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Fontanges ! Le nom sonne si joliment à l'oreille qu'on a envie de croire à cette fontaine des anges qui figure sur le blason des Fontanges sur le linteau* d'une maison particulière à Paulhenc, propriété d'Annet de Fontanges (1510-1581), protonotaire apostolique (NDLR : officier du Saint-Siège) et prieur de Paulhenc :

St Vincent 3

"De chaque côté de l'écu de Fontanges, deux anges se présentent de profil, toutes ailes déployées. Ils tiennent d'une main une corne renversée, dont l'eau s'écoule et, de l'autre, un vase effilé qui la reçoit : Fontanges"

Linteau PaulhencLinteau de la Maison des Fontanges à PaulhencFontanges évoque également le duchesse du même nom, dernière maîtresse, à la courte vie, du roi Louis XIV, qui grandit au château de Cropières à Raulhac où une branche des Fontanges s'était installée.

Pour les amateurs de musique le nom de Fontanges évoque également la ville natale d'Anthoine de Bertrand (1510-1581) compositeur de musique spirituelle et profane, actif dans les cercles humanistes toulousains dont l'oeuvre la plus connue est la mise en musique des poèmes de Ronsard.

Nature ornant la Dame qui devoit d'Anthoine de Bertrand sur un poème de Ronsard

La page consacrée à la commune de Fontanges dans le Dictionnaire statistique du Cantal de M. Deribier en fait une si très jolie description que nous ne résistons pas au plaisir de la reproduire ci-dessous :

« Cette commune fait partie du canton de Salers, arrondissement de Mauriac. Elle est bornée au nord par la commune de St-Paul ; à l'est, par celle du Falgoux ; au sud, par celle de St-Projet ; à l'ouest, par St-Remy et St-Martin-Valmeroux. Elle occupe une partie du délicieux et riant bassin arrosé par les rivières d'Aspre et de Maronne, qui prennent leurs sources dans la forêt appelée le Bois-Noir, à la base du Puy-Chavaroche et du Roc-des-Ombres, serpentent mollement de l'est à l'ouest, au milieu de vertes prairies couvertes de troupeaux, coupées de canaux d'irrigation et d'allées de saules ou de peupliers. » .

L'essor de Fontanges

Forte implantation de plusieurs familles de la noblesse.

C'est peut-être cet agréable environnement qui incita plusieurs nobles familles à construire leurs châteaus aux abords de Fontanges, beaucoup ont aujourd'hui disparu, tels que celui de la maison des Fontanges dont le château était probablement adossé à l'actuelle chapelle monolithe, d'autres subsistent encore ou ont été construits plus tardivement tels que le château de Palmont, reconstruit au XVe siècle, le château de Lamargé au centre du village ainsi que le château de Seilhols (début XXe) à la sortie du bourg en remontant l'Aspre. Il est possible que cette profusion de châteaux ait contribué à épargner Fontanges des attaques de brigands, attaques qui furent longtemps légions.

Fontanges PalmontChâteau de Palmont, reconstruit au XV et restauré au XIXe

Terre de blanchiment des draps et toiles

Terre d'élevage et de fromages, Fontanges connut un essor quasi-industriel avec le blanchiment des toiles et du fil grâce aux eaux saturées en alun de l'Aspre. Le Dictionnaire statistique du Cantal écrit ainsi que Fontanges « est heureusement assis sur la rive droite de l'Aspre, dont les eaux saturées d'alun permettent aux habitants de se livrer avec succès et profit à l'industrie du blanchiment des toiles et des fils ; aussi jouissent-ils tous ou presque tous d'une honnête aisance ».

Les « prêtres-filleuls »

Aux alentours de l'an 1300 et pendant plus de cinq siècles, une communauté d'un type très particulier, se développa à Fontanges, celle des « prêtres-filleuls » qu'on retrouva également à Mauriac, Anglards-de-Salers, Moussages ou Salers. L'explication se trouve probablement dans le foisonnement des « vocations » suscité par le droit d'aînesse qui privait les cadets de la noblesse de toute perspective d'avenir.

Les prêtres-filleuls ne prononçaient pas de vœux et, de ce fait, ne dépendaient pas de la hiérarchie ecclésiastique, cependant ils bénéficiaient de la respectabilité due aux hommes d'église. Les plus instruits se tournaient vers l'enseignement, les autres vers les travaux des champs, tous étaient perçus comme « des auxiliaires de tous les instants et de toutes les circonstances » pour les familles (Abel Beaufrère, 2003, p. 8).

