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Document tiré  du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet  Edition de MDCCCLII  (1852) Volume 1/5.

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 TOPOGRAPHIE.


GENERALITES

La Haute-Auvergne a été long-temps négligée par le touriste, dédaignée par le peintre et l'écrivain.

Une étrange réputation pesait sur cette contrée, écartait d'elle tout voyageur; et cette mauvaise renommée datait de très-loin. Dès le cinquième siècle, un grand évêque, aussi illustre dans les lettres que par sa piété, Sidoine Apollinaire , pressé de franchir les montagnes qui séparent la Limagne du Rouergue, écrivait à Elaphius : « Dieu étant notre guide, nous viendrons à travers les  flancs escarpés de tes montagnes, et nous ne craindrons ni les rocs placés sous  nos pieds, ni les neiges amoncelées au-dessus de nous, alors même qu'il nous  faudra tourner et retourner par les pentes des montagnes dans des sentiers brisés en forme de spirale. Car n'y eût-il aucune solennité, tu mériterais, comme dit Cicéron. que pour toi seul on allât visiter Thespies. » Cette horreur que le savant évêque de Clermont ressentait pour la Haute-Arvernie paraît avoir, jusqu'à nos jours, pénétré les voyageurs et les géographes.

Il semblait que du haut de ces tortueux sentiers dont parle Apollinaire, l'œil ne découvrit qu'un paysage décharné, triste et profondément tourmenté; que des crêtes chauves destinées à suspendre des neiges éternelles sur l'horizon, nos vallées descendissent en forme de déchirures, vêtues de roches concassées ; que sur leurs pentes abruptes s'étendît une terre ingrate , trouée çà et là par les ossements de la montagne et mal ombragées par quelques châtaigniers rabougris; que le fond des abîmes se dessinât par quelques maigres filets d'eau , seule image de fraîcheur scintillant parmi des huttes noires, espacées de loin en loin sur un sol misérable. Ainsi les contrées les plus stériles de la Savoie et de la Maurienne n'avaient pas à porter envie à cette terre déshéritée de la nature; et pour en compléter le tableau, naguère encore dans les spectacles des grandes villes, on représentait le paysan cantalien sous les traits grotesques d'un être semi-humain , mâchant le plus béotique langage, ou gambadant lourdement au son d'un insipide refrain.

Méchantes fictions que chaque jour fait évanouir, que mille causes ont enfin contribué à dissiper. Le géologue a fixé ses regards sur nos montagnes, et elles lui ont fourni les plus intéressants problèmes. Le botaniste a cueilli sur leurs flancs de riches moissons. L'agronome a voulu étudier ces pacages de la Haute-Auvergne d'où sortaient des races de bestiaux dont la belle structure l’étonnait. Il y avait là aussi de nobles et rapides coursiers, dignes représentants des types orientaux, qui chaque année dans un brillant concours, aux patriotiques applaudissements d'une élégante galerie, remportaient le prix de la vitesse sur leurs rivaux étrangers. On est venu à nos courses, à nos fêtes. Les alliances de familles, les relations d'amitié ont attire de nouveaux voyageurs. Maintes frayeurs 'ont disparu sur des routes élargies, dont les pentes ménagées présentaient à l'œil la variété des contours, l'élégance des coupes, sans la difficulté du parcours; et, chose étrange, cette région si impraticable a été reconnue comme offrant la ligne de communication la plus commode entre le Nord et le Midi de la France.

Alors s'est produite une sorte de métamorphose. La vieille Alcine et son affreux empire n'étaient pas transformés plus merveilleusement pour séduire le jeune héros d'Arioste que la Haute-Arvernie, de si triste renom, dévoilant aux regards du voyageur l'enchantement de ses horizons inconnus.

