J’ai toujours été attirée par les vieux livres ; les couvertures monochromes et jaunies par le temps, les coins écornés par l’usage racontent déjà une histoire, avant même d’avoir ouvert le livre. Le hasard, et la complicité d’une amie qui se reconnaîtra, ont mis entre mes mains le premier guide touristique publié par l’agence Havas Aurillac, 224 pages sorties des presses de l’Imprimerie Moderne à Aurillac fin 1947, Le Cantal touristique gastronomique.
A l’échelon national, l’agence Havas fut d’abord une modeste agence de traduction créée en 1832 par Charles-Louis Havas jusqu’à devenir une agence d’information « officiellement officieuse ». En 1945, l’agence Havas a été nationalisée en raison de la compromission de ses dirigeants pendant l’occupation allemande, elle cède la place à l’AFP (Agence France-Presse). La mise en oeuvre des acquis du Front Populaire (1936) dont les fameux congés payés ayant été stoppée par la guerre, tout semble désormais réuni pour que le tourisme se développe, l’activité d’Havas Voyages peut démarrer.
Présentation de l'ouvrage
L’ambition de l’Agence Havas d’Aurillac (Agence Havas-Duchemin-Exprinter, pavillon du Syndicat d’Initiatives, Aurillac) est clairement affichée en page 4 de sa première édition Le Cantal touristique gastronomique :
« Notre but sera atteint lorsque nous aurons fait connaître et apprécier notre « petite patrie » et son hôtellerie à tous ceux qui nous auront fait l’honneur et le plaisir de visiter le Cantal ».
L’ouvrage, rédigé avec le concours du Syndicat d’Initiatives d’Aurillac, est placé sous le haut patronage de la Chambre de Commerce du Cantal et de la Chambre Hôtelière du Cantal.
La publicité est déjà présente, quelques encarts publicitaires, tout en sobriété puisqu’il s’agit de pages cartonées, parfois colorées, imprimées en noir, émaillent les pages du guide. Les slogans font mouche avec « le fruit de la racine » et « le triomphe de la qualité » pour l’Auvergne-Gentiane ou « goût, distinction, qualité » pour la manufacture de parapluie Sauvagnat et parfois se contentent d'un jeu de mot avec "le chat nu" de la maision Chanut.
Un premier chapitre, après un rapide rappel de quelques notions essentielles d’histoire, de géologie, d’archéologie, de climatologie, d’agriculture et d’économie, consacre quelques lignes aux eaux minérales du Cantal ainsi qu’aux équipements hydro-électriques dont certains encore en cours de construction en 1947 (barrages d’Enchanet, de Grandval et de Bort les Orgues). Sont également citées différentes sociétés alors en activité, littéraires (Société de Haute-Auvergne, l’Escolo Oubernhato), folkloriques (Bourrée d’Aurillac) et sportives (Aéro-club d’Aurillac, ski-club du Lioran, Stade Aurillacois, etc) ainsi que les principaux pèlerinages.
Le chapitre II entre dans le vif du sujet, 150 pages sont consacrées aux villes et villages du Cantal, les bonnes adresses sur la page de gauche, la notice sur celle de droite. Aurillac ouvre le bal avec 4 pages de texte, plusieurs photos et de nombreuses « bonnes adresses » puis suivent les notices de 120 communes spécifiant l’altitude, le nombre d’habitants, les moyens d’accès – train et/ou autobus – et la mention des principaux centres d’intérêt, Ytrac clôture logiquement la liste.
On notera que ce guide Havas ne fait pas montre du moindre chauvinisme, puisque le chapitre III aborde les « centres touristiques à proximité du Cantal » que sont Argentat et Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze), Blesle (Haute-Loire), Conques, Entraygues-sur-Truyère et Sainte-Geneviève (Aveyron), Bretenoux, Lacave, Padirac, Roc-Amadour, Sousceyrac et Saint-Céré (Lot).
Le chapitre IV nous ramène dans le Cantal et se décompose en deux parties :
- circuits touristiques illustrés à faire en voiture et
- excursions en montagne (Puy Mary, Plomb du Cantal, Puy Griou et le Lioran) dont vous pouvez prendre connaissance ci-dessous avec la distanciation du temps :
Conclusion
Cette consultation contemporaine d’un guide touristique de 1948 fut émouvante, il nous parle de ce qui n’est plus (hôtels-restaurants, stations thermales, ferveur religieuse …) et de ce qui n’était pas encore (Super-Lioran, tunnel du Lioran, RN 122 …). Chaque village évoqué était desservi par les transports en commun, quotidiennement ou plusieurs fois par semaine. Les numéros de téléphone étaient réduits à la plus simple expression, le 1 au Lioran pour l’Auberge du Tunnel, le 66 pour le Grand Hôtel de Bordeaux et le 0.69 pour le garage Peugeot situé au 1 avenue des Pupilles de la Nation à Aurillac ou le 4 pour Le grand hôtel Terminus à Saint-Flour. Enfin, les hôtels vantaient leur "confort moderne" ou plus modestement l’existence de "l’eau courante", les restaurants la "cuisine de famille", la "cuisine bourgeoise", la "cuisine réputée" et la "cuisine soignée", voire "très soignée".
DTF (avril 2020)