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En quelques mots - un tronc équarri, un ruisseau, un pont - Jean-Baptiste Manhès plante le décor ; quelques mots de plus - les copains, la fin de l’école - sonnent le temps du jeu, l'imitation des héros scolaires, des sportifs du moment, des bâtisseurs et des gestes des grands … Nostalgie quand tu nous tiens.

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Les Aigues

Dominant la vallée, le viaduc des Bourelles
Toise de sa hauteur l'antique passerelle,
Simple tronc équarri,  jeté sur le ruisseau
Aux murmures si frais que le chant des oiseaux.
A deux pas, le vieux pont au parapet de pierre
A posé ses deux pieds sur les bords de la Cère ;
Un moulin démoli, rongé par les buissons
Cache les nids d'oiseaux à la belle saison ;
Un arpent de gazon que les genêts dévorent,
Les fleurettes au printemps, gentiment le décorent ;
Les rustiques vergnats, les racines dans l'eau,
Mirent leurs bras tordus dans l'onde du ruisseau.
Sous la pierre, à l'affût, invisible et vivace,
La truite pour calmer son appétit vorace
Se détend et jaillit un moment dans les airs,
Gobe le moucheron et à nouveau se terre.
Dans un coin isolé, sur la chaude pierraille
Dort le vilain aspic ; un pas, une sonnaille,
Le voilà en éveil et, sans le moindre bruit,
Le rapide, rampant dans les buissons s'enfuit.
Les coteaux escarpés en font une cuvette
Ne laissant peu du ciel au dessus de nos têtes ;
Dans le ciel si étroit, le vol lent des milans
Dessine dans les airs un carrousel volant.
Les Aigues, c'est ce coin, sur les bords de la Cère
Où avec les copains quand nous savions que faire,
La clé des champs au cou, dès l'école finie,
Nous prenions possession pour des jeux infinis.
C'est là que j'ai joué pendant toute l'enfance,
Des amis et des jeux, j'en ai la souvenance.
En ces temps, pour dicter nos fols amusements
Nous n'avions pas besoin des idées de l'écran !
Nous étions tour à tour, au vert pays arverne
Le dernier Mohican ou l'homme des cavernes,
Mousquetaires bretteurs à l'aide de bâtons,
Montreur d'ours, au printemps, avec des hannetons ;
A l'époque du tour, frappant sur nos cerceaux
Nous jouions les Vietto, les Magne, les Archambaud.
Pour imiter les grands, constructeurs de barrages,
Nous charrions les cailloux, les pierres avec courage ;
Un noisetier bien droit travaillé au couteau,
Posé sur deux cailloux au milieu du ruisseau
Qui tournait sous les eaux, c'était notre turbine ;
Nous étions très fiers de notre belle usine ;
Les fils qui en partaient, avec naïveté
Nous pensions qu'ils portaient de l'électricité.
Nous nous baignions tout nus en gardant les galoches
Pour éviter aux pieds les outrages des roches;
Sur les berges, au soleil, étendus bien en long,
En séchant nous mangions les fruits de la saison.
C'est aussi dans ce coin, qu'isolés, en cachette
Nous tirions goulûment la forte cigarette ;
Une fois au ruisseau, la bouche bien rincée
L'odeur disparaissait, mais non point la nausée.
Les Aigues sont restées, sur les bords de la Cère,
Comme hier, le chemin qui mène à la Verrière,
Les ronces et les genêts dévalant du coteau
Viennent baigner leurs pieds dans l'onde du ruisseau ;
La truite se fait rare mais l'aspic prolifère,
Les jeux ont disparu le long de la rivière ;
A la belle saison, assis sur un pliant,
Les pieds dans le ruisseau, se dore l'estivant.

Jean-baptiste Manhes

 

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