Au lieu d'un aride cahos, de cîmes décharnées, de vagues de rochers dressant leurs crêtes les unes contre les autres, les monts cantaliens, vus dans leur ensemble, ont développé l'harmonieuse majesté de leurs couronnements et de leurs rameaux vêtus de lumière et de gazon; entre ces rameaux , les vallées se sont déployées, semblables à d'élégants tapis de hautes herbes qui suivraient de moelleux contours; comme encadrement de ces vallées, on a vu pendre de part et d'autre des forêts touffues, gracieusement enguirlandées avec les rubans d'or que formaient autour d'elles de riches moissons. Mille reliefs détachaient sur le fond des paysages leurs formes pittoresques, leurs mousses d'un jaune tendre et leurs frais ombrages. (Chacune de nos rivières est coupée en milte endroits de chaussées ou digues qui élèvent te niveau des eaux et servent a les faire entrer avec une plus grande abondance dans tes canaux pratiqués sur tes côtés de ta digue, et d'où elles se répandent dans chaque prairie par un réseau de rigoles ingénieusement tracé. Remarque de notre savant collaborateur, M. Toumayre.)

Les méandres des rivières réfléchissaient dans leurs nappes limpides l'azur profond du ciel, et la dentelle de feuillée que le souffle du soir balançait au rivage. La grande voix des flots se faisait entendre sur les digues (.), répondant au bruit des cascades qui bondissaient dans les plis des montagnes. De tous côtés, entre les vergers chargés de fruits, au bord des eaux, sur les verts gradins des coteaux apparaissaient de blanches habitations, tantôt assemblées en groupe et dessinant, avec les plantations répandues entre elles, de suaves mosaïques, tantôt aventureusement jetées, comme de ravissants pavillons, sur quelques caps avancés, à vue lointaine. A l'aspect de tant de fraîcheur, d'élégance et de vie, n'a-t-il pas fallu convenir qu'entre les Pyrénées et les Alpes la Haute-Auvergne formait une délicieuse image de l'Helvétie; non sans doute aussi grandiose dans ses traits, mais si gracieusement découpée parla nature', et parée de si ondoyantes couleurs , qu'elle semblait une jeune et blonde sœur des brunes contrées de l'Alpe.

Ce n'est pas que tous les points de vue de la Haute-Auvergne charment également le regard. La beauté de la nature ressort des contrastes. Ces contrastes existent dans le Cantal. Comme une émeraude incrustée dans un chaton de moindre valeur, l'oasis cantalien a pour ceinture une zone moins heureuse ; elle l'enchâsse en rehaussant de tous les côtés ses bords autour de lui (2). L'aspect de cette ceinture n'est pas celui qui distingue le Cantal. Vers le Sud-Est il rappelle quelques sites des Cévennes, et on retrouve les mêmes formes dans la Lozère, la Haute-Loire et l'Ardèche; sur d'autres points se répète la physionomie de la Corrèze, de la Creuse on du Lot; mais la solennité de nos grandes montagnes, l'irradiation, la fuite et le mouvement de nos horizons du centre; le kaléidoscope admirablement varié que peint sur leurs reliefs le jeu de la lumière, nul autre paysage dans l'intérieur de la France ne saurait en reproduire la splendeur.

Ainsi le Cantal présente deux régions très-différentes au coup d'œil, comme elles le sont par leur nature géologique : le haut-pays , le bas-pays. A côté de ces deux régions la nature a disséminé des plans intermédiaires et de physionomie diverse qui méritent quelque intérêt. Parlons d'abord du haut-pays.


 HAUT PAYS.

Quand on aborde la Haute-Auvergne par une avenue qui offre devant elle de l'air et de l'espace; lors par exemple qu'on franchit les points culminants de la route de Clermont à Aurillac par Mauriac, ou qu'on chemine sur les plateaux de Montsalvy en venant de l'Aveyron, quelques sommets se détachent à l'œil dans le lointain. Ces pics élevés forment un groupe que l'azur du ciel semble velouter de ses reflets; l'horizon décrit autour d'eux une vaste circonférence dont ils occupent le centre, et de toute part la montagne semble graviter vers eux; on dirait la voûte d'une tente dont les plis remontent mollement vers le faite qui la couronne, et forment par leur division de profondes cannelures; ces cimes ardues dessinent dans le bleu profond de l'air le milieu des hautes régions du Cantal. Décrivez une ligne circulaire de7à81ieues, en contournant ce grandiose pivot, et vous aurez tracé les limites de nos highlands, terre majestueuse et suave que Walter-Scott se serait plu à colorer et à vivifier de son pinceau.

