Dans 506 agglomérations du Cantal, aux XIXème et XXème siècles, des écoles publiques ont été créées ; pour qu'elles puissent accomplir leur mission, dans 471 de ces localités des "maisons d'école" (1) spécifiques ont été construites.
Le pic des constructions se situe entre 1880 et 1890 suite :
- à la loi de 1878 qui incitait concrètement les communes à bâtir, les menaçant parfois, quand il s'agissait du chef-lieu de commune, d'une construction d'office,
- à la loi de 1881 qui établissait la gratuité de l'enseignement et
- à celle de 1882 qui instituait l'obligation scolaire de 6 à 13 ans et la laïcité de l'école.
Ces constructions étaient financées par des subventions nationales qu'on appelait alors des secours lesquels se rapprochaient parfois de 80% de la dépense, par quelques éventuels fonds communaux d'origines diverses et par un emprunt, généralement sur 30 ans.
Certaines communes se lançaient à fond et construisaient trois voire quatre maisons d'école en même temps !
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Dans 35 hameaux, l'école a fonctionné, pendant plusieurs dizaines d'années parfois, dans une maison louée à cet effet par la commune qui n'a jamais construit de bâtiment spécifique. Certaines de ces maisons sont encore debout :
Dans quatre hameaux, au moins, elles ont été construites par les parents eux-mêmes et plus tard, rachetées par les communes
Dans quelques cas, la commune a édifié son école à partir d'un bâtiment qu'elle a acheté puis "approprié" à cette fin.
Mais, ces maisons édifiées de A à Z par les communes, à quoi ressemblaient - ressemblent-elles ?
A noter, tout d'abord, que les administrations, académique ou préfectorale, n'ont jamais proposé, encore moins imposé, un plan type. Elles indiquaient quelques normes et se contentaient d'étudier rigoureusement la pertinence du plan proposé par un architecte privé choisi par le conseil municipal.
Toutefois, elles surveillaient la qualité des réalisations ; les bâtiments étaient "reçus" et les "secours" versés quand l'ingénieur des bâtiments scolaires avait donné son feu vert. Longtemps ce fut un M. Quillon qui n'avait pas son pareil pour détecter que le mortier contenait ¾ de sable pour ¼ de chaux alors que la préconisation était 1/3 et 2/3, que le sable était terreux ou que telle pièce de bois était en sapin alors qu'elle était prévue en chêne, etc.
L'école était souvent au cœur du village, mais parfois elle était située vraiment à l'écart ; c'était au gré des terrains disponibles et non la conséquence d'une volonté d'éloignement.
Par contre, l'administration veillait à ce qu'elle fût à une certaine distance du cimetière !
L'obsession de la séparation des sexes amenait parfois à des extrémités comme le montre le plan ci-dessous : deux cours avec latrines - deux entrées - deux vestibules - salle de classe séparée en deux par une cloison de 1,40 m de hauteur qui s'interrompait seulement à l'estrade.
Évacuons un cas spécial : une école au moins a été édifiée contre la volonté de la municipalité, par les soins de la préfecture, au moyen de l'inscription d'office de la dépense au budget de la commune ; deux villages constituaient l'essentiel de cette commune, le village R en était le chef lieu mais la majorité des conseillers étaient du village V, ils refusaient de construire une maison d'école dans le village R et demandaient même la suppression de celle qui y fonctionnait dans une maison louée.
Plusieurs dizaines d'écoles de hameau ont été construites en rez-de-chaussée
Dans certains cas, ce rez-de-chaussée était complété et agrémenté d'une fenêtre, donc d'une pièce, à l'étage.
C'est aussi dans une catégorie à part qu'il faut ranger quelques écoles composées de deux bâtiments à angle droit, l'un plus petit que l'autre.
On entend souvent dire : "toutes les écoles se ressemblent". C'est évidemment faux mais cela part d'une observation incontestable : un assez grand nombre d'entr'elles - 200 environ - sont de même type : la salle de classe au rez-de-chaussée, le logement de la maîtresse (2) à l'étage ; ce sont des écoles de hameau ou de chef lieu de petites communes. Mais des différences architecturales, parfois importantes, les distinguent.
