Jean Fay est né le 18 mars 1914 à Argenteuil d'un père tourangeau et d'une mère auvergnate. Décédé en 2012. Mais c'est dans le Cantal que s'est déroulée toute sa vie: en effet pour le protéger de la guerre, ses parents qui travaillaient à Paris l'ont confié à ses grands-parents maternels au Cheyrier, petit hameau de la commune de Menet près de Riom-es-Montagnes.
Mises à part quelques périodes passées auprès de ses parents, c'est au Cheyrier qu'il a laissé son coeur et qu'il a appris à aimer la nature, en particulier grâce à son grand-père, qu'il a été nourri de contes et poésies au coin du feu de la cheminée, qu'il a partagé la vie simple des gens du Cherier et entendu parler le "patois", à proprement parler la langue d'oc, cette langue qu'il aime tant, qu'il a tant défendue, sa passion de toujours. Cela va probablement changer sa vie ; à l'âge de 14 ans il s'essaie à écrire en dialecte auvergnat du Haut Cantal.
Après l'école primaire à Menet, ce fut le cours complémentaire en banlieue parisienne, puis la préparation aux Arts & Métiers à Nantes (où il ressentit une profonde nostalgie du Cantal).
Après avoir quitté Nantes, il revient dans "son" Cantal où il prépare seul le concours d'entrée à l'École Normale d'instituteurs d'Aurillac (tout en gardant les chèvres du grand-père Monteil et en écrivant des poésies en auvergnat).
En 1934, étant normalien, c'est la découverte de "Toustous" (Tartines), recueil du poète félibréen vicois Eugène Pagès (qui le familiarisa avec le dialecte d'Aurillac), suivie de celle de "Mirèio", l'immense chef-d'œuvre de Frédéric Mistral qui sera son premier contact avec la grande littérature d'ôc, en même temps qu'une révélation !
Ses 3 années (1933 à 36) d'études de Normalien passées, et déjà connu pour ses poésies, il entre à l'"Éscolo oubernhato" du Capiscol (chef) Henri Domergues et fraternise avec le poète J.M. Gaston, les chanteurs P. Cardou et CH. Tissandier, le musicien-compositeur P. Redon (avec qui il organisera de nombreuses séances récréatives durant l'Occupation) et bien d'autres… La revue félibréenne "Lo Cobreto" publie ses premières œuvres.
Après son mariage (août 1936) à Menet, avec Antoinette Malguy, il débute son métier d'instituteur à l'École Professionnelle de Murat.
Puis c'est le service militaire, dans la météorologie, au Fort de Saint-Cyr (Paris) en 37, puis au poste météo du Larzac (38 à 39); suivi de la mobilisation à St Cyr (39) et de la guerre (affecté au service des "radio-gonio-sondages" météorologiques de Lyon-Bron). Démobilisation à Valence en 1940.
Il lance la revue "La Respelido del Naut-Mièjourn" destnée à favoriser la résurrection de "Lo Cobreto" (disparue entre 1939 et 1945)
La "nouvelle Cobreto" est relancée par J. Fay, avec l'aide du poète français Alfred Prody (A.Pebret). Elle s'arrêtera faute de moyen- au bout de 11 n° !
En 1958, Jean Fay réorganise l'Ecole Félibréenne d'Aurillac qui reprend son titre originel, celui donné par Arsène Vermenouse: "Éscolo Felibrenco de la Nauto-Auvèrnha e del Naut-Mièjourn". Il en est élu Capiscol. Il redonne aussi un nouvel essort à sa revue "Lo Cobreto" qui paraît depuis, sans interruption; avec à l'époque, le plus fort tirage des revues méridionales d'ôccc ! En 1997 J. Fay adopte définitivement la graphie occitane "classique" et, au grand dam des anciens lecteurs, elle devient "La Cabreta".
En 1951, à Roannes-Saint-Mary (près d'Aurillac, il fonde, avec son ami Jean Aubert, le groupe de théâtre d'ôc "Terradour Flouricat" (Terroir fleuri), auquel ils adjoignent bientôt un groupe de chants régionaux.
Toujours en 1951, Jean Fay organise ensuite le grand rassemblement annuel des Félibres : "La Santo Estello" d'Aurillac, présidée par le Capoulièr Frédéric Mistral neuveu.
En 1954, étant déjà depuis longtemps Mèstre d'Obro, il est élu par le Consistoire (Assemblée des Majoraux), sur proposition de F Mistral, Majoral du Féblibrige (titulaire de la Cigale de Roussillon), en Avignon, pour le centenaire de la fondation du fébrilige.
En 1961, ayant été admis, après examen, aux fonctions de professeur d'espagnol, il quitte Roannes, pour exercer à Aurillac.