Ces highlands sont aussi la terre plutonienne, la contrée volcanique du Cantal. tranchée par son origine, sa constitution, sa couleur, ses coupes, ses profils et sa forte végétation, des larges espaces qui s'étendent à sa base.

Le groupe de sommets qui domine toute la région et la solennise, s'élance des communes de Mandailles, St-Projet, Fontanges, St-Paul-de-Salers, Le Falgoux , Colandre, Le Claux , Dienne, Laveissière, Bredon, St-Maurice, Paulhac , Brezons, Malbo, Thiézac et St Jacques-des Blats. Il couvre de ses épatements et de ses racines la majeure partie des quinze communes qui viennent d'être nommées. Les quatre arrondissements du Cantal et les sept cantons d'Aurillac nord: Salers, Riom-des-Montagnes, Murat, St-Flour ouest, Pierrefort et Vic se réunissent parmi ses hauteurs; il s'étoile , pour ainsi dire, autour du puy de Bataillouze où se brise la grande chaîne du Cantal.

Nous avons indiqué plus haut les points culminants de ce massif. On leur donne généralement le nom de Puy. Le plus haut sommet porte celui de Plomb-du-Cantat ; d'autres s'appellent Suc, appellation fréquente dans l'arrondissement de Mauriac. On retrouve aussi te nom celtique de ISane (Ben), qui est porté dans le Mont-d'Or par une pointe élevée. la Bane-d’Ordanche

Ces divers pics ne figurent pas en général, comme dans les Alpes, d'immenses aiguilles de roche vive entaillées sur leurs escarpements de mille cassures ; ils ne jaillissent pas les uns sur les autres comme les dents aiguës d'une crête rongée, déchirée, hachée profondément et en tous sens; ce ne sont pas comme en Suisse des blocs gigantesques et noirs, coupés perpendiculairement jusqu'à leur base, hormis quelques étroits gradins courant comme des marges irrégulières en travers de leurs parois; ce ne sont pas non plus comme en Tyrol de prodigieux fantômes de pierre parallèlement et presque verticalement alignés les uns à la suite des autres derrière un premier rideau de hautes collines, tout au long des grandes vallées. Dans le Cantal, la nature n'a rien fait de trop énorme , de trop sauvage et de trop heurté.

Tantôt elle a incliné quelques-uns de ces pics, le Puy-Mary par exemple, en majestueuses pyramides dont les pointes semblent s'agrafer aux cieux, tandis que leurs pans déployés viennent se noyer dans les revers de la chaîne dont ils surgissent, ou s'épanouir, comme le Puy-Violent, dans les plateaux de cette chaîne.

Tantôt elle a potelé la montagne tout autour d'eux, comme au Puy-de-la-Tourte, et au Puy-Chaveroche, de manière que, s'élevant toujours, elle paraît se terminer par une coupole.

D'autrefois, la croupe de la montagne, après s'être aiguisée ou renflée, cesse brusquement et jette dans les airs quelque hardi promontoire, tel que le Puy-Belle-combe ou le Puy-Peirache.

Des herbes fines et pales ou des bruyères, étendent leur manteau sur les rampes de ces mornes, en adoucissent les arêtes, amortissent la plupart de leurs aspérités. On sent toutefois la roche sous cet épiderme végétal ; elle l'articule, elle le perce de toute part, elle en dessine les rebords, elle en dentelle les sommets; différence parmi tant d'autres entre les cimes du Cantal et les monts Dômes, dont les cônes et les coupoles s'arrondissent sous une couche moelleuse de cendre et de pouzzolanes.

Telle est la physionomie générale que présentent les pics du Cantal au-dessus de l'immense soubassement qui les supporte. Il en est cependant qui tranchent par leur nudité rocailleuse avec la végétation qui les entoure, contrastent fortement avec elle et déterminent un type nouveau ; nous voulons parler du Puy-de-Griou, du Puy-de-Lusclade ou de la Roche-Servière, cônes de laves, entièrement écaillés par elles, et conservant tous les traits de volcans éteints.

