18 Identité culturelle.
Les biologistes ont mis un terme au classement des humains en races après des siècles de supériorité affichée des uns sur les autres. Nous venons bien tous des mêmes ancêtres, nous sommes bien tous de la même et unique race. Pour trouver une autre manière de constituer des groupes, on a utilisé le terme d’ethnie. Ce classement, tout aussi arbitraire que le précédent fait référence à une langue, ou des coutumes, ou des ressemblances physiques, ou une histoire…ou une alimentation… Mes enfants, devenus adultes, ne se ressemblent pas, ne s’alimentent pas de la même manière, n’ont pas les mêmes loisirs… Ils ne seraient donc pas de la même ethnie.
Plus récemment, ceux qui ont besoin de s’affirmer supérieurs parce que différents, ont décidé de se raccrocher à l’identité culturelle. L’identité, constituée pour les psy de la perception de soi, du concept de soi et du sentiment de soi, est en construction permanente pour chaque individu. Quel sens ce mot peut-il avoir s’il prétend enfermer toute une population ou même un seul groupe ? L’identité culturelle serait ce qui est commun aux membres d’un groupe et les pousse à affronter les autres groupes. Le plus souvent c’est le territoire qui rassemble, d’où les guerres entre tribus, villages, provinces, pays, confédérations… La religion favorise aussi ces enfermements et affrontements, surtout quand elle devient visible par des signes extérieurs… On peut citer encore les groupes sociaux, sportifs… puisque ce qui nous distingue est infini.
Il y a trente ans, alors que quelques électeurs de la commune de Yolet (15) attendaient un candidat aux élections cantonales venant de la vallée voisine, j’ai entendu : « les gens de la vallée de la Jordanne sont différents de nous ». Ils étaient tous agriculteurs depuis des générations à quelques kilomètres de distance, souvent apparentés, parlant le même patois, subissant le même climat sur le même sol volcanique !
Il y a dix ans, alors que j’habitais la Réunion, j’avais parmi mes amis Luçay Permalnaïk, un « Malbar » qui me disait souvent : « vous, les métropolitains, vous êtes différents ». Nous avons décidé de définir nos différences. Quand son ancêtre venait d’Inde pour travailler la canne à sucre comme engagé, le mien était serf ou métayer en Corrèze. Sa peau était plus sombre, il mangeait des mets plus épicés et… c’est tout ! Instits tous les deux, militants de la Ligue de l’Enseignement et de l’Education Permanente, aimant le sport et la vie associative, progressistes, laïques, … toutes nos valeurs étaient les mêmes.
Si l’on admettait un jour que chaque individu est unique et ne peut être réduit à l’une de ses activités ou caractéristiques. Que les gens de couleur différente, avec ou sans religion, écoutant des musiques variées, appréciant des cuisines dissemblables, nés sous des latitudes plus ou moins éloignées de l’équateur, sont simplement des êtres humains, la vie deviendrait plus belle.
Pour le mouton pressé d’adopter une mode vestimentaire, d’acheter le dernier gadget promu par les commerçants, de répéter le slogan du parti ou le mot prononcé la veille par l’animateur vedette de la télé, il est tellement confortable de s’installer dans l’autobus de l’identité culturelle, de l’ethnie ou de la race, plutôt que de chercher à comprendre ce qu’il est. C’est pourtant le seul vrai chemin de l’Humanité. Celui qui favorise la rencontre avec ceux qui nous ressemblent vraiment.