DEUXIÈME PAIX.
Pierre de Malafayda, abbé d'Aurillac, et les consuls passèrent enfin un compromis qui chargeait Huguc de Camburat, Bernard Bastide et Guillaume d'Achillosas, chevalier, bailli des montagnes, de statuer sur tous leurs différends. Voici leur sentence, appelée deuxième Paix:
1° Quant aux dépens que peut exiger la cour de l'abbé, on décide que, pour toute cause n'excédant pas 49 sols de valeur, la cour ne touchera de chaque partie que 6 deniers par jours employés au procès. Au-delà de 50 sols, elle touchera 12 deniers par jour de chaque partie. Si l'objet de la demande est indéterminé, on l'estimera équitablement pour fixer les dépens. S'il s'agit de l'exécution de sentences, lettres, obligations, etc., les frais ne seront exigibles qu'après que le procès sera terminé. Outre les dépens ci-dessus, le juge taxera équitablement un salaire pour le greffier et les sergents; chaque ajournement coûtera au plus 18 deniers. Si une partie comparait sur la demande de l'autre sans ajournement, et confesse, dès le premier jour, la dette qu'on lui réclame, on n'exigera d'elle aucun dépens,. à moins qu'il ne soit fait écriture de sa confession, auquel cas elle devra seulement les frais dus à l'écrivain;
2° Lorsqu'une personne aura été arrêtée par le baile de l'abbé ou par ses gens, pour fait qui requière la prison, elle ne pourra être détenue, selon les cas, que dans la ville d'Aurillac ou dans le château de St-Etienne seulement ; si elle est reconnue coupable elle paiera 3 sols pour droits de geôle, si elle est reconnue innocente elle ne paiera rien.
Mais, avant de mettre en prison l'individu arrêté, on devra le faire garder convenablement soit dans une maison de la ville, soit dans le château, jusqu'à ce que, dans le plus bref délai possible, la cour de l'abbé, en présence des consuls ou de deux d'entre eux, ou après les avoir dûment appelés, ait fait une instruction sommaire sur la nature du crime et la gravité des présomptions qui s'élèvent contre le prévenu, afin de savoir s'il doit être gardé à vue, mis en prison, ou jeté au fond de la tour. Dans ce cas, comme dans celui où le fait imputé n'emporte pas notoirement une peine corporelle, si le prévenu préfère avoir des gardes, on ne lui en donnera que deux ou trois, selon les cas, et chacun sera taxé à la deniers pour vingt-quatre heures.
Les prisonniers pourront user de leur fortune et de celle de leurs amis pour leurs besoins, et, pour être sûr que rien ne leur manque, le baile de l'abbé devra les laisser visiter une fois par semaine par deux prud'hommes, choisis par lui en présence de ceux qui l'en auront requis; ces prud'hommes ne devront être ni de la livrée ni de la maison de l'abbé, et ils jureront de ne rien révéler au prisonnier de l'instruction dirigée contre lui.
Enfin, nul ne pourra être arrêté à Aurillac, pour cause réelle ou personnelle de particulier à particulier, s'il offre de donner caution, ou s'il jure qu'il ne peut donner que>sa caution juratoire, à moins qu'il ne se soit soumis à la contrainte par corps dans les actes de la cour ou dans des lettres scellées du sceau de l'abbé. On s'en rapportera, pour tout le contenu en cet article» à des arbitres et aux hommes de la ville;
3° Lorsqu'il y aura enquête on appellera les consuls, puis on donnera par écrit, au défendeur, les articles sur lesquels doit porter l'enquête ou le fait dont il est prévenu, selon qu'il s'agira d'articles ou de prévention. Si le défendeur veut répondre précisément et sous serment, on lui accordera un délai de dix jours, passé lequel délai il sera tenu de fournir ses réponses. Puis, s'il y a matière à procès, on lui donnera encore -deux délais de huit jours pour proposer ses défenses, lesquels délais passés il ne sera plus admis à les proposer.
