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 VIII. LE MONT MOUCHET

Toutes les forces rassemblées dans notre région devaient être regroupées au sud de Saint-Flour, au Mont Mouchet, et c'est miracle si nous avons échappé à l'opération; la présence de "Chénier" nous a sauvés d'un départ que tout le monde s'accordait à considérer comme insensé. Au moment où Londres répétait d'éparpiller les maquis, d'en faire des bases de harcèlement, épuisantes pour l'ennemi, et insaisissables, il était question de grouper sur ces plateaux théoriquement inattaquables, parce qu'entourés par les profonds ravins des vallées de la Truyère et de quelques torrents affluents, plusieurs milliers d'hommes. Le rassemblement s'est effectué.

D'après les dirigeants, il s'agissait de former "un abcès dé fixation", d'attirer les forces allemandes du Sud, et ainsi de les détourner du front normand. But louable, certes, mais les effectifs étaient composés dans leur majeure partie de tous ces jeunes paysans, et aussi des résistants des bourgs, de toutes ces sixaines et trentaines de l'A.S., qui, pour la plupart, n'avaient jamais reçu d'instruction militaire; de tous les coins du Cantal, les convois s'ébranlèrent vers le Nord-Est du département, mouvements qui ne pouvaient, par leur ampleur, échapper à l'ennemi. Là-haut, très peu d'armes, mais une organisation sérieuse, un matériel auto assez considérable, des voitures radio.

Le 9 juin, Pierre et Fernand partent en moto établir une liaison avec le P.C. du Mont-Mouchet. Plus de 150 km; routes peu sûres. Ils reviennent le 12 - ces trois jours nous ont paru longs... - après s'être miraculeusement glissés entre des colonnes allemandes. A plusieurs reprises, un retard, ou une avance de quelques minutes seuls, les ont sauvés d'une brusque rencontre sans espoir avec les convois de chenillettes de la Wehrmacht. Grâce à un arrêt dans une auberge, à une halte banale, nous avons pu les revoir... La destinée... Ils ont assisté à l'encerclement progressif de l'armée clandestine. La bagarre a éclaté. Des mitraillettes, des F.M., quelques rares mitrailleuses, et un courage farouche, opposés à la Luftwaffe, à l'artillerie, aux mortiers, à la haine bestiale. Lutte meurtrière. Partis en camions, ceux qui ont pu s'échapper sont revenus à pied, parcourant parfois prés de deux cents kilomètres à travers bois et ravins. Telle fut l'épopée du Mont-Mouchet, sans fard; elle a au moins prouvé, s'il en était besoin, que lés maquisards, malgré leur terrible infériorité en matériel, ne lâchaient pas facilement prise.

  

La seconde guerre