Pleaux, petite cité de caractère depuis 2017, fut une bastide royale, une commanderie de l'ordre Saint-Lazare de Jérusalem et sans doute une place gallo-romaine.
Les origines de la cité
Le peuplement
L’existence de la présence d’une communauté chrétienne au VIIIe est attestée, par contre, en deçà, nous n’avons aucune certitude. Les historiens s’interrogent encore sur une présence gallo-romaine en raison de la découverte de nombreuses traces dont des mosaïques, des pièces de monnaie, un hypocaute (système de chauffage) ou encore des poteries sigillées (marquées d’un sceau) dans les environs immédiats de Pleaux.
Le nom
Même si les joutes des linguistes autour du sujet semblent n’avoir rien tranché, il semblerait que le terme de « Pleaux » soit issu d’un long glissement de transcription ; de « ecclesiam plebis" ( peuple des fidèles)» raccourci et transformé jusquà sa transcription en français en pleaux.
La géographie
Pleaux a été bâtie sur une voie de passage naturelle - celle qui reliait le Quercy à la Haute-Auvergne - à la jonction des coulées de lave du volcan et du socle cristallin primitif du Massif Central. Pleaux constitue, avec les communes corréziennes voisines, un territoire appelé « La Xaintrie », elle-même divisée entre Xaintrie noire et Xaintrie blanche.
Le développement de la cité de Pleaux
Charte de pariage, commanderie et guerres de religion
L’existence d’un prieuré bénédictin relevant de l’abbaye de Charroux (Vienne) est attestée à Pleaux en 1053 mais les historiens semblent d’accord pour faire remonter sa fondation à la fin du VIIIe par Roger, comte de Limoges sous la protection de Charlemagne.
Plus tard, en 1290, une charte de pariage, conclue entre l’abbé de Charroux et Philippe le Bel, donne à Pleaux le statut de bastide royale (voir encadré ci-dessous), ville créée parfois de rien mais dotée des principaux outils nécessaires à son autonomie (système judiciaire, compagnie de gens d’armes, droit de fixer leurs impôts, ...).
La bastide royaleLa bastide royale est une nouvelle forme d’urbanisme qui apparait dès le XIIe siècle en France, son but est de représenter et de renforcer le pouvoir du roi tout en assurant au royaume des revenus en contrepartie de la protection des habitants. La bastide de Pleaux s’est organisée à partir de la ville primitive, elle a été pourvue de remparts pouvant l’assimiler à une sorte de fort, la tour de l’église servant de refuge en cas d’attaques. C’est la charte de pariage passée entre Philippe le Bel et l’abbé du monastère de Charroux en 1289 qui scella la naissance de celle de Pleaux. Sur la place publique de la bastide, se trouvait la halle où se tenaient les marchés et les foires. Les Consuls, principaux fonctionnaires municipaux, se réunissaient au premier étage, ils veillaient à la sécurité de la ville en dirigeant la garde et la réparation des murs et des fossés, ils perçoivent et gèrent les revenus de la cité, imposent et lèvent des tailles. La justice était également rendue au nom du roi, concomitamment par le Bailli des Montagnes Haute-Auvergne et prieur de Pleaux. La peine capitale variait selon le rang du coupable, la hache pour les nobles, la pendaison pour les voleurs, le bûcher pour les hérétiques et le supplice de la roue pour les meurtriers, quant aux faux-monnayeurs, ils mouraient bouillis. |
A la même époque, une commanderie de l’ordre militaire et hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem, connue sous le nom de commanderie de Rosson, est fondée sur le territoire de la paroisse de Pleaux, loin de la ville pour éviter les risques de contagion si redoutée en ce temps-là. La chapelle, incendiée pendant la guerre de cent ans, fut reconstruite en 1452, grâce à l’accord conclu entre Frère Jean de Tixier, précepteur de Rosson, et Martial Richard, maçon. Plus tard, ce furent les pillages de guerres de religion mais, là encore, la commanderie fut réhabilitée au milieu du XVIIe à la demande du Chevalier de Lemps, alors commandeur de Rosson. Nous avons la certitude que la chapelle a bénéficié de cette restauration puisque le rapport d’inspection (1655) du curé de Pleaux « la trouve bien réparée, close et fermée, décemment ordonnée et meublée d’ornements propres et nécessaires pour célébrer la sainte messe … ».
