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Lucien Lapauze, combattant volontaire de la résistance, a fait le récit, à la demande de ses enfants et petits enfants, et avec beaucoup de modestie, de faits de résistance dans le Cantal. Il a intitulé son recueil  Mes jeunes années.

C’est avec beaucoup de gratitude et de reconnaissance que l’association Cantalpassion le remercie de lui avoir permis de publier sur son site ce recueil de témoignage.

 * * *

1936 – 1939, de 13 à 16 ans ...

Trois années de mon adolescence peuplées de jeux avec les copains, de mon apprentissage en mécanique ayant quitté l'école après avoir passé mon certificat d'études primaires, de chagrins aussi, le décès de mon père, il avait 36 ans, de soucis face à un avenir incertain où se profilaient la peur de la guerre et l'espoir malgré tout de solution entre les nations face à notre voisin allemand et son Chancelier NAZI « Adolf Hitler ».

Une grande confiance toutefois en notre puissante armée, notre ligne « Maginot », nous étions les plus forts et de toute façon nous serions les vainqueurs s'il devait y avoir un combat.

Août 1939 J'ai 16 ans...

Nous allons avoir la guerre. La mobilisation générale vient d'être décrétée. Malgré une angoisse permanente le moral est bon. En effet le 3 septembre 1939 suite à l'invasion de la Pologne après l'annexion de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie par les armées du Reich allemand, la France et l'Angleterre déclarent de concert la guerre à l'Allemagne NAZIE.

 

10 mai 1940

La vraie guerre commence, c'est l'offensive générale de l'armée allemande à l'Ouest le 17 juin 1940.

Le Maréchal Pétain chef du gouvernement demande un armistice à l'envahisseur, La France est vaincue.

Notre armée est en déroute, la population civile sur les routes, et sous les bombardements des Stukas c'est la débâcle générale. J'éprouve un sentiment de honte et de tristesse de voir mon pays à genoux sans avoir vraiment combattu.

Le 18 juin 1940 De Londres

L'Appel du Général De Gaulle à la Résistance ,une infime minorité de Français l'a entendu.

Le 22 juin 1940

Signature de l'armistice, la France est coupée en deux zone occupée, zone libre. Le drapeau à croix gammée flotte sur l'Arc de Triomphe à Paris.

Aurillac est en zone libre, la vie de tous les jours reprend son cours, beaucoup de réfugiés dans la ville et les campagnes environnantes, que va-t-il maintenant se passer... Le chef de 1' « état » français le Maréchal Pétain vainqueur de VERDUN saura, nous l'espérons, nous défendre face à l'Allemagne et à l'orgueil insensé DU Chancelier Adolf Hitler...

Les jours passent, les mois passent, l'allemand dicte sa loi. La pénurie commence à se faire sentir plus d'essence, des bons pour le pain et sur tous les produits de consommation courante, c'est un avant goût des restrictions sévères qui nous attendent.

La vie devient difficile pour tous, petits et grands, de temps à autre un discours du Maréchal exaltant la Révolution Nationale « Travail, Famille Patrie », mais le 24 octobre 1940 la fameuse entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler. a l'issue de cette cérémonie le Maréchal déclare à tous les français, j'entre aujourd'hui dans la voie de la
collaboration...

Une poignée de main réciproque éveille en moi un certain malaise, ainsi qu'un sentiment de défiance à l'encontre de notre Maréchal...

A Aurillac de temps à autre une mission allemande avec officiers supérieurs en grande tenue, vient parader dans les meilleurs hôtels de la ville, le Gouvernement de Vichy accélère la Collaboration.

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1941

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Ici Radio Londres «Les Français parlent aux Français». Interdiction par Vichy d'écouter ces émissions sous peine de sanctions sévères. Malgré cela en sourdine et une très mauvaise audition, nous apprenons que les Français Libres avaient repris le Combat, qu'un certain général Leclerc avec l'aide des troupes anglaises venait d'être victorieux en Libye et à BIR ACKEM. Face aux troupes allemandes et Italiennes. L'espoir renaît.

Que faire pour entrer en résistance ? L'occupant n'est encore pas dans nos rues, malgré tout le régime de Vichy devient de plus en plus COLLABO, nous parlons souvent entre copains de la situation, de ce qui nous attend, bref nous avons beaucoup d'inquiétude pour notre avenir... Ayant écouté la Radio Anglaise parlant de la victoire, et de croix de Lorraine une nuit, sur certains murs de la ville en compagnie d'un camarade nous avons tracé avec du goudron chaud cette fameuse croix, à une heure où la police de Vichy était moins présente dans nos rues. Ce fût mon premier acte de résistance envers le Gouvernement Collabo de notre pays.

La vie de chaque jour devient de plus en plus difficile. L'hiver est rude peu ou pas de charbon restriction sur tout pain, lait, viande, sucre etc.... Carte de textile, chaussures, vin, l'envahisseur pille notre pays.

11 novembre 1942


L'armée allemande occupe la Zone libre, une garnison du Reich prend ses quartiers à Aurillac, le drapeau Hitlérien flotte sur le château St Etienne ainsi que sur tous les lieux
publics de la ville, les « chleux » sont chez nous.

