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RECONNAISSANCE DU CONSULAT.

En 1277 un grave différend s'émut entre l'abbé et les consuls. L'abbé refusa, contrairement à ce qui avait été observé jusqu'alors, d'autoriser les consuls à assister aux enquêtes, faites devant sa cour. Les consuls, de leur côte, se déclarèrent vassaux du roi et lui firent hommage du consulat, des murs, portes et fossés de la ville, le reconnaissant pour leur seigneur. Dénégation du droit du consulat par l'abbé.

Sur ce procès, et le 30 août 1277, mandement de Philippc-Ie-Hardi à Elie Galtier, chanoine de Périgueux, et Guillaume Rupbi, clerc de Clermont, leur ordonnant de se rendre à Aurillac, d'y convoquer l'abbé et ceux qui se disent consuls de la ville, de recevoir leur serment et les preuves qu'ils jugeront à propos d'administrer, sur les articles respectivement produits par eux devant la cour du parlement. Le roi envoie aux susdits commissaires un pli cacheté contenant les articles interloqués, et leur ordonne de renvoyer au prochain parlement les enquêtes qu'ils feront, aussi sous bon cachet.

18 octobre 1277 ouverture du procès-verbal des commissaires enquêteurs. Après quelques débats préliminaires inutiles à rappeler, on ouvre le pli envoyé par le roi, et voici ce qu'on y trouve.

ARTICLES DES.ABBÉS ET DU COUVENT.

L'abbé et le couvent entendent prouver, contre les consuls et la communauté prétendue:

1° Qu'ils sont, au nom du monastère, seuls seigneurs de la ville d'Aurillac et de ses dépendances, qu'ils y ont la haute et basse justice, et qu'ils l'y ont rendue par eux-mêmes et par d'autres, de temps immémorial;

Que saint Géraud, de qui ils tiennent leur droit, était seul seigneur de ladite ville et qu'il en avait le domaine dans toute sa plénitude, qu'eux-mêmes ont la possession ou quasi-possession des choses susdites et de tout ce qui constitue le domaine souverain, et en ont joui, par eux-mêmes ou par d'autres, de toute ancienneté;

2° Que les habitants de la ville sont sujets du monastère et lui prêtent serment, qu'ils sont justiciables de l'abbé et du couvent, tant pour leurs biens que pour leurs personnes, qu'il en est ainsi de temps immémorial ; qu'ils suivent l'abbé à la guerre, et lui doivent une foule de devoirs et de services, contraires à la liberté; qu'ils sont donc hommes de pôte homines potestatisj;

3° Que l'abbé et le monastère, en qualité de seigneurs de la ville, ont joui, de tout temps, des murs, fossés et espaces vides de la ville, du droit de criée, de la garde des clefs des portes; qu'ils ont saisi et incarcéré ceux qui y commettaient des délits; qu'ils ont fait démolir les édifices appuyés sur les murs sans leur congé; qu'ils ont fait pécher les fossés et couper les arbres et les herbes excrus sur leurs bords, qu'ils ont appuyé des édifices aux murs de ladite ville, percé ces murs pour y asseoir des poutres et faire entrer dans le monastère l'eau du fossé, et enfin reçu les droits de lods et ventes sur les maisons appuyées auxdits murs;

4° Que les murs et fossés de ladite ville sont situés dans la censive du monastère, et que, de temps immémorial, les terres contiguës auxdits murs et fossés paient un cens à l'abbaye ou à son préposé;

3° Qu'ils ont également joui, au même titre, des places vides et découvertes situées dans ou hors la ville, en les donnant ou cédant pour un cens annuel, en percevant les lods et ventes sur les maisons construites sur ces emplacements, en punissant les délits qui s'y commettent, en confisquant les biens des délinquants, en levant les amendes encourues par les habitants de la ville, en fermant et clôturant lesdites places vides, percevant les fruits qu'elles produisent, coupant les arbres, qui y croissent, enfin, en faisant enlever le fumier, les bois et les autres dépôts qui les embarrassent;

6* Ils offrent de prouver que, lorsqu'on publie quelque ordonnance ou défense dans la ville à laquelle une peine soit attachée, cette publication est toujours faite de par l'abbé, à raison de la seigneurie et do la punition, car l'amende est toujours perçue par lui; qu'enfin lorsqu'un nouvel abbé fait son entrée en ville, on lui présente, comme au seigneur, les clés, et cela depuis un temps assez long, pour acquérir le droit, ainsi que cela est notoire dans le pays;

