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De tout temps, la notion de couleurs a été indissociable de la race Salers, non seulement la couleur de son pelage mais aussi celle du mufle, des paupières ou même des cornes. Sur les 210 000 bovins de race Salers élevés au travers de notre pays, seulement quelques centaines de ces sujets déclinent une couleur variante : la robe noire et c'est ce qui explique en partie le proverbe : chaque cent ans, la vache noire revient à l'étable.

Salers noires val2Salers, acajou et noire

La Salers noire

La race de vache Salers est bien connue du public et appréciée, entre autres, pour sa couleur rouge et ses cornes majestueuses en forme de lyre. Cependant elle revêt parfois une robe d’ébène non moins séduisante et non dénuée de qualités.

Alors que certaines races bovines françaises ont tendance à disparaître, la Salers à robe noire, qui vient du fond des âges, a été sauvée «in extremis» par un petit nombre d’éleveurs passionnés.

Cette Salers noire, anciennement connue, a semble-t-il été délaissée au XIXème siècle par un certain Tissandier d’Escous (*) connu comme le précurseur de la sélection en race SALERS a donné l'orientation actuelle à son standard en éliminant les différentes variantes de la race Auvergnate pour prévilégier la seule couleur rouge. Cette variante de la race a surgi de tout temps dans plusieurs troupeaux des hautes vallées cantaliennes. La couleur noire de sa robe, de sa corne et de ses muqueuses correspond en fait à un gène simple dit «dominant» propre à cette race rustique. Contrairement à certaines idées reçues, le terme «dominant» n’a rien à voir avec le nombre d’animauxà robe rouge (l’immense majorité en race Salers) qui eux possèdent un gène dit «récessif».

Une souche rustique

La Salers noire apparaît notamment dans le troupeau de la famille Rongère depuis cinq générations d’éleveurs à La Boudie et à La Réveilladie de Saint-Julien-de-Jordanne. Il se compose aujourd’hui [en 2004] de quarante vaches Salers dont six noires et un jeune taureau de même robe. Outre sa couleur, la rusticité caractérise la Salers noirehabituée à vivre en altitude sur des pâtures de terres volcaniques souvent pentues : «Leurs cornes et leurs sabots très foncés et particulièrement solides, mais aussi leurs muqueuses noires, constituent un gage de rusticité, (**) souligne Jean-Félix Rongère. Ces animaux de la haute vallée étaient autrefois très recherchés pour l’attelage en montagne mais aussi pour le débardage en forêt. La corne de leur sabot est si solide qu’on se dispensait autrefois de les ferrer», précise-t-il. Les Salers noires étaient considérées comme porte-bonheur et les éleveurs en gardaient ou moins une à l’étable. Une vache noire était offerte aux jeunes mariés, symbolisant le point de départ de leur futur métier. Jean-Félix Rongère a vendu des animaux dans diverses régions de France mais aussi en Angleterre et aux Etats-Unis où des travaux de sélection sont effectués. Ce phénotype correspond au goût des éleveurs britanniques, américains et canadiens habitués aux races bovines rustiques de couleur noire telle la race écossaise d’Aberdeen Angus appelée communément l’«Angus» qui possède à l'inverse une variante à robe rouge.

(**) La corne Noire est connue pour être plus solide et résistante que la corne blanche; ce qui a une influence notable sur l’aptitude à la marche dans les terrains caillouteux par exemple. La pigmentation des muqueuses renforce la résistance au parasitisme (piqûres d’insectes, attaques des mouches, etc…). Pour les trayons, la pigmentation augmente la résistance aux gerçures….