Après cela, s'il y a lieu, il sera encore donné au défendeur trois délais successifs de quinze jours chacun, pour prouver ses défenses; lesquels délais passés, il ne sera plus admis à présenter ses preuves, à moins qu'il ne jure que le fait qu'il veut prouver est venu à sa connaissance depuis peu, ou qu'il n'a pu s'en procurer plutôt la preuve; auquel cas le nouveau délai à accorder est abandonné à l'appréciation du juge. Dans tout cela on devra toujours appeler les consuls et procéder en leur présence, ou eux dûment appelés;
4° Mesures graves. — Si quelqu'un, appelé devant la cour pour avoir fait à autrui des blessures graves, veut répondre volontairement hors la présence des consuls et avouer le fait sans serment, la cour pourra le condamner et percevoir l'amende sans appeler les consuls; si au contraire il ne veut pas répondre hors la présence des consuls, la cour devra les appeler comme pour les enquêtes; mais, cela fait, le prévenu sera tenu de jurer immédiatement, en présence des consuls, ou eux dûment appelés, sans délais et sans signification d'articles, qu'il est prêt à répondre à l'interrogatoire, à confesser le délit qu'on lui impute, ou à proposer et prouver sa défense, en présence des consuls; que si, au contraire, il niait le fait imputé, il serait procédé à l'enquête, comme en matière sommaire, les consuls appelés et présents, comme il est dit à la Paix;
5° Des contumaces. — Lorsque le prévenu se sera enfui, on fera, à Aurillac, une perquisition, suivant ce qui est dit à la première Paix; cette perquisition ne l'ayant pas fait découvrir, un sergent de l'abbé le citera en son domicile, s'il en a un, ou au lieu qu'il avait coutume d'habiter s'il n'a pas de domicile, à comparoir, à jour fixe, devant la cour. Il appellera en même temps les consuls, pour qu'ils aient à se présenter le même jour.
Après deux citations semblables, le juge ou le baile de la cour, en présence des consuls ou eux dûment appelés, fera crier dans l'auditoire par un dés sergents: — « Si tel homme est ici et qu'il comparaisse, il sera procédé avec lui comme avec présent et contre présent. '' S'il ne comparaît pas, la cour donne défaut, et le défaut est écrit sur ses registres. Après quoi le juge ordonnera aux sergents de le citer trois fois publiquement en ces termes:
« Tel homme, soupçonné de tel fait, était cité pour aujourd'hui avec sauf-conduit, » pour procéder sur ledit fait, ainsi que de droit; il n'est pas venu, la cour l'a mis » en défaut; je le cite à cette heure péremptoirement qu'il vienne, de sa personne, » tel jour, pour procéder sur ledit fait, il aura sûreté. »
Le sergent le citera en outre à son domicile, s'il en a un, ou au lieu qu'il habitait. Après quoi, toujours en présence des consuls ou eux dûment appelés, la cour ordonnera aux trompettes de publier ce premier défaut, et de le citer publiquement dans les carrefours de la ville en ces termes:
« Ecoutez ce que nous faisons savoir communément à tous, de par Mgr l'abbé et les consuls, un tel était soupçonné d'être 'l'auteur de tel crime, on le dit du » moins; il a été cité personnellement à comparoir tel jour devant la cour de Mgr l'abbé pour assister à l'instruction dudit crime, comme il est juste et raisonnable de le faire ; il n'est pas venu, ni personne pour lui avec pouvoirs suffisants; la cour l'a mis en défaut et lui a fixé tel jour pour comparoir personnellement devant elle; s'il ne vient pas, la cour prononcera contre lui, comme de raison sera. »
Il sera ainsi cité, l'on fixera jour par défaut trois fois et l'on publiera les deux autres défauts de la même manière. Après un quatrième défaut et une quatrième citation publique à son de trompes, il sera tenu pour averti et l'on procédera contre lui, comme de droit. Le délai entre chaque citation sera de quinze jours.
Toutes ces procédures préliminaires terminées, la cour, en présence des consuls ou eux dûment appelés, examinera lesdits défauts, l'instruction sommaire faite dans le principe sur le crime, et ordonnera une enquête plus solennelle, plus exacte et plus régulière. Si, d'après le résultat de cette seconde enquête, le prévenu doit être absous, la cour, après avoir ouï ou requis le conseil des consuls, prononcera l'absolution avant l'expiration de huit mois.
