cp

Le sermon du Griou évoque le puy Mary, le puy Griou et le Plomb du Cantal victimes des changements survenus au fil du temps ... L'invasion (toute relative) touristique et son cortège de voitures entre autres.

GriouLe Puy Griou

Le sermon du Griou

Les Puys Mary, Griou et le placide Plomb,
Sculptés par les volcans dominent le Cantal,
Sous eux les ruisselets ont creusé des vallons
Dans les pierres et rochers de leurs «piedestals».
La neige, les frimas, la pluie du vent d’autan
Ravinent peu à peu leurs rudes silhouettes.
De nature fait loi, mais fallait-il pourtant,
Que l’homme et son progrès sabotent ces athlètes.
A ces assauts humains un seul a résisté :
Le Cervin auvergnat entre Cère et Jordanne,
Seuls les escaladeurs peuvent le visiter ;
Fier de cette rigueur il donna de l’organe ;
Une nuit de grand froid, portés par le vent noir,
Les propos virulents qu’aux deux grands il adresse,
Bien plus qu’une leçon, font l’effet d’assommoir
Sur le Mary et Plomb surpris par leur rudesse :
« Toi, Mary qu’autrefois le poète auvergnat,
Vermenouze d’Ytrac, a su tirer les larmes
Aux enfants du Cantal, étameurs et bougnats,
Qui voyaient, exilés, ton chapeau de gendarme,
Quel beau symbole es-tu maintenant qu’à tes pieds
Plus de rouges salers en saison estivale,
Plus de lièvres cachés par les bergers épiés ;
A tes pieds t’as permis que les marchands s’installent,
Les autos, poux puants, dès les premiers beaux jours,
Sans vergogne, avec bruit, sur ta croupe s’agitent
Toi, matador déchu, tu poses à contre jour
Pour la postérité qu’on oubliera bien vite.
Quelle malédiction ! pour calmer les assauts,
Tu permets sous ton nez qu’un agent verbalise.
Mary t’as abdiqué, sans un mot, sans sursaut
Et dans la bourgeoisie, peu à peu, tu t’enlises.
Je te laisse Mary, maintenant mon sermon
S’adresse à toi le Plomb depuis peu touristique,
T’as foulé à tes pieds ta fierté, ton renom,
Tes flancs sont lacérés par un téléphérique
Qui permet, sans effort, que sur ton mamelon,
Les touristes hâbleurs sans gène s’agglutinent,
Pour se remplir les yeux des pics et des vallons.
Dans tes herbes foulées l’abeille ne butine
Les fleurs ont disparu, les troupeaux sont partis,
Plus de bruits de sabots sur la dalle romaine
Mais des gens bigarrés de la ville sortis
Qui pareils aux seigneurs font de toi leur domaine.
Mon discours vous déplaît car, pour les citadins,
Pour vous de bonne foi vous faites œuvre utile
En dispensant l’air pur, le bronzage du teint,
Naïfs vous ne donnez que des plaisirs futiles.
Qui sait me conquérir toujours se souviendra
Des efforts accomplis sur mon arête lisse
A l’aide du bâton par la force des bras,
Rien que la vérité nue et sans artifice,
Pour vaincre mon piton et profiter enfin
Du beau panorama qui à mes pieds s’étale,
Fait de prés et de bois, de salers aux poils fins.
L’homme n’a rien changé de mes roches ancestrales,
Je n’ai jamais permis que la pelle et le pic
Touchent mes environs, déflorent la nature;
Si l’on vient me dompter pareil au rouge aspic,
Aidé du dieu des monts, ma leçon sera dure.
Vous étiez avec moi la fierté du Cantal,
Après les animaux l’homme vous domestique,
Vous avez succombé à ses assauts fatals
Et aliéné ainsi votre beauté rustique ».
En cette nuit d’hiver bien au chaud au logis
J’entendis le Griou parler d’écologie.