Ces hautes sommités de la chaîne cantalienne sont séparées par d'assez vastes espaces. Des cols profonds se creusent entr'elles, tracent des croissants aériens d'une ampleur remarquable, et conduisent la vue sur des massifs plus sombres, plus voilés, dont l'éloignement laisse errer la pensée vers les mystérieuses régions qu'ils dominent.

Nous avons fait connaître les cols principaux du groupe cantalien. Ce sont des portes ouvertes par la nature entre les diverses vallées du Cantal. Aussi, de pittoresques sentiers, dessinant leurs zig-zags sur les deux revers de la montagne, viennent aboutir à la partie la plus abritée de ces cols, quelquefois indiquée par une pierre levée.

De la base des pics, les chaînons de la montagne se ramifient en divergeant vers tous les points de l'horizon, et forment ainsi un magnifique rayonnement. Leurs croupes gazonnées se dégradent et s'abaissent lentement, ici par une pente continue et peu sensible, là en subissant quelques fortes ondulations qui élèvent de nouveaux sommets, renflent le sol en bosselures allongées, ou font jaillir de brusques excroissances arrêtées à des bourrelets de rocher. D'abord étranglés à leur partie supérieure, ces chaînons s'aplatissent ensuite, s'élargissent en éventail de verdure et s'étendent en larges nappes, plus ou moins plissées par quelques vallons, ou accidentées par les divers mouvements du terrain. De là ces riches et imposants plateaux

  • De la Planèze,
  • de Chavagnac et Chalinargues,
  • du Limon,
  • de Trizac,
  • de Salers,
  • du Coyant,
  • du Cantal et autres ci-dessus dénommés.

 De ces vastes solitudes qui planent sur l'horizon, la vue remonte facilement jusqu'aux grands sommets. On dirait d'immenses avenues suspendues à mille pieds au-dessus des vallées, et qui, fuyant devant l'œil, vont aboutir à des bornes gigantesques posées par la nature.

VALLEES

Les vallées de Yhighland cantalien complètent le tableau; elles en font le plus suave ornement, la décoration la plus séduisante. Toutes ces vallées prennent leur naissance au grand massif central, quoiqu'à différentes hauteurs: les unes, en effet, courbent leur profond berceau à l'ombre même des pics les plus élevés de ce massif; d'autres au contraire, plus humbles mais non moins belles, s'ouvrent sur le penchant des assises du groupe et presque à ses extrémités. Ces canaux romantiques du haut-pays, alimentés au même réservoir souterrain, s'échappent dans les sens les plus divers. Ils découpent entre les courbures des montagnes dix-neuf beaux rayons qui ondulent avec la fantaisie la plus gracieuse du centre à la circonférence. On découvre ainsi, en parcourant l'espace compris entre la montagne des Ramels (commune de Lascelle), le Puy-d'Eron, le Plomb-du-Cantal et la chapelle du même nom (commune de Malbo), parcours qui peut se faire en une seule journée, les dix-neuf rivières et vallées ,

 1° De Jordanne;

 2° De Cère;

 3° D'Authre;

 4° De Doire;

 5° De Bertrande;

 6° D'Aspre;

 7° De Maronne;

 8° De Mars on de Chevade;

    9° De Sumène;
   10° De Veronne;
   11° De Rue;
   12° De Santoire;
   13° D'Allagnon;
   14°" D'Auzolles (autre branche de l'Allagnon);

   15° De l’Ande

   16° De Près;
   17° De Brezons;
   18° De Siniq;
   19° Du Goul.

Quelques-unes de ces vallées débutent immédiatement comme des golfes. Les montagnes les encadrent circulairement. Elles lancent au-dessus d'elles leurs plus hautes cimes et laissent descendre leurs flancs rapides jusque dans les profondeurs de ces verdoyantes baies sur lesquelles se projette leur ombre. D'autres s'élèvent graduellement, par un vaste amphithéâtre, jusqu'aux cols qui les terminent, ou viennent mourir humblement et sans abri dans les hauteurs. La plupart sont voilées, à leur naissance, par de sombres forêts de sapins ou de hêtres, qui étendent leurs voûtes sonores sur les enfoncements du bassin, remontent le long de ses flancs et s'attachent comme de sauvages colliers aux roches les plus escarpées. Le fourré noirâtre de ces grands massifs imprime une teinte forte, un caractère solennel aux mystérieuses solitudes qui reposent sous leur feuillage; répandus dans chacune des anses qui terminent les vallées , ils y forment une zone sylvestre d'un produit considérable pour l'Etat, les communes environnantes ou les particuliers qui les possèdent. Plusieurs de ces forêts n'ont, malheureusement, que d'affreux chemins pour les desservir. Les principales sont:

La forêt du Falgoux, dans la vallée de ce nom.
Le bois Mary, dans la vallée de Rue.
La forêt du Lioran.

