La grange-étable est un des incontournables du Cantal. Tantôt accolée à l’habitation (Cézallier, Planèze ou Margeride) ou perpendiculaire (Aubrac), tantôt indépendante (Xaintrie, Châtaigneraie ou bassin d’Aurillac), elle est la partie essentielle de la ferme dont la fonction était d’accueillir les bovins au rez-de-chaussée pendant l’hiver qui, en ce temps-là, était rude et long et à stocker le foin récolté à la belle saison à l’étage supérieur auquel on accédait par une « montada » (ou levade) suffisamment large pour laisser le passage aux charrettes.
Erigées en un temps où la campagne et l’économie rurale étaient prépondérantes, les granges ont été supplantées et délaissées au cours du XXème siècle par et pour des bâtiments d’exploitation plus modernes, plus fonctionnels et sans spécificités architecturales. Ici et là, certaines font de la résistance et jouent encore pleinement leur rôle.
Construite pour répondre à des besoins précis
Conçue pour répondre aux besoins des hommes et des bêtes en fonction de la géographie, elle fait généralement corps avec l’habitation dans l’est cantalien où les conditions climatiques étaient particulièrement rudes, tandis qu’elle est séparée des autres bâtiments dans l’ouest du département, à la météorologie plus clémente. Sa taille et la qualité des matériaux utilisés témoignaient non seulement de l’importance de l’exploitation mais également de celle accordée au cheptel, principale richesse du paysan.
La grange-étable
Nous nous intéresserons ici à celle qui, à nos yeux, est la plus emblématique du département, il s'agit de la grange-étable, vaste bâtisse à deux niveaux, dissociée des autres bâtiments de la ferme (étable en rez-de-chaussée et fenil sous les combles) pouvant aller jusqu’à 80 mètres de long pour 8 à10 mètres de largeur.
Deux, et parfois trois, fonctions pour un seul bâtiment
Son implantation est étroitement liée au relief de telle façon que chaque niveau soit accessible de plain-pied. L’intérêt de construire la grange sur un terrain en pente dominant la prairie était l’évacuation et la dispersion plus facile du purin voué à enrichir les près adjacents. Adossée à la pente du terrain, la grange se retrouvait semi-enterrée ce qui l’isolait du froid durant les longs mois d’hiver. Si le terrain n’offrait pas la déclivité nécessaire, l’accès au fenil se faisait par une rampe artificielle, appelée “montade” ou “levade.” En vis-à-vis de la porte charretière se trouvait une porte donnant dans le vide destinée à créer un courant d’air quand on battait le grain sur l’aire charretière. Le toit était conçu à deux pentes symétriques, le faîtage dans sa longueur, à pignons droits ou à demi-croupes (ou « courpous »), des fenestrous d’aération en mur gouttereau au sud.
Un chef-d’œuvre de pierres
L’étable : elle occupe tout le rez-de-chaussée, on y accède côté pignon par une porte à deux vantaux en bois plein, dotée d’un portillon dans sa partie supérieure permettant de clore l’étable tout en laissant une bonne aération durant les journées d’hiver. Cette porte est surmontée d’un encadrement en pierre de taille avec arc appareillé pour le linteau ou simplement en bois. Les vaches sont disposées de part et d’autre d’un couloir central. Au fond, un local est réservé aux veaux et à chaque traite ils sont appelés près de leur mère. N’oublions pas que la Salers ne donne son lait que si la traite a été amorcée par son veau.
La grange : située sur le mur gouttereau, l’entrée de la grange, appelée porte charretière, peut être encadrée de contreforts mais elle est plus souvent composée d’un véritable porche, sorte de pavillon à lui tout seul, surmonté d’un toit à une ou plusieurs pentes, formant un clocheton très aigu qui abrite souvent un pigeonnier. Ce porche pouvait être utilisé comme potence par le paysan pour y dépecer, par exemple, une bête accidentée.
Le pigeonnier : il était souvent construit à l'écart des habitations afin d'éviter les dégradations, la grange dissociée du reste de l'exploitation est donc idéale et en hauteur afin d'être vu de loin, donc au sommet du porche ou du clocheton, ces derniers étant opportunément exposés en mur gouttereau, à l'abri des vents. Il faut avoir à l'esprit que l'élevage de pigeons constituait à la fois un complément alimentaire et un excellent pourvoyeur d’engrais grâce à la colombine (fiente de pigeon).
Quel avenir pour la grange-étable ?
Menacées, quand elles n’ont pas disparu, par le temps qui passe et par le manque d’entretien, peu ou pas protégées, les granges-étables sont pourtant porteuses d’une mémoire collective, d’un savoir-faire et d’une identité régionale très forte. A ce titre, elles mériteraient une meilleure promotion de leur diversité et la prise de mesures en vue de leur sauvegarde.
Certaines municipalités ont fait le choix de restaurer une grange au coeur du bourg et d'y installer l'hôtel de ville, c'est la cas à Ytrac et à Sansac de Marmiesse (également siège de Cantalpassion) ou la médiathèque à Saint-Paul des Landes.
Le saviez-vous ? La plus ancienne grange encore debout dans le Cantal serait celle de Bélières (Saint-Cernin), si l’on en croit la double inscription sur le linteau du porche, elle date de 1595. Le chaume de la toiture a été remplacé en 1939 par de la tôle ce qui semble bien l’avoir sauvé. Bien que plus récente (1707), celle de la Borie-Haute (Aurillac) a eu moins de chance, depuis la vente de ses lauzes au poids, elle se dégrade à la vitesse de l’éclair.
Sources :
- Maisons paysages et vie traditionnelle en Auvergne de Jean-Philippe Breuille, éditions CRÉER (01/10/2000)
- Association Cézallier Vallée de Sianne
- Pigeonniers de France