 Juin 1943

 La classe 43 va devoir effectuer 8 mois dans les « chantiers de Jeunesse ». Je suis convoqué fin Juin pour la visite médicale et pour être affecté à un groupement dans le midi de la France. Début Juillet direction groupement 24 à st Afrique dans l'Aveyron moyen de transport, sur des wagons plate-forme SNCF au grand air 2 jours de route en passant par Neussargues, Millau, Tournemire arrêt en gare. Rassemblement, puis 15 kilomètres à pieds pour arriver au camps du 24. Revisite, piqûres etc., organisation des équipes, distribution des tenues, assez disparates... ainsi que du paquetage, prise en main par l'encadrement des Chantiers. Côté subsistance régime Jockey. Matin : 3 tomates une poignée de gros sel, 1 quart erzat de café 1 boule de pain de maïs pour 8 par jour. midi – soir. Julienne, carottes, topinambours, rutabagas, 1 quart de vin baptisé, quelques fois un bâton de figues pas de sucre (saccharine) café d'orge etc. etc.

 Les habitants du pays sont au même régime que nous. Le matin 6h30 réveil, une demi-heure de sport(hébertisme) le ventre vide, 8 heures salut aux couleurs au pied du mât, chant « Maréchal nous voilà », puis en cours de journée marche d'épreuve dans la campagne, ordre de saluer les militaires allemands en rectifiant la position. Je commence à avoir des idées dans ma tête, difficile toutefois à mettre en pratique pour le moment.

 Fin Juillet 1943

 Presque 1 mois que je suis à ce régime, l'infirmerie du camp tourne à plein, amaigri, les ceintures se serrent de plusieurs crans.

 Vers la fin Juillet 1943, le chef de groupe signale au rapport que la musique nationale des Chantiers groupement 42 à Chatel Guyon (P de D) sollicite dans les camps les jeunes désirant passer le concours d'entrée précisant toutefois qu'il fallait avoir un certain bagage comme musicien harmonique ou batterie.

 

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Avec un de mes camarades aurillacois Jean Montinart nous avions appris à jouer caisse claire et tambour. Nous nous faisions inscrire pour Chatel, nous avions un ordre de mission de 48. heures y compris les délais de route... pour nous rendre dans le Puy de Dôme.

J'ai toujours l'idée en moi que je ne resterai pas longtemps dans ces Chantiers dont l'encadrement applique avec beaucoup de rigueur la voie de la collaboration avec l'occupant.

 Ne nous faisans aucune illusion sur le résultat du concours, à notre grande surprise, le tambour major nous déclara que nous étions admis à la musique des C.J.F. au groupement 42.

Le camps de la musique avait un avantage particulier... proche de Vichy. Souvent le Gouvernement du Maréchal sollicitait la participation de ses exécutants pour des prises d'armes, des défilés à la gloire des organismes collaborateurs en présence des autorités occupantes ,de la milice etc.

Le seul avantage, une meilleure nourriture, tenue et paquetage neufs, malgré cela toujours cette idée obsédante : « Comment me sortir de ce cirque Collabo ? », peut être en cours de tournée, mais où aller, sans papiers, sans argent à la merci de contrôles, de rafles, les premiers résistants n'avaient pas pignons sur rue.

Dans le camps du 42 à Chatel Guyon, réveil le matin 6h30, séance d'hébertisme, salut aux couleurs appel trois fois par jour couvre feu du soir 21 heures au matin 6 heures. Une section allemande prenait position sur un monticule dominant le camp (Le Calvaire) mitrailleuse en batterie pour dissuader toute tentative de sortie du camp,. Un état major de l'armée du Reich occupait les principaux hôtels de la ville, sur le « Splendid » un immense drapeau hitlérien flottait au vent une importante garnison souvent en manoeuvre dans la campagne en attente de son départ pour le front.

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Août, septembre, octobre 1943

Bientôt 3 mois de présence au groupement 42. nos chefs toujours fidèles au Maréchal et à la Collaboration. Je suis de plus en plus mal à l'aise dans cette musique. Le tambour major se rend compte de mon rejet des ordres reçus. Ayant eu vent par un copain secrétaire, d'une circulaire adressée à tous les groupements et faisant état d'une prochaine réquisition de la classe 43 au titre du S.T.O. Nos anciens de la classe 42 avaient été embarqués directement du camps direction gare de Rions et départ pour l'Allemagne.

Novembre 1943

Ayant fait part à mon camarade Jean de ma décision de déserter les Chantiers, il ne fut pas d'accord pour me suivre craignant comme moi-même des ennuis pour nos proches de la part de la police de Vichy ainsi que des occupants.

Un matin de mi-novembre 1943 ayant préparé mes meilleurs vêtements. Blouson de cuir, pantalon, chaussures, au lever du couvre feu j'ai pris le chemin de la LIBERTE... avec les aléas, les incertitudes, les risques qu'il me faudrait encourir, je serai recherché par la police, la Milice, de toute façon mon choix était fait, adieu le groupement 42 «Nids de Pétainistes». J'ai 20 ans, le moral est bon, il me faudra trouver maintenant le chemin de la vrai «RESISTANCE».

Novembre 1943, Décembre 1943

Janvier, Février, Avril, Mai ,Juin, Juillet, Août 1944

... Ils sont venus, nous avons des armes.

Je garde de mes jeunes années des souvenirs de joie passagère, d'une franche camaraderie, de cette peur toujours présente en moi face à l'incertitude du lendemain de l'espoir que j'ai eu à ce moment là qu'un jour peut être, le bruit sourd d'un pays qu'on enchaîne deviendrait comme dans le chant des partisans un pays où les gens aux creux des lits feront des rêves.

Beaucoup d'évènements s'étaient passés pendant cette période de mon existence, ma jeunesse en avait pris un coup, comme je le dirai aujourd'hui «un sacré coup de vieux».

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ILS SONT VENUS …. 

