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 Document tiré  du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet  Edition de MDCCCLII  (1852) Volume 1/5.

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 BREZONS


GENERALITES

La commune de Brezons est comprise dans le canton de Pierrefort et dans l'arrondissement de St-Flour. Allongée du nord, au sud, elle est bornée au nord, vers le Plomb-du-Cantal, par les communes de St-Jacques-des-Blats et de Bredon; au sud par celle de St-Martin et celle de Vigouroux, démembrement de la première; à l'est par les communes de Cézens et de Paulbac; à l'ouest par celle de Malbo.

La rivière de Brezons l'arrose dans sa longueur. Elle est aussi baignée par les ruisseaux del Bal oii de Salesse, de Maudre , d'Encloutoux, d'Epies-d'Agulade, de Plô, de Sigualade , ce dernier venu de la montagne de Belleviste ; d'Incareyre, ruisseau qui naît à la montagne dite le Plomb-du-Cantal; de Montréal, de La Griffoul, de Riailler, de Grandval, du Pas-de-Nicol.

La surface du territoire de la commune est de 4,380 hectares, savoir : 450 hectares en terres cultivées; 2,780 hectares en prés et pacages à vacheries; 800 hectares en bois taillis, en futaies de sapin, et 200 hectares en landes et bruyères.

Les principaux revenus de la commune consistent dans le produit de ses bestiaux et de ses fromages; mais l'élévation des montagnes y rendant les froids précoces et prolongeant les rigueurs de l’hiver, le séjour des vacheries ne peut être que très-court dans leurs pâturages.

La population, composée de 1,354 habitants, se répartit dans

32 villages ou hameaux, et 227 maisons.

Brezons, chef-lieu, à 7 kilom. de Pierrefort et 2 myriam. 7 kilom. de St-Flour, est situé dans le vallon, sur un petit monticule qui domine de quelques pieds la rivière. Ce vallon est d'une très-grande profondeur. Il commence au versant sud du Cantal, prend une grande largeur dans cette partie, puis va se rétrécissant au dehors de la commune. Dans les coteaux de l'ouest règnent des forêts. Cet ensemble naturel donne au village, d'ailleurs peu considérable, un aspect très-riant.


L’EGLISE

Son église, au rentre du bourg, est dédiée a saint Hilaire. Elle fut, au XI° siècle, donnée au monastère de St-Flour par Amblard de Brezons. La donation se retrouvera détaillée à l'article de cette ville.

Aymard de Cros, évêque de Clermont, céda en 1292 la part de revenu qui lui appartenait sur l'église de Brezons au même monastère de St-Flour, et les affecta à la charge de camérier. Cette église fut reconstruite en partie vers 1600. Elle est ornée et bien entretenue. Il y avait en 1662 une communauté de prêtres qui vivaient à frais communs. Pierre Tyssandier était curé en 1626; Jean Salés en 1692; Pierre de Pons de La Grange, protonotaire apostolique, comte de Lyon, archidiacre de St-Flour, fut prieur de Brezons en 1655; Antoine Delrieu était alors curé. N. Jouve, curé en 1789, assista aux Etats, réunis alors à St-Flour.

La vaste étendue de la commune vers le Plomb-du-Cantal, l'impossibilité où se trouvait la partie supérieure de communiquer pendant plusieurs mois avec le chef-lieu, a cause de l'encombrement des neiges, a déterminé récemment la création d'une chapelle vicariale au hameau du Bourguet. Une ancienne chapelle était tombée en ruines. Elle a été remplacée par l'église nouvelle, sous l'invocation de sainte Anne.


SEIGNEURIES

Brezons était autrefois une seigneurie considérable. Il y avait un château fort qui a donné son nom à l'une des familles les plus riches et les plus renommées du haut pays d'Auvergne. On la trouvera mentionnée souvent dans cette histoire.

Amblard de Brezons est le premier qui figure dans nos annales. Sa famille devait être précédemment très-puissante, puisqu'en 995 on le voit participer, avec son parent Amblard, comptor d'Apchon , à la fondation du monastère de St-Flour. Cette famille intervint aussi dans plusieurs actes de donation en faveur de divers monastères.

Amblard III de Brezons étant malade, en 1107, donna au monastère de Conques et à l'abbé Boniface , son fils Elie, pour être moine, ainsi que l'enfant dont sa femme était enceinte, s'il naissait du sexe masculin. Le monastère reçut en outre de lui le village de Treylis, 200 sols malgoriens et 230 sols du Puy. Sa femme et ses parents assistèrent à cette donation.

Etienne de Brezons fut abbé de la Chaise-Dieu en 1191. Les dauphins d'Auvergne ayant ravagé les terres de cette abbaye, il en porta plainte au pape Célestin III, qui fulmina une bulle contre le dauphin.

