En plus de ses 47 années d’activité professionnelle, Jo Vidal a donné une grande partie de son temps au service d’organisations syndicales, sociales et politiques.
Texte de Jean Claude Champeil extraites de son livre "Des Vies Cantaliennes"
Le militant
L’enfance et l'entrée dans le monde du travail.
Le 19 avril 1918 Joseph Vidal naît à Aurillac. Il est le 5e d’une fratrie de sept enfants. En ce temps où aucune aide n’était apportée aux familles nombreuses, et malgré le salaire du père imprimeur, secrétaire du syndicat du livre et anticlérical, il dit : « nous étions pauvres ». Gardé, comme d’autres bons élèves, à l’école primaire par l’instituteur qui obtenait ainsi d’excellents résultats au certificat d’études, il obtient ce diplôme à 12 ans. Trop jeune pour entrer à la SNCF, il devient coursier pour le magasin Conchon Quinette. Il apporte les vêtements à ajuster aux retoucheuses travaillant à leur domicile. Il parcourt ainsi la ville de 7 h 30 à 12h 15 et de 13 h 30 à 19 h 15, tous les jours, même le dimanche matin. A 14 ans il est embauché dans l’imprimerie du « Cantal Républicain » comme apprenti typographe. Au cours de sa troisième année d’apprentissage, il s’initie, de vingt heures à vingt trois heures, à l’insu du patron, à l’utilisation de la linotype qui a révolutionné l’imprimerie. Il est engagé comme linotypiste à l’âge de 18 ans. « On travaillait en poste de 6 h à 13 h ou de 13 h à 20 h » se souvient-il. « Un instituteur gagnait alors 700 F et moi 1 200 à 1 500 F par mois selon les heures supplémentaires ».
En 1936, alors que la semaine de 40 heures. L’adolescent écrit un jour « catastrofe », ce qui lui vaut à la fois les réprimandes de son patron et les quolibets des ouvriers. Regrettant de n’avoir pu poursuivre ses études, il décide de revenir chaque samedi après midi suivre des cours à son ancienne école. Il passe ensuite aux cours du soir puis, aux cours par correspondance qui viennent d’être organisés par la CGT.
Service militaire, guerre, mariage, résistance
Ayant suivi la préparation militaire Air proposée par l’aéroclub, en octobre 1938, Jo Vidal part pour son service militaire à Toulouse, comme aide mécanicien à la 23e escadre aérienne. Mobilisé, il se retrouve à Istres avec son régiment. Il se souvient : « Les avions étaient vieux et en mauvais état. Cinq, ne pouvant décoller, se sont crashés le même jour ». Une bronchite contractée lors du froid hiver 1939-40, mal soignée, devient chronique, lui ôtant définitivement les deux tiers de sa capacité pulmonaire. Il est démobilisé en août 1940. Il trouve un travail occasionnel « à coups de main » comme typo à l’imprimerie Bonis, alors située derrière la mairie. Un samedi il entend « on ne peut pas vous garder ». Son mariage avec Marie Léone Millaret, qui lui donnera deux enfants, six petits enfants et deux arrière petits enfants, est prévu le lundi suivant, 14 octobre 1941. Le jeune marié se retrouve chômeur. Il va effectuer quelques heures chaque semaine comme linotypiste et typo à l’imprimerie Beaufrère. Il y est embauché jusqu’à la Libération. Dès 1942, Jo Vidal fait partie de la sizaine de l’imprimerie. Ces groupes de résistants ne dépassaient pas six pour préserver le secret. Ils impriment les tracts avec des éléments composés dans plusieurs imprimeries pour éviter la reconnaissance des lettres par la milice et la police allemande.
Militantisme syndical, politique, social …
Tout au long de sa vie, comme encore aujourd’hui à presque 90 ans, Jo Vidal a donné son temps pour mettre en application ses idées d’égalité, de justice et de laïcité. Le militant syndical, secrétaire adjoint du syndicat du livre à 18 ans, co responsable du même syndicat clandestin de 1940 à 1944, a aussi été secrétaire permanent de l’UD CGT et secrétaire général du Livre du cantal de 1945 à 1954. Il évoque la douloureuse scission de 1947 le conduisant à devenir membre de la commission exécutive Force Ouvrière. Il se souvient aussi « j’ai laissé beaucoup de plumes pour aider les locataires au moment du vote de la loi fixant le prix des loyers par rapport à la surface corrigée, comme fondateur et animateur du syndicat des locataires de 1949 à 1958 ».