NOUS AVONS DES ARMES ! 

NOVEMBRE 1943 – AOUT 1944

Nuit du 4 au 5 mars 1944 « Ils sont venus"  

Novembre 1943, dans les bois entre Cantal (1) et Corrèze, nous sommes là cinq à six pas davantage à ne plus vouloir accepter l'autorité d'un gouvernement qui a choisi la collaboration avec l'occupant Nazi.

Sans identité, démunis de nos cartes d'alimentation, pourchassés par la milice et la police de Vichy, notre tenue vestimentaire est celle des jeunes des chantiers de jeunesse dont je suis personnellement déserteur.

La volonté de résister, de nous battre contre l'Allemand, de le chasser de notre pays nous habite. Nous avons souvent froid, souvent faim, cela a peu d'importance, un jour nous aurons des armes. Le jeune maquisard de ce triste hiver 1943 deviendra alors un vrai combattant.

Les mois passent, Janvier, Février 1944, notre petite troupe se compose maintenant d'une quinzaine de gars. Nous sommes des soi disant forestiers sans beaucoup d'ardeur au travail. Les habitants du pays, avec plus ou moins de bienveillance, acceptent de temps en temps de nous donner ou de nous vendre...quelques nourritures.

Le responsable du chantier, un Alsacien « militaire de carrière », décide courant février avec l'accord unanime de tous d'organiser un groupe de résistance. Ce sera le groupe de résistance « Auguste » (2).

 Nous serons sous ses ordres, prêts à nous battre face à l'occupant. Nous battre, oui sûrement, porter des coups, organiser des embuscades...mais avec quoi, nous n'avons pas d'armes; peut être un ou deux fusils de chasse, un revolver sans balles, une misère ; que faire avec cela face à un ennemi bien armé, organisé, possédant l'expérience de la guerre. Notre chef nous annonce que, bientôt nous aurons ce qu'il faudra....cela nous remonte un peu le moral, nous sommes sceptiques mais toutefois attentifs à cette promesse.Serait-il possible que l'on pense à nous dans ce petit coin perdu de France ?Dans le plus proche village de nos bois, une petite auberge dont l'admirable tenancière (3) accepte la nuit venue, à ses risques et périls, de nous accueillir pour partager une bonne soupe, un plat de pommes de terre près de la cuisinière où il fait bon et chaud. Elle possède un poste de TSF où nous pouvons difficilement écouter la radio de Londres surtout l'émission « Les Français parlent aux Français ».

Nous étions là cette nuit du 4 au 5 mars 1944, nous les pensionnaires d'un soir, Aloyse, Joseph, Payot, Jim, LeLion et moi-même, nous parlions, nous allions repartir dans nos bois, nous avions chaud et le ventre plein, puis tout d'un coup, la porte s'ouvre, Auguste est là et nous annonce qu'un parachutage est prévu cette nuit et que nous sommes désignés pour aller sur le terrain récupérer les containers. Il s'agissait du terrain « Noisette »(4).

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Notre joie était intense et bruyante : Ceux de Londres pensaient à nous ...

Nous sommes sortis pour voir la nuit. Elle était belle, tranquille, mais froide très froide. Peut-être qu'à cet instant, à des kilomètres de notre pays, des hommes situaient sur une carte le terrain « Noisette », un petit coin perdu en France.

Nous nous sommes préparés à l'heure prévue, le camion « gazogène » nous a embarqués. Nous avons roulé longtemps dans la campagne déserte et silencieuse, le camion faisait un bruit épouvantable, nous ne parlions pas beaucoup, nos pensées étaient ailleurs et aussi avec ceux que nous attendions.

Nous sommes arrivés sur le terrain. Il y avait déjà du monde et j'apercevais des ombres furtives. Jusqu'à l'horizon c'était le plat du terrain, large, entouré de bois. Nous sommes ensemble à la lisière du bois et au-dessus, le ciel si vaste garde son silence.

Longtemps nous écoutons, avec de faux espoirs. Rien ne se passe, la certitude devient doute, déception et puis tout d'un coup, tout arrive. Un bruit qui devient le bruit des moteurs, des ombres qui courent, des lumières qui surgissent au sol et dans le ciel ; l'image tranquille de l'avion qui passe en laissant derrière lui s'ouvrir et descendre les parachutes et leurs containers.

Quel souvenir, quelle joie et aussi surtout que d'espoir en nous !

Mais la réalité était là, les containers étaient éparpillés sur le terrain. Certains faciles à ramener et à charger (que le tissu des parachutes était chouette), par contre il a fallu en chercher qui étaient tombés dans un endroit plein d'eau, pris dans la glace. Les volontaires ont été désignés pour aller les chercher et j'en étais.

Nous étions trempés, mais nos vingt ans, notre enthousiasme, la « gniôle » administrée au préalable... ont été plus forts que le froid.

Le chargement terminé, le retour a été sans histoire, tout s'était bien passé, la nuit n'a plus été longue et le lendemain a été comme les autres jours, sauf que pour moi la nuit du 4 au 5 mars 1944 avait été pleine d'imprévu et de réconfort. Nous n'étions plus seuls et nous avions des armes !

Le 1 octobre 1999, il y aura bientôt 56 ans.

Lucien LAPAUZE (Lulu) – Ancien du groupe de résistance Auguste OSTERTAG.

  1. A « Bourbouze », commune de Cros de Montvert. (Cantal).
  2. Auguste OSTERTAG – futur capitaine de la 26 ème compagnie du réduit de la Truyère.
  3. Madame CLERMONT, aubergiste à Saint Santin-Cantalés.
  4. Terrain-AVININ situé prés du pont du Lièvre, au sud de Saint Paul des Landes. (Nom de code Noisette).