Si, au contraire, l'enquête emportait la peine du bannissement, la cour le prononcerait, après un an révolu, ouï où requis pareillement l'avis des consuls. La sentence, quelle qu'elle soit, sera écrite dans les registres de la cour, en présence des consuls, et publiée en ces termes dans l'auditoire:
.1° Au cas d'absolution. — « Un tel était soupçonné de tel crime, sur lequel il a été cité personnellement et péremptoirement une fois, deux fois, trois fois, quatre fois publiquement et suffisamment; la cour l'a trouvé innocent et l'a absous. »
2° Au cas de bannissement. — « Car, il n'est venu, et la cour a trouvé contre lui cause de bannissement. La cour de Mgr l'abbé le bannit donc de la ville d'Aurillac et de ses dépendances. Elle commande à tous de le tenir pour banni; qu'aucun homme n'ait l'audace de le recevoir; qui fera le contraire sera puni sans miséricorde par Mgr l'abbé; la cour le condamnera aux peines de droit et lui fera payer l'amende imposée aux receleurs de criminels et de bannis. »
Ensuite les trompettes publieront le bannissement dans les carrefours de la ville en ces termes:
« Ecoutez ce que nous faisons savoir communément à tous, de par Mgr l'abbé » et les consuls, qu'ainsi soit qu'un tel fut soupçonné de tel crime et a été cité personnellement et péremptoirement, à cause dudit crime, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, suffisamment et solennellement; il ne s'est pas présenté ni fondé de pouvoirs suffisants pour lui, et la cour a trouvé cause de bannissement » contre lui. La cour de Mgr l'abbé le bannit donc de la ville d'Aurillac et de ses » dépendances, et recommande à tous que personne n'ait l'audace de le recevoir à » Aurillac ou dans ses appartenances, qui le contraire fera sera puni par Mgr l'abbé sans aucune merci, comme receleur d'hommes criminels et bannis. »
Si cependant après l'enquête solennelle il y avait doute entre l'absolution et le bannissement, il serait sursis par la cour, toujours en présence des consuls. On statuerait seulement sur la suffisance des citations à la fin des six mois courus depuis la dernière, et, s'il ne comparaissait pas dans les six mois suivants, il serait procédé; de sorte que l'année de l'annonciation du bannissement ne commencerait qu'après l'expiration de ces six mois, et, cette année expirée, il pourrait être banni, s'il y avait lieu.
6° Des criées et publications. — Lorsque quelqu'un aura perdu ou trouvé à Aurillac un objet mobilier Ou un animal, on pourra publier, dans les rues et carrefours, sans trompettes ni instruments, ou faire publier, de la voix seulement, par les crieurs de la ville, en ces termes:
« Que celui qui a trouvé une clé de telle façon, ou un couteau, ou un âne de tel poil, etc., vienne à moi et je le récompenserai. »
Ou bien:
« Que celui qui a perdu une clé, ou un âne, ou un chaperon, etc., vienne me trouver, je le tirerai de peine. »
On pourra, de la même manière, sans permission de l'abbé ni des consuls, crier ou faire crier, de la voix seulement, les fruits, laine, poissons ou autres choses à vendre, en disant:
« Du bon vin, à 3 deniers la coupe, à la maison d'un tel, etc. »
On publiera ainsi, même avec les trompettes, pourvu qu'on ne mentionne pas le nom de l'abbé ni des consuls, les tournois, les joutes, les jeux, etc., sans en demander l'agrément à personne.
Les publications des foires et marchés, d'ouverture de nouvelles boutiques, seront faites à son de trompes, de par l’abbé et les consuls, à la requête de celui qui aura demandé leur agrément.
Au contraire, les publications des biens des mineurs, ou autres meubles et immeubles qui doivent être vendus en justice, seront faites, par un sergent de l'abbé, en l'église Notre-Dame d'Aurillac ou au monastère St-Géraud, les jours de dimanche ou de fête, en présence du peuple, en ces termes, avant qu'on en ait rien offert:
« La maison de tel homme se vend par l'autorité de la cour de Mgr l'abbé, qui la voudra acheter vienne tel jour, on la lui vendra. » Quand un prix aura été offert, on dira:
« La maison de tel homme se vend par l'autorité de la cour de Mgr l abbé, on en veut donner tant, qui voudra en donner davantage n'a qu'à venir tel jour devant ladite cour. »
On publiera de même les autres jours jusqu'à l'adjudication.
