Ce reportage, tiré de la revue Cantal Magazine (n°5), a été réalisé par Monique Roques que nous remercions pour nous avoir autorisé à partager sa publication sur notre site internet.
On ne peut que "monter" à Marcenat. Par Condat, par Lugarde ou via le Cézalier côté soleil levant. Niché à 1060 m d'altitude, le village qui compte 627 résidents permanents, ouvre en toute saison ses espaces aux amateurs d'air pur et de liberté, de découvertes insolites aussi car Marcenat détient de bien singuliers trésors dont un riche héritage culturel et architectural, un centre de recherches agronomiques, un musée absolument détonant (fermé en 2012) et un monastère orthodoxe.
Découverte et visite d'un vllage où il fait on vivre, penser, créer et méditer en toute sérénité :
Soyons réalistes ! Ce n est pas la peine de rêver d'usines et d'industrie lourde dans un pays comme le nôtre. Non, il est propice à la création d écoles: d écoles de métiers de la nature, d'écoles de mode ou d art, de centres de théologie ... Le milieu est naturellement propice à la création », explique posément Pierrette Serre, en achetant des fruits chez son amie Annie Dubois. La première est une commerçante en retraite tandis que la seconde tient « l'épicerie la plus ouverte de France». Pour preuve : vous pouvez en pousser la porte du lundi au samedi, de 8 h à 19 h, et le dimanche de 8 h à 12 h 30 ! La gérante de Vival, qui vend des produits Casino, garantit aussi le sourire. « Chez nous, les gens se ressourcent. Ce sont eux qui le disent. Une cliente de passage m’ a confié dernièrement que le silence alentour était pour elle très positivement troublant, souligne Annie Dubois, en servant un client. Mais il est parfois regrettable qu'on parle souvent de nous., comme des arriérés. On dirait que le qualificatif est proportionnel à l'altitude et à la dureté du climat ! » (NDLR : s'il reste bien une épicerie à Marcenat, il s'agit non plus d'un Vival mais, en 2018, d'un Relais des Mousquetaires)
Entrez donc dans l'épicerie la plus ouverte de France !
Un village de montagne
De grands travaux - l'enfouissement des lignes électriques et téléphoniques - ont momentanément occasionné la pose d'un feu rouge dans le village. Cela ressemble à un grand nettoyage de printemps ! Parallèlement, l'air s'est fait depuis peu soudainement plus doux, les oiseaux s'imposent musicalement et les jonquilles gagnent chaque jour un peu plus de terrain sur les perce-neige. La belle saison sort tout doucement du calme hivernal la petite commune du Parc des Volcans d'Auvergne, inscrite aussi dans la communauté de communes du Cézallier. L’hiver 2005 a été particulièrement enneigé et début mai, des plaques blanches s'inscrivent encore dans le paysage des montagnes alentour. A Marcenat, la vie s'égrène encore au rythme des saisons sans échapper au souci majeur de tout territoire rural : la baisse démographique et ses conséquences. Sur le service public, immanquablement. La gendarmerie a fermé ses portes voilà un an. La poste est condamnée à terme. Les écoles, jadis au nombre de deux, se réduisent aujourd'hui à deux classes : une de maternelle et une regroupant les différents niveaux de l'école primaire. Mais les bonnes volontés locales n'ont pas dit leur dernier mot. La mairie s'active et une jolie bibliothèque garantit l'accès au plaisir de l'instruction libre, volontaire et ludique. Les paroissiens se fient, quant à eux, aux bonnes grâces de Soeur Bruno
Le saviez vous ?
- Marcenat est un nom d’origine celte, signifiant le «bourg au-dessus des forêts».
- Marcenat est le fief d’origine reconnu des marchands de toile. Vers 1890, Jacob Tible, né à Marcenat en 1830 et représentant l’industrie linière à Paris, développa la profession en aidant les débutants. Il leur fournissait de la toile à des conditions très intéressantes ainsi que des conseils pour la vendre. Les besoins en toile dans les campagnes étaient alors considérables et il n’y eut pas une région qui ne fut pas visitées par les marchands itinérants. Le principe de vente était le suivant: organiser leurs tournées de façon à repasser chaque année chez les mêmes clients à la même date. Des liens d’amitié se tissèrent entre marchands et clients. Des commis furent employés, jusqu’à dix parfois. Ils allaient à pied ou à bicyclette. Dès 1910 les plus riches des marchands eurent une automobile. En 1926, 620 personnes sur 2619 habitants quittaient Marcenat pour vendre de la toile … Aujourd’hui, une dizaine de «négociants», du nom de leur nouveau statut en date de 1964, originaires de Marcenat, exercent encore leur activité dans les différentes régions de France.
Soeur Bruno Dominique, cheville ouvrière de la vie paroissiale,
Aussi active que souriante, Dominique distribue sans relâche foi et énergie. C'est elle qui remplace le curé d'Allanche, chaque fois que le besoin s'en fait sentir. Elle assure en particulier tous les enterrements et des assemblées de prières. (NDLR : soeur Dominique a été priée de quitter son poste en 2012)
Maintenir une activité économique :
Les commerçants, pour leur part, n'ont pas déserté le pays, qui compte deux boulangeries, deux épiceries, un café-tabac-presse, un hôtel restaurant ... Le corps médical est bien représenté avec un médecin, un kiné et une pharmacie au look plus citadin que campagnard. « Toute la difficulté est de maintenir ou d'attirer au pays des gens en activité. Il n’y a pas de vie possible sans économie ! » souligne un élu. La maison de retraite, rénovée de manière attrayante, accueille une cinquantaine de résidents et emploie plus de vingt personnes.
L’agriculture demeure un des piliers de l'activité économique. Les exploitations ont la possibilité de produire du saint nectaire, puisqu'elles se situent dans la zone de l'appellation d'origine contrôlée. Des ventes à la ferme ou sur les marchés de pays, organisées tous les étés, le vendredi soir, attirent de plus en plus de monde. Il faut dire que la population est multipliée par quatre entre l'été et l'hiver. De quoi booster les ventes de produits du terroir. « Le terroir et ses nombreux héritages restent des valeurs sî0res pour des territoires comme les nôtres », assurent les responsables de l'Association de Sauvegarde du Patrimoine, créée en 1995. Elle s'est consacrée dans un premier temps à la restauration des objets d'art de l'église, puis à celle du petit patrimoine, tel que le four de Maucher, la croix du Godde, le pont romain et le four à pain du Saillant ...
Monique Roque
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