ET maintenant ... ? (air connu) - MARS 1944 - Nous avons des armesUne partie du parachutage nous fut attribué, environ la moitié des 8 à 10 containers, le reste était destiné aux membres du corps franc d'Aurillac. Nous avions surtout des pistolets mitrailleurs « STEN » de fabrication anglaise avec balles et chargeurs, des pains de « plastic », un explosif puissant pour les sabotages avec des crayons et détonateurs « BRAMS », des grenades « MILS » à fragmentation etc... Enfin, un arsenal non négligeable pour notre petite troupe.Fin Mars début Avril 1944, notre séjour à BOURBOUZE prit fin. Il fut décidé de nous installer dans un autre endroit situé au Lieu Dit « CAS » (assez proche de St Santin Cantales) au milieu des bois où nous avions découvert une petite batisse en assez bon état et suffisamment grande pour servir de lieu d'Accueil à notre bande de terroristes...Pour qu'un maquis puisse survivre au cours de cette période, l'importance de son effectif ne devait jamais dépasser 15 à 20 hommes, le maquis ne devait pas pouvoir être surpris, un maquis devait être mobile. Dès que des éléments nouveaux et inconnus se présentaient, il devait déménager sur le champs. Si un de ses éléments désertait, il devait partir sur l'heure, c'était peut-être un traître. Nous avions bien sûr des armes pour nous défendre mais la tension, souvent la peur, étaient extrêmes au cours des nuits de gardes, nous savions que notre ennemi n'était pas toujours l'Allemand, mais les collabos, la milice, les traîtres de tous poils qui, pour de l'argent, renseignaient l'occupant NAZI.

Avant de quitter BOURBOUZE, nous avions au préalable organisé sur renseignements, une opération ayant pour but de pourvoir en couverture notre nouvelle installation. Dans la petite gare de Nieudan St Victor, à une dizaine de kilomètres de CAS, le « Secours National », une organisation VICHYSSOISE, avait stocké un lot d'une centaine de ces précieux objets très appréciés des maquisards, surtout au cours des nuits plus que fraîches en cette saison. La gare était en principe sous la surveillance d'un détachement de G.M.R., quelques hommes, 3 ou 4 pas davantage. Disposant encore à ce moment là d'une camionnette gazo du chantier forestier, nous décidâmes de nous emparer, même par la force si besoin, de ce stock de couvertures.

Une nuit de la mi Mars 1944, une équipe de 3 ou 4 dont je faisais partie, et sous les ordres d'Auguste OSTERTAG, prit la direction de Nieudan. Nous pensions pouvoir nous approcher silencieusement du lieu et désarmer si possible les gardiens sous la menace de nos armes. A notre grande surprise, et pourquoi pas satisfaction, pas de garde en vue cette nuit là. La porte fut rapidement enfoncée et le matériel récupéré, la camionnette chargée à bloc reprit, avec ses occupants, la direction de CAS et au petit matin nos précieuses couvertures étaient empilées dans notre nouvelle résidence. Le maquis avait exécuté une mission, ce ne serait pas la dernière.

Parmi les premiers participants de notre équipe, y compris PAYOT (Pierre HUSSON) et JIM (Pierre FLESCH) tous deux de Nancy et évadés du camp « d'Ecrouve » (1) emprisonnés pour faits de résistance avec nous aussi, nos deux solides Alsaciens «Aloyse et Joseph GRASS », d'Erstein, petite localité alsacienne proche de STRASBOURG.

L'aîné Aloyse avait pu se soustraire à l'incorporation obligatoire dans l'armée Allemande en fuyant dès Novembre 1941 son pays et après avoir pris la direction de St Dié, Châlon sur Sâone, Lyon, il avait rejoint le Cantal sachant qu'un de ses vagues parents (Auguste OSTERTAG) se trouvait dans la région de St Santin Cantalès. Il s'engagea quelques temps après au 8ème dragon à ISSOIRE, dans l'armée d'Armistice puis fut envoyé ensuite à TARBES, à l'école de cavalerie de Saumur repliée. Suite à l'occupation de la zone libre, il fut démobilisé en Novembre 1942.

Il s'engage ensuite dans les G.M.R. (Groupes Mobiles de Réserves) aux ordres du Gouvernement de Vichy, qu'il déserte quand il comprend que les G.M.R. sont engagés pour la répression contre les maquis. Il revient donc à st Santin Cantalès puis à BOURBOUZE.

Son frère, Joseph, fut lui désigné par les autorités occupantes pour rejoindre sans délai un Bataillon d'Infanterie en formation dans une caserne Alsacienne, composée uniquement de « Malgré Nous ». Son unité, une fois l'instruction rapidement terminée, se trouva sous l'uniforme Allemand engagé dans de très durs combats en Russie et cela pendant plus d'une année. Dans le courant du mois d'Octobre 1943, son régiment revint en France pour une période de repos, suite aux pertes importantes subies sur le front russe et fut dirigé dans la région de Bordeaux, exactement à ST ANDRE de CUBZAC (Gironde). Aloyse eut connaissance de la présence de son frère Joseph dans ce secteur, il s'y rendit et put ainsi, en lui fournissant des vêtements civils, lui permettre de déserter le 23/12/43, et il rejoignirent ensemble BOURBOUZE.