Si cependant il arrivait que l'on dût vendre des biens par l'ordre d'un souverain, alors les publications seraient faites de par l'abbé et les consuls.
7° De la montre des armes. — On publiera la revue des armes de par l'abbé et des consuls, en indiquant le lieu et le jour où elle doit être faite. Au jour et au lieu indiqués, la montre des armes sera faite à l'abbé ou à son lieutenant, et aux consuls, sans préjudice de ce qui est ordonné à cet égard dans la première Paix. Si, à cette occasion, un consul ou l'un des habitants recevait quelque mauvais traitement, l'abbé serait tenu de prendre en mains sa défense et de poursuivre la réparation du dommage, par lui-même ou par un fondé de pouvoir spécial, qui prêtera serment de défendre les habitants d'Aurillac dans les bailliages des montagnes, aux frais de l'abbé.
Pans l'étendue desdits bailliages, les habitants d'Aurillac pourvoiront eux mêmes à leur dépense personnelle; mais, hors des bailliages, l'abbé ou son fondé de pouvoir sera tenu d'y pourvoir soit au moyen des privilèges de l'abbé, soit de toute autre manière.
Ceux qui ne paraîtraient pas à la montre des armes encourront une amende qui appartiendra aux consuls, suivant l'usage et comme il est dit à la première Paix.
8° De la fabrication des draps. — Lorsque les deux prud'hommes élus chaque année pour la vérification des étoffes s'accorderont pour décider que, dans la fabrication de l'une d'elles, on a employé une matière qui n'y devait pas entrer, on portera ce drap devant la cour de l'abbé pour y procéder sur ce fait de falsification. Si au contraire les deux prud'hommes ne sont pas d'accord, on appellera le tiers juré, élu aussi chaque année. S'il reconnaît lui aussi la falsification, le drap sera porté devant la cour qui prononcera, dans les quarante jours, une condamnation ou une absolution, selon qu'elle croira devoir le faire, mais en présence des consuls ou eux dûment appelés. Cependant, si le prévenu demandait des délais, comme pour une enquête, ils lui seraient accordés. L'amende sera de 50 sols tournois pour la première faute, de 100 sols pour la seconde et de 150 pour la troisième. Pour une quatrième récidive et au-delà, le juge arbitrera lui-même la peine. De plus, le tiers du drap sera brûlé publiquement, et les deux autres tiers seront distribués aux pauvres par les consuls et le baile.
9° De ta saisie et des scellés. — La cour de l'abbé ne pourra faire de saisie, d'apposition ou de remotion de scellés qu'en présence des consuls ou de deux d'entre eux, et, s'ils ne veulent se présenter qu'en présence de deux voisins honnêtes de la ville, comme il est ordonné dans la Paix pour les perquisitions. La cour, si elle en est requise, devra donner copie de l'inventaire des biens aux amis de celui à qui ils appartiennent.
10° De la garde des biens des prévenus. — Lorsqu'il s'agira de saisir les biens d'un prévenu, on ne commettra pas un sergent pour gardien, mais la cour, en présence des consuls ou eux dûment appelés, comme pour les enquêtes, fera faire un inventaire exact des meubles, en double expédition ; elle en retiendra une et remettra l'autre au saisi ou à ses amis. On pourra, ainsi, laisser lesdits meubles où ils sont, si le saisi ou ses amis donnent caution de les représenter, ou les déposer dans la maison d'un prud'homme de la ville, qui les gardera gratuitement. Dans l'un comme dans l'autre cas, on prendra sur lesdits meubles les aliments nécessaires à la femme, aux enfants et aux domestiques du prévenu.
11° De ta dénonciation de nouvel œuvre. — Si quelque personne d'Aurillac fait dénonciation de nouvel œuvre, elle devra, avant tout, jurer, devant le juge, qu'elle n'agit ni par haine, ni par colère, ni par envie de nuire. Puis, le jour même de la dénonciation ou le lendemain au plus tard, elle proposera et exprimera, devant la cour, un motif raisonnable de dénonciation, sinon et faute de ce faire, dans ledit délai, celui qui bâtissait sera autorisé à continuer sans caution.
