Il est né à Aurillac le 29 août 1709 et son nom serait sans doute tombé dans l’oubli s’il n’était pas mort au Québec, la Nouvelle-France, alors colonie française, le 13 septembre 1759 des suites de ses blessures. Héros méconnu dans son pays natal mais héros reconnu au Québec en raison des nombreuses batailles de la guerre de sept ans (1756-1763) auxquelles il participa. Plusieurs universitaires canadiens lui ont déjà consacré d’importantes recherches. Nous ne disposons malheureusement d'aucune illustration le représentant.
Les débuts militaires
Le 29 avril 1709 naissait Etienne, Louis, Guillaume de Senezergues de la Rodde, fils de Louis et Marguerite Senezergues, mari et femme mais aussi oncle et nièce. Ils appartenaient à l’une des plus nobles familles d’Aurillac, de celles qui occupaient tantôt de hautes fonctions dans la magistrature, tantôt dans l’armée.
Comme son père, le jeune Etienne Guillaume entra dans l’armée à l’âge de 15 ans, le 18 mars 1724 en qualité de lieutenant réformé sans solde. Son père, blessé de guerre et titulaire à ce titre d’une pension de 400 livres décède le 5 octobre 1725, laissant sa veuve et son fils de 16 ans dans une situation précaire.
Le jeune homme évoluera rapidement dans la carrière militaire : « Il y fut promu successivement enseigne à la compagnie colonelle, le 1er octobre 1726, lieutenant en pied de la compagnie de la Chesnay le 1er juillet 1727, capitaine le 12 mars 1734 » 1
De janvier 1738 à avril 1741, il séjourne en Corse, puis participe à la guerre de la Succession de Pologne, à celle d'Autriche sur le Rhin avant de se battre en Bavière de 1743 à 1744. Il est nommé major le 15 août 1745, puis chef de bataillon le 14 juin 1747, il part en Italie, en 1748.
En 1751, il épouse Marie Charlotte de Saint-Chamans, âgée de 18 ans. A la mort précoce de sa femme, il demanda à prendre part à l’expédition du Canada, alors colonie française convoitée et attaquée par les Anglais.
La défense de la Nouvelle-France
C’est ainsi que le 2 avril 1756, avec son bataillon de 525 soldats et 31 officiers, il part combattre en Nouvelle-France (Canada) avec les troupes de défense de la colonie . Il arrive à Québec le 13 mai. Dès août 1756, il se fait remarquer par ses faits d’armes lors de la bataille de Chouaguen. Cette victoire française fut l’une des plus importantes de la guerre de Sept Ans qui vit la prise du fort tenu par les Anglais sur le site de l'actuelle ville d'Oswego (rive sud du lac Ontario, État de New York). Un an plus tard, en 1757, il participe à la prise de Fort William-Henry (au sud du Lac George, Etat de New-York) sous le commandement du général de Montcalm. Sa bravoure lui vaut d’être élevé au grade de brigadier des armées du roi, le 10 février 1759.
Cependant, craignant sans doute pour sa vie en raison des nombreux revers et défaites essuyés, en avril 1759, M. de Senezergues rédige son testament dont une copie se trouve aux archives départementales du Cantal. Sa fortune était considérable, il possédait plusieurs biens à Marcolès, à Leynhac et à La Capelle en Vézie parmi lesquels le domaine de la Rodde ainsi qu’une maison à Aurillac. Il se montre particulièrement généreux vis-à-vis des pauvres ainsi qu'envers son domestique, Baptiste, "en considération de ses bons et longs services"6 auquel il fait verser la somme de 4 000 livres et une rente viagère tout en lui garantissant le logement et le chauffage. Il n''oublie pas le salut de son âme puisqu'il fait en sorte que 3 messes quotidiennes soient célébrées pendant un an après sa mort à la chapelle Saint-François des Cordeliers, "lieu de sépulture ordinaire de la famille"6 à Aurillac, l'actuelle Notre-Dame aux Neiges.
Succédant à M. de Lévis, appelé sur le Haut Saint-Laurent pour défendre Québec, il devient l’officier en second du Général de Montcalm. Il se distingue à nouveau pendant la bataille de Montmorency (ou de Beauport). Le 31 juillet 1759, à la tête de 2 000 hommes, il parvient à tenir les lignes de résistance brisant ainsi les plans du général Wolfe.
Montcalm avait eu l’intuition que la victoire serait de courte durée. La bataille des plaines d’Abraham, second affrontement de la campagne du Canada qui permettra aux Britanniques de s'emparer de la ville de Québec, lui donnera raison. Tandis que le corps de troupes de Senezergues occupait la droite et le centre, ce dernier tomba sur le champ de bataille, atteint par une balle en tentant de rallier les troupes après la débandade des soldats. Montcalm trouvera également la mort sur le même champ de bataille.
Transporté par les Anglais à bord d’un de leurs vaisseaux pour y être soigné, Senezergues meurt le lendemain, le 14 septembre 1759. Nul ne sait ce qu’il advint de sa dépouille, selon les uns, il fut inhumé dans le cimetière Saint-Joseph bien que les registres paroissiaux n’en fassent pas mention, selon les autres, son corps a été jeté par-dessus bord selon l’usage alors observé dans toutes les unités navales.
Dans la ville de Québec, une rue Senezergues relie la rue du Bon Pasteur et la rue Jacques-Parizeau.
Depuis 1945, un canton d’Abitibi-Temiscamingue, dans la province de Québec, porte le nom de Senezergues, en hommage à Etienne-Guillaume de Senezergues, sieur de la Rodde. Senezergues au Québec se situe à environ 50 km au sud-est de Belleterre et autant de Téminscaming, ville forestière près de la frontière Québec-Ontario.
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Sources :
- Louis Le Jeune, Etienne-Guillaume de Senezergues, dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. II, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 829 p., pp. 633-634.
- Leymarie, M., Documents nouveaux sur le brave Senezergues de La Rodde et la guerre du Canada, Revue de la Haute-Auvergne, vol. 74, no 43, 1972, p. 165‑180.
- Geneanet
- L’Encyclopédie de l’histoire du Québec,Marianopolis College, Westmount, Montreal
- Dictionnaire biographique du Canada, Université de Laval/university of Toronto.
- Bulletin des recherches historiques, vol. XX p. 370-372
DTF