En 1962, avec l'appui de M. Amanieu (Inspecteur d'Académie), ses nombreux efforts en ce sens aboutissent à la création d'une chaire de langue d'ôc à temps complet à Aurillac (la première en France !). Il donne pendant onze ans cet enseignement dans divers collèges et lycées ainsi qu'à l'Ecole Normale.
En 1968 Jean Fay prépare une nouvelle Santa Estella à Saint Flour. Elle sera annulée, en raison des "Évènements". Qu'à cela ne tienne ! Elle sera organisée en 1969, toujours à Saint-Flour (où sa fille Mireille sera élue Reine du Fébrilige).
En 1971, cet enseignement sera valorisé par la création de l'éreuve de langue d'ôc au bacalauréat (pour le jury de laquelle il sera souvent fait appel à son ami le Majoral périgourdin Marcel Fournier) Il ouvre, avec l'appui de l'Inspecteur d'Académie de l'époque, M. Edmond Pastre, un cours de formation des Maîtres d'occitan à l'École Normale d'Aurillac. Ses élèves, et, tout particulièrement , l'écrivain d'ôc Félix Daval, donneront à sa suite cet enseignement dans les établissements de la préfecture cantalienne et ailleurs.
Retraîté de l'Education Nationale en 1973, Jean Fay n'en a pas moins continué, sans relâche et consacrant une grande partie de son temps, son œuvre de défense et de promotion des langue et culture d'ôc
- Il fut durant de longues années l'initiateur et la "cheville ouvrière" du "Concours National de Cabrette "d'Aurillac (aujourd'hui en sommeil).
- Au début des années 1980, deux grandes cantatrices internationales : Frédéric avon Stade et son amie Kiri Kanawa le choisirent répétiteur linguistique, afin de réaliser, avec la meilleure prononciation souhaitée par elles, leurs enregistrements respectifs des "Chants d'Auvergne" de Joseph Canteloube. Un bel exemple de conscience professionnelle… et de modestie !
- En 1988 il mit sur pied sa 3ème et dernière Santa Estella à Vic-en Carladès (sur Cère)
- 1983 voit le lancement des ondes locales de Radio Jordane (avec un seul N, il y tenait !) devenue depuis Jordane FM., de l'émission"culte" : "Occitania". Il la tint à bout de bras pendant une bonne vingtaine d'années, avec l'aide de son comparse et ami conteur Jean Vezole. Une tâche ô passionnante, mais éreintante ! Actuellement , d'autres amis fidèles, le Capistol Michel Bonnet et le Mèstre en Gaï Saber Georges Maurice Maury ont repris le flambeau.
- Jean Fay créa ou anima plusieurs associations d'enseignants d'occitan..
- En mars 2004, une journée entière d'hommage lui fut consacrée, pour le 50ème anniversaire de son Majoralat. Cette cérémonie eut lieu en présence de M. Amanieu, Inspecteur d'Académie honoraire; du Capoulier M. Pierre Fabre, de plusieurs de ses collègues Majoraux et Mèstres en Gaï Saber ainsi que de nombreux Mèstres d'Obra,Félibres, d'anciens élèves et amis. Après les discours, la place fut faite au théâtre d'ôc de Cahors, aux danses et chants régionaux. Jean Fay fit une conférence (de mémoire) qui fit l'admiration de ses auditeurs. (A 90 ans et presque aveugle !)
- Jean Fay décède à Aurillac le 4 février 2012.
Son œuvre littéraire comporte des :
- Saynettes : "Promessa tenuda" Lo vine lo café (1942)
- Comédies : Cass réservada (3 actres) 1963. In lo cobreto N° 20. Non éditées :" Femmas a maridar (1 acte) Tot derroca" 1959 : 1er prix théâtre antique d'Arles
- Poésies: nombreuses mais hélas ! jamais éditées. Cf à ce sujet l'Anthologie des "Ecrits occitans cantaliens" de Noël Lafon. (Edition Lo convise) On peut en retrouver beaucoup au fil des pages de la revue "La Cabreta". Citons :
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- "S'en anava coma una Reïna" (déclaration d'amour à son épouse Antoinette. (Jeux floraux d'Agen).
- "Diferents sem".
- "Aquel aland que nos donères"
- I Anarem. (Chanson, paroles et musique)
- "Nostras clochas" 1965
- "Noël montagnard" ( Une rareté, en français.) écrit en 1936, année de son mariage) Mis en musique par Pierre Redon.
- "Forma e Masucs" (Fourmes et burons) livre bilingue (français-ôc) en collaboration avec Jean Fau. 1974.
