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TERRAIN VOLCANIQUE

Nous avons esquissé, au commencement de cette note, les principaux traits de la région occupée par ce terrain. Un groupe de cimes et de pics, au centre du département, dominant de longues lignes d'escarpements : tout autour, de vastes plateaux, se relevant graduellement vers les cimes : des vallées rectilignes, profondes et larges, qui, dans leur ensemble, rayonnent de la partie centrale vers la circonférence, mais dont les deux principales, celles de la Cère et de la Jordanne, sont parallèles. Nous allons signaler, en outre, quelques-uns des caractères particuliers de cette remarquable structure : cette étude est essentielle pour la recherche des faits géologiques dont le Cantal a été le théâtre pendant la période volcanique.

Entre le Puy-Chavaroche et le Col-de-Cabre, s'étendent des crêtes étroites, bordées de part et d'autre par des escarpements, qui sont plus abruptes et beaucoup plus profonds sur le revers qui regarde la vallée de la Jordanne. Au-dessus d'elles, s'élèvent le Puy-Mary, dont la forme est celle d'une pyramide à trois côtes saillantes; le Puy-Roumière. La ligne que dessinent ces crêtes, quoique anguleuse et brisée, s'éloignerait peu, dans son ensemble, d'un arc de cercle, qui serait tracé entre Chavaroche et les sommets de Vassivières et dont le centre serait placé auprès du Puy-Griou. Quelques arêtes moins élevées séparent, les unes des autres, les vallées du Mars, de la Rue, de la Pradine, de la Santoire, se rattachant à la convexité de cette ligne. Des lambeaux de bancs volcaniques, dont la largeur ne dépasse pas 20 ou 30 mètres et qui sont faiblement relevés vers le centre de l'ara de cercle, forment la partie supérieure des crêtes : ils sont supportés par d'autres bancs, en général plus larges; de sorte que; dans les points où il ne s'est point fait un talus, la partie supérieure des escarpements affecte la disposition de gradins.

Le Plomb-du-Cantal, la plus haute montagne du groupe, fait partie de la ligne de faîte des gigantesques escarpements qui dominent à l'Est les hautes vallées de la Cère et de l'Allagnon. Cette ligne est presque droite, n'offrant qu'une légère concavité du côté de l'Ouest; elle forme le bord supérieur des larges nappes qui couvrent la partie orientale de la région montagneuse.

Les vallées de la Cère et de la Jordanne, depuis les hauteurs de Polminhac jusqu'au Puy-de-la-Poche, sont séparées par une bande étroite de montagnes, couronnées par des lambeaux de plateaux qui se relèvent vers le Nord par une pente très-douce.

Vers le centre du groupe, deux massifs contrastent, par leurs formes irrégulières, avec les montagnes terminées par des plateaux: ce sont les massifs du Puy-Griou et du Lioran.

Le premier, qui sépare dans leurs plus hautes parties les vallées de Vic et de Mandailles, est dominé par des pics ou dents aiguës, dont le Puy-Griou est le plus remarquable par son élévation et sa forme.

La montagne du Lioran a une surface mamelonnée. Elle est située à la naissance des vallées de la Cère et de l'Allagnon, entre les escarpements beaucoup plus élevés du Plomb-du-Cantal et de Vassivières. Ces derniers présentent, du côté du Lioran, un cirque demi-circulaire.

Quoique le Puy-Griou ne soit pas, à beaucoup près, le plus élevé du groupe, c'est sur ce pic qu'il faut se placer pour saisir avec facilité les principaux traits de la structure de ces montagnes. Le regard plonge sur les deux vallées de Vic et de Mandailles, et les hautes cimes et les crêtes se développent en magnifique panorama.

A l'ouest et au nord-ouest des cimes centrales, le Puy-Violent et le Puy-d'Eron luttent avec elles pour la hauteur. Ces montagnes, d'un caractère tout autre, sont des mamelons ou des gibbosités, s'élevant au-dessus de la masse des plateaux qui leur sert de base.

Parmi ces vallées divergentes, que nous avons dit rayonner du centre vers la circonférence de l'espace occupé par les plateaux, trois seulement prennent leur origine au dedans de l'enceinte limitée par les grands escarpements: celles de la Cère, de la Jordanne et de l'Allagnon. Les autres, en grand nombre, naissent sur les revers extérieurs des crêtes : nous remarquerons celles du Mars et de la Rue, qui toutes deux partent du Puy-Mary, et qui, par leur profondeur et leur beauté, sont dignes de comparaison avec les précédentes.

Les grands plateaux, avons-nous dit, se relèvent en approchant du centre du groupe. Leur inclinaison est faible en général : elle n'est point du reste uniforme de tous les côtés. Ceux qui environnent les puys Violent et d'Eron ont une pente très-douce et très-régulière, estimée égale à 4 ou 5 degrés par MM. Dufrenoy et Elie de Beaumont. Ils sont remarquables par leur grande élévation, et leurs plans prolongés dépasseraient considérablement les hauteurs centrales. L'inverse aurait lieu pour les plateaux qui s'étendent à l'est du Plomb, dont le niveau est très inférieur à celui de la crête dont le Plomb fait partie. L'inclinaison de ces derniers augmente beaucoup lorsqu'on se rapproche de cette crête, et atteint vers elle 12 degrés ( Le degré est 1/360 de la circonférence ou 1/9° du cadran.

Du côté de Murat, l'abaissement des plateaux est aussi très-rapide, et les hauteurs qui avoisinent cette ville ont sensiblement le même niveau que celles de Joursac et de Molompize, que la vallée de l'Allagnon traverse beaucoup plus bas.

