Sur le bord du chemin, à l'ombre du feuillage, A deux pas de l'auto, vil objet d'esclavage, Sur le sol étalée, table de pique nique La nappe de papier croule sous les plastiques ; Sous cet écran tout blanc que l'oiseau curieux toise, Les rayons du soleil font des ombres chinoises. Assiettes et gobelets, disposés de guingois Dressent sur le gazon la table au coin d'un bois. Autour, heureux et gais, en tenue estivale Hommes, femmes et enfants, en désordre, s'installent Pour savourer enfin, en plein air, au soleil, Le menu conservé au froid artificiel. Saucisson et poulet, tout sort de la glacière, On ne met plus au frais le vin dans la rivière. Ces repas en plein air, pique niqueurs d'été Que la guêpe effarouche, avant vous existaient. Assis sur le talus, il était seul convive Le berger du troupeau, toujours sur le qui-vive ; Il partageait son pain, son fromage et son lard Avec son chien fidèle, à l'ombre des feuillards; Pour apaiser sa soif, bien vite, au pas de course, Il allait se rincer à la limpide source. A l'époque des foins, c'était au coin du pré Que l'accorte servante déballait le panier, Et les faucheurs repus, par le rude travail Bien assis, savouraient boissons et victuailles. Point d'assiette en carton, le lard et le jambon Sur le pouce coupés, cré nom que c'était bon, Et la douce fraîcheur, pareille à la cascade De la gourde de vin bu à la régalade ! Pas de lunettes noires pour protéger les yeux Mais le chapeau de paille pour estomper des cieux Les rayons du soleil, pendant la méridienne Réparatrice, avant que le travail reprenne. Dans ces agrestes coins, après ces courts repas, Il ne restait jamais ni os, ni papiers gras. Pique niqueurs d'été, épris de la nature Qui sur l'herbe venez, laissez-la verte et pure, Sans vergogne imitez les paysans indigènes Et sachez qu'un plaisir vaut bien un peu de gêne.
Jean Baptiste Manhes
|