Nous avions donc au maquis Aloyse et Joseph très instruits en ce qui concernait l'usage des armes et le maniement des explosifs. Joseph prit en main notre instruction et cela sans complaisance à notre égard. Nous étions peu nombreux mais certainement le groupe le mieux préparé, sachant exactement ce que nous aurions à faire en cas de coups durs.

La Wermarch, c'est à dire l'armée allemande, considérait comme toutes les armées du monde, qu'un déserteur en temps de guerre doit, par tous les moyens être repris, jugé en Conseil de guerre et fusillé. Nous avions donc avec nous Joseph, déserteur et activement recherché par la Gestapo et le SD Allemand...

Nous sommes fin Mars 1944, les jours passent, le maquis s'organise côté ravitaillement et il y a des périodes où le cuistot a suffisamment de nourriture pour tous, d'autres où il faut serrer la ceinture.

Un calme relatif règne dans notre coin. De nouvelles recrues arrivent de temps à autres, un contrôle très minutieux est effectué avant qu'ils ne soient admis parmi nous. Ils sont sous surveillance nuit et jour pendant un certain temps, en majorité ce sont de braves gars et il n'y avait à ma connaissance aucun « mouchard ».

A Cas, nous sommes au complet. Dans les lieux environnants à St Rames, Sagnabous, Cazaret, quelques petits groupes se forment. Il faut surtout passer inaperçu, vivre le plus possible à l'abri des regards indiscrets. Les habitants du pays savent qu'il y a par ci par là quelques maquisards mais jusqu'à la mi Avril 1944, rien d'important ne se passe.

Le temps nous semble long au milieu de ces bois, mais il faut encore attendre, espérer, nous parlons souvent entre nous de la prochaine arrivée des libérateurs, d'un débarquement des alliés, nous sommes au courant par la radio de Londres de l'avance des troupes Russes et des revers importants de l'armée du Reich Allemand.

Quand pourrons nous participer à la libération de notre pays en chassant l'Envahisseur Nazi de notre sol ?

Monsieur GREGOIRE, ingénieur en chef du Barrage de St Etienne Cantalès en construction près de LAROQUEBROU, fut mobilisé en 1939 avec le grade d'officier de réserve, lors de la débâcle de l'armée française en Juin 1940, il avait réussi à faire camoufler une certaine quantité d'armes légère dans un petit village proche de LAROQUEBROU, exactement à Cabane, commune de SIRAN. Il s'agissait d'une centaine de fusils avec un stock de munitions, plusieurs caisses de grenades et quelques mousquetons (carabines légères de cavalerie). Les armes de ce dépôt furent récupérées par l'A.S. de LAROQUEBROU début Avril 1943 et transférées plus tard en Mars 1944 à CAZARET, un lieu très proche de notre maquis. Y compris ces armes, que nous étions chargés de nettoyer, ce petit dépôt (une baraque en planche à l'orée d'un bois,), contenait également une partie du matériel parachuté la nuit du 4 au 5 Mars 1944. Aloyse, Lelion, Joseph et moi même, nous rendions presque chaque jour de CAS à CAZARET pour effectuer ce travail.

A cet endroit, à environ quatre à cinq cents mètres en bas de la forêt, se trouvait la petite ferme de Mr et Mme CABANNES, modestes cultivateurs avec peu de ressources toujours très accueillants et généreux à notre égard. Nous avions ensemble, convenu la mise en place d'un code pour éviter que quiconque puisse suspecter cet endroit particulièrement précieux et dangereux, à la fois pour le maquis ainsi que pour les habitants du hameau.

Madame CABANNES étendait du linge devant sa maison et chaque jour, lorsqu'il y avait du linge blanc, le secteur était calme, du linge de couleur nous devions être méfiants et faire particulièrement attention, des gens étrangers au pays rodaient autour de CAZARET. Les recherches pour retrouver Joseph étaient sérieusement engagées par les services de renseignements allemands avec le concours de la milice. Nous avions appris par Auguste que des collabos du coin... ? auraient ? prévenus les autorités occupantes de la présence de maquisards dans la région de St Santin Cantalès. La suite des événements confirmera cette hypothèse.

Au début de la matinée du 14 Avril 1944 le fils CABANNES, un gars un peu plus jeune que nous, arriva en courant pour nous signaler la présence à St Santin Cantalès d'un autobus et de deux voitures légères allemandes ; il devait y avoir environ une cinquantaine d'hommes dont plusieurs gradés de la Feldgendarmerie venant d'Aurillac. L'alerte fut rapidement transmise à CAS et le maquis s'organisa pour se défendre. Les armes et le matériel entreposés à CAZARET furent rapidement déplacés et camouflés par nos soins dans un endroit de la forêt prévu au préalable. Rien ne se passa au cours de la matinée, nous étions attentifs. Les chemins d'accès au maquis pourvus de guetteurs, nous attendions tous avec angoisse l'arrivée des Chleuds, nous avions des armes pour nous défendre mais face à des soldats entraînés et bien encadrés que ferions nous ? Joseph avait pris la direction de notre groupe, nous attendions l'arrivée d'Auguste OSTERTAG, mais en vain, personne ce jour là ne sut où était passé notre chef...

Au début de l'après midi, et malgré le désaccord de Joseph et de nous tous, Aloyse voulut savoir ce qui se passait à st Santin (il possédait de faux papiers relativement crédibles en tant que forestier), il prit le chemin en direction du bourg avec l'intention de se rendre à l'auberge de Mme CLERMONT. Notre intention fut alors de le suivre à distance, pourvus de notre « STEN » et de plusieurs chargeurs en nous dissimulant le mieux possible pour le cas éventuel de le couvrir si les choses se passaient mal.