Jean Baptiste Manhes

 

 

  • Fidélité (poème)

    Fidélité, c'est l'énumération des madeleines de Proust de Jean-Baptiste Manhès, tous les manques qui sont les siens depuis sa terre d'exil parisienne. gentiane bleue Fidélité A mon pays natal je... Lire la suite
  • La Cère (poème)

    Les mots riches et le style enlevé de Jean-Baptiste Manhès évoquent à merveille le combat de la rivière pour franchir un à un les obstacles semés sur son chemin par une nature toujours plus... Lire la suite
  • La fauchaison (poème)

    Avec des mots disparus du langage courant, et pour cause, ce poème décrit, avec précision et une certaine admiration pour la beauté du geste, le décor, les hommes, les outils et la récompense de... Lire la suite
  • La langue de chez nous (poème)

    Alors que la vie à l’extérieur est dominée par la langue française, l’enfant Jean-baptiste Manhès évoque la douceur des moments où se parle, ce qu’il appelle avec beaucoup de tendresse, la langue de... Lire la suite
  • La truffade (poème)

    L’incontournable truffade mise en vers par Jean-baptiste Manhès, c’est déjà un régal pour l’oreille ; l’étape suivante, c’est la réalisation du plat en suivant les étapes, pas à pas, vers après... Lire la suite
  • La truffado au buron (poème)

    Ils ont travaillé aux champs toute la journée et, malgré cela, ou à cause de cela, l’envie de se dégourdir les jambes est la plus forte et les voilà partis rendre visite aux « exilés » de la... Lire la suite
  • Le déjeuner sur l'herbe (poème)

    Dans ses poèmes, Jean-Baptiste Manhès aime à comparer les mondes, l'ancien et le nouveau. C'est le cas dans ce délicieux déjeuner sur l'herbe qu'il nous sert ici en comparant le déjeuner sur l'herbe... Lire la suite
  • Le frêne (poème)

    Réparer une injustice et réhabiliter le frêne pour ce qu'il est, tel était sans doute le but de Jean-Baptiste Manhès lorsqu'il a écrit le poème ci-dessous, le frêne. Nous vous laissons le découvrir... Lire la suite
  • Le petit chemin qui mène à la rivière (poème)

    C’est sur un petit chemin réinventé à chaque saison que l’auteur nous entraîne, avec lui défilent les couleurs du printemps, les odeurs de l’été, les cueillettes d’automne et la froidure de l’hiver,... Lire la suite
  • Le pounti (poème)

    Tout comme il l’a fait pour la truffade, Jean-Baptiste Manhès nous livre ici la recette du célèbre pounti … en vers, de quoi mettre l’eau à la bouche puis la main à la pâte. Le pounti (source :... Lire la suite
  • Le sermon du Griou (poème)

    Le sermon du Griou évoque le puy Mary, le puy Griou et le Plomb du Cantal victimes des changements survenus au fil du temps... L'invasion (toute relative) touristique et son cortège de voitures entre... Lire la suite
  • Les aigues (poème)

    En quelques mots - un tronc équarri, un ruisseau, un pont - Jean-Baptiste Manhès plante le décor ; quelques mots de plus - les copains, la fin de l’école - sonnent le temps du jeu, l'imitation des... Lire la suite
  • Les genêts (poème)

    Son retour signe celui des beaux jours, il nous réjouit de son jaune d'or, titille notre odorat, se tortille au gré du vent et surtout, il abrite mille et une vies qui dépendent de lui a  plus d'un... Lire la suite
  • Les mémés (poème)

    Autrefois, les occasions de faire la fête étaient rares, le travail passait avant tout. Faire la fête était surtout l'une des rares occasion de se séduire mutuellement et peu importait la tenue, la... Lire la suite
  • Les Sagnes (poèmes)

    Nostalgie de la prairie des Sagnes avant … avant qu'elle ne devienne une station de ski avec ses bâtiments et ses installations destinés à accueillir les amateurs des plaisirs de la neige. Prairie... Lire la suite
  • Où sont passés les bergers (poème)

    Disparition, tel pourrait être le sous-titre de ce poème qui évoque avec beaucoup de nostalgie la disparition de tout un petit monde, celui des bergers et des bergères et de leur indispensable... Lire la suite
  • Saint-Jacques des Blats (poème)

    Jean-Baptiste Manhès connait sa géographie locale, et très locale, sur le bout des doigts et la transforme en ode au pays natal, Saint-Jacques des Blats.   Saint-Jacques des Blats Pour se différencier du saint... Lire la suite
 

Pin It