BAS PAYS.
Nous serons court sur le pays moyen et le bas pays. Le bas pays comprend, selon nous, la partie occidentale du Cantal entre la région déjà parcourue, le Lot et la Maronne; il se compose des cantons d'Aurillac (sud), St-Mamet, Montsalvy, Maurs et Laroquebrou. Le niveau général de ces cantons est inférieur au reste du territoire; leur nature et leur physionomie sont aussi tout autres que celles du haut pays. On y voit de grandes plaines de bruyère plissées par les ondulations de nombreux ruisseaux , et bordées par des ravins très-encaissés; des marécages; des landes stériles, et aussi quelques plateaux fertiles; peu de vallées régulières; mais de très-larges bassins, inclinés et mouvementés jusqu'au lit des cours d'eau qui les sillonnent; de vastes forêts dans les gorges; sur les flancs des petits vallons , des chênes et des bouleaux en massifs; entre ces massifs disséminés, remontent quelques prés étroits qui viennent mourir dans la bruyère. Les grandes prairies sont rares, si ce n'est au fond de quelques vallées; les pentes douces des bassins sont cultivées en céréales, et, dans les bassins méridionaux , le Veynazès et la vallée de Rance ou du Celé, par exemple, elles sont plantées de châtaigniers. Ces plantations occupent une grande partie des cantons de Maurs, de St-Mamet et de Montsalvy. La vigne prospère sur les côtes du Lot.
Les gorges du Lot, de la Trueyre , du Goul, de la Cère et de la Maronne, qui tranchent si profondément les côtés et l'intérieur du bas pays, présentent des escarpements effrayants; tantôt elles sont nues, décharnées et arides; tantôt elles déroulent de sylvestres avenues; tantôt encore, mais rarement, elles s'entr'ouvent pour laisser voir quelque fraîche oasis, un village, un hameau, des vergers , un moulin. Les paysages les plus riants de toute la contrée sont'aux environs de Maurs, dans le bassin de la Rance.
Les habitations du bas pays sont généralement misérables et grossièrement construites; elles n'ont souvent qu'un seul étage, et, au lieu de chaume, le genêt ou des mottes de bruyère leur servent de toiture. Les villages sont peu considérables, et les hameaux très-espacés, à cause de l'infécondité du sol qu'ils ont à se partager.
Comme on le voit, les lowlands (Dénomination des basses terres en Ecosse.) du Cantal sont moins prospères que ceux de l'Ecosse. Ils commencent à s'accentuer non loin d'Aurillac; car la magnifique plaine d'Arpajon , où se réunissent la Cère et la Jordanne , peut être considérée comme un paysage mixte entre la contrée montagneuse et les basses terres. Les chaînes du haut pays expirent là, au bord oriental, et résument, dans leurs trois splendides cannelures , le panorama des plus délicieuses vallées; au bord occidental, au contraire, une colline basse et argileuse indiqué déjà l'infériorité d'un sol nouveau et moins favorisé.
Cette région n'est cependant pas stérile pour le touriste. S'il veut la parcourir, il débutera par le joli village d'Arpajon, riverain de la Cère, et près duquel ont été découvertes plusieurs antiquités prétendues romaines. En suivant le cours long-temps encore agréable de la Cère, il verra successivement : le site majestueux du château de Conros; les ruines de celui de Bargues, sur un monticule pittoresque ; les tourelles de celui de Veyrières; le beau pont que traverse la route d'Aurillac à Toulouse; d'attrayantes campagnes au confluent de la rivière d'Authre , près duquel est bâtie l'aire féodale de Viescamp; un manoir des ducs d'Escars et de l'ancienne famille de Montal, au-dessus de Laroquebrou, et, plus à l'Ouest, la gorge de la Cère tellement encaissée qu'on la franchit sur un seul arbre.
Dans un rayon de plusieurs lieues autour de Laroquebrou, se trouvent : le roc. Cobolaire, monument druidique au bois de la Margide, commune de St-Gerons
la jolie maison de campagne de Gresse; la croix de la Bataille, près de St-Etienne-Cantalès; le peulven de Peyre-Levade ; les traces d'un dolmen au communal de Coulin; le camp romain de Nieudan; les pierres tumulaires dites: Tombes des Huguenots , dans le bois du Mont; les gisements argentifères et aurifères de St-SantinCantalès; les châteaux de la Bontat, le Bellestat, Vals; les sites agrestes du vallon de Soulane; d'autres sites plus sauvages dans les gorges de la Bertrande et de la Maronne; enfin, les souterrains de Montvert et des communes voisines.
Entre Laroqucbrou et Maurs, peu de remarques à faire. Voir, près de Maurs, les deux châteaux de Senergues et de Murat, situés l'un vis-à-vis de l'autre comme deux postes ennemis, et théâtres de luttes fratricides; aux environs de St-Constant, sur un promontoire ardu que battent sans-cesse les flots du Celeyrou et du ruisseau de la Ressègue, les ruines de Merle, superbes encore dans leur draperie de lierre, quoique désertes et découronnées.
Dans le bassin de la Rance, il existe plusieurs autres manoirs ou ruines: Reilhac , Conquans,. Entraigues , Solinhac, le Reitre; mais on cherchera peut-être avec plus do curiosité le Peyral-de-Martory, satyrique témoignage rendu contre la vertu des femmes, et qui est situé aux environs de Leinhac.
Fargue est un vrai joyau pour la vallée de Rance ; autour de ce noble château, la nature a généreusement déployé l'horizon; elle en a peint les lointains avec une suave fantaisie; l'art et le bon goût s'occupent à leur tour de multiplier dans ce cadre les broderies du premier plan. A quelque distance de Fargue, visiter Marcolès, autrefois ville forte, et son église bien décorée.
Plus loin, dans la direction du Veynazès, on rencontre Calvinet, chef-lieu d'un ancien bailliage; aux environs de Calvinet, les belles habitations de Lamothe et de la Rouquette; puis le château de Cours et les tours imposantes de celui de Senezergues, sur une gorge que l’Auze remplit de son écume et du bruit dé ses chutes.
En descendant la gorge d'Auze, on arriverait non loin de Vieillevie, petit port du Lot, surmonté de belles ruines. En allant au contraire vers Montsalvy, on remontera le bassin accidenté du Veynazès, et, passant près de Cols, moderne et ravissant cottage sur un fond de châtaigneraie, on ira visiter les blocs erratiques dits : Murs du Diable, blocs si régulièrement agrégés l'un à l'autre, qu'on a pris cette agrégation pour une œuvre cyclopéenne. Montsalvy apparaît bientôt, et le Puy-de-1’Arbre, célèbre par les expériences astronomiques et géodésiques de Méchin et de Delambre, est aussi dans le voisinage.
Au-delà de Montsalvy, il n'y a rien dans le bas pays qui mérite une excursion. Nous citerons néanmoins les tours de Murat, dans les gorges du Langayrou , et les eaux minérales de Teissières, dans les profondeurs d'un autre ravin.