Pierre de Brezons eut beaucoup a souffrir des guerres de Reynaud de Murat et des Cardaillac. Pour le punir d'avoir pris le parti de ces derniers, Reynaud vint dévaster ses terres et le château de Brezons. Les habitants du bourg s'étaient réfugiés dans le château, croyant y trouver leur sûreté. Mais Reynaud y mit le feu, et ceux qui l'occupaient périrent en grand nombre. La tradition rapporte que Reynaud , outre les représailles qu'il avait à exercer contre Pierre , pour avoir été son adversaire, voulut tirer vengeance de l'assassinat commis en 1400 par les habitants de Lidar, à l'instigation du seigneur de Brezons, son frère puîné. Une croix, qui subsiste encore de nos jours, fut élevée sur le théâtre du crime, et marqua le lieu où fut perpétré ce lâche fratricide. On fait remonter à cette époque la destruction du château de Brezons , appelé de Roche-Servière, et qui ne fut pas reconstruit.

En 1434 Guillaume de Brezons fut nommé commissaire du roi pour vérifier les acquêts des fiefs depuis 60 ans.

Antoine de Brezons, seigneur de Neyrebrousse, capitaine de cent francs-archers, avait acquis une grande renommée. Il fut tué lors des guerres civiles.

Bonnet de Brezons assista en 1510 aux Etats, assemblés à Riom pour recueillir les coutumes d'Auvergne. D'après son hommage au roi, il était immensément riche. Figurent en effet parmi ses possessions : le château de Valuejol, relevant du vicomte de Murat, et certains villages de la circonscription de Valuéjol, du Sr de Lastic; le village du Perret, de Dauphine d'Auvergne; du baron de Pierrefort, le château du Meynial , les lieux de Brezons, Besseyres-Ies-Chantal; du roi, les montagnes du Cantal et des Loups ; de l'évêque de Clermont , la châtellenie de Roche-Servière (Brezons), plus, de nombreux villages; Pratdebouc. de l'évêque de St Flour , comme représentant le prieur du monastère. Le sire de Brezons devait encore à ce prélat 12 liv. tournois, et s'il manquait de s'acquitter au jour dit, la somme était doublée chaque jour, jusqu'à celui du paiement; et en outre il lui rendait l'hommage pour le château de Montréal, les lieux de Fabrègues et de Cézens. Il était seigneur suzerain de Jacques de Jouvenroux pour Laroussière, et de Jean de Lavaissière pour La Chaumette.

Guillaume de Brezons périt sur la brèche en 1557, au siége de St Quentin. Joachim de Brezons fut tué par les Huguenots près de Mende. Tristan , son frère, devint le chef de la branche de Massebeau par son mariage avec l'héritière de cette châtellenie.

Charles de Brezons se distingua dans les guerres civiles autant par ses cruautés que par ses talents militaires. Les rigueurs qu'il exerça contre les Huguenots, à Aurillac où il commandait, furent cause en partie des dévastations que ceux-ci exercèrent contre cette ville lorsqu'ils s'en emparèrent.

François de Brezons épousa Marie de Berthon-de-Crillon, et n'eut pas d'enfants. Sa veuve prit possession de la seigneurie, malgré l'opposition de François de Pons qui prétendait y avoir des droits. Il s'était même emparé du château de Brezons, dont il ne put être expulsé par la force, et qu'il rendit volontairement.

Marie de Berthon fit son testament en faveur de la duchesse de Guise, à la charge de payer 200,000 liv. au duc de Villars, son frère, ce qui ne fut pas accepté. Le duc de Villars hérita de la terre de Brezons, qu'il donna à son fils, duc de Brancas, lieutenant-général. Il fit faire en 1656 des restaurations au château, qui était alors en bon état, et dont il ne reste plus aujourd'hui que des ruines. Sa fille, Françoise d'Harcourt de Brancas, eut pour dot la terre de Brezons, et fut mariée à Charles de Lorraine. Cette terre, en 1728, fut achetée par le marquis de Miramon, et elle a été transmise à M. de Châtillon qui la possède encore.


LA CHASSE DIABOLIQUE

Nous venons de dire que la superficie des bois existants dans cette commune était de 800 hectares ; mais, comme les forêts de Siniq, de Malbo, de Vigouroux et autres lieux circonvoisins sont presque contiguës, elles forment un massif très-considérable, bien approvisionné de gibier et même de chevreuils. Aussi la forêt de Brezons,comme plusieurs autres du Cantal, voire même la forêt de Fontainebleau, possède-t-elle la légende d'une chasse volante, objet de terreur pour les habitants crédules et timides du pays.

