TERRAIN HOUILLER
Nous avons dit qu'on connaît, à l'ouest du département, plusieurs bandes allongées de ce terrain , qui sont disposées sur une ligne dirigée du Sud 20 degrés Ouest au Nord 20 degrés Est.
La principale d'entr'elles s'observe sans discontinuité, sur une longueur de 47 kilomètres, depuis Jalleyrac jusque sur la rive droite de la Dordogne au Nord de Madic , où elle est recouverte par le grand plateau volcanique de Bort. Entre Jalleyrac et Vendes, où elle est traversée par la Sumène, elle n'a que 500 met. environ de largeur; mais , plus au Nord, elle prend une bien plus grande extension, et atteint, vers Largniac et Lempret, une largeur de 2,800 mètres.
Ce terrain est essentiellement formé de couches de schistes et de grès, alternant entr'elles et régulièrement stratifiées. Le grès est à grains plus ou moins grossiers, tantôt en bancs compacts, qu'on peut exploiter pour pierres de taille, tantôt mal agrégés ou en bancs minces. Il renferme du mica et des fragments feldspathiques ; ce qui indique qu'il a emprunté ses éléments au granite ou au gneiss désagrégé. (Les grés sont des roches formées de petits grains réunis par un ciment quelconque : ce sont des sables, agglutinés. Dans presque tous les grés, la plupart ou ta totalité des grains sont composes de quartz.)
Quoique le grès domine au centre de la formation, vers l'Hôpital et Largniac, le schiste est peut-être plus abondant : il constitue presque exclusivement le terrain houiller au sud de Bassignac. Tantôt il est argileux, tantôt il est composé des mêmes éléments que le grès, mais est, en général, beaucoup plus micacé : souvent il est noir et riche en matières charbonneuses. Ces diverses couches présentent des inflexions et des contournements; mais, dans leur ensemble, elles sont dirigées à-peu-près du Sud-Sud-Ouest au Nord-Nord-Est, comme la masse du terrain. Elles sont très-sujettes aux élargissements et aux étranglements brusques. Leur inclinaison est variable, en général très-forte; sauf pourtant dans la partie centrale, vers l'Hôpital, où elle tend à se rapprocher d'une ligne horizontale. Le plus souvent les couches se relèvent vers le terrain primitif, de chaque côté du bassin houiller; quelquefois pourtant on remarque la disposition inverse, notamment dans le ravin de Lagraille.
Outre ces bancs, qui forment la masse principale du terrain, il existe des couches de houille. ( Diverses hypothèses out été mises en avant pour expliquer l'existence de ces couches de combustible minéral. Celle qui est à ta fois la plus simple et ta plus plausible, et qui est aujourd'hui généralement admise , assimile la formation de la houille à celle de ta tourbe. La tourbe se produit dans des marais, par suite d'une décomposition lente que subissent les plantes herbacées sous l'influence de l’eau de l'air el de la lumière.)
Les gisements les plus importants de cette substance se trouvent vers la lisière ouest de la formation, auprès de Lempret, de Pradelles, de Madic. Ils sont très-irréguliers dans leurs allures, au point de ressembler parfois à des amas allongés dans le sens des bancs du terrain, plutôt qu'à des couches. Leur épaisseur atteint 4 ou 5 mètres ; plus souvent elle est égale à 2 ou 3 mètres. On trouve en outre, vers les mêmes localités, un grand nombre de veinules de houille non susceptibles d'exploitation. Sur la lisière est, auprès de Largniac, de Montgrou, an connaît des couches et des affleurements de ce combustible, dont l'épaisseur est assez faible. Dans le ravin de Lagraille , au sud de Vendes et aux environs de Jalleyrac, les affleurements houillers abondent, parmi les bancs schisteux qui constituent le terrain de cette partie du bassin. En ces points, les couches de houille sont très-relevées, irrégulières, et leur épaisseur dépasse rarement 1 mètre.
On a reconnu, dans les environs de Vendes, des lits de fer carbonaté lithoïde : ce minerai forme aussi des rognons disposés en chapelets, suivant le sens des couches.
Les schistes et grès houillers renferment des empreintes de fossiles végétaux: on en a trouvé principalement à Madic, à Vendes. Ces fossiles se rapprochent par l'aspect des fougères et des roseaux. On peut citer les espèces suivantes: Pecapteris longitica, arborescens; adontapteris minor.
Au nord du plateau volcanique qui couronne la montagne de Bort, le terrain houiller reparaît et remplit le fond de l'étroite vallée de la Dordogne, jusque vers le hameau de la Touvery, commune de la Bossette (Puy-de-Dôme), où il est encore presque entièrement recouvert par un plateau de conglomérats volcaniques. Sur les deux flancs de la vallée, les sommets escarpés des montagnes sont primitifs. Vers le château de Thinières, le lit des eaux est même creusé dans le granite, et le terrain houiller, réduit à une très-faible largeur, se trouve entièrement sur la rive gauche de la rivière. Cette bande étroite des bords de la Dordogne est formée aussi de schistes et de grès : les affleurements de houille y sont rares et peu importants. Les couches sont très-relevées, et un fait très remarquable, qu'on peut observer sur presque tout le flanc droit de la vallée, est leur prolongement à l'Ouest sous le terrain primitif, qui les recouvre en débordant au sommet des escarpements.
Le lambeau que nous venons de décrire est en continuité évidente avec la formation de Lempret et de Madic. Les phonolithes de Bort, qui ne cachent le terrain houiller que sur une longueur de 2 kilomètres, proviennent d'une coulée épaisse, d'origine beaucoup plus récente, et qui s'est épanchée sur ce terrain comme sur les roches primitives voisines.
