SAINTE-CLAIRE.
Le 7 décembre 1333 Isabelle de Rodez, comtesse de Carlat, fonda, au lieu de Boisset, canton de Maurs, une communauté de douze religieuses qui devaient y vivre conventuellement sous la règle de Sle-Claire. Elle leur donna sa maison ou château de Boisset avec ses dépendances, 240 septiers de seigle, 20 septiers d« froment et 32 livres en argent à prendre annuellement sur les dixmes de sa terre. D'après la règle de Ste-Claire, la supérieure s'élisait tous les trois ans, et, tant que cette règle fut observée, la communauté prospéra. Mais, en 1618 une dame de Rilhac obtint une nomination du roi comme supérieure du couvent de Boisset, et voilà la guerre allumée. En 1626 on crut tout calmer en transférant la communauté a Aurillac, rue d'Aurenque, dans la maison qui appartient aujourd’hui a M. Rochery; mais, les religieuses clairistes ne voulaient pas obéir à une supérieure qui n'avait pas été élue par elles, ni choisie dans leur sein, conformément à la règle de l'ordre.
L'évêque de St-Flour fut obligé d'intervenir, et, après avoir entendu les parties, il fit consentir l'abbesse à donner sa démission, et se joignit aux religieuses pour demander au roi, pour elles, la permission d'élire leur supérieure triennale suivant les lois de leur fondation. Par arrêt du conseil du 50 août 1644, le roi évoqua l'affaire, et, par provision, il fut ordonné que l'évêque ferait nommer une supérieure triennale.
Mais, Mme de Rilhac ne voulut pas obéir et se ligua, dit-on, avec les dames de la Visitation, depuis peu établies à Aurillac. Les choses en vinrent à ce point que de vingt-neuf religieuses dont la communauté se composait, vingt-sept, par transaction du 17 octobre 1650, se retirèrent avec leur dot dans une maison du faubourg des Carmes, et les deux autres ne restèrent avec la supérieure qu'afin qu'on ne put pas dire que la communauté était dissoute. En 1651, après la mort de Mme de Rilhac, elles obtinrent un arrêt du grand conseil qui les autorisait à s'assembler en communauté et à élire une supérieure triennale, ce qu'elles firent, en plaçant leur nouvelle maison sous l'invocation de saint Joseph. Mais, plus tard, lorsqu'elles voulurent reprendre leur ancienne maison, une dame de St-Paul-de-Rilhac, religieuse de St-Bernard, leur opposa une nomination qu'elle avait obtenue du roi en 1678, en vertu de la démission de Mme de Rilhac, leur ancienne supérieure, qui les persécutait ainsi, après sa mort. Ce n'est pas tout, cette. Mme de St-Paul obtint, à force de sollicitations, un brevet du roi à la date du 23 août 1700, qui faisait don aux religieuses de la Visitation de l'abbaye et monastère de Boisset et de Ste-Claire d'Aurillac, vacants, dit le roi, par sa démission. Il s'en suivit un long procès qui durait encore en 1734. Je ne sais trop comment il fut terminé, et si les pauvres clairistes furent entièrement dépossédées; mais, il n'en est pas moins certain que, pour avoir voulu se mêler de l'administration intérieure d'un couvent, jusque-là tranquille, enlever à de pauvres filles un droit dont leur règle et une possession de trois cents ans leur assurait la jouissance, on a porté le trouble dans une communauté paisible, et peut-être on l'a dépouillée des biens qu'elle possédait légitimement.
Quoique cette absurde manie de faire du pouvoir, de tout centraliser et d'attirer tout à soi me vaille un magnifique autographe, et enrichisse ma collection de la signature de Louis XIV et de celle de Colbert au bas de la lettre suivante, je ne puis m'empêcher de déplorer cet abus de la force contre de pauvres filles sans défense, parce que ce fut le prélude d'usurpations plus grandes qui amenèrent enfin la Révolution. Voici la lettre du roi au cardinal, protecteur des affaires de France à Rome:
« Mon cousin », L'abbaye des religieuses de Boisset, de l'ordre de Ste-Claire, au diocèse de St-Flour, estant à présent vaccante, par la démission volontaire qu'en a faite en mes mains la dame Louise de Rilhac-de-St-Paul, dernière titulaire qui a possédé ladite abbaye, j'ai bien voulu en faire don aux religieuses de la Visitation de Ste-Marie d'Aurillac pour être le titre abbatial de ladite abbaye esteint et uny au» Ait monastère de la Visitation de St-Maric d'Aurillac. Sur quoy je vous escris cette lettre pour vous en donner avis et vous dire que j'auray bien agréable que vous fassiez en mon nom toutes les poursuites nécessaires pour l'obtention des bulles d'union de ladite abbaye audit monastère de la Visitation d'Aurillac, suivant les mémoires et supplications plus amples qui vous en seront présentez. Sur ce je prie Dieu qu'il vous ayst, mon cousin, en sa sainte et digne garde. Escrit à Versailles le 16 juillet 1700. Louis. — Et, plus bas, Colbert.
Les clairistes de St-Joseph eurent encore à plaider contre les cordeliers, qui ne voulaient pas les souffrir si près de leur couvent; on transigea cependant, et elles construisirent un vaste bâtiment et une jolie église qui servent aujourd'hui d'hôpital à la ville. Leurs travaux, au moins, n'ont pas été perdus, et leur destination, pieuse et charitable, est encore en harmonie avec la vie sainte et acétique des fondatrices, et les sœurs de Ste-Marthe ne sont pas déplacées dans l'église où priaient autrefois les filles de Ste-Claire.
Aujourd'hui, Aurillac possède encore une communauté des religieuses de Ste-Claire, établie dans l'ancien enclos des Carmes, où elle s'occupe avec succès de l'éducation des jeunes demoiselles.