La langue de chez nous (poème)

La langue de chez nous sonore comme un roc
A tort dite patois alors que langue d'oc
Bien avant le français a bercé mon enfance,
Je la parle toujours rempli de déférence.
Ligoté au berceau, sous les yeux vigilants
De l'aïeule au rouet qui calmait mes élans
En chantant le som som , cette antique berceuse
En langue de chez nous, oh ! combien mélodieuse.
Premiers cris, premiers pas, premiers pleurs et bobos
Que console Maman, en langue d'oc c'est beau.
Avec les cinq années vient le temps de l'école
Où le maître au français donne le monopole.
La classe terminée, le soir à la maison
En langue de chez nous on parle des leçons.
L'enfance vite part, voici les amourettes
Le long des chemins creux fleurant bon les violettes
Cré nom qu'ils étaient doux, les innocents poutous
Scellant les beaux serments en langue de chez nous.
Quand sonnent les vingt ans, adieu terre natale
Sans langue de chez nous, dure épreuve morale
Qu'atténue il est vrai le familial colis
De choses de chez nous toujours aussi jolies.
Vouloir vivre au pays ce n'est guère possible
A la ferme et aux champs peu d'emplois disponibles
Et l'homme de chez nous pour les grandes cités
S'exile avec regret et perd la liberté,
Ouvriers ou patrons, tenanciers de commerce
En langue de chez nous entre eux toujours conversent.
Quand la retraite vient, de retour au pays
Exilés et paysans au soleil de midi
En langue de chez nous égrènent leurs passés
Fruits de beaux souvenirs si souvent ressassés.
Et pour l'ultime adieu, au mort ses amis disent

Jean-baptiste Manhes