La forêt royale , dans les divers rameaux de la vallée d'Allagnon.

La forêt d'Alhepierre, ]
La forêt de Brezons.
La forêt de Siniq.
La forêt de Rombière, dans la vallée de Jordanne.
Les bois qui couronnent le val d'Amblaeau,
Le Bois-Noir, dans le val de Chavaspre

Au sortir de ces forêts, les rivières parcourent généralement deux étages successifs avant d'atteindre les limites du Haut-Pays. Le premier étage de la vallée, tantôt évasé et régulièrement arrondi comme la coque d'un navire, tantôt rétréci, pressé,étranglé par le croisement des racines de chacune des chaînes qui le bordent, forme le paysage le plus alpestre du Cantal.

Les crêtes des montagnes déclinent à-peu-près parallèlement de chaque côté, mais par lignes bizarres, hardies, mouvementées. Leurs rebords supérieurs sont rubanés çà et là par une corniche de rochers. Quelquefois, un bloc énorme se projette en avant, s'aiguise et détache dans les airs comme un redoutable bastion. La distance d'une crête à l'autre ne dépasse pas, à vol d'oiseau, 1,800 ou 2,000 mètres. Les encadrements du vallon descendent l'un vers l’autre, tantôt par des pentes rapides, le plus souvent par des plans ménagés et onduleux; mille torrents fendent de part et d'autre ces plans variés, entr'ouvant à l'œil des vallons et des gorges intermédiaires de l'aspect le plus agreste; de longues forêts sont jetées sur les pentes les plus ardues, tantôt en massifs compacts, tantôt en lambeaux décousus. Ces forêts règnent principalement sur les revers méridionaux et orientaux des vallées ; on a observé que les revers opposés étaient beaucoup plus dénudés, et presque seuls ravagés par les ravins qui déchirent la couche végétale et laissent des plaques de rocs à découvert. Partout ailleurs, une fraîche végétation remonté sur les hauteurs et forme leur vêtement; des multitudes d'arbres élèvent de tous côtés leurs parasols et se disséminent entre mille haies; des cascades argentent ces tapis de verdure ou résonnent dans les couverts; des villages de chaume, semés de maisons régulières et annonçant l'aisance, animent le faite des collines, sourient au soleil dans les anses des montagnes, ou regardent les prairies qui pendent au-dessous d'eux. Le fond de la vallée étale sur ses bords d'autres villages ; ils y sont ramassés à quelque élévation au-dessus de la rivière, afin d'éviter sans doute les combles de neige. La rivière elle-même, tantôt resplendit à la surface de la vallée, coulant paisiblement sur un lit de cailloux; tantôt s'enfonce dans les profondeurs du sol et bouillonne dans les abîmes qu'elle a creusés. Enfin, cette première région cesse brusquement. La rivière se précipite d'une muraille de hauts rochers; ou, plus souvent, elle s'enfuit, par une ouverture perpendiculaire, du sein des terrasses où elle s'était creusée jusque-là comme une allée profonde et obscure.

Alors commence une seconde région d'un caractère moins accentué, mais plus riant et plus gracieux. Les croupes des montagnes s'éloignent; dans leur cours parallèle, leur profil n'est plus que le trait d'une main mal assurée, trait peut-être un peu monotone. Leurs hauteurs sont encore majestueuses, mais n'écrasent plus le paysage. Leurs rebords s'arrondissent; parfois cependant on dirait qu'ils éclatent; leur ligne se brise et laisse entrevoir les abords d'un vallon qui vient rejoindre la vallée-mère. Mais ces affluents deviennent plus rares et rompent moins les sinuosités ondoyantes de la vallée. Les pentes descendent dans son sein plus vêtues, plus cultivées, plus adoucies. Quelques terrasses oblongues forment, par intervalles, comme un premier gradin, derrière lequel apparaît le plan supérieur.

