En parcourant les routes du département, vous pourrez découvrir les différents toits du Cantal. Voici leur histoire. Jusqu’au XIXe siècle les grands axes routiers ne passaient pas au cœur des massifs et les gens vivaient souvent en autarcie dans les vallées isolées. Pratiquement partout était cultivé le seigle, les terres étant trop pauvres pour la culture de l’avoine. Le grain de seigle servait à faire du pain et la paille était utilisée, depuis la période des gaulois, pour couvrir les toits.
1. Les toits de chaume
Les avantages du chaume étaient multiples : gratuit, cultivé sur place, abondant, léger, très isolante, facile à poser et à réparer par les paysans eux-mêmes. Il constituait une réserve de foin pour le bétail en cas de famine. Vers le milieu du XIXe siècle la moitié des maisons du Cantal étaient encore couvertes de chaume.
La disparition des toits en chaume est due en partie aux changements agricoles. A partir de 1850, les cultures de céréales traditionnelles étaient abandonnées progressivement en faveur de l’élevage des hauts plateaux ce qui entraînait la rarification de la paille. En plus, le remplacement de la faucille par la batteuse mécanique, qui cassait les tiges, a sonné le glas des toits de chaume.
Mais la raison principale était le risque d’incendies qui pouvaient détruire des villages complets en se propageant de toit en toit : le 2 octobre 1884, 57 maisons sur 72 partent en fumée à Montgreleix.
Les dégâts étaient tellement grands que les assurances refusaient d’assurer des maisons avec une toiture en chaume. Vers la fin du XIXe siècle les chaumières étaient interdits dans la plupart des communes en Auvergne par des arrêtés municipaux.
En plus, changer sa toiture était aussi une question de prestige. Le chaume étant considéré comme la couverture du pauvre, dès que les habitants avaient les moyens de le changer en pierre, ils le faisaient sans hésiter. La paille a enfin cédé sa place à la lauze, l’ardoise, la tôle et la tuile, selon les époques et les endroits.
Réalisation actuelle
Les toits en chaume était très léger et les charpentes pas assez solides pour supporter les lauzes sans remplacement des poutres. Ceux qui ne voulaient pas changer la charpente utilisaient la tôle qui était aussi légère que le chaume. On reconnait encore ces bâtiments qui ont toujours l’escalier en pierre sur le côté du toit ce qui permettait de faire facilement les réparations.
2. Les toits de lauzes
Le mot lauze n’indique pas un matériau mais à une fonction.
La lauze est une pierre plate de schiste, calcaire, basalte ou gneiss et dans le Cantal également de phonolite, d’amphibolite ou d’ordanchyte, toutes des pierres qui se débitent en dalles plus ou moins épaisses. Elle est obtenue généralement par clivage et utilisée principalement pour les toitures et les dallages. La récupération se fait souvent au bas des éboulis ou dans des carrières occasionnelles, à ciel ouvertes. Symboles de l’architecture typique des villages de montagne. La plupart des habitations portaient une couverture soignée, chaque pierre étant taillée comme une pièce d’un puzzle pour s’adapter à ses voisines. Les lauzes pour les toits étaient taillées en forme d’une « tête de bélier, avec 2 encoches en haut. Elles se recouvraient comme les écailles d’un poisson, la taille décroissant de l’égout jusqu’au faîtage. Les pierres de la première rangée en bas et sur les côtés avaient une forme rectangulaire.
La taille d’une lauze peut aller jusqu’à 80 cm de large pour 2 à 4 cm d’épaisseur. Le poids est énorme : pour une moyenne de 20 tonnes pour une toiture. Cela nécessite une forte charpente très solide, souvent on utilisait des troncs entiers en tant que poutres ou, dans les burons, des voûtes en pierre pour supporter ce poids.
La pose se faisait à la cheville en bois dur et résistant (châtaignier ou buis), qui traversait la volige, ou par un clou. Les bâtiments annexes (caves, fours, moulins etc) et les burons étaient souvent couverts de dalles grossières, posée à l’aide de glaise sur le hourdis d’une voute.
