VÉGÉTATION DES ESCARPEMENTS.
Nous terminerons, par cette association végétale, cet aperçu bien incomplet des richesses végétales produites par le Cantal. Le groupe dont nous allons parler se compose d'espèces rustiques qui ne croissent que dans les fissures des rochers ou sur des terrains secs et dépourvus d'autres végétaux. Le vent, l'air et la pluie leur sont nécessaires, puisqu'ils puisent dans l'atmosphère la majeure partie de leur nourriture. En général, ces végétaux aiment le soleil, et profitent à la fois de la chaleur directe de ses rayons et de celle qui est réfléchie par les pentes escarpées ou les rochers abruptes sur lesquels ils sont fixés.
Partout où l'on rencontre ces plantes des rochers, elles donnent au paysage un aspect pittoresque, et l'on a souvent, dans le Cantal comme au Mont-Dore, l'occasion de faire cette remarque. Après la végétation des sources, celle des rochers est la plus hâtive, et l'on voit quelquefois des lieux très-escarpés ornés de fleurs, pendant que leurs parties supérieures supportent encore une couche de neige. Le potentilla verna et le genisia pilota fleurissent de bonne heure quand l'exposition leur convient, et l'on voit bientôt la saxifrage hypnoïde et quelques crucifères mêler leurs fleurs blanches aux fleurs naissantes de plusieurs mespilus, parmi lesquels on distingue l’amélanchier et le cotoneaster. Quelques pieds d'alisier croissent aussi dans les fentes du basalte, ainsi que le sorbier des oiseleurs dont le feuillage et les fruits offrent tant d'élégance. Le genista purgans couvre à lui seul des rochers tout entiers, le saxifraga exarata s'élève bien plus haut que l’hypnoïdes avec le silène rupestris dont la délicatesse contraste avec les formes massives du sedum telephium.
Le valeriana tripteris est très-commun dans quelques localités; il remplace l’officinalis des forêts basses et le v.dioïca des marais. Cette plante est quelquefois associée au galium saxatile, au thlaspi alpestre. Le reseda sesamoïdes ne se trouve que dans un très-petit nombre de localités, toutes très-élevées, et sur des pentes dépouillées de gazon plutôt que dans des fissures de rochers. Il est toujours facile de se le procurer, tandis qu'il n'en est pas de même du dianthus cœsius qui forme sur les pierres de larges touffes, terminées par ses jolies fleurs odorantes, mais toujours placées dans les lieux les plus escarpés. Le sempervicum arachnoïdeum et le s. arvernense sont aussi des espèces élégantes que l'on rencontre dans le Cantal; elles s'élèvent peu et dépassent à peine la zone inférieure des forêts. On les trouve à Murat sur le rocher de Bonnevie, et dans plusieurs autres localités des montagnes où elles produisent un admirable aspect quand leurs fleurs roses se mêlent aux capitules bleus du phyteuma hemispherica et aux thyrses blancs du saxifraga aizoon. Les mousses et les lichens se plaisent aussi sur les rochers élevés battus par les vents et souvent enveloppés de brouillards épais. Le cornicularia tristis s'y rencontre couvert de fructifications. Les rizocarpon s'étendent graduellement sur les blocs de trachyte et y forment de larges taches nettement limitées, dans lesquelles la couleur noire des scutelles tranche agréablement sur les teintes vertes et jaunes de leur croûte.
Plusieurs variétés de gyrophora fructifient aussi au sommet des pics escarpés; l'élégant peltigera crocata étale ses jolies rosettes près du sommet du Plomb et y montre ses fructifications. De nombreuses espèces de lecidea couvrent de vastes espaces et y cachent complètement la nature des rochers.
Ailleurs, se sont des mousses dont les rameaux entrelacés décorent de gros blocs amoncelés. Les gymnostomum , les hypnum, plusieurs dicranum, végètent avec une rapidité extraordinaire et s'étendent sur la base des rochers, dont les sommets sont couverts de weissia , de tortula, d'andrœa , de parmelia à larges rosettes et de cenomice, parmi lesquels on distingue çà et là les tubercules écartates du baccillaris et du cocciferus.
FIN DU 1ER VOLUME