Une multitude d'études (grammaticales, sémantiques,historiques,patronymiques sur les expressions, les dictons et proverbes
De nombreux articles parus dans diverses revues 'La Cabreta, lou Felibrige, lo Gaï Saber, Lo Grelh Roergat, la France latine, la Haute Auvergne… et journaux: (La Montagne, Centre-Presse, la voix du Cantal, l'Auvernat de Paris…)
Enregistrements :
Il est l'auteur du texte/scenario d'un disque (pathé) qui eut un immense succès régional : "Gatinel se marida" qui évoque avec tendresse et humour une journée de noces en Haute Auvergne. Cet enregistrement fut réalisé avec le concours artistique de l'accordéoniste André Thivet, du chanteur lyrique Charles Tyssandier et du compositeur Pierre Redon ainsi que des groupes "Terradour Flouricat" et les "Chanteurs et Danseurs de l'École auvergnate" ; Marcel Defarges à la cabrette et quelques solistes. Jean Fay tenait lui-même un petit rôle parlé. (1960)
Il a aussi enregistré avec le politicien-conteur de Montsalvy Germain Guibert un petit vinyle consacré à 2 poésies célèbres d'Arsène Vermenouse. (San Josèp/Lai Doss Menetas 1966, Disque D.M.F)
Prix et décorations (tous en poésie d'ôc) :
Lauréat :
- de l'École Félibréenne des Pyrénées
- de l'Éscôla de la limanha de Clermont Ferrand
- de l'Éscôla Jansemin d' Agin
- de l'Académie Provençale des Jeux floraux de Tarascon/Rhône ( 1975)
- des Grands jeux Floraux de Toulouse
Il a été fait chevalier des Palmes Académiques en 2006.
Biographie établie d'après ses notes,mises à jour et complétées
en février 2012 par son fils Michel.
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Un félibre est un homme passionné qui se lève chaque matin en faisant sa prière ou en ne la faisant pas s'il lui plait mieux ainsi. Puis il boit son café au lait en y trempant des tartines beurrées comme ont appris à faire les gens des villes, et surtout, les parisiens. Ou il croque un oignon, avec quelques grains de sel et un demi gobelet de vin comme faisait, avant, tout bon méridional pour se réveiller l'estomac.
Cela fait, le félibre réfléchit, devant sa table de travail ou sur le seuil de sa demeure à ce qu'il peut faire de mieux pour que sa région, que ce soit la montagne cantalienne ou la côte provençale, ne perde pas tout de sa langue, de son esprit et de ses hommes.
Partant de cette défense de sa contrée, il songe au maintien culturel et économique de sa belle et fière Occitanie où la langue de ses pères ne mourut pas, ni à Muret, ni à Montségur, ni, non plus à Villers-Cotterêts où voulait l'enterrer le roi de France.
Il songe aussi à la France, sa nation d'aujourd'hui où l'histoire le plaça, pour rappeler toujours à son gouvernement que le travail de l'administration n'est pas de briser le droit des hommes à garder leur personnalité. De là, le félibre n'oublie jamais de penser à l'homme du renouveau, cette personnalité qui lança de Maillane un tel appel historique que celui lancé de Londres lorsque c'était la France entière qui risquait de perdre sa personnalité.
Ainsi ayant songé à la lutte des hommes d'Oc et de partout pour la sauvegarde de leur héritage sacré, le félibre va vers ses oeuvres de maintien, ici et là , il discute, écrit, conteste, défend ...
Ainsi le félibre anime son Ecole, fait paraître sa revue, donne ses cours de langue occitane ou provençale, ce qui est la même chose, pour l'enseigner à la jeunesse, qui, sans lui, ne connaîtrait, en fait de langue, que celle de la télévision.
Puis le félibre arrête sa voiture dans un chemin de ferme, prend dans la malle le bâton ferré qui y dort et s'en va, par les sentiers, dire à ses frères des champs et des prés que le "patois" comme ils disent, est une langue qu'ils doivent fièrement enseigner à leurs jeunes enfants, que le jour ou ils la perdront, cette langue, la sève maternelle les abandonnera et que s'évanouira avec elle, la liberté de rester ce qu'ils veulent être : des hommes gardant leur libre arbitre.
Vous le verrez, le félibre, pour tout ce qui lui répugne ou l'ennuie, prendre sa plume vengeresse et dire ses quatre vérités à Paris, à ceux qui s'y enferment après avoir promis ce qu'ils ne tiennent jamais. Et, lorsque, dans ses libres ou dans ses poésies, il célèbre le terroir et l'amour, c'est pour prendre plus de forces pour châtier ceux qui renient.