Si au contraire un motif raisonnable est proposé, que celui qui construisait soit tenu de suspendre ses travaux pendant huit jours, et, pendant ce second délai, le dénonçant sera tenu de prouver le motif raisonnable proposé par lui.
S'il fait cette preuve, défense sera faite de continuer, et ce qui était déjà fait sera enlevé et détruit; s'il ne la fait pas, on autorisera la continuation des ouvrages moyennant caution de les enlever au cas où il serait démontré plus tard qu'ils n'auraient pas dû être faits.
12° Des lépreux et des bigames. — Les parties s'accorderont entre elles amiablement quant à la manière de procéder contre les lépreux et les bigames. (Il y a, en effet, un traité particulier.)
13° Des rixes avec armes. — Lorsqu'un habitant d'Aurillac en attaquera un autre avec des armes sans le blesser, il en sera quitte pour perdre ses armes. Si la personne attaquée avait elle-même dégainé pour se défendre, elle ne devrait pas perdre les siennes; mais, s'il y avait doute sur l'agresseur véritable, les armes des deux parties seraient déposées ou séquestrées entre les mains d'un prud'homme de la ville, jusqu'à ce que le doute fut éclairci. On ne fera aucune instruction à cet égard, sans appeler les consuls comme pour les enquêtes.
14° Des arbitrages. — Quant aux arbitrages que les consuls ont prononcé ou prononceront dans la suite, qu'ils aient ou non reçu le serment des parties, accordé ou refusé des dommages, la cour, ajoutant pleine foi aux lettres scellées du sceau des consuls, devra ordonner leur exécution pure et simple d'office et sans épices. Si même la cause est minime, elle devra s'en rapporter au rapport oral des consuls ou de l'un d'entre eux, et en ordonner l'exécution, à moins que celui contre qui elle devra être faite ne s'y oppose pour motif raisonnable ; qu'il n'affirme, par serment, que ce motif est sincère, et que, dans les huit jours, il prouve qu'il est de telle nature que, s'il est établi, il doit empêcher l'exécution de la chose jugée.
Si la cour de l'abbé négligeait de faire droit à cet égard, le requérant pourrait s'adresser au souverain pour le prier de faire ramener l'arbitrage à exécution. Le sergent qui fera l'exécution aura un salaire convenable taxé par le juge.
L'abbé et sa cour connaîtront des affaires personnelles contre les consuls et entre eux, et feront exécuter leurs sentences, excepté dans les cas prévus et spécifiés dans la première Paix.
15° Taxe du vin. — Lorsqu'il paraîtra utile à l'abbé et aux consuls de taxer le vin, il sera taxé par l'abbé en présence des consuls et de leur consentement. S'ils ne voulaient ou ne pouvaient s'accorder à cet égard, deux prud'hommes seraient élus, l'un par l'abbé, l'autre par les consuls, et ceux-ci, après avoir prêté serment entre les mains de l'abbé en présence des consuls, feraient la taxe devant eux. Au cas où les deux prud'hommes ne pourront s'entendre, ils seront contraints à choisir un tiers qui n'appartiendra ni à la livrée, ni à la maison de l'abbé, et le tiers fera la taxe avec ou sans eux. La taxe faite, l'abbé la fera publier en présence des consuls, et dans la publication on dira : De par l'abbé et les consuls.
L'amende encourue par ceux qui n'observeront pas la taxe sera levée par l'abbé ou son représentant, et, en outre, celui qui vendra du vin au-dessus du prix taxé sera contraint de vendre à la taxe, qu'il le veuille ou non, le restant du tonneau; en cas de récidive, il perdra, de plus, une charge de vin qui sera distribuée aux pauvres par le baile et les consuls. Si quelqu'un vendait à la taxe du vin gâté ou corrompu, ce vin serait confisqué, jeté dans la rue, ou, suivant les cas, distribué aux pauvres.