Au Nord-Est, les plateaux se relèvent, à partir des environs d'Allanche et de Ségur, vers les sommets du Cézalier, montagne volcanique qui est située à la limite des deux départements du Cantal et du Puy-de-Dôme, et qui, par sa structure, est tout-à-fait distincte du groupe du Cantal, quoiqu'elle soit en continuité avec lui.

Les sommets du Cézalier présentent une série de crêtes et de plateaux avec quelques buttes aux formes très-arrondies. Dans leur ensemble, ils affectent la disposition d'un vaste arc de cercle, qui s'étendrait depuis la Godivelle jusqu'auprès du Luguet et dont la concavité regarderait le Nord. Du côté du Sud, les montagnes s'élèvent graduellement vers les cimes, tandis qu'au Nord leur niveau se trouve sans transition notablement plus bas. Les cours d'eau qui naissent au Cézalier, suivent des directions divergentes.

Les plateaux volcaniques doivent leur existence à de vastes bancs ou nappes, disposés parallèlement entre eux et dont on voit la succession sur les flancs des escarpements. Dans la haute vallée de la Jordanne, ces bancs se relèvent avec une pente assez faible, vers un point qui serait situé au sud-ouest du Puy-Griou, à-peu-près entre cette montagne et le Puy-de-Lusclade. Dans les escarpements qui sont à la base du Plomb, ils se relèvent à l'Ouest vers le massif du Puy-Griou et le Lioran. C'est aussi vers cette dernière montagne que convergeraient les lignes d'inclinaison des nappes qu'on observe sur les hauteurs de Vassivières et sur les hauteurs .voisines.

Les basaltes, les trachytes, les tufs et les conglomérats de ces roches constituent la presque totalité de la région volcanique.

Les couches basaltiques forment la couverture supérieure de presque tous les plateaux , et couronnent les escarpements jusque dans le voisinage des cimes centrales. (Le basalte est composé de pyroxène augite et de labrador. Ces éléments sont généralement assez bien mélangés pour que la roche offre l'aspect d'une pâte homogène : souvent à la loupe on distingue les diverses parties.)

A l'est, ces couches arrivent jusqu'auprès du Plomb; le petit dôme même, qui est le sommet de cette montagne, en est un lambeau détaché : la même roche existe aussi sur les hauteurs du Puy-Gros. A l'Ouest, les massifs du Puy-Violent, du Puy-d'Eron en sont formés. Les basaltes s'étendent généralement jusqu'aux extrémités de la région des plateaux, et souvent débordent au-delà des nappes inférieures de conglomérats. Pourtant, aux environs de St-Cernin, de St-Paul-des-Landes et d'Aurillac, ceux-ci dépassent de beaucoup les basaltes et terminent seuls les collines. Presque toute la région du Nord-Est est couverte par les basaltes.

L'épaisseur de cette assise supérieure est variable. Souvent elle ne se compose que d'un seul banc. D'autres fois, plusieurs bancs, en général séparés par des lits de scories, sont superposés: cela se voit notamment sur les escarpements des vallées tic St-Paul-de-Salers et du Falgoux.

Le basalte se présente aussi sous forme de buttes ou masses arrondies et sous forme de filons. Parmi les buttes, nous citerons : le Puy-d'Eron; le rocher de Bonnevie, près Murat; un rocher auprès d'Ally. Le mamelon du Puy-Violent, ainsi que les mamelons voisins, parait appartenir à la crête d'un filon, dirigé environ de l'Est 15 degrés Sud à l'Ouest 15 degrés Nord. Plus loin, nous aurons lieu de parler des nombreux filons de basalte qui coupent les diverses assises de la formation volcanique.

Cette roche est remarquable par les formes régulières qu'elle offre souvent. Une des formes les plus habituelles est une division en prismes contigus, généralement à six faces, quelquefois à cinq et à trois faces. Sur les flancs des vallées, les prismes dessinent des cannelures qui ont quelque ressemblance avec la disposition des jeux d'orgues. Ils sont généralement perpendiculaires aux surfaces supérieures des nappes ou des buttes. Les orgues du rocher de Bonnevie sont célèbres par la régularité, la délicatesse et la longueur de leurs prismes : on en voit aussi de très-belles auprès d'Ally. On peut citer les prismes qui font face à Dienne; ceux des vallées de la Sionne et de l'Allagnon, des environs de Marcenat, de St-Bonnet sur la Santoire. La division tabulaire, ou en plaques à faces parallèles, est également très-fréquente. Souvent un même banc présente les divisions prismatique et tabulaire, les prismes occupant la partie inférieure, les plaques, la partie plus voisine de la surface. Ou trouve aussi le basalte en boules, et les boules sont formées de couches concentriques.

L'aspect minéralogique de la roche offre de légères variétés; sa couleur la plus générale est un gris bleuâtre. Elle renferme des cristaux de pyroxène augite et de péridot en grande abondance, quelques cristaux feldspathiques, rarement de la mésotype. Parfois le basalte est tout-à-fait noir; alors il est très-riche en cristaux d'augite : tel est celui du roc des Ombres, à l'est du Puy-Violent.

Les basaltes du Cantal sont assez souvent accompagnés de scories et de cendres, dont la couleur est ordinairement le rouge vif. Ces matières y sont pourtant bien moins abondantes que dans les basaltes de la Haute-Loire, de l'Ardèche et de certaines parties du Puy-de-Dôme; et l'on n'observe point dans le Cantal, comme dans les régions que nous venons de nommer, ces vastes cônes de cendres, avec restes de cratères, qui portent si nettement l'empreinte des éruptions volcaniques. On trouve aussi des tufs et conglomérats basaltiques, formés des fragments de la roche, réunis par un ciment en général argileux. Le Tuf de la Quérie, près Condat, est à ciment calcaire, et toutes ses cavités sont remplies par du calcaire concrétionné. Du reste, la manière d'être habituelle du basalte dans le Cantal est de former de grandes masses à structure compacte.

