Qu'elles soient bleues (gentiane printanière), jaune (grande gentiane) ou rose-violacée (gentiane champêtre), qu'elles soient tapies dans l'herbe ou qu'elles élancent leurs hampes fleuries à plus d'un mètre au-dessus du sol, la gentiane qui compte 400 espèces fait partie de la parure florale de ces grandes étendues herbeuses que sont les planèzes. Le nom de gentiane proviendrait de Gentius, roi d’Illyrie (ouest de l’ex-Yougoslavie et Albanie) qui règna de -180 à -168, et qui aurait découvert le premier les vertus curatives des gentianes. En effet, la gentiane d'Europe est présente dans les montagnes depuis le Portugal jusqu’aux Carpates. La France est le principal producteur de gentiane jaune, l’arrachage se fait essentiellement en Auvergne.
La gentiane est la plante des records, elle vit de 10 à 50 ans, mesure 1 à 2 m de hauteur, compte 40 à 120 fleurs et 1000 à 10000 graines par pied. Ses feuilles font de 20 à 40 cm de long et 10 à 15 cm de large. Elle vit entre 800 et 2 500 m d’altitude.
A ne pas confondre avec la gentiane verâtre qui se distingue par son système de feuilles alternées (opposées pour la gentiane), velues en dessous (glabres pour la gentiane) et qui, surtout, est hautement toxique.
Dès le mois de juin (à 800 mètres d'altitude) et jusqu'à la fin août sur les crêtes, vous remarquerez la grande gentiane avec ses nervures parallèles et sa longue tige dressée sur laquelle sont insérées en verticelles serrés, à la base des feuilles supérieures, une multitude de fleurs jaune d'or.
La gentiane possède un rhizome (tige souterraine) profondément enfoui dans le sol qui peut mesurer jusqu'à 1 m de long et peser jusqu'à 5 kg. C'est ce rhizome qui fait l'objet d'une récolte.
Après une promenade en montagne, si vous avez la gorge sèche, après l'avoir déterré et écorcé, vous pouvez sucer un morceau de rhizome ; vous en serez tout ragaillardi. Mais attention, la gentiane a une cousine redoutable, le vératre blanc, très toxique !
L'arrachage des rhizomes de gentiane commence en juin quand le vent d'autan a effacé les dernières congères et elle se poursuit jusqu'en octobre alors que, chassés par les premiers frimas, les troupeaux transhumants regagnent leur pâture dans la vallée. Cette période est exclusivement manuelle. Quel labeur!
Autrefois, une espèce de pioche "l'ancre" était utilisée.Les arracheurs s'en servaient comme d'un levier. De nos jours une fourche métallique d'origine jurassienne (la fourche du diable) est utilisée. Elle est munie d'une sorte de marchepied sur lequel l'ouvrier saute pour enfoncer les dents dans le sol. Il doit ensuite peser de toutes ses forces sur le long manche pour extraire la racine. Un bon arracheur peut extraire 200 à 300 kg de racines par jour.
Une plante aux vertus multiples
L'amertume qui caractérise la gentiane lui confère des propriétés médicinales. Les rhizomes de printemps sont utilisés en herboristerie, pharmacologie et cosmétologie, après avoir séché pendant tout un été dans un enclos sur l'estive puis dans un local aéré.
La récolte d'été et d'automne plus riche en sucre est utilisée fraîche pour la fabrication d'apéritifs. Les rhizomes sont triés, lavés, brossés puis coupés en petites carottes qui vont macérer pendant un an dans de l'alcool de très bonne qualité. Le jus extrait,(alcoolat de Gentianne) sert de base à la préparation de la belle liqueur dorée à l'exquise amertume, commercialisée sous différentes marques telle que la Salers, fabriquée à Turenne (Corrèze) ou encore lAvèze dont l'usine de production est située à Riom es Montagnes (Cantal).
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