Entre les forêts que nous venons de citer, sur le point culminant des vallées de Brezons et de Malbo, existe un communal étroit se prolongeant vers le Cantal. Dans sa partie inférieure, et sur la lisière du bois de Vigouroux, se joignent quatre chemins; deux servent de communication entre Malbo et Brezons; les autres conduisent de Vigouroux au Cantal. Une croix, comme c'est l'usage dans nos montagnes, est élevée au point d'intersection. La croyance populaire a consacré dans le pays ce point comme redoutable : nos montagnards les plus hardis n’oseraient y passer à minuit; car la tradition conserve le souvenir d'événements terribles survenus à quelques hommes imprudents. C'est qu'en ce lieu, à des jours et intervalles inconnus, passe le Grand-Veneur avec sa meute et sa suite infernale! Malheur au voyageur attardé qu'il rencontre sur son passage! si la Providence ne lui a pas donné le temps de faire une oraison au grand saint monsieur St-Hubert; s'il n'a pas recommandé son âme à notre bonne dame, la vierge bienfaisante du Rocher-de-St-Martin , et si réfugié derrière un mur, un tertre, des broussailles, il ne s'est pas signé dévotement à l'apparition de la chasse diabolique! Oh! alors il est perdu; il disparaît a jamais, et aucune trace de lui ne sera retrouvée!

Si au contraire la bonne vierge du Rocher l'a pris sous sa protection puissante, il est témoin du plus étrange des spectacles. La meute, composée d'un nombre infini de chiens, passe devant lui haletante, la gueule ouverte, comme donnant de la voix, poursuivant à vue une biche effrayée; mais, pas un cri ne sort de ces gueules enflammées. Des piqueurs au costume écarlate, les yeux en feu, embouchent leur trompe insonore; et, comme complément de cette ronde vient le Grand-Veneur lui-même, vêtu aussi d'écarlate, un fouet à la main , et poussant devant lui tout son équipage de chasse. Le jeu de ses membres fait entendre un cliquetis sec et lugubre; son pied, en frappant la terre, rend un bruit étrange; ses vêtements paraissent ne couvrir que des ossements desséchés; on dirait que sa tête décharnée est creuse, et la lueur de ses yeux semble l'effet de charbons ardents!

Quand, par bonne fortune, le beau-diseur de la veillée a pu raconter quelque histoire bien effrayante arrivée récemment; lorsque la chair-de-poule est venue aux femmes; que les jeunes filles, tremblantes de tous leurs membres, se sont serrées contre le giron maternel; oh ! alors, de quel intérêt n'a pas été ce récit! Le souvenir en restera gravé dans la mémoire, et chacun de porter envie à l'heureux paysan protégé de la Providence, au point d'avoir été sauvé d'une mort et d'une damnation inévitable!

Malgré l'absurdité de superstitions pareilles, on n'eût pas trouvé dans le pays, il y a cinquante ans, un homme doué d'une assez grande énergie pour affronter à minuit le passage de la croix des Quatre-Chemins du communal.

On doit penser que l'origine de cette légende est aujourd'hui inconnue. Il est probable qu'elle s'est rattachée, dans le principe, au souvenir de quelque seigneur de Brezons coupable d'un grand crime; car les anciennes chroniques ont conservé mémoire de plusieurs fratricides commis dans cette famille. Elle dût prendre naissance dans une veillée, et les esprits naïfs des villageois trouvèrent vraisemblable un supplice infligé en expiation de forfaits, que la pénitence terrestre du criminel n'avait pu entièrement effacer.

 


CASCADES

On remarque plusieurs cascades dans la commune de Brezons. La principale, désignée sous le nom de Saut-de-la-Truite. est formée par le ruisseau de Grand-Val. Elle se trouve à l'extrémité de la vallée, et sa chute a trente mètres de hauteur au moins.

Une seconde cascade , située entre Méjennassière et La Borie, présente trois chutes successives, à cinq mètres de distance l'une de l'autre. Son élévation peut être évaluée à soixante pieds. Le rocher d'où s'élance le dernier jet, forme une concavité d'une cinquantaine de mètres, que la nappe d'eau recouvre en tombant, de sorte que l'on peut passer d'une rive à l'autre à couvert sous ses flots. Malheureusement ces cascades ne sont imposantes par le volume de leurs eaux qu'à la fonte des neiges. La dernière surtout n'en conserve ordinairement que très-peu.


VILLAGES ET HAMEAUX

Les villages et hameaux de la commune sont:

Arjaillez, village.

Belbezet, hameau. Il s'y trouvait un ancien château qui appartenait en 15-tO à François de Montjou, héritier d'Antoine, seigneur de St-Clément et de Laroquc, qui le tenait en fief des seigneurs de Brezons.