Les vallées, dans cette région, prennent des largeurs diverses, .mais qui ne dépassent pas 3 kil. d'une crête à l'autre, et 2 kil. environ à la base des montagnes. Là, se déroulent à perte de vue d'admirables pacages, relevés sur leurs bords et découpés eu tous sens par le croisement des haies. Les rivières promènent leurs eaux calmes et brillantes, en jouant et retenant leurs cours au milieu des courbes les plus agréables. Ces beaux lieux étincellent sur tous les points de jolis villages, de châteaux et de maisons modernes bordés de promenades ravissantes, et découvrant des points de vue splendides.

Tel est l'aspect général des vallées de Yhighland cantalien; mais les accidents les plus divers leur impriment une variété infinie. Dans les contours qu'elles dessinent, chaque perspective est nouvelle» chaque site présente une forme inaperçue jusque-là, chaque horizon lointain découvre quelque beauté non remarquée. Puis, les rochers projettent leurs ombres sur le paysage; les racines des montagnes étendent leurs rideaux devant les rayons du soleil et forment de grandes taches obscures, tandis que la lum ière, jaillissant de quelque vallon latéral, fait éclater d'éblouissants faisceaux à travers ces masses ténébreuses , découpe ces ombres, les pénètre; encadre chaque bois, chaque rocher; met en relief les plans successifs de la vallée par des teintes brunes, rosées, bleuâtres ou dorées; et trace ainsi mille encadrements , mille horizons , comme un panorama résumé de plusieurs régions différentes. Là-haut, dans les derniers plans , en effet, la montagne apparaît comme zébrée par les bandes neigeuses qui rayent ses flancs, et semblent figurer un hiver lointain; plus près, au contraire , la campagne est attiédie par les chaleurs , revêtue des vives couleurs de l'été , odorante de ses parfums les plus suaves.

Les bornes de cet article ne nous permettent pas de promener à loisir le voyageur dans ces heureuses contrées, de lui faire admirer ces lieux que la nature a façonnés avec amour. Chaque vallée, d'ailleurs, trouvera dans le cours de cet ouvrage sa description particulière ; mais le touriste nous saura gré de lui indiquer dès à présent, et d'une manière sommaire, les objets dignes de son attention.

Vallée De Jordanne. — En partant d'Aurillac , la première vallée qui s'offre aux regards est celle de Jordanne, la plus riche peut-être en sites pittoresques et en curiosités naturelles. On y remarque : l'agréable habitation de Noalhac, ses charmilles et son bois; le parc de Mazic, accidenté de bosquets, de vertes pelouses et d'élégants jardins , où les eaux jaillissent avec luxe ; le château de Fabrègues ; les allées du Martinet, que l'art a capricieusement suspendues dans les escarpements d'un roc aride , au pied duquel écume et bruit la rivière. Dans le même lieu , trois petites îles, délicieuses retraites abritées par une épaisse feuillée ; le château de Lalaubie et ses ombreuses promenades. À Belliac, le puy Gerbert, coteau sur le penchant duquel naquit l'un des plus illustres pontifes qui aient porté la tiare. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer ici quelques jolis vers de notre poète patois, M. Veyre :

Ol ped d'un puchotel Ero un oustolounel.

Oti , dins l'inilijjcnço

Un éfontou nosquet.

Disou qu'à sa naïssenço ,

En signé dé puissenço ,

Trés cols lou Gai contet..,.

Et Roumo l'entendet.

Oquel drolle es Gerbert, del moundé l'espéronço

Ombé sous escloupous, bésès l'ou que s'obonço ,

So gooulto ô lo mo, soun pitchou copélou

Dé fédos et d'ognels ménen lou troupélou.

Sé countro soun espoir l'y faout qu'aouqu'escompeto

Pus tard l'es beï boundi dé plozé sus l'herbeto.

