Après les vingt années « exaltantes » de la vie du médecin de campagne, Pierre Raynal accepte de devenir le suppléant du président Pompidou. Maire de Chaudesaigues pendant 42 ans, il sera député pendant 25 ans et président du Conseil Général pendant 12 ans.
L’enfance et l’adolescence cantaliennes. Le mariage et les études de médecine.
Le 9 janvier 1920, Pierre Raynal naît à Paris, dans le deuxième arrondissement où ses parents tiennent un petit café. Son père est rentré aff aibli de trois années de service militaire suivies de quatre années de guerre. Sa soeur a dix ans de plus que lui. En raison du travail de ses parents et des nombreuses maladies contagieuses subies par les habitants de la capitale, le bébé est conduit, dès sa naissance, chez une nourrice à Saint Urcize. Il y restera deux ans, avant de vivre avec ses grands parents maternels, toujours à Saint Urcize. A douze ans, il obtient son certifi cat d’études. Alors que ses professeurs le présentent au brevet élémentaire, sur les conseils du curé de Saint Urcize, allié de la famille, il entre à la Présentation à Saint Flour, où il sera pensionnaire.
Le jeune étudiant
La guerre survient quand il obtient son Bac philo avec mention. Mobilisé, il se retrouve à la caserne du 27e RTA d’Avignon. Après l’armistice, Pierre Raynal est transféré au chantier de jeunesse de Grignan, dans la Drôme, de septembre 1940 au 13 février 1941. Inscrit à la fac de sciences de Clermont Ferrand, il est reçu, après seulement quatre mois d’études, au PCB qui Le jeune étudiant. ouvre les études de médecine. Il y suit la première année de cours. Il part pour Paris où il est reçu à l’Externat des Hôpitaux. Comme ses parents ne peuvent l’aider, il doit, pour subsister et payer ses études, assurer des gardes et des vacations à l’Hôpital Saint Louis, des remplacements de médecins et des consultations de nuit.Le 27 juin 1944, il a épousé Germaine Prunières, une Lozérienne née en 1922, dont les parents étaient commerçants à Paris. Les jeunes gens s’étaient rencontrés dans un bal populaire de l’Aubrac, en 1941. Une petite fille naît en 1945 suivie d’un garçon en 1946. Malgré le travail du papa étudiant et l’aide apportée par les parents de la maman, la vie est difficile. Il n’est donc pas question d’effectuer l’internat que ses professeurs voudraient que le jeune médecin accomplisse à Paris.
Les « années exaltantes » de la vie du médecin de campagne.
Le décès du docteur Besson conduit la famille Raynal à s’installer à Chaudes Aigues, dans la maison louée par la veuve du défunt médecin. C’est dans cette même maison que les époux Raynal vivent toujours, soixante années plus tard. Un deuxième garçon y voit le jour en 1949. De Saint Urcize à Lieutadès et Fridefont, Pierre Raynal soigne les malades, avec un autre médecin qui le laissera seul à partir de 1955. Jour et nuit. Hiver comme été. Tous les actes médicaux, les accouchements comme les maladies graves ou la petite chirurgie, les plâtres et les piqûres incombent alors aux médecins de campagne. Dès la première année il met au monde 101 bébés. Il comptera jusqu’à seize sorties nocturnes consécutives, s’ajoutant aux consultations et visites des journées. Les hivers sont rudes dans cette pointe du sud est cantalien où les fermes sont souvent installées à plus de 1000 m d’altitude. Les visites se font à ski, souvent sur dix kilomètres de chemins enneigés, et même une fois, de nuit, sur dix neuf kilomètres jusqu’à la Trinitat. Une autre nuit, le temps de la visite à la Fauge, quarante centimètres de neige bloquent le chemin. Les vaches du paysan tirent la voiture jusqu’à Maurines où la route reste impraticable. Le médecin arrive chez lui à cinq heures, en cette nuit de Noël, à pied, en pantalon léger et souliers bas. Le chasse neige, envoyé par son épouse inquiète, démarre de Chaudes Aigues quand le médecin le rencontre. Certains retours se font sur le dos du cheval de la ferme visitée. « Je n’étais pas cavalier » se souvient il. Etant tombé dans une congère, il se rappelle s’être agrippé à une patte de sa monture pour s’extraire de sa position. « Les gens savaient que, quels que soient l’heure ou le temps, le médecin viendrait » déclare Pierre Raynal. Il ajoute « ils n’appelaient que pour les cas importants » . On mourait alors de tuberculose, de poliomyélite et de méningite. Dès la semaine de son arrivée, quatre malades sont emportés par la typhoïde. Petit à petit, les médicaments efficaces sont découverts. C’est le docteur Mézard, médecin référent, qui doit venir d’Aurillac, avec une radio portative, pour les cas posant problème. L’annonce d’une intervention chirurgicale et d’une entrée en clinique sont une catastrophe pour les petits paysans qui doivent s’endetter. « La création de la Mutualité Sociale Agricole a été un énorme acquis permettant à chacun de se soigner » affirme le médecin. Il confie « C’étaient des années exaltantes. J’avais le sentiment de remplir ma vocation et de rendre service, soutenu par l’estime générale ».