Un pionnier

Marcel Matière possède un troupeau de vaches Salers Noires qu’il a constitué en achetant les animaux dans divers élevages, afin d'éviter la consanguinité dont celui de Jean-Félix Rongère. Dans le Cantal, une centaine de ces animaux était alors répertoriée dans de petites exploitations. «Des éleveurs américains et canadiens ont manifesté un grand intérêt pour la Salers Noire bien adaptée aux pâturages des terres volcaniques et à un climat rude. Ils la trouvaient cependant trop légère par rapport à la rouge», souligne Marcel Matière. «C’est pourquoi, afin de satisfaire leur demande, j’ai décidé de travailler avec l’aide d’un généticien et de prendre conseil auprès de chercheurs de l’INRA. L’objectif étant de constituer un troupeau de Salers Noire au même poids que la rouge», précise-t-il. Ainsi, des essais ont-ils été effectués sur plusieurs années avec une pratique de la consanguinité très raisonnée. Cet important travail de sélection correspond à un effort de conservation et de valorisation de ce phénotype de la race non exploité. Constatant, à l’époque, le peu d’intérêt porté par les organismes agricoles pour cette piste, Marcel Matière prenait alors en charge son développement, invitant divers organismes à le rejoindre dans cette voie. Aujourd’hui, son troupeau se compose d’une cinquantaine de Salers noire d’un poids moyen de 650-700 kilos.
Après une sélection rigoureuse sur plusieurs générations, il produit aujourd’hui 90 % de Salers noire. Le standard de cette variante de la race a donc été grandement amélioré. La souche noire est actuellement très recherchée au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Elle est utilisée en race pure ou en croisement sur Hereford ou Angus principalement et s’adapte très bien aux différents climats.

Remerciements pour l'ensemble de ce reportage : J.Y BRUNON, L'UNION du CANTAL, l'Elevage MATIERE, RONGERE, l'UPRA, le Herd-Book SALERS, l'UALC, B.GIRAUD (CELVIA/UALC) et particulièrement Mr Alain HAVY, Ingénieur Régional Sud / Sud-Ouest, Département Génétique, Sélection des Races Allaitantes pour l'aide qu'ils m'ont témoigné. Pour CANTALPASSION : Daniel ROUEYRE. 02/2005 - Source: L’UNION DU CANTAL - J.Y BRUNON – 10 janv 2004

* * *

Réhabilitation de la Salers noire :

 S’agissant des caractères zootechniques de la race Salers, on peut lire dans le Traité de zootechnie de A. Sanson, 1910 - Tome 4

‘‘Le mufle est rosé, parfois marbré de veines grises et noirâtres. Ainsi des paupières. Las cornes, blanc grisâtre dans la plus grande partie de leur étendue, sont toujours noires à leur pointe. Le pelage rouge vif est de beaucoup prédominant. La race est pourvue des trois poils rouge, blanc et noir, les deux dernières couleurs étant exceptionnelles dans son ensemble, surtout la noire.’’

Salers noires ValTendre affection

 

Signalons tout particulièrement l'article de P. Régnier paru dans le 2ème Bulletin de la Société du Herd-Book Salers, année 1946  sous le titre «A propos de l'Inscription au Herd-Book de la race Salers d'animaux tachés de blanc». Il nous parait intéressant de relater brièvement cet exposé, car ainsi que le prévoyait M. Régnier. cette question devait faire couler beaucoup d'encre et de salive tout au long de l'existence du Herd-Book.

L'auteur expliquait les taches blanches par l'atavisme ; d'après lui la robe fondamentale de notre ancienne race auvergnate était blanche, rouge et noire. Alors que la Ferrandaise  présente ces trois couleurs (le noir étant sur le point de disparaître), la Salers comporte quelques types noirs et une très grosse majorité de sujets rouges avec souvent quelques taches blanches; l'apparition de celles-ci étant un signe de parenté plus étroite avec les ancêtres dont M. Régnier disait qu'ils étaient « osseux, grossiers, tardifs », il convient de l'éviter au maximum, en se montrant impitoyable sur le chapitre de la sélection. Il repoussait également avec énergie la thèse qui voulait que les vaches tachées de blanc s'affirmassent meilleures laitières que celles uniformément rouges.

« Je leur rappellerai, dit-il, (aux contradicteurs) que dans tous les concours laitiers qui ont été organisés depuis 3 ans dans le département, ce sont toujours des vaches sans poils blancs qui ont donné les plus forts rendements, et qui de ce chef, ont remporté les premiers prix. Voilà une preuve scientifique, mathématique ».