Les lauzes ont pour avantage d’offrir une grande résistance aux intempéries, aux incendies et une grande longévité, mais ne protègent pas du froid. En plus, la pose demande un grand savoir-faire pour obtenir une toiture étanche et son relief rustique ne lui permet pas d’habiller des toits aux formes variées.
La phonolite a été utilisée dans de grandes parties du Cantal pour la fabrication de lauzes. C’est une roche magmatique volcanique qui a formé des dômes et des coulées courtes, il y a 6 à 8 millions d’années. Elle se caractérise par un son clair quand on frappe une dalle, ce qui a donné le nom à la roche : phonos (son)+lithos (pierre). La plupart des carrières de lauzes se trouvaient au nord du Cantal, vers Menet, mais d’autres sommets sont également constitués de cette roche : le Puy Griou, le Griounou, le Roc d’Hozières, la Roche Taillade, etc. Actuellement les carrières de phonolites sont toutes fermées.
toit en phonolite
A Dienne, une bonne partie des toits en lauzes sont en trachyandésite à Haüyne ou ordanchyte, une roche magmatique volcanique assez rare. Une carrière de cette pierre a été exploité à Entremont pendant des dizaines d’années depuis la deuxième moitié du XIXe siècle mais est aujourd’hui fermée depuis longtemps.
L’amphibolite est une roche métamorphique qui s’est formé il y a 300 à 400 millions d’années à des températures et des pressions très hautes. L’alignement des minéraux en strates causé par cette pression, permettent le clivage en dalles, comme celles utilisées sur l’église de Menet. Les carrières se trouvent en dehors du volcan du Cantal, la roche s’étant formée longtemps avant le début de l’activité volcanique.
Le schiste est une roche feuilletée, sédimentaire ou métamorphique, qui se débite en plaques plus ou moins fines. Les lauzes de schiste utilisées dans le Cantal viennent du sud du Massif Central pour remplacer la phonolite qui n’est plus exploitée, comme sur la salle de fêtes à Dienne. La lauze est la fleur du schiste, là où il affleure. Le soleil, la pluie et les différences de températures la métamorphosent.
Aujourd’hui, les lauzières françaises sont quasiment toutes fermées et les lauzes remplacées par des matériaux plus légers et moins compliqués et couteux en pose.
3. les toits d’ardoises
L’ardoise se trouve dans des veines les plus profondes et s’exploite en carrières souvent souterraines. Le fendage en fines dalles de 3 à 9 mm se fait très vite après la sortie de la carrière parce que dès que le bloc a séché, on n’en ferait plus qu’un moellon ! Son industrie est coûteuse vu qu’elle exige une main d’œuvre nombreuse et qualifiée. A cause de sa finesse et sa légèreté elle est bien adapté à des formes de toits différents.
L’ardoise est utilisée abondamment depuis le XIIe siècle pour couvrir des toits de la France et de l’Allemagne. La durée de vie d’une ardoise est de 70 ans à 300 ans.
La pose se fait par des clous à la tête très large (en fer qui peut être galvanisé, acier inoxydable ou cuivre) ou des crochets sur une charpente plus légère que pour les lauzes. Le couvreur tient le clou qu’il plante entre l’index et le majeur, la paume tournée vers le ciel.
La ligne ferroviaires Bort-les-Orgues–Neussargues a ouvert en 1907, ouvrant le massif cantalien vers la Corrèze où la tradition ardoisière remonte au XVIe siècle. L’ardoise de Corrèze (Travassac et Allassac) bénéficie d’une réputation de qualité sans égale due à sa structure géologique. Elle se différencie notamment par son apparence relativement épaisse (pouvant aller jusqu’à 9 mm), sa légère irrégularité et sa couleur gris-bleutée.
Ardoise bleue
Au début du XXe siècle, beaucoup de lauzes sont remplacées par des ardoises parce qu’elles sont plus légères, plus facile à manipuler, tailler et poser que les lauzes. Souvent on garde le bas du toit en lauzes, là où elles sont posées sur le mur et où leur poids ne gêne pas la charpente. Le coût d’un changement de couverture ne freine pas les plus aisés et un toit en ardoises devient vite un signe de prospérité, accélérant les remplacements.
* * *