Les roches trachytiques constituent les cimes et les escarpements supérieurs de la partie centrale, et forment des bancs subordonnés aux basaltes. (Les trachytes sont formés d'une variété de feldspath qu'on appelle rhyacotithe. La pâte est rugueuse et âpre au toucher. Elle renferme souvent des cristaux de rhyacoliihe : alors la roche est porphyroïde)

Les assises continues et régulières de ces roches s'observent rarement à une grande distance du centre du groupe. Sur certaines cimes, telles que les puys Mary et Roumière, la disposition par bancs est peu visible et peu nette, et peut-être, en ces points, les trachytes ont-ils formé des proéminences et des buttes, comme l'ont fait quelquefois les basaltes.

Ces roches présentent des variétés minéralogiques très-différentes. Les sommets et les assises supérieures des escarpements sont composés d'un porphyre gris, à cristaux blancs de rhyacolite : on y voit aussi des cristaux de pyroxène et d'amphibole, quelquefois du péridot et du mica. Ces porphyres sont remarquables par la continuité de leurs bancs. Au Puy-Roumière, au Puy-Mary et sur le sommet des crêtes qui les séparent, à la Roche-Taillade, les cristaux sont assez grands et bien nets. Plus communément ils sont petits, quelquefois mal définis et comme à demi-fondus dans la pâte: c'est ainsi qu'on les observe dans les escarpements qui sont à la base du Puy-Mary, dans ceux des montagnes de Vassivières, aux environs du Puy-Griou, sur les crêtes du Plomb et du Cantalon. Le trachyte gris porhyroïde existe encore, au-dessous du basalte et du phonolithe, dans les montagnes qui sont entre Dienne et Murat. On en trouve beaucoup de blocs dans les conglomérats, et souvent même il forme au milieu d'eux des masses assez importantes. Quelquefois les fragments de rhyacolithe ont tout-à-fait perdu leurs formes primitives et se sont arrondis comme s'ils avaient été usés par le frottement; le porphyre est alors glanduleux : il existe des échantillons semblables à Laveyssière, au Lioran.

Au nord du Puy-Chavaroche et sur le col qui, au nord du Puy-Mary, sépare les vallées du Mars et de la Rue, on trouve, intercalé entre les divers bancs de trachyte gris porphyroïde, un trachyte blanc avec cristaux de rhyacolithe, paillettes de mica et pyroxène. Une roche analogue, à pâte poreuse et très-grands cristaux de rhyacolithe, a été exploitée entre le Plomb et la percée du Lioran.

Au Col-de-Cabre, est un trachyte blanc, homogène et friable.

Notons encore des trachytes gris avec cristaux de pyroxène et nodules calcaires, employés pour l'empierrement de la route, entre Thiézac et les Chazes; des trachytes gris à pâte homogène, semblables à ceux que l'on exploite aux carrières du Mont-Dore, et offrant de l'analogie avec certaines coulées de laves modernes. Ces derniers sont souvent scorifiés. Ils sont communs dans les conglomérats.

Dans les assises inférieures des escarpements du Puy-Mary, un banc de trachyte bulleux et très-scorifié se fait remarquer par sa continuité. Les parties exposées à l'air ont pris une teinte rouge, et la roche, très-friable, s'est désagrégée plus facilement que celle des assises supérieures qui font saillie au-dessus d'elle.

Au nord-ouest de la grande région volcanique, près de Riom-les-Montagnes et de Menet, sont deux buttes trachytiques isolées. La roche de la butte de Menet est blanche et porphyroïde; elle est associée à des conglomérats qui empâtent beaucoup de fragments du sol micaschisteux sur lequel ils reposent.

Des bancs trachytiques existent aussi dans les montagnes du Cézalier. Ainsi on exploite , à la Font-St-Martin , commune de Vèze, un banc gris-clair bulleux; près de Montgreleix , un banc gris-clair à pâte serrée , contenant quelques petits cristaux de rhyacolithe : près de la Godivelle (Puy-de-Dôme), est une carrière de trachyte blanc porphyroïde. La butte la plus élevée de ce groupe est toute entière trachytique. On peut encore citer, dans le Puy-de-Dôme, Apchier, la Boutaresse. Pourtant ces roches n'ont pas, dans le Cézalier, la même importance que dans le Cantal et le Mont-Dore.

Les conglomérats et tufs trachytiques ont un immense développement dans la formation volcanique du Cantal, et en constituent partout les assises inférieures. Ils présentent la plus grande variété dans leur structure et leur mode d'agrégation. Tantôt le tuf consiste en petits fragments et cristaux feldspathiqucs, réunis par une pâte terreuse ou scoriacée, formée elle-même d'éléments et de débris trachytiques. Tantôt la masse a un grain uniforme : sa consistance est alors friable ou compacte, et, dans ce dernier cas, le tuf passe fréquemment, d'une manière insensible, à une roche trachytique homogène. Les tufs compacts sont quelquefois rubanés par des veines qui doivent leur coloration à de l'oxyde de fer. Très-communément, la roche est une brèche à fragments anguleux : quelquefois alors les fragments sont petits, scoriacés, et le ciment est à-peu-près de même nature que celui des tufs plus homogènes. On désigne sous te nom de brèches toutes les roches formées d'une pâte qui englobe des fragments.

Mais souvent la pâte est grossière et englobe des fragments de toute grandeur, mêlés à des blocs de dimensions très-considérables : ces fragments et blocs proviennent de toutes les variétés de trachyte et de basalte. Le trachyte y est beaucoup plus abondant, surtout la variété grise porphyroïde. Les fragments de basalte se trouvent en général réunis les uns auprès des autres, et non uniformément disséminés au milieu des pierres d'autre nature : quelquefois le ciment qui les joint est lui-même basaltique.