Voici le récit qu'Aloyse m'a fait parvenir bien longtemps après la guerre et le concernant:

« Après vous avoir quitté toi, joseph, Parfait, et Le Lion, je me suis dirigé vers St Santin dans l'intention de me rendre chez Mme CLERMONT. Avant d'y arriver, plusieurs Allemands sont entrés, moi, je n'y suis rentré qu'après, sachant qu'ils y étaient, connaissant la langue allemande, j'ai voulu écouter leur conversation pour savoir ce qu'ils préparaient contre le maquis. Malheureusement, ils ne parlèrent que de choses banales (achat d'œufs, de fromage dans les fermes voisines, etc...). Après un certain temps, je quittais le restaurant. C'est sur le chemin du retour, en sortant du village à environ 800 m de chez CLERMONT qu'ils m'ont arrêté. Une voiture me dépassa, stoppa le car qui était derrière moi, j'étais alors pris au piège. C'est certainement quelqu'un qui était au restaurant (client ou tenancier) qui n'appréciait pas les maquisards qui m'a dénoncé... »

J'interromps un instant le récit d'Aloyse pour expliquer ce qui se passa pour nous suite à son arrestation. Voyant l'importance en hommes et les moyens déployés par les Allemands, nous ne pouvions prendre le risque d'un affrontement. Notre seule solution fut de nous replier vers CAZARET en direction des bois. Hélas, nous n'avions pas vu qu'une patrouille se trouvait à l'entrée du village de St Santin, très proche de l'endroit où nous devions passer. Immédiatement repérés, nous sommes aussitôt pris sous le feu des tireurs allemands, les balles sifflent tout autour de nous, nous courons le plus vite possible cherchant l'abris des haies ou des bosquetsenvironnants. Cela dura un temps qui nous paru interminable, par miracle nous étions tous indemnes, nous courions toujours, le cœur à cent à l'heure au milieu des bois en direction de St Râmes. Longtemps après, nous avons fait une halte, épuisés, tremblants, nous ne savions pas trop où nous-nous trouvions, les « Chleuds » avaient dû stopper leur poursuite craignant eux aussi de s'enfoncer dans les bois ; repaire de terroristes dont ils avaient déjà subi des embuscades meurtrières dans d'autres secteurs du Cantal.

Il se faisait tard, nous ne savions où nous diriger, Joseph éprouvait une rage intense, ayant vu son frère capturé par les Allemands sans que nous n'ayons rien pu faire pour lui porter secours. Ayant repéré la ligne à Haute Tension, nous primes la direction de la trouée pratiquée lors de la mise en place des pylônes car nous savions que d'un côté nous irions vers St Santin et de l'autre vers Cros de Montvert et Bourbouze. Nous avons marché longtemps, la nuit était tombée, enfin nous avons pu nous situer et rejoindre les abords de CAZARET au petit matin. A la ferme CABANNES, le linge étendu était blanc. Nous n'avions rien dans le ventre depuis la veille. Après avoir accepté de bon cœur un morceau de pain et de fromage, bu un grand bol de lait, nous avons repris la direction de CAS.

Je reprends ici le récit d'Aloyse :

 « ... Mon cousin Auguste OSTERTAG nous avait confié la garde et l'entretien d'un stock d'armes (celles du dépôt de SIRAN et du parachutage de Mars 1944) au hameau de CAZARET situé à environ 2 km de St SANTIN CANTALES. En quittant l'auberge de Mme CLERMONT, c'est à ce dépôt que je me rendais lorsque je fus arrêté. Inutile de vous parler des conséquences pour le village et ses habitants au cas où les Allemands auraient découvert ces armes. J'ai passé quelques mauvais quarts d'heure après mon arrestation, surtout qu'ils pensaient avoir pris en ma personne, mon frère joseph, déserteur.

En représailles, mon père et ma soeur furent également déportés. La providence a bien voulu que nous puissions tous les trois survivre aux terribles épreuves que nous avions subies et nous retrouver tous les trois chez nous en Alsace, à la libération de la France ».

Après concertation, la décision de quitter les bois de CAS est prise. L'endroit est connu, trop de dangers pourraient survenir. Avec armes et bagages, nous prenons la direction de la « Bitarelle » à une dizaine de kilomètres de St SANTIN CANTALES . Toujours au milieu des bois, existe une masure appartenant à la famille ESPALIEU, fermier au carrefour de la route MONTVERT-PLEAUX. Nous sommes là une quinzaine, assez désemparés, livrés à nous mêmes, totalement désorganisés, Auguste OSTERTAG vient en coup de vent, repart sans nous donner de directives quant à la réorganisation de ces lieux, beaucoup de jeunes arrivent, venant des communes environnantes, le désordre s'installe.

Auguste OSTERTAG travailla toujours assez indépendamment (dans la résistance). Il voyait souvent Mrs RIEU, GREGOIRE, GAILLARD, COURNIL, il venait de temps à autre parmi nous, repartait aussi vite en délégant à Joseph les tâches à accomplir. En mon for intérieur, ma confiance en lui était assez limitée.

PAYOT et JIM n'étaient plus avec nous, ils avaient rejoint du côté du Lioran le P.C. de l'AS du Ct HOAREAU (Alias Christian) pour participer à des missions de renseignements dans le secteur AURILLAC - MURAT - ST FLOUR. Sachant Qu'Auguste avait souvent des contacts avec Marcel GAILLARD, Chef du corps-Franc de la ville d'AURILLAC, qui lui avait sous ses ordres Abel BERGON, Chef de trentaine et responsable du groupe de résistance de la gare SNCF, je lui demandai au début du mois de Mai 44, s'il m'autoriserait à rentrer à AURILLAC pour rejoindre l'équipe d'Abel BERGON et participer de ce fait aux actions de ce groupe de résistance.