La ville connut les mêmes soubresauts liés aux guerres que la commanderie, les seigneurs de la ville se livrant à une véritable guerre civile, catholiques et protestants s’entre-brûlant leurs châteaux respectifs tandis que le peuple souffrait de disette et d’épidémies dont la terrible peste. L’archère visible sur la tour arasée de l’église (voir encadré ci-dessous) témoigne de cette période troublée durant laquelle les habitants de Pleaux avaient fortifié l’église ainsi que quelques maisons voisines.
Pleaux a eu deux églises, Saint-Jean Baptiste et Saint-SauveurLa fondation de Saint-Jean Baptiste, l’église primitive, remonte au début de la christianisation, aux Ve et VIe siècles qui virent la construction des églises baptismales, dans lesquelles on se rendait pour y célébrer les trois grandes fêtes de l’année liturgique que sont Pâques, Pentecôte et Noël et à l’occasion desquelles on pouvait recevoir le sacrement du baptême. Ce type d’église exerçait un rôle très important dans l’organisation des premiers diocèses, à la fois sur les plans religieux et politique. Elle fut rasée dans la foulée de la Révolution française, probablement vers 1835, ses pierres servirent partiellement à la construction de l’hôtel de ville en 1845 et à l’édification des chapelles latérales de sa voisine et désormais remplaçante, l’église Saint-Sauveur, dont le portail est également un réemploi de l’église Saint-Jean Baptiste. L’église actuelle, d’abord dédiée à Saint-Sauveur, fut placée sous le vocable de Saint-Jean Baptiste après la destruction de l’église primitive. Elle est plus grande, plus imposante et essentiellement gothique (XVe), sauf le clocher carré qui est roman. Ce dernier ne doit sa survie qu'à son horloge, « indispensable » aux habitants, tandis que l’autre tour était rasée par le zèle révolutionnaire. Dans le bout de tour restant subsiste une archère, témoignant de la fonction défensive de l’église lors des guerres de religion. Le batiment est inscrit aux Monuments Historiques depuis le 13 janvier 2017. L’intérieur de Saint-Jean Baptiste est particulièrement riche et compte plusieurs objets classés, dont une piéta en pierre polychrome du XVe siècle et une statue en bois de Saint-Antoine accompagnée d’un petit cochon du XVIIe, ou inscrits aux Monuments historiques parmi lesquels une piéta des XVIIe ou XVIIIe siècle ou encore un baptême du Christ.
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En 1444, la charte de pariage de 1290 est reconduite plaçant Pleaux sous la protection de Charles VII. En témoignent ces écus d’or frappés à l’effigie de Charles VII et de Louis XI, son successeur, découverts fortuitement dans un champ au milieu du XIXe.
Une aristocratie qui s’affiche
Les maisons à tour de Pleaux portent le nom de leurs riches et influents propriétaires, Dognon, Luguet, Lignerac, autant de patronymes qui s’illustrèrent dans l’histoire de l’Auvergne, du Limousin, voire même de la France. Ils édifièrent de nombreuses constructions à la hauteur de leur rang parmi lesquelles plusieurs maisons à tour abritant souvent un escalier à vis, aux ouvertures ornées d’accolades et de moulures. D’autres éléments d’architectures tels que canonnières, bouches à feu, archères à étriers, restes d’échauguettes, attestent de leur fonction défensive en ces temps troublés des guerres de religion qui virent des alliances se faire, se défaire et des lignes entières disparaître.
Une bourgeoisie en plein essor
Le commerce (draps et toiles en particulier) se développant, est née une bourgeoisie faite, non seulement de commerçants, mais également d’hommes de loi et de médecins, d'artisans et de bâtisseurs, car c'est aussi l'époque du développement de la cité au-delà des limites de la ville ancienne.