Ainsi, là encore dès 1910, nos prédécesseurs s'occupaient d'une question qui n'a jamais cessé depuis d'être à l'ordre du jour.

 

Décision du Herd-Book Salers lors de sa réunion du 26/10/1981

Souche Salers Noire

Reconnaissant qu'il existe depuis toujours quelques vaches Salers présentant la couleur noire (robe et muqueuse), le Conseil accepte qu'une étude soit envisagée sur cette souche ; étude qui porterait sur :

  • l'importance de l'effectif
  • les performances des animaux,
  • la transmission du gêne noir.

A cet effet deux jeunes animaux mâles noirs pourraient être introduits à la station de contrôle, éventuellement subir un prélèvement de semence et être utilisés sur un petit nombre de vaches noires ou rouges.

Décision du Herd-Book Salers lors de sa réunion du 22/02/1984

Etude du gêne Noir en Salers : en 1983, 3 animaux - Salers noirs (2 mâles et 1 femelle) ont été exportés à titre expérimental vers les U.S.A. Il est probable que l'on assiste à une demande non négligeable pour ces animaux dans les années à venir.

La souche Noire étant en voie de disparition, une étude a été entreprise par le Herd-Book avec le représentant de la station de Génétique Factorielle à l'I.N.R.A., Mr J.J. LAUVERGNE (actuellemennt retraité).

Un premier recensement des vaches noires a eu lieu. Deux mâles noirs ont donné de la semence qui a été stockée.

Il s'agit maintenant, par le biais d'accouplement raisonné essayer de trouver après testage des animaux noirs mâles homozygotes. Pour cela, dans un premier temps il s’agira de :

  • "fabriquer" des animaux noirs en plus grand nombre, en utilisant de la semence de mâle noir par insémination animale.
  • tester des mâles noirs issus de pères et mères noirs pour savoir s'ils sont eux-mêmes homozygotes.

Quelques éléments de génétique : 

Ce taureau, dont la semence a été prélevée était disponible pour l'insémination artificielle à l'UALC pour les éleveurs qui le souhaitaient appartient à Mr BAFOIL (Puy de Dome). (photo mise à disposition par l'UALC, Union Auvergne Limousin Charentes, unité de sélection agréée pour la race).

 salers sexyboySexyboy, le bien-nommé

Quelques notions de génétique :

La génétique est l’étude de la transmission des caractères. Ce sont les gènes portés par les chromosomes qui véhiculent les caractères héréditaires. Le découvreur de la génétique fut un moine autrichien, Grégor Mendel, à la fin du XVIIIème siècle. Pour étudier les possibilités de descendance, il convient de connaître d’une part le phénotype (ce que l’on voit, la couleur) et d’autre part le génotype (l’ensemble des caractères héréditaires, la carte génétique du sujet). Un gène est dit « dominant » lorsque sa présence amenée par un seul parent suffit pour qu’il ait un effet sur le phénotype. Il est dit « récessif » lorsque les deux parents doivent l’apporter pour qu’il ait un effet visible. Dans ce cas le génotype est en accord avec le phénotype. Toutes les cellules d’un individu contiennent un nombre pair de chromosomes, la moitié étant apporté par le père, l’autre par la mère.

Lorsque le gène possède deux chromosomes de même couleur, il est dit « homozygote » ; s’il possède deux chromosomes de couleurs différentes, il est dit « hétérozygote ».

genetique factorielle2La coloration en race Salers

Les progrès de l’analyse génétique permettent aujourd’hui de connaître facilement et rapidement la composition des chromosomes. Elle est d’un grand secours pour les éleveurs quant aux travaux de sélection des animaux. Des recherches sont actuellement effectuées sur l’exploitation des gènes (notamment le gène « Agouti ») de la coloration de la robe pour une traçabilité raciale des produits d’origine bovine.

genetique factorielleDocoument INRA

(*) Le laboratoire de recherches de l’Université de LIMOGES en collaboration avec l’INRA

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