Ayant réfléchi à ma demande, il m'autorisa quelques jours plus tard à quitter son groupe (en me précisant à nouveau les règles à observer en cas d'arrestation). Il avait eu m'a-t-il dit, un entretien avec GAILLARD et BERGON et obtenu leur accord respectif. Je pus garder ma précieuse Sten ainsi que 2 chargeurs. Je dis aux copains que je partais en mission sur ordre d'Auguste, sans d'autres précisions de ma part.

Il y avait déjà presque 6 mois que je « crapahutais » dans la nature..., souvent avec le froid, la neige au début, la pluie et le soleil aussi...

Le 18 ou 19 mai 44, je récupérais mon vélo chez Mr et Mme MAURICE, cafetier à CROS DE MONTVERT où nous allions aussi de temps à autre lors de notre séjour à BOURBOUZE et où il avait toujours à boire et à manger pour nous tous. A la nuit tombée, je pris la direction d'AURILLAC par des petites routes pour éviter si possible de mauvaises rencontres. NIEUDAN, CASSIES, AYRENS, CRANDELLES, BROUSSETTE, LES 4 CHEMINS, puis par le cimetière, AURILLAC. Il me fallut attendre 6 heures du matin à cause du couvre-feu avant de pourvoir descendre en ville.

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Au petit matin, j'arrivai rue Guy de Veyre, à la grande surprise de ma mère et de la « Moune... » Ce que je fis en premier, c'est d'aller planquer ma sten et les chargeurs dans notre cave sous un tas de poussier et de vieilles caisses. Après avoir grignoté un peu de pain de maïs et bu le fameux lait écrémé de l'époque, je me suis rendu chez Abel BERGON, il n'était pas là étant de service en gare ce matin là. Son épouse me demande de revenir un peu avant midi, il savait que je devais rentrer à AURILLAC et prendre contact avec lui.

Abel, son épouse et leurs deux fillettes habitaient une maison, place de l'Hôtel de Ville au deuxième étage, il me reçut avec chaleur et me dit que j'avais bien fait de ne pas rester avec l'Alsacien (OSTERTAG)

Aussitôt, il m'expliqua ce que je devrais faire et plus particulièrement en compagnie de son épouse. Transporter des armes, des explosifs, effectuer des liaisons auprès de responsables de l'A.S. d'AURILLAC ETC... S'il y avait un problème, ne pas le contacter directement, je devais m'adresser à André LACALMONTIE, son adjoint lui aussi cheminot. André me chargea de constituer une sizaine de combats... parmi des gens surs et disposés à participer à la bagarre contres les Chleuds...

Il y avait avec moi dans les jours suivants, Dédé, Loulou, Tatave, Henri et Robert. J'étais le seul qu'ils devaient connaître, j'avisais des ordres que je recevais d'André qui lui, les recevait également d'Abel, transmis pour lui par l'échelon supérieur en l'occurrence Monsieur TRICOT (Alias Charles). C'était le cloisonnement obligatoire dans la résistance urbaine pour éviter en cas d'arrestation, qu'un membre ne puisse, sous des « contraintes physiques » ..., donner des noms.

Maintenant, je ne suis plus dans la nature mais en ville où le danger est toujours présent, la Police de Vichy, la milice, les Allemands, traquent les gens en situation irrégulière. Il y a souvent des contrôles d'identités, des rafles, des barrages aux sorties de la ville, etc...

Je suis LARIBE Léon, ouvrier Boulanger, né en 1925 (classe non encore astreinte au STO). Mon employeur est Monsieur Antoine BOULAT, Boulanger 10, Rue du Buis à AURILLAC, j'ai toujours sur moi cette carte, des tickets de pain, de textiles, de matières grasses, etc..., je suis catégorie J3. Grâce à ces papiers, j'ai eu en deux occasions, la chance d'être relaché après contrôle au début de Juin 1944, route des Camisières en direction du Bousquet par une patrouille de SS de la division « DAS Reich » en « opération » à AURILLAC à ce moment là, une deuxième fois en sortant du cinéma Palace, 9 heures du soir, en compagnie de Melle Paulette BOULAT... (Les croix de Lorraine attachées au cou par un fil, disparaissaient rapidement dès la moindre alerte de ce genre). Les gens suspectés étaient immédiatement conduits par les Feldsgendarmes à l'Hôtel St Pierre pour interrogatoire.

En compagnie de Julienne (Mme BERGON) avec comme moyen de transport pour deux, mon vélo, nous transportions très souvent des armes (« Stens » démontées, révolvers) surtout du plastic avec détonateurs et cordons pour approvisionner Abel et son équipe de cheminots. Ma cave rue Guy de Veyre a souvent servi de dépôt provisoire avant distribution aux membres de l'A.S. d'AURILLAC.

Nous prenions rendez-vous en principe un jour par semaine (convenu à l'avance) et nous nous retrouvions à la scierie de Monsieur LATHELIZE, Chemin de Patay en bordure de la Jordanne, route de St Simon. C'était un des dépôts clandestins du Corps Franc d'AURILLAC. Nous passions aussi des plis adressés à Monsieur TRICOT (Charles), Responsable du mouvement Franc-Tireur pour l'arrondissement d'AURILLAC. Certains jours, au Moulin de Bargues ou au « Mas » de SANSAC DE MARMIESSE. Les Alliés avaient débarqués en Normandie. Nous attendions avec impatience l'ordre de départ des aurillacois dans les compagnies FFI en direction de la Margeride. Entre les 10 et 15 Juin 1944, j'ai réuni à mon domicile, les membres de ma sizaine, nous devions nous rendre au Bex à la tombée de la nuit. André LACALMONTIE, par deux fois nous a prévenu que nous ne devions pas partir pour le moment car il n'y avait pas encore assez d'armement individuel disponible pour chacun.

