28 La vieillesse ! Non !
Et pourtant j’y vais…
Sans avoir, autant qu’il m’en souvienne, rien demandé à personne, je nais un matin de juin.
Et je commence à vieillir, puisque me voilà porteur de cette M.S.T mortelle qu’est la vie.
La mort je la vois presque chaque jour avec mes copains jouets qui passent de la basse-cour de mes grands-parents à leur table. C’est le doux lapin assommé avant que le sang ne coule de son œil arraché. Pour le coq c’est un peu moins rapide par le couteau enfoncé dans son palais. Le cochon fait savoir son déplaisir par des hurlements qui traversent mes mains collées sur mes oreilles. La mort fait partie du quotidien des enfants de la campagne.
La vieillesse m agresse le jour où ma grand-mère m’emmène chez une voisine, sans doute un peu cousine, qui ne quitte plus sa chambre. Je dois avoir neuf ou dix ans. L’image de ce squelette recouvert d’une peau jaune et parcheminée ne m’a plus quittée depuis. Et ces ongles ! Des griffes de deux ou trois centimètres de long. Les yeux voilés ne me voient pas plus qu’ils ne perçoivent le reste du monde. Un léger souffle-râle ponctuait la conversation de ma grand-mère. Fuir ! Je voulais fuir. Je ne respirais pas de peur que… je ne sais pas de quoi mais la terreur était en moi.
Je ne dis rien à ma grand-mère sur le chemin du retour, pas plus qu’à ma mère le soir. Pas plus qu’à quiconque jamais.
J’ai su ce jour-là que mourir n’est rien.
Mais ça ! Non ! Jamais !
Jamais pour moi.