La liste de quelques unes des responsabilités assumées par Jo Vidal permet d’imaginer le temps et les efforts qu’il a consacrés au service des autres : vice président de la CAF de 1946 à 1978, administrateur de la CPAM de 1946 à 1956, administrateur de l’URSSAF de 1958 à 1978, administrateur de l’office HLM de 1955 à 1975, et beaucoup d’autres fonctions. La présidence du comité de gestion du Centre Social de Marmiers, au début de son fonctionnement, l’a conduit, à elle seule, à donner trois à quatre heures chaque jour de 1978 à 1984. Cette année 1978 est celle de sa retraite de cadre de l’Imprimerie Moderne où il était entré en 1945. Il a aussi été vice président du centre social d’Arpajon de 1986 à 1995 et co-fondateur puis vice président du Foyer des Jeunes Travailleurs de sa création à 1998. La politique, en ce qu’elle permet de mettre en œuvre ses idées, ne pouvait laisser indifférent Jo Vidal affirme-t-il fièrement. Après avoir créé les Jeunesses Socialistes à l’âge de 15 ans avec Jacques Meyniel, son aîné d’un an, il a contribué en 1942, avec trois autres militants, à reconstituer la SFIO clandestine dont le secrétaire départemental est René Amarger. Elu en 1966 conseiller municipal d’Aurillac, il aura le plaisir d’entendre son ami Meyniel devenu maire lui dire . Le dépôt de matériaux devient l’agréable promenade où jouent les enfants et se promènent les touristes. Son engagement au service des plus anciens le mène à pousser à la construction du Foyer de Limagne et de la rue Caylus. Domicilié à Arpajon en 1972, il crée une section socialiste qui conduira à l’élection de Roger Destannes comme maire. Jo Vidal sera conseiller municipal arpajonnais de 1983 à 1995. Le militantisme étant une affaire de famille, Jo Vidal a succèdé à son père à l’union fédérale des anciens combattants dont il occupera les fonctions de trésorier et secrétaire de 1953 à 1999. Il rejoint son épouse, depuis longtemps militante du Secours Populaire, en devenant le gestionnaire des distributions alimentaires de 1985 à 1999. Il continue encore à veiller sur le sort de ses camarades retraités de l’imprimerie en jouant le rôle de travailleur social. Il attire l’attention des services sociaux sur ceux qui ont les revenus les plus faibles. Il aide les conjoints survivants à constituer des dossiers. Il organise des visites d’entraide aux isolés. Son fils, alors étudiant, lui a confié un jour : "tes activités m’ont appris à m’adapter aux milieux variés que j’ai rencontrés".
… et laïque.
Jo Vidal a donné une part importante de sa vie pour que les enfants et les adolescents puissent vivre les activités scolaires et péri scolaires qu’il n’avait pu connaître, toujours bénévolement bien sûr en plus de son travail d’imprimeur. Il s’implique dans la formation professionnelle en devenant conseiller de l’enseignement technologique dès 1952. Il fonde, dirige et anime les cours professionnels des Arts Graphiques Cantaliens. Il est administrateur du centre de formation des apprentis, du lycée technique et du C.E.T. Pour rendre plus efficace son action auprès de la Caisse d’Allocations Familiales en faveur des vacances, Jo Vidal n’hésite pas, à l’âge de 38 ans, à passer son BAFA puis son brevet de directeur. Chaque été, son épouse et lui vont s’occuper des colonies de vacances de la Fédération des Œuvres Laïques. « Les séjours étant de quatre semaines, comme je n’avais que trois semaines de congés, je devais prendre une semaine sur mon temps de travail, bien sûr non payée ». Il devient président des Délégués Départementaux de l’Education Nationale. Co-fondateur de la F.C.P.E, il en sera le président. Pendant cinquante années, il est administrateur des Francas, président, puis président d’honneur. Il sera même un des acteurs de la troupe de théâtre pour laquelle il confectionne les décors, comme le bateau de la « Petite Louise ». Dès 1948, il crée les patronages laïques encadrés par les normaliens dans les écoles le jeudi. Président des parents d’élèves de l’école d’application, il est co-fondateur et animateur du foyer d’éducation populaire qui accueille les ados le soir, dans l’école de la rue Sainte Anne. Il participe à la création de l’U.D.A.L qui organise les patronages. Il est administrateur des P.E.P pendant cinquante ans, en même temps qu’administrateur de la F.A.L dont il a été fait président d’honneur. Il préside, jusqu’en octobre 2006, le comité départemental de la Jeunesse au Plein Air qui coordonne les actions pour les colonies de vacances laïques. A 80 ans, l’imprimeur s’est mis à l’ordinateur « cette imprimerie actuelle ». Il crée des affichettes, tracts et menus pour ses collègues retraités Presque nonagénaire, Jo Vidal constate : « nous les militants, n’avons jamais eu de temps à consacrer à ces activités de loisir qu’on partage avec des amis ». Il ajoute : « s’il existait un record pour le temps passé et les fonctions occupées dans la catégorie des bénévoles, il est probable que je le détiendrais ».
Au titre de ses activités au service de la jeunesse, Joseph Vidal a reçu le Mérite Social, la Médaille d’or de la Jeunesse et des Sports, les Palmes Académiques, le Mérite National et la Légion d’Honneur.
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