Les tufs et conglomérats à parties fines forment presque exclusivement les masses et assises inférieures du centre du groupe. Le Lioran est composé de ces tufs, mêlés à des masses trachytiques homogènes. Ces roches passent souvent de l'une à l'autre : leur disposition est très-confuse et désordonnée, et rarement observe-t-on des indices de stratification. On voit ces mêmes tufs, jusqu'à une grande hauteur, dans le ravin de la Garde qui fait face aux Chazes.

Lorsqu'on s'éloigne du centre, les tufs bréchiformes et les conglomérats grossiers dominent. On les rencontre dans la plupart des vallées, formant l'assise inférieure de la formation, soit au-dessous des basaltes, soit au-dessous des trachytes. Auprès d'Aurillac, de Girgols, de $t-Cernin, de St-Paul, ils ne sont point recouverts par ces roches. Très-souvent des masses trachytiques les accompagnent; quelquefois elles forment au milieu d'eux des bancs assez nettement stratifiés, comme à Laveyssière, près Murat.

Nous avons déjà fait remarquer que le terrain tertiaire est souvent disloqué au contact des conglomérats; que ceux-ci empâtent des blocs de ce terrain, et parfois renferment aussi des empreintes d'arbres et de feuilles. On y rencontre assez rarement des fragments de roches primitives, micaschistes ou granites. C'est à cette circonstance que nous devons sans doute attribuer l'existence d'un bloc de syénite, (Sorte de granite dans lequel te mica est remplacé par l'amphibote.) observé par nous dans le lit de la Jordanne, au pied du Puy-Griou.

La nature des blocs mêlés aux conglomérats, des masses et bancs qui y sont intercalés, varie suivant les localités. Le trachyte gris porphyroïde s'y rencontre très-fréquemment. Des blocs de trachyte gris, huileux et scorifié, se voient en abondance : entre Vic et Thiézac ; au-dessus de Bourgeade , dans la haute vallée d Allagnon; auprès de Gadilhou , dans la vallée de la Santoire : on les trouve souvent aussi auprès d'Aurillac, de Vezac. Les débris de basaltes sont abondants: auprès de Fontanges et de Salers, où les conglomérats de cette roche ont formé de grands éboulements; auprès d'Aurillac; entre Carlat etRaulhac; auprès de Mauriac et d'Ally. Dans les collines qui dominent Aurillac, Giou, Yollet, le bouleversement des bancs de conglomérats est extrême: ils englobent pêle-mêle des trachytes, des basaltes, des calcaires et même des bancs considérables de ces roches. Entre Vic et Thiézac, on observe des pierres trachytiques compactes, quelquefois porphyroïdes et se rapprochant, par l'aspect, des phonolithes.

Presque partout où existent les bancs basaltiques, ils forment la nappe supérieure de la formation. On remarque pourtant quelques intercalations de ces bancs au milieu des conglomérats; par exemple, auprès de Murat, sur la route d'Aurillac; vers Courbeserre, commune de Carlat.

Au milieu même des masses trachytiques qui forment les cimes et les escarpements les plus élevés, on trouve des masses de conglomérais dont la structure demi-arénacée et la disposition par lits indique l'action des eaux ou plutôt d'éruptions boueuses. Plusieurs alternances de ces lits, les unes à petits fragments, les autres plus grossières, existent sur les crêtes qui sont au sud du Plomb : leur inclinaison est d'environ 35 degrés. Au nord du Puy-Chavaroche, une masse semblable fait saillie au milieu des escarpements et semble pendre au-dessus de la vallée du Falgoux : une autre existe à côté de Roche-Taillade.

Les phonolithes sont moins abondants que les roches précédentes, mais sont remarquables par la place qu'ils occupent dans la formation. (Roche à cassure esquilleuse, principalement feldspathique. Elle doit son nom à sa propriété de résonner trés-fortement par t'effet du choc.) Ils constituent exclusivement ce massif à formes irrégulières, sur lequel s'élèvent les cimes aiguës nommées le Puy-Griou, les puys Griaunou et de Lusclade. Les phonolithes des puys Griou et de Lusclade sont de couleur claire, divisés en plaques; ils renferment de très-nombreux cristaux de pyroxène : on y trouve aussi de l'amphibole et de très-petits cristaux feldspathiques. Celui du Puy-Griaunou est au contraire de couleur foncée. Entre ce dernier pic et le Griou, on observe un petit lambeau de trachyte supporté par le phonolithe, et des échantillons qui semblent offrir un passage entre ces deux roches, et qui proviennent sans doute d'une modification subie par le trachyte aux points de contacts.

Au nord de la Roche-Taillade, une petite butte phonolithique appelée la Roche-Blanche, domine la vallée du Falgoux. Vis-à-vis de Dienne, sur la rive droite de la Santoire, le phonolithe tégulaire est exploité.

Au nord-ouest de la région volcanique, la même roche couvre plusieurs plateaux: tels sont ceux de Chastenac; de Milliac, prés Chastel; de Vinsac, près Menct; celui qui domine au sud le hameau de Broc, sur le ruisseau de Violou. Aux points où le phonolithe est en contact avec le basalte, il lui paraît inférieur.

Dans la Planèze et aux environs de Mauriac, existe une roche, espèce de dolérite, formée principalement de labrador. Elle présente une multitude de petites arêtes et esquilles feldspathiques de couleur grise, sans formes cristallines bien déterminées, entremêlées confusément, mais non réunies par une pâte, de sorte que la masse est criblée de petites cavités. Elle renferme des cristaux, souvent assez beaux, de péridot. Elle est facile à tailler; aussi l'exploite-t-on à St-Flour et à Chaudesaigues pour les constructions. On la trouve dans la Planèze, vers les Ternes, où elle repose sur les conglomérats; à Bouzentès, à Fressanges. Certains basaltes regardés a la loupe, offrent une structure qui les fait ressembler à cette roche.

