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 SAINT-GERAUD

Rien ne prouve que jusque-là il y ait eu d'autre église à Aurillac, tout annonce au contraire que c'est la première qui ait été érigée dans la vallée et que sa 'construction fit élever autour de ses murs quelques chétives masures, berceau de la ville actuelle.

Pendant que Géraud et Adeltrude s'occupaient de ces soins pieux, Dieu, pour les en récompenser, leur donna en 856 un fils qui reçut aussi au baptême le nom de Géraud. Il hérita, peu d'années après, des vastes domaines allodiaux que possédaient ses parents et qui s'étendaient presque sans interruption, dit saint Odon, du Puy-de-Griou à Pousthomy, commune du département de l'Aveyron, canton de St-Cernin, arrondissement de St-Affrique, dans une longueur de 32 lieues; de Pousthomy vers Sarlat, dans une largeur d'environ 35 lieues, et de là remontaient au Puy-de-Griou en formant à-peu-près un triangle dont le Puy-de-Griou était le sommet. Dans cette immense étendue, ses alleux étaient si rapprochés, dit saint Odon, qu'il pouvait aller et revenir sans se reposer ailleurs que dans ses propres châteaux.

Saint Géraud jouissait donc d'une fortune considérable, et il résolut de l'employer à faire le bonheur de ses vassaux. Pour éloigner d'eux, autant que possible, tout sujet de guerre, il refusa d'accepter les titres et bénéfices que le roi aurait voulu lui conférer, même le comté de Limoges dont avait été revêtu son père et auquel il aurait dû succéder, d'après les conventions faites à la diète de Kiersy. Il ne voulut jamais faire hommage à aucun seigneur laïque d'aucune de ses propriétés allodiales, ni en inféoder à personne, à l'exception seulement de Talizat, parce que la situation de ce domaine au-delà des montagnes du Cantal, dans la Planèze, ne lui permettait pas de le défendre efficacement, dit saint Odon, exception qui prouverait seule combien étaient difficiles les communications d'un point à l'autre de la Haute-Auvergne à cette époque. Il s'abstenait scrupuleusement de toute agression, observait pour lui-même la justice la plus rigoureuse dans ses relations avec ses voisins, aimait mieux perdre quelques-uns de ses droits que d'exposer ses vassaux en les revendiquant, et si, bien malgré lui, on l'obligeait à tirer l'épée, il n'abusait jamais de la victoire. Il parvint ainsi à se faire aimer autant que craindre et à s'assurer une longue paix jusqu'à la fin de ses jours.

C'est alors que, pour civiliser, instruire et secourir les peuples confiés à sa garde, il résolut d'employer ses richesses à la fondation d'une abbaye, richement dotée et peuplée de moines fervents et habiles, choisis par lui un à un dans les nombreux pèlerinages qu'il entreprenait sans cesse. Cette abbaye devait être non seulement une école, un foyer d'instruction où l'on pourrait venir s'abreuver largement à la coupe de la science, mais une pépinière de missionnaires fervents qui, se répandant sur les terres voisines, y porteraient partout, avec la parole de Dieu, le bienfait de la civilisation. Enfin, ne pouvant affranchir lui-même tous les serfs de ses domaines, dont plusieurs refusaient de recevoir de lui le don précieux de la liberté, il voulait, en les léguant à son abbaye, assurer leur affranchissement successif dans un avenir peu éloigné. Il ne se trompait pas en cela, car, dans tous les titres qui nous restent, il serait difficile de trouver, un siècle après la mort de saint Géraud, la moindre trace de servitude dans ses domaines.

Ce fut en 898 que saint Géraud jeta les fondements de son monastère dans la prairie au-dessous du château, proche l'église St-Clément, où reposaient son père et sa mère. Pour lui assurer la protection la plus efficace et la plus respectée, il en fit hommage au pape et déclara tenir de lui les terres, châteaux et autres possessions dont il faisait donation à son monastère, et, en signe de ce vasselage, il s'obligea à payer au Saint-Siége le cens annuel d'une maille'd'or.

Cependant les bâtiments du monastère étaient élevés, une colonie de moines, dignes de ce nom, y vaquait à la prière et à l'étude. Saint Géraud crut devoir requérir pour eux des lettres de sauvegarde de Charle-le-Simple; ce prince, étant à Bourges, s'empressa de les lui octroyer le 2 juin 914. C'est l'acte le plus ancien et le plus authentique dans lequel on trouve le nom d'Aurillac.

Deux ans après saint Géraud eut le bonheur de voir consacrer l'église de son abbaye, à laquelle il faisait travailler depuis 18 ans. Il affranchit ce jour-là cent serfs et leur donna, ainsi qu'aux habitants déjà établis autour de l'abbaye, un territoire circonscrit entre quatre croix qui, depuis ce temps, a été appelé le francaleu d'Aurillac. Voulant ensuite disposer des biens qu'il s'était réservés, saint Géraud fit un testament, ou plutôt un codicile, au mois de septembre 918, dans lequel il les distribua entre son'neveu Reynaud et ses moines, et'mourut, enfin, deux ans après, le vendredi 13 octobre 920.

Saint Odon rapporte, dans la vie de saint Géraud, que quelqu'un, paraissant surpris de l'étendue qu'il donnait aux murs d'enceinte de son monastère, le saint fondateur répondit que cette enceinte serait bientôt trop étroite pour contenir la foule qui se presserait autour de ce sanctuaire. En effet, en 972, cinquante-deux ans seulement après sa mort, Etienne, évêque d'Auvergne, assisté des évêques de Périgueux et de Cahors, consacrait une église nouvelle que Géraud de St-Céré, sixième abbé d'Aurillac, avait été obligé de faire construire à la place de l'église bâtie par saint Géraud, devenue trop petite.

Ainsi, ce n'est pas le château bâti sur la hauteur qui a donné naissance à la ville, c'est le monastère, construit dans la plaine, qui a appelé une population nombreuse dans son enceinte, fortifiée d'abord, comme on peut en juger par la disposition circulaire des rues du Collège, des Dames du Buis et Maudon. Plus tard on a dû protéger aussi par des murailles les faubourgs qui s'étaient étendus le long du Gravier, de la porte des Fargues à St-Marcel, de là à la porte d'Aurenque, et de celle-ci à la porte des Gabrols, qui s'ouvrait autrefois sur la rue Marcenague. Ce vaste triangle était alors devenu la ville véritable. Mais, le berceau de la ville, son principe, ses plus anciennes constructions étaient évidemment dans l'enceinte circulaire du monastère. Les noms même des rues qui y touchent l'indiquent : la rue Trans-las-Parros était évidemment au-delà de la muraille primitive; celle de Lacoste, aboutissant à la porte des Cabrols, tire son nom du chemin montueux que l'on prenait en sortant de la ville ancienne ; la rue du Rieu a été construite sur les bords du ruisseau par lequel s'écoulaient les eaux dérivées de la Jordane pour alimenter les fossés du monastère.

Toutes ces circonstances, réunies à l'existence de la Pierre ou mesure du grain et des marchés publics sur la place devant le monastère, ne nous permettent pas d'hésiter à placer, dans cette enceinte primitive, le premier centre de population, et à regarder saint Géraud comme le fondateur de la ville aussi bien que du monastère d'Aurillac.