Ceux de Fontanges prirent une importance particulière puisqu'en 1430, la « vénérable personne Messire Pierre Boneti, curé de Fontanges, du consentement du Pape et de l'évêque de Clermont, cède sa cure aux prêtres-filleuls » qui disposent désormais de tous les droits du curé.

St Vincent 4

Quarante ans plus tard, en raison de l'expansion de la communauté, une nouvelle église, gothique, bien plus vaste que l'église primitive romane dont n'est conservée que l'imposante tour - carrée à sa base, octogonale à son sommet - voit le jour. La première pierre est posée le 6 juin 1468 comme en témoigne une inscription visible sur le côté gauche du porche d'entrée. De nombreux prêtres-filleuls - ils étaient plus de 40 en 1543 – sont inhumés sous les dalles de l'église dédiée à Saint-Vincent.

Le déclin progressif de Fontanges

Jusqu'à la première moitié du XXe siècle, Fontanges est encore une commune importante ; on y trouve bon nombre de cafés, de restaurants, des moulins, un forgeron, plusieurs épiceries, une boucherie, une scierie, une boulangerie, un notaire, une école publique, une école de religieuses, une poste ainsi qu'un hospice.

En 1901, une chapelle de 15 mètres de long, 11,50 de large et 8 de haut, creusée dans le rocher, est inaugurée, connue sous le nom de chapelle monolithe ou chapelle Saint-Michel, elle est toujours visible à l'entrée du village.

Fontange monolithe

Cependant le recensement de 2018 fait état de 199 habitants (221 sur le site internet de la commune), alors qu'elle en comptait plus de 2300 en 1727, témoignant du lent déclin amorcé au fil du temps.

  • Au XVIIIe, l'axe Aurillac-Mauriac qui traversait Fontanges est déplacé afin d'éviter les montagnes (désormais la route passe par Saint-Cernin/Saint-Martin-Valmeroux).
  • En 1731, un terrible incendie détruit plus d'une quarantaine de maisons. Les poutres du clocher de l'église – vestige de l'église primitive - portent encore la trace de la violence des flammes.

« Le 21 février 1731, par l'imprudence d'une femme qui peignait du chanvre, avec une chaufferette sous les pieds, un violent incendie dévora la ville de fontanges. Portées par le vent, les flammèches embrasèrent tour à tour les toits de chaume. Une quarantaine de maisons furent détruites. » (Abel Beaufrère, 2003, p. 7)

  • Sous la poussée des idées des philosophes, les vocations de « prêtres-filleuls » se tarirent, puis la Révolution Française fit son œuvre, en fermant les deux écoles gratuites (filles et garçons), elle contribua elle-aussi à freiner l'activité de la communauté des « prêtres-filleuls ».
  • Fontanges a eu compté jusqu'à 47 villages ou hameaux mais, en 1871, Le Fau est érigé en commune, et la commune eut probablement à pâtir de ce démembrement.

Si l'on ne passe pas à Fontanges par hasard, la commune mérite le détour ,

  • tout d'abord pour son cadre enchanteur et le vaste espace dégagé sur les rives de l'Aspre.
  • ensuite, même fermées, les maisons en pierre de taille ont encore fort belle allure,

Fontanges tour

  • trônant au coeur du village et à moitié caché derrière son mur-rempart, le château de Lamargé en impose toujours comme ce fut sans doute le cas au fil des siècles,

Fontanges LamargeChâteau de Lamargé

  • les abords de l'église, massive et imposante, invitent à en faire le tour avant d'y pénétrer et de s'imprégner de sa grandeur, plus de 30 mètres de long, 11 mètres de haut et 7 de large pour la nef, sans compter les 7 chapelles ainsi que pour découvrir sa riche décoration intérieure,
  • la visite peut se poursuivre par celle de la chapelle monolithe reconnaissable de loin grâce à la Vierge de 4 mètres de haut qui veille sur la commune depuis 1875.

* Selon Abel Beaufrère, ce linteau aurait été récupéré parmi les ruines du château de Peux-Bèrail érigé à une centaine de mètres de Paulhenc.

DTF, février 2021

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