A l’aube de la Révolution, Pleaux se sent pousser des ailes et revendique, en vain, le statut de capitale de district ainsi qu’une partie de la Xaintrie voisine au moment du redécoupage du territoire.
L’arbitrage de la Révolution
Ramenée à son statut de petite ville de province, Pleaux n’échappe pas aux travers de la Révolution, entre paranoïa et excès en tout genre, la liste n'est bien sûr pas exhaustive :
- la commanderie comme tant d’autres biens, ici et ailleurs, fut vendue comme bien national le 15 août 1794 et partagée en 4 lots. Une partie des pierres aurait servi à la construction d’une maison à La Gineste (Arnac, Cantal), tandis que les montants de la porte gothique de la chapelle, datant vraisemblablement de la reconstruction de 1452, servirent de cadeau de mariage d'un des nouveaux propriétaires à sa fille qui en fit la porte d’entrée de la maison qu’elle construisit avec son époux au Verdier (Pleaux, Cantal). Les vestiges sont aujourd’hui en grand péril au milieu d’une propriété agricole.
- l’une des deux tours de l’église est rasée, l’autre ne doit son salut qu’à l’installation à la va-vite d’une indispensable horloge.
- la persécution des prêtres réfractaires s’abat sur l’abbé filiol, curé et martyr de Bouval, décapité en 1793. Cent ans plus tard (1896), l’abbé Lalande fera ériger une statue géante à sa mémoire au sommet du Puy Bouval.
De l’après-révolution à nos jours
En 1806, Pleaux a son petit séminaire. Jusqu’à 300 pensionnaires fréquenteront cette école (collège et lycée), qui formait aussi bien les futurs séminaristes du grand séminaire que des élèves qui resteront des laïcs. C'était l'un des seuls moyens de s'instruire pour les enfants de la campagne que les curés repéraient. Face au succès, le docteur de Ribier a dit que : « Plus des trois-quarts de ce que l'arrondissement de Mauriac a compté de gens instruits ou distingués, tant prêtres que laïcs, ont fait leur éducation secondaire à Pleaux » ... jusqu'à sa fermeture en 1906.
Salut à Pleaux (1936) Salut, humble cité quelque peu décrépite, Salut, logis coiffés de lourdes tuiles grises ... Raymond Mil, alias Raymond Mialaret (1890-1983), natif de Pleaux, élève du petit séminaire où naquit vraisemblablement sa vocation de poète. |
Entre 1820-1824, l’ouverture de la route des Estourocs, reliant Pleaux à Laroquebrou, par un nouvel itinéraire est une première étape vers le désenclavement de Pleaux, cela restera d’ailleurs la seule, la première guerre mondiale ayant définitivement stoppé le projet de ligne de chemin de fer tant attendue, Argentat à Salers, pourtant déclarée d’utilité publique le 7 juillet 1913.
L’agriculture et l’élevage resteront donc les principaux atouts de Pleaux – foires bi-mensuelles - auxquels il faut ajouter l’exploitation forestière puis le tourisme plus récemment.
Au XXe siècle
Le nom de Pleaux est indissociable de deux faits marquants :
- Le 14 juillet 1944 eut lieu le plus grand parachutage d’armes légères de la seconde guerre mondiale, trois cents forteresses volantes américaines, escortées par des chasseurs, déversèrent sur les landes désertes d’Enchanet, 400 tonnes d’armements destinés aux maquis de la région le 14 juillet 1944. Connu sous le nom d’opération Cadillac, cette opération est commémorée par une aérostèle à Enchanet. Les 13 et 14 juillet 2024, portée par l'association ARTEMIS, une journée de commémoration a rassemblé officiels et public afin de "de perpétuer la mémoire des héros de la résistance".
- Entre 1946 et 1950, un barrage hydroélectrique dit à double voûte, particulièrement adapté à la typologie du paysage et à la roche dure du Cantal fut construit sur la maronne - le barrage d’Enchanet -, il constitue de nos jours un atout touristique important pour la région.
DTF, mise à jour juillet 2024
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