au Sacré-Cœur qu'avoisinent les cieux.
Alors, me sentant seul, dans mon étroite chambre,
Je referme aussitôt le livre que je lis.
Devant l'âtre où me tient la bise de décembre
Mon cœur, très chers parents, pense à vous, au pays !
Je me revois enfant, sous votre toit, Ô mère !
Sous le toit paternel où nous aimions jadis
A nous retrouver tout près de la flamme claire
Quand les travaux des champs étaient partout finis.
Un jour, comme aujourd'hui, j'ai suivi mon grand frère
A travers nos grands bois où seuls les houx sont verts ;
Dans les arbres tout nus le vent gronde en colère ;
Les chemins, les sentiers de neige sont couverts.
Les bois frileux, déserts, me plaisent davantage ;
Les ruisseaux sont bordés de colliers de cristal
Les ronces que le flot atteint à son passage
Se couvrent de joyaux sous le vent glacial !
Nous rentrons en portant une très vieille souche
Où devaient s'abriter la fouine et le renard.
A travers nos landiers tout entière on la couche :
Car ce soir de Noël nous devons veiller tard.
On doit faire un grand feu, car la Vierge Marie,
D'après les vieilles gens, doit rentrer en passant,
Et pour qu'elle n'abîme sa robe fleurie
Nous avons balayé le foyer proprement.
La Vierge peux passer sans nous rendre visite,
Nous ne serons pas seul ! De partout, à grand bruit,
Les gens viendront chez nous, se réchauffer très vite
Avant de rentrer tous à l'église à minuit.
Je les revois d'ici, ces fermiers, ces fermières
Qui viennent en sabots par les mauvais chemins,
Où les guident ce soir, quelques faibles lumières
Vers notre pauvre église où rayonnent les saints !
Ils m'ont tous rapporté des pommes, des noisettes ;
Les vieux me font sauter parfois sur leurs genoux.
Tandis que peu à peu je remplis mes pochettes,
Les gens de saint-Rouffet me parlent de grands loups.
Les veilleurs sont nombreux, assis autour de l'âtre ;
Devant la flamme claire, au bruit des carillons
Nous écoutons émus les contes d'un vieux pâtre,
Parlant de revenants dans les chemins profonds.
Qu'importe, qu'à Paris les fêtards réveillonnent
Que Jésus naisse aussi dans les temples dorés
Et que du haut des tours des cloches carillonnent
Aux murmures des orgues et des chants sacrés !
Ce soir, je suis là-bas sous le toit solitaire
Où, tout petit bambin, j'ai tant joué jadis ;
Je revis un instant avec ceux qui naguère,
Venaient à la Noël dans notre vieux logis.
Et j'ai tant regretté ce passé plein de charmes,
Les Noëls de chez nous, mes Noëls d'autrefois
Que mes yeux tout à coup se sont remplis de larmes
Tandis que dans le ciel semblaient chanter des voix !
DTF
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