Citons encore quelques roches pechstiniques en couches. A Fressanges, au-dessus de la dolérite, est du pechstein de couleur noire, à cassure conchoïde et résineuse, renfermant des cristaux de péridot et de feldspath blanc translucide.

Outre les grandes masses dont nous venons de parler, les roches volcaniques forment des filons qui coupent les divers bancs de la formation, quelle que soit d'ailleurs la nature de ceux-ci. Ils s'observent surtout vers la partie centrale, où ils règnent avec régularité sur les hauteurs. Leurs plans sont toujours à-peu-près verticaux.

Les tufs du Lioran et des environs des Chazes, sont traversés en tous sens par des filons trachytiques, quelquefois fort puissants. La roche qui les compose est le plus souvent compacte et de couleur blanche : elle présente assez rarement une structure schisteuse; souvent elle est grise et porphyroïde. Ce dernier trachyte est fort commun dans les filons de la haute vallée de l'Allagnon. On peut encore citer un trachyte noir, à pâte très-compacte, petits cristaux de rhyacolithe et quelquefois paillettes de mica, ayant ressemblance avec certains basaltes qu'on voit à l'entrée nord de la percée du Lioran : une roche analogue, avec cristaux de péridot, s'observe dans le fond de la vallée de la Jordanne, entre les puys Griou et Mary.

Les filons trachytiques sont beaucoup moins fréquents dans les hauts escarpements. L'un d'eux se voit au sud du Plomb; un autre non loin de ce sommet, sur l'arête transversale qui sépare les ravins de la Garde et de Ferval. Un filon porphyroïde existe à l'est du Puy-Mary.

Les filons basaltiques sont nombreux, et coupent toutes les assises de conglomérats et de trachytes. Citons d'abord le large mur de basalte qui forme la colline de Bredon, vis-à-vis Murat, et qui paraît encore entre Murat et cette colline: il s'est fait jour à travers les conglomérats. Dans les escarpements de la partie centrale, ces filons présentent une faible épaisseur, mais une grande régularité. On en voit un au nord du Plomb; un autre dirigé du nord au sud, au sommet de la crête qui domine vers le sud le ravin de la Garde : un filon de même direction existe auprès du Col-de-Cabre, sur le revers est du Puy-Roumière. On en voit encore : sur le col que l'on traverse pour passer de la vallée du Falgoux dans celle dela Jordanne; au nord du Puy-Chavaroche; entre la Roche-Taillade et la Roche-Blanche. Nous noterons enfin : un filon puissant à Gandilhou, dans la vallée de la Santoire; un filon vers la Ruschaire, vis-à-vis de Salers.

Dans le ravin de la Garde, vis-à-vis des Chazes, on trouve en filons des obsidiennes et pechsteins , roches à cassure conchoïde, à éclats vitreux et résineux : leur couleur est le vert foncé ou le noir. Il en existe aussi dans le ravin des Vergnes, entre les Chazes et le Lioran.

Hors de la région des grands plateaux, se trouvent, détachées et disséminées sur une foule de points, des buttes volcaniques et des portions de coulées. Ces lambeaux isolés sont presque tous basaltiques. Quelques-uns d'entre eux ont évidemment fait partie des vastes nappes de la formation centrale, dont ils ont été séparés par les fractures et les dénudations du sol. Tels sont les basaltes de Lieutadès, de Ronesqne ; ceux de la Chau, de Dat et de Moissac, qui proviennent probablement de la même coulée que le rocher de Carlat; les basaltes des environs de Condat et de St-Etienne. D'autres paraissent le résultat de coulées ou d'éruptions isolées.

Parmi ces diverses masses appartenant à l'une ou l'autre catégorie , nous citerons : les plateaux d'Arnac et de St-Santin-Cantalès; dans le canton de Sagnes, les roches de Lempret et de Charlus, qui dominent le terrain houiller, et celui de Largniac, qui est complètement environné par ce terrain.

La grande masse de phonolithe qui couronne le plateau de Bort (Corrèze) et qui cache sur une certaine étendue le terrain houiller, est fort remarquable par sa puissance, son élévation au-dessus des montagnes primitives voisines, ses divisions prismatiques et par le contour que le lit de la Dordogne a tracé autour d'elle.

A l'est du département, on trouve le basalte auprès de la Chapelle-Laurent, de Celoux, de Lastic. Au sud-est, il couronne les montagnes qui sont au-dessus de Jullianges et de Broussoles, de Faverolles et de Loubaresse. Ces dernières masses doivent sans doute leur origine à des centres d'éruptions indépendants de la grande formation.

Enfin, au sud de Chaudesaigues et à l'extrémité du département, s'élèvent les montagnes de St-Urcize et de la Guiolle, entièrement recouvertes par des nappes basaltiques qui se relèvent vers les points culminants.

Les roches volcaniques du Cantal renferment peu de substances minérales susceptibles d'être utilisées dans les arts métallurgiques ou chimiques. II existe des gisements d'alunite (Rocbe renfermant du sulfate d'alumine et de potasse, ct dont on peut extraire de l'alun) à Benech, près Mandailles, et dans la vallée de Fontanges.

Recherchons maintenant la nature des causes qui ont pu produire ces vastes nappes de basaltes et de trachytes, des phénomènes par suite desquels nous les voyons former les escarpements des hautes vallées, terminer les montagnes et les collines.