Le conseiller général. Le maire. Le député. Le président du conseil général.
En 1949, « sollicité par les notables », le jeune médecin qui n’a que 29 ans devient conseiller général. « Je ne savais pas trop ce que représentait cette fonction » se souvient il. Il le restera pendant quarante quatre ans. La majorité appartenant alors à la gauche, ils ne sont que cinq dans l’opposition. En 1953 il est élu au conseil municipal et il se retrouve maire. Il le restera pendant quarante deux années. Chaudes Aigues a beaucoup changé au long de ses mandats. L’établissement thermal s’est considérablement développé. L’hospice, fermé avant la guerre, a pu être ouvert, devenant la maison de retraite. Le centre de rééducation fonctionnelle, le collège, le cinéma, la caserne des pompiers ont été construits. La liste est longue des travaux routiers, des adductions d’eau et des réseaux d’égouts qui se sont ajoutés.
Avec Georges Pompidou à Massiac en 1968
En 1964 c’est la rencontre avec Georges Pompidou, Premier Ministre, envoyé pour sa première sortie nationale par le général de Gaulle qui lui avait dit « allez visiter le pays ». C’était à l’occasion de l’inauguration de l’établissement thermal. Un jour de juin 1968, alors que la France est en pleine crise, le préfet Corbon appelle le docteur Raynal « le premier ministre veut que vous soyez son suppléant ». « Merci, mais il n’en est pas question » répond-il, trop attaché à son métier. Le soir même, à 22 h, c’est le chef de cabinet qui rappelle : « vous serez reçu demain par le premier ministre ». « Tout est bloqué. Je ne peux pas y aller ». « Une voiture viendra vous chercher ». Le lendemain, il est conduit à Aulnat où l’attend un avion. Le député Augustin Chauvet, lui aussi du voyage, est convoqué pour changer de suppléant. Fort de son expérience et de ses vingt ans de plus, il refusera d’obéir. Paris est sous les gravats. Les rideaux sont partout baissés. C’est le dernier jour pour le dépôt des candidatures aux législatives. « Je veux rester médecin » affi rme Pierre Raynal. « Je vous demande de vous occuper de votre pays, de vos électeurs, et d’être réélu » coupe Pompidou qui ajoute : « vous serez mon ami ». A l’annonce de la nouvelle, Germaine Raynal ne peut retenir ses larmes de chagrin. Son mari sera député jusqu’en 1993, date à laquelle il décide de ne pas se représenter. « J’ai toujours été soutenu » affi rmet- il « je me suis occupé de mon pays, de l’action sociale et civique. Au parlement, mes votes ont toujours été en ac-cord avec mon engagement politique, et, quand il l’a fallu, avec ma conscience ». Il se souvient « j’ai toujours été très lié avec Augustin Chauvet, c’était mon mentor. Sa compétence pour ce qui concernait le budget était très grande ». En 1976, Pierre Raynal est élu président du Conseil Général. Il le restera jusqu’en 1988. En 1981, il lui revient de mettre en place la décentralisation votée par le parlement qui a pour conséquence la séparation des pouvoirs de l’Etat et du département. Elle imposera le partage des locaux et celui des personnels, tâche ô combien délicate car il ne fallait pas heurter les sensibilités. « Elle s’effectua au mieux, dans le respect de chacun » déclare l’ancien président qui précise « J’ai toujours tenu à respecter l’autorité du Préfet et ses prérogatives. Je me suis attaché au développement du réseau routier, au soutien de l’essor économique du département et au développement de l’action sociale ». Il ajoute « les locaux, devenus trop exigus à la préfecture, il fallut construire l’Hôtel du Département. L’achat du terrain s’étant effectué au mieux, le projet est mené à bien sans dépassement de crédits ».
Germaine et Pierre Raynal en 1991
Depuis la maladie de sa femme, qui l’avait toujours secondé « elle a été l’ange tutélaire du foyer tout au long de notre vie, tant auprès de nos enfants qu’à travers les diverses activités qui m’accaparaient et qu’elle supportait avec intelligence et bonne humeur » déclare-t-il, Pierre Raynal, s’est retiré dans leur maison de Chaudes Aigues. Une vision déficiente l’a conduit à cesser de conduire et l’empêche de lire aisément. Heureusement il reçoit ses amis, venant souvent chercher un conseil, ses enfants, ses huit petits enfants dont l’un est lui aussi, médecin, et ses sept arrière petits enfants. Il confie : « la religion, faite de tolérance et de respect, m’aide à supporter les diffi - cultés de la vie ».
Pierre Raynal a été fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1968. La médaillelui a été remise à Chaudes Aigues par Georges Pompidou.Fait offi cier en1993, c’est Charles Pasqua qui l’a décoré à la préfecture de Région.En 2005, le président de la République, Jacques Chirac, lui a remis la Croix de Commandeur,à l’Elysée.Texte de Jean Claude Champeil extrait de son livre Des Vies Cantaliennes.