16° Les revendeurs. — Personne, à l'avenir, n'achètera à Aurillac ni dans ses dépendances, ni dans un rayon d'une lieue autour de la ville, des fruits, poisson ou gibier pour les revendre lui-même ou pour les céder à des revendeurs, avant que la cloche n'ait sonné l'heure de tierce au monastère St-Géraud; ni aucune espèce de blés ou de légumes, avant que lesdits blés et légumes n'aient été portés à la Pierre qui est devant ledit monastère, et, pour l'avoine, avant qu'elle n'ait été portée ou à ladite Pierre,ou devant l'église Notre-Dame d'Aurillac, et que la cloche n'ait sonné midi. De plus, il est expressément défendu d'acheter à Aurillac ou dans un rayon d'une lieue plus d'une émine d'avoine à la fois, lorsqu'on la portera pour la vendre à la ville, si ce n'est dans un de ces deux endroits seulement. On établira des mesures fixes et poinçonnées, comme mesures légales; elles seront confiées par l'abbé, en présence des consuls, à un homme du monastère. Il y aura aussi une mesure authentique en pierre pour l'avoine devant l'église Notre-Dame d'Aurillac. Pour chaque contravention à cet article on paiera à l'abbé ou au mesureur public 18 deniers tournois.
Enfin, à la requête des consuls, ou, s'ils négligeaient de le faire, à la requête d'autres prud’hommes de la ville, on vérifiera, de temps à autre, l'exécution de tout ce dessus.
17° Forme de l'encan. — Il sera établi seulement deux crieurs publics, chargés de vendre à l'encan dans la ville les choses dont il vient d'être parlé, qui leur seraient confiées par des particuliers pour les revendre; personne autre qu'eux ne pourra vendre ainsi dans la ville les choses appartenant à autrui; cependant, tout propriétaire pourra vendre sa propre chose dans les rues, par lui-même ou par d'autres, mais sans encan. Ces crieurs publics seront nommés par Mgr l'abbé ou sa cour, en présence des consuls ou de deux d'entre eux; ils prêteront serment et donneront caution de loyalement remplir leur office.
18° Du poids. — Il sera, de plus, établi à Aurillac, par l'abbé ou son peseur, d'accord avec les consuls, certains poids grands et petits, savoir : Le quintal, le demi-quintal, le quart de quintal, la pesée, la demi-pesée, le quart de pesée, ta livre, la demi-livre, le quart de livre, le demi-quart de livre, lonce, la demi-once, le quart d'once, demi-marc, quart de marc, et autres poids connus à Aurillac. Ces poids seront poinçonnés par l'abbé et les consuls. Dans les contrats on usera de ces poids et jamais d'autres. Les contrevenants seront punis d'une amende de 18 deniers, au profit de l'abbé et du peseur; si l'on soupçonnait quelque fraude on ferait, au besoin, perquisition ou enquête, conformément à la Paix.
19° Du peseur. — L'abbé el les consuls désigneront un prud’homme qui prêtera serment à la cour de l'abbé, en présence des consuls. Il sera préposé à la garde des poids, établis comme il vient d'être dit, et ce dans une maison choisie par l'abbé et les consuls vers le centre de la ville. Toutes choses vendues au poids dans la ville, au-dessus d'un quart de quintal, devront être pesées dans ce poids public, à moins que les deux parties ne soient d'accord de s'en rapporter au poids de l'une d'elles. Les choses confiées à des conducteurs pour être exportées hors de la ville ou pour y être importées de dehors, devront aussi, lorsqu'on voudra les peser, ne l'être que dans ce poids public, par le peseur juré ou son mandataire. Le peseur recevra pour salaire un denier tournois pour chaque quintal pesé, et une maille tournois pour chaque pesée de moins d'un quintal.
Les contrevenants, aux dispositions ci-dessus, seront punis chaque fois d'une amende,de 20 sols tournois, applicable par moitié à l'abbé et aux consuls. Les profits et les dépenses du poids seront aussi partagés entre l'abbé et les consuls; dans les dépenses entreront le salaire du peseur et le loyer de la maison affectée au poids. Cependant, les consuls n'auront aucune juridiction a cet égard; la tour de l'abbé connaîtra seule des contraventions et prononcera l'amende, mais toujours en présence des consuls ou eux dûment appelés.