Leur origine volcanique, long-temps contestée, ne saurait plus aujourd'hui être mise en doute. Les cendres, les scories et les matières ponceuses, qui accompagnent les basaltes et les trachytes, leur nature minéralogique même établissent la plus grande analogie et parfois une similitude complète entre ces roches et les laves modernes. Il n'existe pas dans le Cantal des vestiges manifestes de ces cônes de scories que produisent de nos jours les éruptions laviques. Mais le Velay, le Vivarais, les environs d'Ardes, dans le département du Puy-de-Dôme, présentent des cratères parfois admirablement conservés, du pied desquels s'épanchent des coulées de basaltes : celles-ci, suivant la pente naturelle, se sont jetées dans les vallées et les dépressions du sol. Depuis, les vallées ont été approfondies par les érosions des eaux, les plaines ont été ravinées et dépouillées de leurs strates les plus superficielles, et, dans les environs du Puy, ces coulées de basalte terminent des collines en formant des nappes identiques à celles que nous offrent les grands plateaux du Cantal. Les volcans récents de la chaîne du Puy-de-Dôme, dont les déjections et les coulées sont en tout semblables à celles des volcans encore en feu , ont donné des laves, dont quelques-unes sont basaltiques et d'autres se rapprochent de certains trachytes gris à texture uniforme.

Ou les cratères du Cantal ont disparu, ou l'émission des grandes coulées qui ont couvert le pays n'a pas donné lieu à des projections très-considérables de matières scoriacées. Cette dernière circonstance parait probable, et la même remarque peut être faite pour la plupart des nappes volcaniques dont l'origine est très-ancienne.

Les nombreux filons basaltiques et trachytiques indiquent des fissures par lesquelles les roches sont arrivées au jour. Mais les points principaux d'éruption on dû être relativement en petit nombre; car, le peu de puissance de beaucoup de ces filons ne serait pas en rapport avec l'épaisseur et l'étendue des assises.

Nous avons dit que le basalte se rencontre aussi formant des buttes ou des rochers saillants. Ceux-ci sont parfois des dykes ou masses qui ont été injectées à travers de larges crevasses. Quelquefois on peut présumer qu'ils marquent l'origine des coulées. Souvent il semble que le basalte, arrivé au jour à  l’état pâteux, ait formé une espèce de dôme ou de champignon au-dessus de la bouche volcanique, sans produire d'ailleurs de grandes nappes. Le plus beau dyke est le rocher de Bonnevie, auquel s'appuie la ville de Murat : avant la dénudation du sol, il devait être englobé dans la masse des conglomérats. Il est à remarquer que le puissant filon de Bredon semble aboutir au pied même de ce rocher. Le Puy-Violent a été un point d'émission, autour duquel se sont étendues de vastes coulées.

La forme de huttes et de dômes, sous laquelle se présentent les trachytes des Monts-Dôme et de la Haute-Loire, et qui est fréquente dans ceux du Mont-Dore, est moins saillante dans les trachytes du Cantal. Pourtant, les puys Mary, Roumière, Chavaroche et la montagne de Menet, paraissent, au moins à leurs sommets, plutôt formés par de grandes masses que par des bancs superposés.

Les observations qui précèdent s'appliquent aux phonolithes, qui se présentent sous les mêmes apparences que les roches précédentes.

Les tufs et les conglomérats, qui forment rarement des assises aussi régulières que les basaltes et les trachytes, semblent tantôt être venus au jour dans un état incandescent et demi-fluide, tantôt avoir été le produit de coulées boueuses. Les tufs compacts, qui passent insensiblement à de véritables roches trachytiques, dont les fragments sont comme demi-fondus dans la pâte, appartiennent sans aucun doute à la première catégorie. Une grande partie même des conglomérats bréchi formes grossiers, à pâte terreuse, ont dû l'état de ramollissement qui leur a permis de s'étendre en nappes à leur très-haute température, comme le prouvent les arbres carbonisés, les fragments altérés de silex et de calcaire qu'ils renferment. Dans l'autre catégorie , paraissent devoir être rangés divers conglomérat dont les fragments présentent des angles moins vifs et sont disposés par lits parallèles, avec indices d'une stratification rarement concordante avec la disposition des grandes assises.

Dans tous les cas, ces masses ont dû s'échapper de la même manière et peut-être par les mêmes ouvertures que les coulées de trachyte; et, dans quelques filons trachytiques, la roche paraît le long des parois à l'état de conglomérat. Les secousses qui ont accompagné les éruptions volcaniques , les efforts que les masses en fusion devaient exercer sur les obstacles qu'elles rencontraient, ont pu déterminer la fracture en tous sens, et le broyement des bancs supérieurs et des parties de la coulée déjà solidifiées. Ces fragments et blocs concassés auraient été ensuite enveloppés par la masse incandescente, Si plusieurs des éruptions ont eu lieu sous l'eau, comme la préexistence du lac tertiaire tendrait à le faire supposer, cette circonstance a dù faciliter beaucoup la formation des conglomérats; l'eau refroidissant et solidifiant rapidement les parties qui arrivaient à son contact, rendant facile la dislocation et le soulèvement des masses, contribuant même par son bouillonnement et ses mouvements tumultueux au transport et à la confusion des matériaux.

L'époque relative de l'apparition de ces diverses roches est indiquée par l'ordre de leurs superpositions. Les basaltes ont été évidemment le produit des dernières éruptions volcaniques du Cantal. Parmi les trachytes, les moins anciens paraissent être ces assises porphyroïdes qu'on remarque en nappes régulières au sommet des plus hauts escarpements. Les conglomérats sont contemporains des trachytes dont ils renferment les débris. La prédominance de la variété grise porphyroïde dans la plupart de ceux qu'on observe, vers les extrémités de là région volcanique, prouvent qu'ils ont été produits abondamment à la fin de la période trachytique. Il y a eu même alternance, peut-être simultanéité entre les premières coulées basaltiques et les dernières émissions de conglomérats. Ce fait est prouvé par les nombreux fragments basaltiques que renferment les assises supérieures de ceux-ci, par les bancs de basaltes intercalés observables en quelques points. On pourrait peut-être expliquer les intercalations par des infiltrations au milieu des bancs préexistants; mais cette explication ne saurait être admise pour les blocs et les débris englobés.

