Document tiré du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet Edition de MDCCCLII (1852) Volume 1/5.
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L'arrondissement d'Aurillac se compose des huit cantons d'Aurillac nord et sud, de Laroquebrou, Maurs, Montsalvy, St-Cernin, St-Mamet et Vie. Il est borné au nord par l'arrondissement de Mauriac, au midi et à l'est par le département de l'Aveyron et l'arrondissement de St-Flour, et à l'ouest par le département du Lot et en partie par celui de la Corrèze. Sa population est de 96,916 habitants.
AURILLAC.
GENERALITES
Les principales rivières qui arrosent l'arrondissement d'Aurillac sont : La Jordane, la Cère, la Rance, la Celle, la Doire, l'Authre et le Goul; ses montagnes les plus élevées, le Puy-de-Griou, Girgols et Mandailles; ses forets les plus remarquables, les forêts de Marmiesse, de Conros, de Siniq, du Bousquet et de Montvert.
Placé au midi des hautes montagnes qui forment le groupe central de la chaîne cantalienne, le climat est, dans une grande partie de cet arrondissement, moins rude que dans le reste du département; mais, cette position même l'expose à de brusques changements de température et à des pluies plus fréquentes, surtout au printemps, l'automne y est généralement la plus belle saison de l'année.
Le sol n'y offre pas de moindres contrastes. Dans les flancs déchirés des hautes montagnes s'ouvrent de riants vallons qui, tantôt se resserrent en gorges étroites et profondes, hérissées de rochers, du haut desquels se précipitent de bruyantes cascades, où dont les nombreuses fissures laissent échapper de modestes sources; tantôt, s'ouvrant avec grâce, ils déploient avec orgueil leurs riches tapis de verdure. Mais, dès que les hautes montagnes, en s'abaissant graduellement, ne forment plus que des collines, le terrain basaltique et calcaire disparaît et fait place au schiste, au quartz et au granit; les pâturages deviennent maigres, les eaux infécondes, les terres froides et peu fertiles, la bruyère envahit tout ce que la main de l'homme ne lui dispute pas chaque année, les hautes tiges des arbres, excrus dans d'heureuses positions, rappellent seules le luxe de végétation de la montagne, mais on y chercherait en vain, sauf dans quelques rares oasis, et les eaux abondantes, et les plantureux pâturages, et la belle race bovine qui font la richesse de la haute montagne.
Le paysage est toujours beau cependant, il varie à chaque pas; le terrain, ondulé comme les vagues de la mer, présente partout de nouveaux points de vue. Ici un modeste clocher entouré de riants cottages, là des hameaux isolés, jetés dans les positions les plus variées, sur le haut d'une colline, aux flancs des coteaux et jusques aux fonds des précipices. De beaux arbres, tantôt groupés en masses compactes et serrées, tantôt se déployant au milieu des haies capricieuses qui dessinent sous mille figures diverses les contours des propriétés particulières, tantôt réunis en petits bouquets autour d'une roche solitaire, d'un bâtiment rustique, d'un petit moulin, d'une vieille ruine ou d'une maison nouvelle.
Il est difficile, en voyageant dans l'arrondissement d'Aurillac, de ne pas avoir toujours en vue quelqu'endroit où l'œil se repose sur un site pittoresque, un point de vue agréable, un objet d'étude, un fond de tableau.
Mais, le cœur y est souvent attristé envoyant les femmes et les enfants occupés aux travaux les plus pénibles, en remarquant les vides immenses que le manque de bras laisse dans la culture. De vastes bruyères, qu'on pourrait féconder, restent en friche, parce que, dans un grand nombre de communes, la partie la plus active de la population virile s'expatrie pour chercher au loin des ressources actuelles, égales ou supérieures peut-être à celles que la culture du sol ne lui procurerait qu'à la suite d'un travail infructueux de plusieurs années.
Cette émigration des Auvergnats est ancienne, bien ancienne. Du temps de Sidoine-Apollinaire elle avait lieu déjà. Peut-être dans ces temps reculés s'expliquait elle mieux que de nos jours, parce qu'il y avait moins de sécurité pour le laboureur, parce que l'Auvergne était encore couverte de bois, de marais et de fondrières qui laissaient peu de place à la culture, et qu'il y avait plus de nécessité de demander aux pays voisins les choses les plus nécessaires à la vie; mais, de nos jours, c'est une question grave et sérieuse que celle de savoir si l'émigration, qui fait refluer vers nos montagnes beaucoup d'argent, mais aussi beaucoup de vices, nous est plus dommageable qu'utile.