Deux fois l'an le baile de l'abbé vérifiera les poids en présence des consuls. En cas de prévarication du peseur, l'enquête sera faite en leur présence; la cour statuera, mais l'abbé seul aura l'amende.
20° Du ban des jardins, blés et prés. — Lorsque les consuls croiront utile de faire garder les récoltes, ils en préviendront l'abbé ou son lieutenant. Le baile de L'abbé se rendra à l'église Notre-Dame d'Aurillac, jurera, en présence du peuple assemblé, de faire loyalement cette garde, et la confiera de suite à deux sergents qui feront le même serment.
L'amende à percevoir des infracteurs du ban appartiendra au baile et à ses sergents; elle sera, pour la nuit de 10 sols tournois; pour le jour, de 18 deniers; tournois. Pour chaque grosse bête, de 3 deniers tournois; pour chaque porc, chèvre, bouc, mouton ou brebis, de 2 deniers; pour une oie, de 1 denier.
Cependant, on ne pourra rien exiger de ceux qui, avec la permission du propriétaire des biens, ou de sa femme, ou de ses enfants, entreraient dans leurs jardins, blés, terres ou vergers, et y cueilleraient quelques fruits.
De même on ne pourra rien exiger de ceux qui, appelés par un propriétaire, sa femme ou ses enfants, iraient les joindre en traversant des jardins, terres ou vergers d'autrui sans y rien cueillir. On s'en rapportera, à cet égard, au témoignage de ceux qui les auront appelés.
Seront aussi exempts d'amende ceux qu'une inondation ou autre accident sérieux aura forcés à passer chez autrui; ceux qui, en poursuivant leurs bestiaux échappés, seront contraints d'entrer dans des héritages soumis au ban, pourvu qu'ils nv prennent rien, et enfin les étrangers qui affirmeront, par serment, n'avoir pas connu le ban.
Si dans tous ces cas il s'élevait quelques difficultés et s'il y avait doute sur la perception du ban, il serait statué par le baile, en présence d'un ou de deux consuls; enfin, s'il y avait nécessité de recourir à la cour, elle statuerait, après enquête, sans délais ni dépens.
Les parties n'entendent, par tout ce dessus, préjudicier en rien ni à la juridiction de l'abbé, ni aux droits qu'ont les consuls, aux termes de la Paix, de garder les murs, les portes et les fossés de la ville, et de percevoir l'amende des délinquants.
21° De la prohibition. — Lorsqu'il sera nécessaire de défendre, pendant un certain temps, de passer avec char ou de toute autre manière dans quelque partie de la ville, cette prohibition sera faite, après avoir consulté les consuls, par le baile ou un curial de l'abbé, conjointement avec un ou deux consuls.
22° Réparation des rues. — S'il s'élève quelque difficulté au sujet de la réparation des rues et chaussées, et que le baile de l'abbé et les consuls ne puissent l'apaiser sur les lieux, la cour pourra en être saisie, à la requête des consuls ou même des notables de la ville. Elle fera, en présence des consuls, une information sommaire, et jugera sans délais et sans frais, de manière à lever tout obstacle a la réparation. Dans tous les autres cas, on se conformera à l'usage.
23° Du finement des Lauzières. — L'abbé en jouira seul depuis la mi-mars jusqu'à la fauchaison, ensuite il sera compris dans les appartenances du pré Monjol.
24° Des prés Monjol et Comtal. — Les habitants d'Aurillac pourront mener leurs troupeaux dans les prés Monjol et Comtal aussi longtemps qu'ils seront prés, depuis la fauchaison jusqu'à la mi-mars, en payant à l'abbé, pour chaque grosse bête chevaline avec ou sans poulain, 6 deniers tournois; pour chaque bœuf, ou vache avec ou sans veau, 5 deniers tournois; pour chaque bête menue, i denier, pour tout le temps ci-dessus fixé pour la dépaissance du pré.