Quant aux coulées de phonolithes que l'on observe au-dessus de Bort et au nord-ouest du département, elles sont, par leurs positions et leurs manières d'être, tout-à-fait analogues aux basaltes : elles semblent leur être à-peu-près contemporaines, peut-être un peu antérieures.

Les inclinaisons régulières des nappes volcaniques vers un centre commun, les formes circulaires des grands escarpements, la ressemblance assez imparfaite, il est vrai, qu'offrent les tufs et certains conglomérats avec des masses de cendres agglutinées, ont fait d'abord regarder le groupe du Cantal comme un vaste cratère ou cône d'éruption dégradé et déchiré profondément, dont les produits avaient revêtu les flancs de la montagne et couvert au loin le pays environnant.

La théorie de M. de Buch sur les cratères de soulèvement, a mis ces idées en grande suspicion. Enfin, dans leur remarquable mémoire sur les groupes du Cantal et du Mont-Dore, MM. Dufrenoy et Elie de Beaumont ont fait ressortir là véritable cause dé la structure actuelle de ces montagnes.

Les exemples que nous offrent le Vésuve, l'Etna et les autres volcans en feu, aussi bien que les volcans éteints du Puy-de-dôme , montrent que les coulées ne s'étendent en nappes larges et régulières que dans des plaines ou des bassins, et qu'alors leur surface est toujours sensiblement horizontale. Partout où le sol offre une forte pente, elles s'étirent en bandes étroites, minces et scoriacées. On ne pourrait admettre que de grandes masses d'abord incandescentes, puis refroidies régulièrement, présentassent une inclinaison égale seulement à 4 ou 5 degrés, comme celle qui est commune à une grande partie des plateaux du Cantal. A plus forte raison serait-il impossible, d'après toutes les lois de la dynamique et de l’hydrostatique, que les nappes de trachyte gris porphyroïde, qui couronnent le cirque de la vallée de la Jordanne et les escarpements du Plomb, eussent formé un manteau régulier sur la partie culminante du cône d'éruption. Les bancs que nous voyons aujourd'hui inclinés de toutes parts vers le centre du groupe, n'ont donc pu se former que dans un vaste bassin ou une plaine, et, après leur formation , leur surface était horizontale : leur relèvement n'a pu être causé que par l'action d'une force postérieure. Ce résultat géologique si important doit être regardé comme aussi bien démontré pour des nappes volcaniques que pour les couches de sédiment, que nous voyons fortement inclinées en tant de points de la surface terrestre. C'est la base et la proposition fondamentale sur laquelle repose toute théorie de soulèvement.

Dans le Cantal, la force soulevante a évidemment eu son action principale dans cette partie centrale vers laquelle se relèvent tous les bancs. On conçoit quel doit être l'effet d'une pression semblable parvenant à rompre une grande épaisseur d'assises horizontales. Le soulèvement de ces assises ne peut avoir lieu sans des fractures et des déchirements, dont les lignes passeraient par le point de rupture, semblables à ces fentes étoilées que produit un choc sur un morceau de verre ou un banc de glace. Les nappes se divisent en segments triangulaires qui tournent tout autour de leurs bases, tandis que leurs sommets s'exhaussent tout autour du centre. Rarement les sommets aigus de ces segments pourront subsister: ils forment les parties les plus exposées à être dé truites, tant par l'effet des érosions atmosphériques que par les secousses qui ne manquent jamais d'accompagner ou de suivre de tels efforts souterrains. Ces efforts, d'ailleurs, ne se concentrent pas en un point mathématique, mais s'exercent nécessairement dans un rayon plus ou moins grand. Souvent, et le Cantal lui-même nous servira d'exemple, ils semblent s'être manifestés par le surgissement de masses puissantes. Celles-ci ont dû ébranler et disloquer en tous sens la portion supérieure des assises, dont l'éboulement et la destruction a produit ces grands évidements en forme de cirques ou de cratères, communs aux montagnes de cette nature. Lorsque d'ailleurs une portion de la croûte terrestre a cédé à une pression souterraine qui agissait sous une certaine étendue, la rupture a dû avoir tendance à se faire suivant la surface d'un cylindre à base circulaire; car ce mode est celui qui, pour une même surface de pression, présente le moins de résistance de cohésion à vaincre. Cette raison peut servir à expliquer la formation des cirques, comme celle de certains cratères-lacs , tels que le lac Pavin, dans les Monts-Dore. Quant aux fractures rectilignes et divergentes, que nous avons représentées comme une conséquence nécessaire du relèvement des nappes, elles sont l'origine de ces grandes et profondes vallées qui, du centre à la circonférence, coupent les assises volcaniques et quelquefois les terrains sous-jacents.

II est facile de calculer par approximation quelle a dû être originairement la grandeur totale des fractures, en supposant que toutes les nappes fassent partie d'une surface conique. (L'excès de grandeur qu'une circonférence, tracée sur cette surface à une certaine distance de la bas comptée sur l'apothème ou côté du cône, présente sur une circonférence tracée sur le plan de base, concentriquement à la circonférence de base et à une distance de celle-ci, égale à la première, mesure la somme des fractures à ta même distance de la base des segments formés par les nappes relevées.)

