Les Sagnes (poèmes)

C'était une oasis au cœur de la forêt
L'eau partout ruisselait, sève de la nature
Dispensant aux troupeaux une riche verdure.
Les hêtres et les sapins, tout l'horizon barraient
Sur la route du Plomb, ce petit coin charmant
Ultime reposoir dans l'agreste campagne,
Le promeneur l'aimait cette prairie des Sagnes
Où avant l'ascension, il soufflait un moment.
Le buron démoli cachait des nids d'oiseaux
Sous les arbres et genêts poussaient cèpes et girolles,
La gentiane abondait et les fraîches corolles
Des fleurettes des bois décoraient ce berceau.
Les lièvres se cachaient de l’œil de l'épervier,
C'était un paradis pour les gens et les bêtes
Au soleil de l'été, même dans les tempêtes
Qui remuent les écirs aux frimas de janvier.
Quel démon a poussé les hommes de progrès
Pour l'argent, le plaisir et des joies égoïstes,
Reniant leurs discours de vrais écologistes,
Pour aux Sagnes donner cette froideur de grès.
Mais pourquoi cette tour piquée dans la prairie !
Plus haut que les sapins est son dernier étage
Laideur de la verrue sur un gracieux visage
La tour et la forêt jamais ne se marient.
Qui comblera un jour les affreuses saignées
Où les jolis sapins ont dû laisser la place
Aux rigides poteaux, aux fils qui s'entrelacent
Tissant sous le Baguet la toile d'araignée.
Pour vaincre le Cantal on offre le confort
A deux pas du parking se trouve la cabine,
Comme dans le métro, l'homme s'emmagasine,
L'escalade se fait, sans fournir un effort.
Jadis les feux follets, racontaient nos aïeux
Courraient dans la prairie les nuits de pleine lune,
Aujourd'hui ce n'est plus. Les néons qui s'allument
Jusqu'à l'orée du bois, chassent les coins ombreux.
Fallait-il dans ce lieu user du bulldozer
Ou aux Sagnes laisser leur beauté ancestrale
Pour offrir aux humains la station familiale
Sans donner au Lioran le surnom de Super.

Jean-Baptiste Manhès