7° Que de plus les habitants d'Aurillac ont reconnu, par eux-mêmes et par leur procureur, en la cour de parlement, que l'abbé était leur seigneur et qu'il avait haute et basse justice à Aurillac sur les murs, les fossés et les places vides; qu'ils ont eu recours à lui, et, qu'à leur requête, il les a réclamés et revendiqués comme ses hommes, les a ainsi exemptés de la chevauchée et de l'ost du roi, et que, dans leurs procès contre ledit abbé, on a toujours suivi le style du parlement de Paris;

8° Que les habitants d'Aurillac, qui sont hommes de pute et personnes singulières, ne pouvaient s'avouer du roi et reconnaître tenir de lui les murs, les fossés et les places vides de la ville, le droit de criée, la garde des clés, toutes ces choses faisant partie de la seigneurie, et cependant, autant qu'il était en eux, ils lui en ont fait hommage, ce qui est contraire à leur condition et à la nature de ces droits;

9° Que c'est témérairement, d'eux-mêmes et par voie de fait, que les habitants d'Aurillac ont usurpé le consulat, le sceau, la maison commune, le droit de convoquer le peuple, de recevoir son serment, de lui imposer des tailles, de saisir, gager pour leur paiement, de porter des armes dans la ville malgré les prohibitions de l'abbé, toutes choses qu'ils ne pouvaient faire, étant hommes de pote, sujets du monastère et liés à lui par un serment, d'où il suit qu'ils l'ont fait de mauvaise foi; qu'ainsi ils n'ont pu acquérir une possession utile, contrairement a leur serment et de mauvaise foi, ni par conséquent, malgré l'abbé qui est le seigneur justicier de la ville, former un corps et une communauté, car, il n'y a pas de corps sans tête; ils n'ont donc ni possédé, ni prescrit le droit de former un corps;

10° Que, dans le cas même où lesdits habitants feraient preuve de quelque possession ou de quelque jouissance ancienne, elle ne vaudrait rien, car ils n'en ont jamais eu un juste titre; de plus, elle n'aurait jamais existé sans contradiction, car l'abbé et le monastère ont toujours fait leur possible pour s'y opposer; elle a même été plusieurs fois troublée et interrompue ; or, l'usage du pays, l'usage même du royaume de France ne permettent pas à de tels hommes de posséder de tels droits; ils n'ont pu les acquérir, surtout les avouer d'un autre que de l'abbé, principalement lorsqu'ils ne représentent pas une concession ou donation à eux faite soit par le roi, soit par vu autre seigneur, et qu'ils avouent n'en pas avoir.

ARTICLES DES CONSULS ET DE LA COMMUNAUTÉ.

Les consuls et la communauté des habitants offrent de prouver, contre l'abbé et le couvent:

1° Que de temps immémorial et, par exprès, depuis dix, vingt, trente et quarante ans, eux et leurs prédécesseurs ont publiquement, paisiblement et de bonne foi, au nom de la communauté, la saisine, la possession ou quasi-possession des murs, fossés et autres fortifications de la ville, la garde des clés et des portes, el l'usage commun des rues, places et espaces vides qui sont dans la ville; que, pendant le même temps, ils ont, à volonté, réparé, démoli et réédifié lesdits murs, les portes et fortifications, ouvert et fermé les portes, changé clés et serrures, nettoyé et clos lesdits fossés, péché les poissons qui s'y trouvaient, coupé les arbres qui y prenaient racine et les herbes qui y croissaient, permis ou défendu d'y pêcher ou faucher, puni ceux qui contrevenaient à leurs défenses, permis ou défendu d'appuyer sur lesdits murs, en un mot, qu'ils en avaient joui comme seuls vrais propriétaires, ou du moins assez longtemps pour en avoir acquis la propriété par prescription;

2° Que, dès longtemps et pendant longues années, eux et leurs prédécesseurs tiennent et ont tenu du roi les murs de la ville et les clés des portes ; qu'en qualité de vassaux ils ont remis au roi ou à son mandataire lesdites clés, et qu'elles leur ont été rendues par lui ; qu'ils lui ont fait aveu et prêté serment, ce qu'ils offre de prouver par le registre même de la cour et par d'autres preuves légitimes;

3° Ils offrent encore de prouver, contre l'abbé, qui a avancé qu'ils possédaient sans droit leur consulat, le sceau commun, le trésor, la maison commune, les crieurs publics, les trompettes, la levée des tailles et le droit de contraindre à les payer, le guet à pied et à cheval avec ou sans armes, la réception du serment par les consuls, etc. ; que les habitants de la ville d'Aurillac sont libres, bourgeois, francs et exempts de toute espèce de servitude ; qu'ils l'ont été de tout temps, et ont la saisine et possession de leurs franchises et libertés par dix, vingt, trente, quarante ans et depuis un temps immémorial; qu'ils ont toujours été réputés libres et le sont, tant aux termes du droit que par la coutume du lieu;