Fin Juin 44, nous avions appris les revers et les pertes des maquisards au Mont Mouchet ainsi qu'au réduit de la Truyère. Des compagnies se réorganisaient à la limite du Cantal et du Lot dans le secteur de St Saury sous les ordres des lieutenants CAILHOL (Henri), GESWILLER (garçon), DABADIE (Dundée). Nous étions presque à la mi-juillet. Abel, considérant que nous allions être très certainement en danger d'arrestation me fit savoir par André que je devais rejoindre avec ma sizaine la compagnie « GARCON » le plus rapidement possible. Ayant avisé mes gars, seuls Henri (Seylat) et Robert (Lafon) décidèrent de me suivre. Nous avons donc quitté AURILLAC et avons rejoint la Compagnie « GARCON » le 27 Juillet 44 à LACAPELLE DEL FRAYSSE, sur la route de MONTSALVY.

La compagnie disposait de 3 camions en plus ou moins bon état (deux gazogènes et un diesel), nous étions environ 80 répartis en plusieurs sections, je fus affecté à la 3ème, sous les ordres du Sergent Bernard BOUSSAROQUE, instituteur à NEUVEGLISE, ainsi que mes deux copains. Il n'y avait plus de Brassard FFI, j'ai eu droit à une paire de chaussures anglaises, pour l'armement j'avais ma Sten, plus deux ou trois grenades « Mils ».

A partir du début du mois d'Août, nous nous sommes approchés d'AURILLAC, « les bois de Senilhes », « aux granges » près d'ARPAJON SUR CERE, la compagnie organisa des patrouilles dans la zone ARPAJON, AURILLAC. Le 9 Août, fut mise en place une embuscade contre plusieurs camions allemands, sur la route de VEZAC (à Montédou). Dès le début de l'engagement, les Chleuds firent demi-tour et regagnèrent AURILLAC sans perte réciproque. Dans la nuit du 9 au 10 Août 1944, patrouille sur la caserne Delzons, nous savions que les Allemands se préparaient à quitter AURILLAC dans la nuit, nous avions reçu des ordres de ne pas intervenir pour éviter à la population des représailles.

Dans la nuit du 10 au 11 Août, un convoi de camions et de voitures légères comprenant environ 500 à 600 hommes sous le commandement du « colonel Borgmann », plus une cinquantaine de miliciens suivis de leurs familles, prenaient, la peur au ventre, la direction de VIC SUR CERE et du Lioran où nous les attendions ...

Les combats du Lioran durèrent 3 jours les 12, 13 et 14 Août 1944. Plusieurs Compagnies FFI y participèrent des deux côtés du tunnel. Je garde encore aujourd'hui un souvenir de ces jours là, l’arrivée le matin du 11 Août dans la ville d'AURILLAC où régnait une agitation, une joie et aussi une pagaille indescriptible. Les résistants du « Tour du square » certains avec brassard et tenue militaire, voulaient monter dans nos véhicules et nous suivre pour participer à la chasse aux Allemands.

Notre chef de section faisait le ménage, quelquefois avec violence, nous n'avions pas besoin maintenant de ces résistants de la dernière heure. La compagnie reçu l'ordre en fin de matinée de partir en direction de VIC SUR CERE et THIEZAC et c'est là que commencèrent les combats.

Plusieurs récit d'historiens expliquent les raisons de l'échec des maquisards au cours de ces 3 jours de vraie bataille contre un ennemi plus aguerri, mieux armé, mieux encadré et qui réussira à forcer le passage du Lioran et rejoindra avec l'aide des renforts de la « Colonne Jesser » à atteindre MURAT le 15 Août 1944 au matin.

La poursuite durera jusqu'au 24 Août 1944, date de la libération du département du Cantal (NEUVEGLISE - SAINT FLOUR). Ne désirant pas continuer avec des colonnes rapides en formation, je suis rentré chez moi (je n'ai pas rendu ma Sten). J'étais un peu perdu mais assez fier de moi en mon for intérieur. J'avais choisi seul à un moment difficile de mon existence, j'avais été VOLONTAIRE pour le meilleur et pour le pire ...

Souvent je revoyais mes copains disparus en ma mémoire. Ils avaient 20 ans comme moi... Vaton (Le Lion), Constensou, Cabannes, tués à CLAVIERES, Savary, Laroussinie au Lioran, Aloyse déporté.

J'avais eu beaucoup de chance ...

Quelques jours après la libération lors des obsèques de René LAROUSSINIE à LEUCAMP, Antonin LAC (Fred), Commandant de la Compagnie du même nom qui se trouvait à nos côtés au Lioran, dira ces quelques mots sur sa tombe :

Toi, René LAROUSSINIE, adolescent si franc et si confiant
Dans ta touchante simplicité, qui ouvrait de grands yeux étonnés
Et timide sur la vie,
La mort implacable et cruelle t'a choisi
Parmi le groupe de reconnaissance dont nous faisions partie
A quelques centaines de mètres de la sortie sud du tunnel du Lioran.

Le 13 Août 1944

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