Les fenêtres
■ Ce type d'école comportait généralement 2 fenêtres au rez de chaussée pour la classe et 3 à l'étage pour le logement :
ou respectivement 3 et 4, parfois 3 et 5 :
Les toitures :
■ Toit à 2 pans simples :
Toit à 2 pans plus ou moins coupés :
Toit à 4 pans :
Elles se distinguaient aussi par la position de l'entrée ou des entrées :
■ Entrée au milieu de la façade :
Entrée sur un côté de la façade :
■ Entrée sur les 2 côtés de la façade :
Elles se distinguent par la présence d'un triangle "républicain"
■ généralement percé d'un œil de bœuf :
■ équipé et orné d'une horloge :
Au chef lieu de la commune, on construisait généralement une école pour les filles et une pour les garçons
■ Elles étaient parfois distinctes, édifiées sur des lieux séparés par une certaine distance :
Mais, souvent, on construisait des "écoles doubles" : un seul bâtiment, filles d'un côté, garçons de l'autre
■ Deux entrées distinctes au milieu :
■ Deux entrées distinctes sur les côtés de la façade :
■ Deux entrées distinctes sur les murs latéraux :
■ Dans ces écoles doubles, y avait alors deux cours distinctes séparées par un mur qui a généralement été rasé au moment de la mixité, autour de 1933, mais qui subsiste parfois :
■ Parfois, entre les deux, il y avait la mairie intercalée, au rez-de-chaussée ou à l'étage :
■ Souvent, dans ces écoles doubles, au milieu, à l'endroit des portes il y avait une avancée qui rompait la monotonie d'une façade trop linéaire :
■ Ici ou là, on construisait une seconde maison plus grande, plus moderne parce que la première avait été appelée à disparaître :
Les préaux :
■ Les préaux n'étaient pas toujours construits en même temps que l'école ; il fallait parfois attendre plusieurs dizaines d'années ; dans les écoles doubles il y en avait évidemment un de chaque côté.
Dans les écoles à une seule classe, ils étaient souvent sommaires et le sol était en terre battue ! Témoins de l'imagination des architectes, ils étaient parfois conçus pour servir de protection au pignon de l'école contre les vents pluvieux d'ouest
Les détails :
■ Rarement, une sculpture ornait la façade :
■ Quelques écoles présentaient un détail architectural original :
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Au hasard, quelques illustrations
du riche patrimoine communal scolaire du département
Dans 471 localités, les municipalités ont donc construit au moins une maison d'école ; dans 131 localités seulement, ces bâtiments sont toujours dédiés à leur vocation initiale !
Que sont devenues ces - au moins - 340 maisons d'école qui ne sont plus consacrées à l'instruction des enfants ?
La quasi-totalité d'entr'elles sont debout ; conservées par la commune, elles ont été aménagées de la manière suivante : la salle de classe est devenue une salle de réunions ou de rencontres, l'appartement rénové est loué ; vendues, elles ont subi des transformations, des améliorations et, résidences principales ou résidences secondaires, elles ont parfois belle allure !
Il va de soi que ce petit montage souffre de multiples imperfections aussi, accueillerai-je avec reconnaissance les corrections et les compléments que les lecteurs voudront bien me communiquer.
Pierre Amiral (18 novembre 2018)
(1) A la campagne notamment, on parlait de la "maison d'école" plutôt que de "l'école". La raison de cette formulation réside très vraisemblablement dans le fait que le bail type, passé entre un particulier et la municipalité pour la location d'un bâtiment pouvant abriter l'école qui venait d'être administrativement créée, stipulait dans son article trois : "le bailleur s'engage à faire peindre sur le bâtiment loué l'inscription "maison d'école".
(2) Les écoles de hameau étaient la plupart du temps mixtes et tenues, obligatoirement, par une maîtresse. Pour qu'elles soient confiées à un maître, il fallait une dérogation qui était loin d'être automatique. Parfois aussi, on créait une "école de filles autorisée à recevoir des garçons".
Notes :
Le choix de la photo illustrant tel ou tel aspect de ces bâtiments résulte, le plus souvent, du hasard et de la facilité.
La quasi-totalité des photos en noir et blanc sont de Christiane Quiers, celles en couleurs sont de ma responsabilité étant bien entendu que je peux reprendre à mon compte la fameuse formule de Jacques Prévert qui aimait à dire : "Il m'arrive souvent de conjuguer le verbe photographier à l'imparfait de l'objectif !"