4° Que les habitants de la ville d'Aurillac se régissent par le droit écrit, qu'ils l'ont toujours suivi depuis dix, vingt, trente, quarante ans et de temps immémorial; qu'aux termes de ce droit, il est permis aux communautés d'avoir des consuls ou administrateurs de la communauté, une sceau, une arche et une maison commune; qu'ils ont le droit de lever la taille et toutes les autres prérogatives attachées à un municipe; qu'à ce titre les consuls et la communauté d'Aurillac, et leurs prédécesseurs, ont toujours eu un consulat, un sceau, un trésor, une maison commune, des crieurs publies, des trompettes; qu'ils ont fait faire des publications toutes les fois qu'ils l'ont voulu, fait des défenses, établi des peines, imposé et levé des tailles, ordonné des veilles et patrouilles avec ou sans armes, posé des gardes pour veiller sur les murs et les portes de la ville pour la défense et la conservation de leurs droits; que les consuls ont convoqué et réuni la communauté, reçu son serment, infligé des peines à ceux qui leur désobéissaient, et cela publiquement, paisiblement, de bonne foi, depuis un temps immémorial et plus que suffisant à prescrire;

5° Que l'abbé et le couvent ont souvent eu recours aux consul» dans leurs besoins; qu'ils les ont reconnus comme consuls, les ont requis et assignés en cette qualité, et ont plaidé contre eux comme consuls et représentant la communauté; que de tout temps les moines, l'abbé et leurs prédécesseurs, et, par exprès, depuis dix, vingt, trente et quarante ans se sont servis et se servent encore communément pour donner l'authenticité à leurs actes du sceau des consuls, lequel sceau, à Aurillac et dans les environs, est réputé authentique, fait foi et est d'un constant et continuel usage depuis un temps immémorial;

6° De plus, ils entendent prouver, mais par commune renommée seulement, ou de toute autre manière possible, que de toute ancienneté leurs prédécesseurs ont joui du consulat, du sceau, de la maison commune et des autres choses susdites, en vertu des concessions à eux faites par les anciens rois de Fiance, et par des . chartes et privilèges concédés par ces rois; mais que la ville d'Aurillac, ayant été ravagée et pillée jusqu'à trois fois par des malfaiteurs et des ennemis du royaume, ces chartes et privilèges de la communauté, comme aussi les titres particuliers d'un grand nombre d'habitants ont été détruits, enlevés ou emportés, ainsi que cela est notoire à Aurillac et dans la province;

7° Ils offrent encore de prouver, qu'encore bien que les consuls d'Aurillac aient, de temps immémorial, le droit de faire des publications dans la ville et d'entretenir, à cet effet, des crieurs et des trompettes, l'abbé et ses moines les ont troublés dans ce droit, en arrêtant et frappant les crieurs publics, brisant les trompettes, les jetant avec les insignes royaux dans la bouc et les foulant aux pieds.

J'ai rapporté tout au long les dires des parties, afin de montrer que la passion les emportait, l'une et l'autre, au-delà de la vérité et de l'intérêt même de leur défense. Il paraît, du reste, qu'on le leur fit comprendre et qu'elles consentirent à prendre pour arbitre Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse et d'Albi, qui rendit, le 15 juillet 1280, la sentence arbitrale que nous allons analyser et qu'on appela première Paix, parce que c'était l'accord le plus ancien entre les parties.

 

En 1277 un grave différend s'émut entre l'abbé et les consuls. L'abbé refusa, contrairement à ce qui avait été observé jusqu'alors, d'autoriser les consuls à assister aux enquêtes, faites devant sa cour. Les consuls, de leur côte, se déclarèrent vassaux du roi et lui firent hommage du consulat, des murs, portes et fossés de la ville, le reconnaissant pour leur seigneur. Dénégation du droit du consulat par l'abbé. 

Sur ce procès, et le 30 août 1277, mandement de Philippc-Ie-IIardi à Elie Galtier, chanoine de Périgueux, et Guillaume Rupbi, clerc de Clermont, leur ordonnant de se rendre à Aurillac, d'y convoquer l'abbé et ceux qui se disent consuls de la ville, de recevoir leur serment et les preuves qu'ils jugeront à propos d'administrer, sur les articles respectivement produits par eux devant la cour du parlement. Le roi envoie aux susdits commissaires un pli cacheté contenant les articles interloqués, et leur ordonne de renvoyer au prochain parlement les enquêtes qu'ils feront, aussi sous bon cachet.

18 octobre 1277 ouverture du procès-verbal des commissaires enquêteurs. Après quelques débats préliminaires inutiles à rappeler, on ouvre le pli envoyé par le roi, et voici ce qu'on y trouve.