Cela fait, vous pensez que le félibre pourrait aller se coucher, heureux d'une tâche bien accomplie. Mais non ! Le félibre a encore son travail à la veillée. Il doit sortir les gens de la crèche à images où ils se repaissent pour les conduire à chanter la chanson occitane, celle d'hier, celle d'aujourd'hui, à danser sans dégingander tout leur corps pour suivre la vogue niaise du temps, à jouer notre théâtre d'oc sur les places ou dans les granges en attendant que viennent les salles des fêtes tant promises.
Et, le lendemain, à l'aube, le félibre salue, avec le soleil, la défense nouvelle et sacrée d'un peuple qui veut vivre.
Et recommence pour lui une autre journée au service de la terre d'Oc où naquirent ses frères, au service de la terre d'Oc dont la France du nord a tant besoin, pour ne pas perdre son bon sens et le goût de la vie à poursuivre, sans cesse, la seule idée de profit.
Voilà ce qu'est un félibre.
Un homme "engagé" comme on dit maintenant ... Et "engagé" par la force des choses, par et pour la cause qu'il défend.
Il n'y avait pas, en leur temps, de plus "engagés" que Vermenouze ou que Mistral. Tellement "engagé" Frédéric Mistral, qu'on voulut l'acheter pour qu'il se taise.
Alors dites-moi un peu si c'est prouver son bon sens d'agir comme quelques-uns, maintenant : de se percher au plus haut du poulailler pour y crier :
" Moi je suis un défenseur occitan, je ne suis pas un pauvre félibre à demi épuisé, sans moi l'Occitanie serait défunte. Vous ne savez pas ce que j'ai trouvé ?..."
J'ai trouvé des choses merveilleuses qui ne s'étaient jamais vues avant moi : j'ai trouvé qu'il fallait jouer le théâtre d'Oc et chanter des chansons occitanes, j'ai trouvé..." Quoi encore ? Quoi encore, dites-moi ?"
Quoi de plus qui n'avait pas été trouvé voilà cent dix huit ans quand Mistral nous rassembla sous sa bannière d'Oc ?
Pourquoi donc tant de gens aujourd'hui, défenseurs sûrs, et vaillants de la cause d'Oc, qui croient devoir déchirer la bannière étoilée de Mistral pour faire oeuvre utile ?
Qui sont donc ceux qui se disent "Occitans" en se croyant obligés de renier le félibrige qui, justement, sauva les terres d'Oc ?
Je vais vous en faire le portrait, mais ne croyez pas, surtout, que j'en dirai du mal : Un "Occitan" est un homme passionné qui se lève chaque matin en faisant sa prière où en ne la faisant pas s'il lui plaît mieux ainsi. Puis il boit son café au lait en y trempant... et relisez mes litanies du début, lorsque je faisais le portrait d'un félibre, et vous saurez qu'un "Occitan" est tout simplement un homme d'Occitanie, aussi bien de Limoges que de Provence, qui conduit sa vie pareille en tout à celle d'un félibre.
Alors ?
"Alors, diront les nouveaux défenseurs - et je le réservais pour la fin - il y a la graphie. Nous ne voulons pas suivre la loi de Mistral ; nous ne voulons pas le reconnaître comme "Maître".
Ma foi, si quelqu'un ne voulût jamais imposer sa loi, c'est bien l'homme au grand bon sens que fut Frédéric Mistral.
Nous sommes nombreux, nous félibres, à ne pas avoir suivi la graphie mistralienne, surtout de ce côté-ci du Rhône. Et cependant, nous sommes à l'aise au Félibrige. Je vous assure que les provençaux ne nous ont jamais laissés de côté pour cela.
Grâce à Roux, Perbosc, Salvat qui vient, hélas ! de nous quitter, et autres, nous nous sommes forgés une seconde graphie félibréenne que tous ceux, maintenant, qui ne veulent pas se dire félibres suivent à leur tour.
Alors, vous dis-je ?
Faut-il démolir le château pour en éditer un autre tout pareil au lieu de bâtir plus hautes et plus jolies les tours qui se dressent depuis plus d'un siècle dans notre ciel ?
Allons-nous faire, entre nous, défenseurs d'Oc, comme tant de politiciens qui croient avoir trouvé quelque chose de nouveau parce qu'ils ont imaginé un autre nom de parti ?
Qu'est-ce donc ? Des "Occitans" qui veulent écraser les "Provençaux" et des "Provençaux" qui ont peur des "Occitans" ?
Quelle est cette sottise dangereuse ?
Quand moi qui me moque des mots, qui me dirai tout aussi bien "Félibre-Occitan", je tends la main à tous les défenseurs qui ne perdent pas de temps à bâtir des chapelles avec les pierres de la cathédrale.
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