Ce calcul a été fait par MM. Dufrenoy et Elie de Beaumont ; ils ont admis que le rayon de la surface circulaire affectée par le soulèvement est d'environ 22,000 mètres, et que l'inclinaison moyenne des nappes est de 3 degrés 42 minutes ( On divise le degré en 00 minutes.) , et ont trouvé 236 mètres pour la somme des fractures primitives, à une distance du centre égale à 4,000 mètres ; distance qui est à-peu-près celle qui sépare le même centre des grands escarpements du Puy-Chavaroche, du Col-de-Cabre et du Plomb. Cette somme est très-faible, relativement aux ouvertures que présentent les trois seules vallées de la Cère, de la Jordanne et de l'Allagnon, et les fissures produites par le soulèvement ont été immensément agrandies par les érosions dont elles ont dû singulièrement faciliter et provoquer les effets.

Selon l'opinion de MM. Dufrenoy et Elie de Beaumont, le massif phonolithique du Puy-Griou aurait surgi par l'action de la force soulevante, principalement concentrée vers ce point central. Il est probable, en effet, qu'il a joué un grand rôle dans le phénomène du soulèvement. Tout semble le démontrer: sa position au milieu des grands escarpements trachytiques; le relèvement que les nappes de la haute vallée de la Jordanne présentent vers un point intermédiaire, entre lus puys Gnou et de Lusclade; l'irrégularité et la singularité de ses formes, si différentes de celles des montagnes voisines : ajoutons encore les petits lambeaux et fragments de trachyte quelquefois altérés, que l'on trouve entre les puys Griou et Griaunou.

Nous sommes cependant portés à croire que l'effort intérieur a réagi directement sur un espace notablement plus grand. La montagne du Lioran, formée de tufs confus, et si distincte aussi par sa forme des escarpements qui l'entourent, nous semble avoir dû surgir pendant la période du soulèvement. Ce serait elle qui, poussée de bas en haut comme un coin immense, aurait séparé les crêtes du Plomb des cimes de Vassivières. C'est, en effet, vers le Lioran que se relèvent les nappes de ces dernières montagnes, ainsi que celles qui sont au nord du Plomb. Notre hypothèse s'accorderait bien avec la forte inclinaison que présentent les plateaux , en approchant de la ligne de faite des hauteurs qui bordent à l'est la vallée de Vic : elle expliquerait aussi l'absence de vallées de déchirement arrivant jusqu'à ces longues crêtes, le parallélisme des deux vallées principales de la Jordanne et de la Cère; car la vallée de la Cère, ainsi que celle de l'Allagnon, auraient été produites par le soulèvement du Lioran, où ces deux rivières prennent leurs sources. Il serait, d'ailleurs, difficile de voir dans les lignes presque droites des montagnes du Plomb, la continuation d'un cirque dont le contour passerait par les puys Chavaroche, Mary et Roumière.

En décrivant la configuration du sol volcanique, nous avons exposé la disposition remarquable de ces crêtes étroites à pentes abruptes, qui s'étendent du Puy-Chavaroche au Col-de-Cabre et que n'ont pas coupées les vallées divergentes. Nous avons remarqué aussi l'élévation et la pente régulière des plateaux qui avoisinent les puys Violent et d'Eron. Ces faits sont de nature à faire supposer que, dans ces directions, l'effort de .soulèvement s'est exercé avec énergie à une assez grande distance du point central, et même au-delà de l'enceinte limitée par le cirque de la Jordanne. La petite butte phonolithique, désignée sous le nom de Roche-Blanche, aurait peut-être ici quelque analogie avec le Puy-Griou.

Le groupe du Cézalier, qui présente de vastes plateaux se relevant graduellement vers les points culminants, a été aussi le théâtre d'un soulèvement. Ici la pression souterraine a été beaucoup moins énergique; car le relief de ces montagnes est bien moins accidenté que celui du Cantal ou du Mont-Dore. Cet effort, du reste, parait avoir eu une très-grande surface d'action.

Enfin, les montagnes de la Guiolle peuvent encore se prêter à des considérations semblables; car elles aussi sont revêtues de bancs basaltiques inclinés.

Même hors de la région volcanique centrale, nous voyons les nappes horizontales de basaltes et de phonolithes couronner des collines ou des montagnes. Quand elles ont coulé, les sommets de ces collines étaient des plaines ou des vallées. Depuis, les lits des torrents ont été creusés au-dessous d'elles; le niveau même du sol environnant s'est légèrement abaissé par la destruction des parties superficielles du micaschiste ou du granite, tandis que l'espace protégé par la couverture volcanique, plus résistante, n'a pas cédé aux mêmes causes de dégradation. Certains phénomènes accidentels, plus ou moins violents, ont pu contribuer à ces résultats. Ainsi, il n'est pas douteux que bien des fentes, ayant donné naissance aux ravins, n'aient été produites pendant les convulsions volcaniques, même à grandes distances des points d'émission ou de soulèvement. Les eaux des lacs tertiaires ont dû aussi être chassées de leur lit, soit tout-à-coup, soit graduellement, et de semblables masses d'eau faisant irruption, sont certainement susceptibles de produire des destructions très-grandes. Dans beaucoup de cas néanmoins, les effets signalés ne semblent pouvoir être attribués qu'à l'érosion des eaux et aux autres causes atmosphériques; toujours ces causes sont venues les accroître dans une très-large proportion. La grandeur des effets, comparée à la lenteur d'action de cette nature, peut donner une idée du temps immense qu'il leur a fallu pour s'accomplir. Par exemple, la profondeur du lit de la Dordogne, au-dessous de l'assise phonolithique qui domine la ville de Bort, est d'environ trois cents mètres; la profondeur des ravins tortueux de la Trueyre au dessous des basaltes de Paulbenc, de Lieutadès , d'Espinasse est presque aussi grande. L'apparition des ces basaltes et de ces phonolithes se rattache pourtant à une des périodes les plus récentes parmi celles que la géologie embrasse et présente à notre étude.