LES CANTONS
Le territoire d'Aurillac se divise en deux cantons:
1° Le canton nord d'Aurillac, borné au nord par les cantons de St-Cernin et de Salers; au midi par celui de Montsalvy; à l'est par le canton de Vie; à l'ouest par celui d'Aurillac sud. 11 se compose des communes d'Aurillac en partie, et de celles de Giou-de-Mamou, de Laroquevieille, Lascelles, Mandailles, Marmanhac, St-Cirgues-de-Jordane, St-Simon et Yolet. Sa population est de 14,720 habitants.
2° Le canton sud d'Aurillac, borné au nord par le canton de St-Cernin; au midi par ceux de St-Mamet et de Montsalvy; à l'est par le canton nord d'Aurillac; à l'ouest par celui de Laroquebrou. Il se compose de l'autre partie de la commune d'Aurillac et de celles d'Arpajon, Crandelles, Jussac, Labrousse, Naucelles, Prunet, Reilhac, St-Paul-des-Landes, Sansac-de-Marmièsse, Teissières-de-Cornet, Vezac.et Ytrac. Sa population est de 16,916 habitants.
La ville d'Aurillac est le chef-lieu du département du Cantal. — Par sa position à l'entrée d'un des vallons les plus pittoresques de nos montagnes, et en face d'une plaine riche et fertile, par la réunion à ses portes même des cinq routes les plus importantes qui traversent le Cantal, par sa population agglomérée, presqu'égale à celle des trois autres chef-lieux d'arrondissement réunis, elle occupe évidemment le premier rang parmi les villes du Cantal; c'est pourquoi nous avons cru devoir donner plus de développement à cet article qu'à ceux qui sont destinés à faire connaître des localités moins importantes.
Nous avons pensé qu'il serait utile, et tout au moins curieux, de rechercher d'abord quelle est l'origine de la ville d'Aurillac.
De faire connaître ensuite ce que nous savons de l'histoire de son abbaye, et d'ajouter à ce chapitre quelques mots sur les autres couvents, les églises et les établissements religieux qui existaient autrefois à Aurillac.
Nous parlerons ensuite des franchises municipales du Moyen-Âge, si curieuses, si larges, si bien appropriées aux besoins de tous et cependant si peu connues.
Il faudrait un cadre plus étendu que celui d'un Dictionnaire statistique pour faire connaître, même par une sèche analyse, tous les faits et les nombreux documents que nous avons recueillis sur l'histoire d'Aurillac; peut-être pourrons-nous le faire plus tard, mais, dans cet article, nous nous attacherons uniquement à ceux qui peuvent nous donner une idée de la vie intime de nos pères, du gouvernement intérieur de la cité, de la sollicitude de ses consuls pour l'accroissement de son commerce, de son industrie et du bien-être de ses habitants, et nous appellerons l'attention sur les causes qui ont miné, énervé et détruit enfin notre ancien système municipal.
Nous dirons ensuite quelques mots sur l'organisation actuelle de la ville et du département, et sur les établissements nouveaux qu'Aurillac renferme.
Tel est le plan de cet article, nécessairement écourté, parce que les documents échappés à tous les désastres qu'Aurillac a éprouvés à diverses époques sont encore très nombreux; M. Déribier n'avait pu ni les connaître, ni les consulter tous, et nous-même nous n'avons pu les dépouiller tous encore; il nous a paru cependant convenable de profiter de la publication d'un ouvrage qui est, à vrai dire, une véritable encyclopédie cantalienne, pour appeler l'attention sur les archives de la Mairie d'Aurillac, trésor non encore épuisé, grâce à Dieu, et qui mérite d'être étudié.
Refaire l'histoire perdue de son pays, signaler à la reconnaissance des enfants ceux de leurs pères à qui ils doivent les principaux avantages dont ils jouissent, arracher à l'oubli les noms de ceux de nos compatriotes qui se sont distingués par leurs vertus, leurs talents, leurs belles actions, il y a certes là de quoi tenter tout homme qui aime son pays. Mais, il faut du travail, il faut prendre beaucoup de peine, peut-être sans espoir d'achever cette œuvre laborieuse! c'est vrai : la vie de l'homme est bien courte, j'en conviens, mais est-ce une raison pour ne rien faire? Non, commençons toujours, réunissons tous les matériaux que nous pourrons nous procurer; d'autres personnes studieuses viendront après nous, leur tâche en sera plus facile, et nous aurons au moins contribué pour notre part au monument qu'elles élèveront;
Que ce qui se fait en ce moment pour M. Déribier nous encourage; il est mort à la peine, sans avoir eu la consolation de publier un ouvrage, fruit de trente ans de recherches; cent cinquante actionnaires se §ont présentés pour le publier en son nom, et de nombreux collaborateurs s'efforcent à l'envi de le compléter. Courage donc, l'Auvergne ne meurt pas et elle veut avoir son histoire.