Fidélité (poème)

A mon pays natal je suis resté fidèle ,
A ses serres et ses puys, des festons de dentelle
Découpés dans le ciel, en été pur et bleu,
Que les frimas d'hiver rendent plus nébuleux.
Au solide Griou, je suis resté fidèle,
Son cône rocailleux, une vraie citadelle
Qui nargue les gelées, effiloche les nues,
Accepte les humains quand l'été est venu.
A la faune des bois, je suis resté fidèle,
Aux lièvres et aux renards à la robe si belle,
Aux rapaces planant dans l'air si pur des cieux,
Aux passereaux nombreux aux chants si mélodieux.
A la flore d'ici, je suis resté fidèle,
Aux fleurettes des bois qui poussent en ribambelle,
Aux colchiques d'été, aux genêts tout en or,
A la gentiane bleue et même aux boutons d'or.
A la Cère qui court je suis resté fidèle,
A son eau fraîche et pure sautant les cascatelles
Avant de musarder dans les prades fleuries,
A l'ombre des vergnats aux branches rabougries.
Aux cloches des troupeaux, je suis resté fidèle,
Aux deux rouges salers que le bouvier attelle,
Aux gentils petits veaux qui, autour du buron,
Attendent le retour du gros pis biberon.
Au folklore auvergnat, je suis resté fidèle,
Au parler occitan, ma langue maternelle,
Aux regrets et aux chants, à l'alerte bourrée
Que le disque souvent vient me remémorer.
Aux bons plats campagnards, je suis resté fidèle,
Au pounti, au jambon à saveur naturelle,
A la grasse truffade, au riche chou farci,
Tous s'accordent si bien aux vins fins de pays.
Aux paysans des hameaux, je suis resté fidèle,
Aux bergers des troupeaux, aux gentes pastourelles.
J'ai bien dû les quitter pour l'exil à Paris
J'espère les revoir si la vie me sourit.

Jean-baptiste Manhes