25° Du péage des Prades. — Du consentement de l'abbé, et avec l'agrément des consuls de la ville et des habitants, Astorg d'Aurillac et ses héritiers continueront à percevoir le péage accoutumé sur les marchandises qui y sont assujetties, aux foires St-Géraud et S1e-Luce, et cela au-dessous et aux pieds de l'arbre appelé de la Prade, situé à la Prade commune des habitants de ladite ville, devant la maison de B. de Parlan, le chemin par lequel on va d'Aurillac au gué de Belmon et l'estrade Migière entre deux; ledit lieu confrontant, d'une part, avec ledit chemin, et, de l'autre, avec le chemin par lequel on va à la Maladrerie, la propriété et possession du dit terrain rcstjnt à la communauté de la ville d'Aurillac.
26° La maison commune. — Les maisons appartenant à la communauté desdits habitants qui ont appartenu à Bertrand d'Aost et sont situées devant la maison d'Avezac, lui resteront en pleine propriété, mais à la charge d'abaisser la tour qui y tient, nonobstant toutes lettres ou jugements intervenus ou à intervenir, sauf ce qui est dit à la première Paix.
27° Maison de Valetz et taitle commune. — La maison qui fut autrefois de Valetz et qui sert aujourd'hui à l'établissement de l'hôpital St-Géraud, sera franche et quitte des tailles de la ville tant qu'elle servira audit hôpital; mais, si elle était convertie à d'autres usages qu'à celui de l'hôpital et des pauvres, elle serait soumise à la taille commune.
28° Le Moulin-Neuf. — Le meunier du Moulin-Neuf joignant la porte St-Etienne, qui, par lui-même et de sa personne, desservira ledit moulin, ne sera pas soumis aux tailles que l'on imposera dans la ville, au moins pour ledit moulin; car, s'il avait en ville d'autres biens, il y serait soumis pour ceux-là.
29° Le messager du couvent. — Le couvent a, en ce moment, un messager, et pourra toujours en avoir un qui, en raison de cet office, et tant qu'il le remplira lui-même, ne sera pas imposé aux tailles de la ville.
30° Le meunier du camérier. — De même aussi le meunier du camérier, tenant le moulin du Huis inférieur sous le mas de Limagne, ne sera pas imposé aux tailles de la ville, pour raison dudit moulin ; mais seulement pour ses autres biens, s'il en a.
31° Absolution téniralt. — Tous procès, devant quelque juridiction que ce soit, demeurent éteints, et les parties renoncent respectivement à tous dommages et intérêts.
32° Des arbitrages. — Les consuls n'entraveront plus la justice de l'abbé en cherchant à s'attirer des arbitrages ; la cour de l'abbé ne cherchera plus à s'attirer la connaissance des blessures légères.
33° Nouveau serment. — Enfin, pour éviter, autant que possible, de nouvelles discussions, les officiers de l'abbé d'une part, tous les agents des consuls de l'autre, ajouteront un serment qu'ils sont tenus de prêter, qu'ils exécuteront loyalement soit la présente sentence, soit la première Paix en tous les points auxquels il n'y est pas dérogé par les présentes. Le même serment devra aussi être prêté par l'abbé actuel et par ses successeurs dans les six mois de leur retour de Rome, après quoi les consuls et les habitants prêteront, en ses mains, le serment ordonné par la première Paix.
34° Les parties se réservent expressément tout l'effet de la première Paix, sauf dans les points auxquels il est dérogé par la présente sentence, l'acceptent, la louent, la confirment, s'obligent à l'exécuter à peine de 200 marcs d'argent pour chaque contravention, payables par le contrevenant à la partie adverse, et hypothèquent, à cet effet, d'une part les biens de l'abbaye, de l'autre ceux du consulat.
35° Enfin, les parties s'obligent à faire confirmer par le roi la présente sentence, elles en jurent l'exécution et y apposent leurs sceaux.
En effet, au mois de décembre 1305 cette seconde Paix fut confirmée par le roi, et, comme elle ratifiait et approuvait la première, et obligeait l'abbé et ses officiers, les consuls et tous leurs agents à s'engager par serment a exécuter loyalement la sentence d'Eustache de Beaumarchais, j'ai eu raison de dire que nos abbés eux-mêmes avaient été réduits à reconnaître que le consulat avait une origine aussi ancienne que leur seigneurie, que ces deux institutions remontaient au moins à saint Géraud.