Sé carro! quallo jioyo! Et quond lou ser bengut

Del blus plofound del Cieou (sé n'obio pas ploougut) ,

S'omusabo o counta los noumhrousos estiélos, ,

Dount caduno per el éro tont dé condiélos ,

Inbento un télescope o soun uel ojustat,
P'uno broquo de seï dount lou bentre es curat.
D'autrés cots sous degtous troçabou sus lou sable
Dé lettros. d'imogious un trobail odmirable.
Proquo, mai d'un postras l'opélabo Tindou (*),
Sons pouguéré touca jus'qu'os ô soun tolou.

Au-delà de Belliac, on trouve le château d'Oyer dont les sculptures et les corniches du XV° siècle sont artistement fouillées; les roches d'Oyer; le vieux manoir de Laforce,"taché derrière un mur de lierre; les ruines de la tour de Faliès; le gracieux boulingrin de Facor, près du village de Mousset; le groupe des rochers de Facor, îlots mousseux et fleuris, dans une petite baie de la rivière , promontoire immense et verticalement taillé au-dessus d'elle. Dans les parois de ce promontoire, à mi-hauteur, s'ouvre une grotte vaste dite la Grotte du Huguenot ; des aulnes, des trembles et des frênes forment la décoration de ce lieu ravissant, et le voilent d'une ombre éternelle. Plus loin, se font remarquer les beaux pendentifs trachytiques do Lavernière; la petite cascade de Lavergne-Noire; l'église simple et gracieuse du joli village de Velzic , et son autel d'un style exquis ; Roque-Grande, effrayant belvédère sur la vallée, avec des bosquets en labyrinthe; l'église de Lascelle, dont l'extérieur montre une rangée de colonnettes antiques, et dont l'intérieur, décoré avec goût, est orné de quelques vitraux; sous le village de St-Cirgues, les grands murs et l'arceau naturel du ruisseau de la Voyrie, et le désert au fond duquel bondit la sauvage cascade du moulin de Guinot; le Pas-de-Jordanne, ct les perspectives qu'offre cette rivière entre les hautes et verdoyantes berges qui, de part et d'autre, encadrent verticalement son canal; au-delà, .les ruines du château de La Peyre et les incrustations pratiquées dans le rocher sous lequel il est bâti; plus bas, le délicieux contraste des cascades du Chaumeil, dont l'une s'élance de 150 pieds de hauteur, tandis que l'autre se précipite en face de la première par plusieurs chutes et Rapides. L'une de ces chutes est pittoresquement franchie par un pont de bois, sur lequel il faut se placer pour jouir du merveilleux ensemble des deux cascades. Deux autres chutes succèdent .1 celles du Chaumeil ; paraissent ensuite le Trou-d'Enfer et le Saut-de-la-Menette, précipices épouvantables où la Joidanne roule avec fracas , et sur lesquels est suspendu le chemin de Mandailles; la Roche Servièrc, qui darde sa pointe sous les crêtes de Chaveroche; les bandelettes de rochers , courant le long des pics de Cabrespine , del Cassaire (du Chasseur) et del Piquet; la source minérale de Perruchez, près St-Julien; enfin le magnifique amphithéâtre do Mandailles , du haut duquel s'élancent l'Homme-de-Pierre, la Roche-Noire, le Puy-Mary, le Puy-Peirache, le Puy-de-Bataillouze, le Puy-de-Griou, Griounou, Luzclade, le Puy-de-l'Elancèze, la Roche-Chauve et le Puy-Chauvert. Ces grands vassaux du Cantal entourent circulairement le berceau de la Jordanne, et commandent l'avenue du Col-de-Cabre, limite grandiose et presque aérienne de la vallée. Près de Mandailles, on doit visiter la superbe cascade de Luc , l'une des plus élevées du Cantal; la cataracte de Liadouze, formée par la rivière entre deux énormes rochers perpendiculaires ; le village de Liadouze, hardiment aventuré sur l'abîme ; un peu plus loin , des couches de lignite; le gisement d'alum de Benech, et la vaste forêt de Rombières, dans les derniers enfoncements de la vallée de Jordanne.