3° La Besseyre, village.

4° La Borie , hameau, voisin du précédent.

5° La Boyle, hameau dans la vallée. On y. voyait un château composé de trois tours, dont la plus petite subsiste seule aujourd'hui. Des fouilles récentes ont fait découvrir dans cette propriété de M. Henry, de St-Flour, une trentaine de boulets et beaucoup de balles.

6° Le Bourguet, village dont nous avons -déjà parlé, chef-lieu d'un démembrement de la paroisse. Son presbytère a été fait nouvellement et dans des conditions convenables.

7° Chantal, village et moulin.

8° Les Charnides, village.

9° La Cluse, hameau. «

10" Combadiêre, hameau.

11° Cros-Bas, village.

12° Cros-IIaut, village dans le vallon de Brezons.

13° Les Granges, village.

14° La Doulvadenche, village sur la montagne.

15° L'Estival, village.

16° Les Fabrichounes, hameau.

17° Les Fabraiches, village.

18° Fareyre, village.

19° La Fraissinette, village sur la montagne.

20° Gourbèche, village dans la vallée. »

21° La Griffoul, hameau, près duquel paraissent encore les vestiges d'un château. Ce manoir était adossé à un rocher très-élevé et bien fortifié. Mérigot Marcheix, l'un des routiers qui désolèrent le plus nos montagnes, ne pouvant s'en emparer par la force, usa, pour en venir à bout, d'un stratagème en rapport avec les moyens de guerre de l'époque. Il avisa de détourner le ruisseau de Riailler et de le conduire sur le rocher; le ruisseau formant alors cascade sur les bâtiments du fort, y causa de grands dégâts, obligea le seigneur à capituler et à payer une forte rançon. On a rapporté par erreur le même fait au sujet du château de Brezons.

22° Inchastang, village dans le vallon.

23° Laudonnez, village.

24° Liadières-Hautes, village.

25° Lidar, village déjà mentionné comme le lieu où fut commis l'assassinat d'un cadet de Brezons.

26° Livernaix, village.

27° Lustrande, gros village dans le vallon.

28° Méjennassière, village où s'élevait jadis un prieuré qui fut uni au monastère de St-Flour en 1292. La chapelle de Méjennassière était dédiée à sainte Madeleine, et dépendait autrefois de l'abbaye de Val-Luisant ou du Bouchet. Il y avait encore dans ce village un château qui appartenait, en 1366, à Marfred de Murat, seigneur de Montlausy, près de Maurs. Ce château dut être détruit, ainsi que le prieuré, lors de l'invasion des Anglais.

29° Montréal, village, jadis seigneurie de la famille de Brezons, avec un château déjà cité comme relevant du monastère de St-Flour. On aperçoit encore, mais presque entièrement effacés, les vestiges d'une tour qui en faisait partie. Le château dominait la plaine, qui présentait au-dessous de lui un paysage agréable et fertile. D'après M. Deribier, les traces d'une voie romaine se découvriraient près de Montréal.

30° Plain-de-la-Roche, hameau.

31° La Praderi, village dans le vallon.

32° La Quérille, village.

33° Rochières, village.

34° Roche-Servières, hameau près du bourg, et site primitif du château de Brezons.

35° Rieutort, hameau.

36° Serveyrette.

37° Savissages, hameau.

38° La Vergnette, village dans la vallée, avec un beau pont sur la rivière de Brezons. M. de Lastic de Lescure, syndic de la noblesse d'Auvergne aux Etats-Généraux de 1789, l'avait fait construire, parce qu'alors la route de St-Flour au Mur-de-Barrez traversait ce village. La Vergnette formait une seigneurie dépendant de la maison de Lastic , dont une branche était venue s'établir à Vigouroux ou Vigueroux par suite du mariage, en 1607 , d'Annet de Lastic, fils de Louis et d'Antoinette de Tourdes, dame de Velzic, avec Françoise de Barthomier. Cette branche est aujourd'hui réunie à celle de Parentignat, près Issoire. Il en sera parlé ailleurs.

39° La Vidalenche, village.

Girarde de Montmorin, sœur de Bompart et fille d'Hugues de Montmorin , possédait en 1319 plusieurs fiefs dans le mandement de Brezons, qui relevait de la baronnie de Pierrefort.

Les habitants de la châtellenie de Brezons n'étaient pas d'accord avec leur seigneur sur la loi qui les régissait; ils prétendaient appartenir au pays de droit écrit, tandis que le sire de Brezons leur appliquait le droit coutumier. En 1614 intervint un arrêt qui jugea que cette terre était régie par le droit écrit.

P. de C...

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