De même à la Touvery, la formation est recouverte et non interrompue, et, au-delà du plateau très-peu large de conglomérats trachytiques , elle s'étend en langue étroite, et toujours suivant la même direction, jusqu'à la rivière de Clidane, près Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme).
Sur le prolongement même de l'axe de ces deux bandes et plus au Sud, on a observé de très-petits lambeaux de terrain houiller : au Pont-d'Auze, près Mauriac; vers Groussoles et Favars, près Pleaux ; vers Vausseret, Ganious et Salesse , près St-Christophe. On les trouve tous au-dessous des nappes de basaltes ou de conglomérats trachytiques, dans des ravins dont le fond est inférieur au niveau de ces nappes. Ils sont allongés dans la direction de l'axe commun, c'est-à-dire environ du Sud-Sud-Ouest au Sord-Nord-Est, formés de bancs de grès et de schistes affectant la même direction. Un affleurement de houille apparaît dans les ravins du Pont-d'Auze. Ces lambeaux ne sont que des fragments de bandes plus grandes, recouvertes par les nappes volcaniques. Il est même fort probable qu'au-dessous de ces nappes ils se relient au terrain houiller de Jalleyrac, et, s'ils en sont séparés, la solution de continuité ne peut être que très-faible.
Le terrain houiller du Cantal nous apparaît donc comme faisant partie d'une bande très-étroite, qui règne sans interruption sur une longueur de 66 kilomètres, depuis les environs de Bourg-Lastic jusqu'auprès de St-Christophe. En plusieurs points elle est recouverte par des terrains d'origine plus récente, principalement auprès de Mauriac, de Pleaux, de Bort.
Plus au Nord et sur le même axe, se trouve une formation semblable, que l'on observe dans le département du Puy-de-Dôme, depuis la Vernade, près Montaigut, jusque dans la commune de St-Priest-des-Champs. Entre ce dernier point et Bourg-Lastic, et toujours sur la ligne signalée, le même terrain a été découvert en beaucoup d'endroits, et, quoiqu'il soit souvent caché par des argiles et des dépôts quartzeux, il n'est point douteux qu'il n'occupe une très-grande partie de cette étendue. Dans le département de l'Allier, divers bassins houillers, disséminés sur la même ligne, sont encore en connexion de gisement avec les précédents; et l'on peut dire qu'une formation houillère existe presque sans interruption, depuis les environs de St-Christophe (Cantal), jusqu'à Souvigny (Allier). Sa longueur est de 178 kilomètres, tandis que sa largeur moyenne n'excède pas 1,000 mètres.
Ce fait géologique, si saillant et si singulier, est en relation frappante avec la configuration du pays. Nous avons déjà noté que la même direction s'observe dans plusieurs groupes des montagnes qui s'élèvent à l'ouest de la formation. En outre, la place occupée par celle-ci est le plus souvent marquée par une dépression générale du sol, qu'elle remplit et sur laquelle elle se moule presque exactement. Dans les communes de Beaulieu et de Lanobre, la dépression n'est autre que la profonde vallée de la Dordogne. Entre Madic et Bassignac, le sol qui est formé par le terrain houiller présente une élévation un peu moindre que le terrain primitif environnant. Entre Vendes et Jalleyrac, il occupe les flancs et le fond d'une vallée et d'un ravin étroits. Cette dépression générale est, du reste, loin d'être toujours en rapport avec le cours des eaux : les rivières, au contraire, la traversent souvent, en s'encaissant enlre les montagnes plus élevées. On peut citer la Dordogne, auprès de Madic; et ces faits prouvent l'impossibilité d'expliquer, par l'érosion seule, la formation de toutes les vallées.
Le terrain bouiller, depuis l'époque où il a été déposé, a subi de grandes perturbations, attestées par le relèvement des couches, par la manière dont elles sont quelquefois repliées sur elles-mêmes et bouleversées. La révolution principale a consisté en un soulèvement, dirigé du Sud 20 degrés Ouest au Nord 20 degrés Est, et accompagné probablement de violentes pressions latérales, sous l'influence desquelles les couches se sont repliées en sens contraire de chaque côté du bassin. Le relèvement a souvent été tel que les bancs, dépassant la position verticale, ont été couchés en sens inverse de leur position première. C'est par cette cause, croyons-nous, que, sur la rive droite de la Dordogne, on voit le terrain primitif s'appuyer sur les bancs houillers.
Cette formation a dû occuper, dans sort origine, un espace beaucoup plus vaste que celui qu'elle recouvre aujourd'hui : peut-être se reliait-elle aux petits bassins houillers de la Corrèze et de la Creuse. La conservation du lambeau restant est due à l'encaissement du sol, qui l'a garanti des agents destructeurs.
Les considérations auxquelles on peut se livrer sur la plupart des faits géologiques, surtout lorsqu'il s'agit de terrains dont l'âge relatif est ancien, conduisent toutes à admettre que la surface du globe a éprouvé d'immenses dénudations. Elles ont pu, en grande partie, provenir de violents cataclysmes; mais il n'est point douteux qu'en très-large part aussi elles ne soient dues à l'action permanente des causes atmosphériques. Le temps qu'il faut imaginer pour que ces causes aient pu amener des effets de cette grandeur, est hors de toute proportion avec celui dont les souvenirs historiques les plus éloignés nous peuvent donner l'idée, et l'étude de la géologie conduit presque à la considération de l'infini, par rapport au temps, comme celle de l'astronomie nous inspire l'idée de l'infini dans l'espace.
Le riche et important bassin houiller d'Aubin s'étend du côté de la Tapie, jusque vers l'extrémité sud-ouest du département, mais n'y pénètre pas.