Marie-Aimée Méraville est née le 20 septembre 1902 à Condat. C'est une tante qui lui inculque les premières notions scolaires jusqu'à son entrée à l'Ecole Normale d'Institutrices d'Aurillac en 1918. Ensuite elle enseignera deux ans au Saladou de saint-Just puis à l'Ecole des Filles de Saint-Flour jusqu'à sa retraite en 1959. Elle est décédée le 14 septembre 1963 à Saint-Flour.
La tentation de l'écriture la tenaille, elle y consacre ses soirées, après la classe, encouragée par Henri Pourrat et Marcel Aymé au nombre de ses amis. Elle ne publiera son premier livre qu'en 1941, Le coffre à sel dont Henri Pourrat dira :
"Il s'agit bien d'une présence. Ce livre n'est pas tant fait de lignes que de voix. Des êtres sont là, un tâcheron un peu canaille, ou une couturière de village un peu singulière, un ancien forain, riche de souvenris si authentiques, si plein de sagesse personnelle, si exactement notés dans le mouvement même du langage parlé que cela procure un contentement profond. Et surtout cette vieille femme ... Celle-là, elle sait en quelques mots tout donner. Tout : un aspect de la montagne, une journée qu'ont vécu, le village et les habitudes, les familles et les histoires, les gens et leurs particularités : tout et un peu plus que tout : la vie qu'on a eue, ce qu'elle a été, la façon dont on a pris les choses, les êtres, en ce monde et l'autre monde ... Tout le sel de la sapience et de la santé ; non point le seul pur de l'Eglise, ou la poudre fine sur la table des citadins, mais le sel un peu roux qui va pour le bétail, le sel paysan."
Après Le coffre à sel viendront :
- Monastier-le-Double, Robert Laffont 1944 (portrait de Saint-Flour)
- Miroir, Robert Laffont 1946
- Les Contes du Vent frivolant, Horizons de France 1946 (préface de Marcel Aymé)
- La Vache, cette noble servante, Albin Michel 1948 (prix Sully-Olivier de Serres)
- Contes d'Auvergne, Érasme 1956 (prix des Volcans)
- Contes de la Tortue et de l'Hirondelle, Gallimard 1962.
En 1965, dans le cadre d'un hommage à Marie-Aimée Méraville, la Revue de la Haute-Auvergne publiera, à titre posthume, Mémoire de la langue, mémoire du patois (N° spécial 1965, Aurillac).
En 2016, Les Archives Départementales du Cantal lui ont consacré une exposition, richement documentée, à découvrir en ligne. On y retrouvera quelques photographies dont son portrait réalisé par Pierre-Dié Mallet, son parcours d'institutrice, des documents lui ayant appartenu, une double page de préparation d'un cours de morale et plusieurs lettres manuscrites dont une de Colette, ainsi que plusieurs notices sur ses oeuvres.
Marie-Aimée Meraville restera méconnue du grand public et ce en dépit des voix d'auteurs connus qui se joindront à celle d'Henri Pourrat pour louer son oeuvre, celles de Marcel Aymé, d'Alexandre Vialatte, ou encore de Jean Anglade. Une association Les Amis de Marie-Aimée Méraville a été créée à Clermont-Ferrand en 2001 afin de faire mieux connaître et apprécier son oeuvre. Nous présentons ci-cessous le document du mois des Archives Départementales du Cantal, issu des fonds des AD 15, exposé durant un mois (2013) en Salle de Lecture.
Marie-Aimée Méraville occupe une place particulière dans les lettres cantaliennes. Originaire de Condat, elle fit ses études d’institutrice à Aurillac avant d’exercer et de vivre à Saint-Flour. Auteur de plusieurs volumes de contes, romans, essais, nouvelles, son écriture drue fait penser à celle de Marie-Hélène Lafon (qui a d’ailleurs préfacé une nouvelle édition des Contes, légendes et fabliaux, préparée par le professeur Joël Fouilheron, paru en novembre 2016) mais aussi à celle de Marcel Aymé. Ce dernier donna d’ailleurs, en 1946, une préface aux Contes du vent frivolant.
Marie-Aimée Méraville, âgée de 57 ans, photographiée à la Chaise-Dieu par Albert Monier (1959) ; photographie inédite, tous droits réservés
Madame Renée Boyer, détentrice du fonds, a fait don au Conseil général (Archives départementales) des archives professionnelles et littéraires de M.-A. Méraville. On y trouve naturellement les notes, les brouillons et les dactylogrammes de ses ouvrages ; des textes inédits (dont la consultation est réservée jusqu’en 2034, année d’entrée de MAM dans le domaine public) ; des recensions ; des photographies (notamment de son compatriote Albert Monier) ; mais aussi une correspondance fournie avec Henri Pourrat, Alexandre Vialatte, Lucien Gachon, Robert Garric, Henri Mondor : non seulement avec l’Auvergne littéraire, mais également avec Irène Némirovsky, Jean Paulhan, Marcel Arland, ou encore Emmanuel Mounier. Ce très bel ensemble, généreusement mis à la disposition des chercheurs, permettra d’approfondir le travail d’écrivain, l’inspiration et les affinités littéraires de l’auteur des Énergiques (publié en 1941 sous le titre : Le coffre à sel), de Miroir, des Contes d’Auvergne, des Contes de la tortue et de l’hirondelle. L’ensemble est complété d’une bibliothèque des ouvrages dédicacés à MAM.
Une lettre de Marcel Aymé à MAM, du 17 octobre 1945, donne une définition lumineuse de la critique littéraire : "Ces petites lâchées de fiel, qui sont monnaie courante dans notre métier, honorent celui qu’elles visent, car elles avouent leur impuissance à les atteindre par des arguments. Prenez donc tout bonnement le parti d’en rire avec vos amis. Vous avez écrit un beau livre et tout ce qu’un auteur met dans un livre d’irréductiblement personnel et qui en fait la valeur propre, essentielle, échappe nécessairement à toute analyse. L’art ne s’analyse pas, ne se met pas en formules. La seule utilité de la critique est d’attirer l’attention sur un ouvrage. C’est à quoi en définitive auront abouti vos pitoyables détracteurs."
* * *