Vallée De Cère. — La vallée de Cère est plus large que la précédente, et sa rivale en beauté. On y voit les châteaux de Caillac et du Doux , opulentes demeures ; ceux de Boudieu et de Vixouse; Pestel, figure en pierre et figure imposante de la fierté féodale. Autour du promontoire sur lequel veille sa grande tour, la nature semble avoir répandu tous les trésors de son écrin. D'un côté , charmantes cascatelles, romantiques retraites, collines accidentées, rochers bizarres, grands bois, montagnes altières et gorge sauvage où tombe un torrent écumeux; à l'autre aspect, paysage paisible d'une grande et riche vallée, brodée de mille tertres et caressée par les moelleux contours d'une belle rivière qui fuit à regret, toujours revenant sur elle-même. A l'opposé de Pestel , l'antique manoir, Clavières, offre un heureux ensemble dans les labyrinthes mystérieux de sa charmille aux vastes salles de verdure, et dans ses gazons, ses massifs verts et ses corbeilles d'églantiers , parmi lesquels plusieurs allées déploient leurs courbes ingénieuses. En relief, sur la prairie qui recouvre son coteau et continue jusqu'à l'horizon les pelouses de ses jardins, rafraîchi par les eaux vives de ses ruisseaux, dominant la rivière et jouissant d'un point de vue splendide sur les majestueux lointains de la haute vallée de Cère, vers le Cantal, Clavières est sans doute une des habitations les plus riantes de l'Auvergne. En continuant à suivre la vallée , nous citerons : le château de Comblat et son kiosque dans les bois; les chaînes de rochers qui pendent au-dessus du village de ce nom, sur Vic, Fou mol s et plus loin; les grottes creusées dans ces rochers ; Vie et ses eaux minérales; la cascade de Fournols ; le rocher de Muret, dont la pittoresque plate-forme , .belvédère de la vallée, n'a plus qu'un beau tilleul au lieu du château qui la couronnait; les merveilles du Trou-de-Gourniou , ses gouffres, ses cascatelles, ses ponts naturels ; le château de Trémoulet, au-dessus des gigantesques pilastres qui forment le Pas-de-Cère, et vis-à-vis de ce château, toute la fantaisie naturelle d'un charmant jardin anglais; une très-belle cascade dans le vaste bassin baigné par le ruisseau de Roucoles; les restes du château de Recoules; Thiézac et son église, l'une des plus remarquables du Cantal par l'ampleur de sa nef , surtout par son entretien; la chapelle de Notre-Dame, au-dessus du bourg; des éboulements récents en face de Thiézac, éboulements qui rappellent ceux de Pardines, dans le Puy-de-Dôme; la belle cascade de Malbec; les abîmes du Pas-de-Compain, sur la pente desquels la route est ciselée à d'effrayantes hauteurs. La Cère bondit et écume au fond de ces abîmes, qu'elle remplit de sa voix. Au-dessus du Pas-de-Compain et sur les rebords de l'horizon , se détachent : le piton volcanique dit Puy-de Griou; le Col-du-Lioran , qui termine la vallée; plusieurs pics à la droite du spectateur, et parmi eux le Plomb-du-Cantal, le Cantalon, le Puy-Brunet, le Puy-de-la-Croix; enfin, dans la gorge du Viaguin, affluent de la Cère, la percée du Lioran , tunnel creusé sous le Col-des-Sagnes , à 160 mètres plus bas que la Font-de-Cère.

Vallon De Mamou. — Retournons maintenant sur nos pas, non sans visiter, aux portes d'Aurillac , dans le vallon de Mamou, le domaine de Veyrac, une des plus belles créations agricoles de l'Auvergne, due au général baron Higonet. S'il est une devise bien accomplie, c'est incontestablement celle que s'est imposée l'honorable général, et qui figure sur ses armes: Viruts, labor, pietas. On ne saurait mieux résumer cette existence si noble et si pure qui. jusqu'en 1830, s'est illustrée par la gloire militaire, et, depuis cette époque, où elle échangea les plus séduisantes perspectives contre une retraite fidèle au devoir et à la patrie , s'est honorée plus encore peut-être par une bienfaisance inépuisable pour tous, et par d'admirables enseignements donnés aux cultivateurs de la Haute-Auvergne. Le nom du général Higonet , environné des plus hauts sentiments d'estime et de respect , est un de ces noms presque sacrés pour le paysan cantalien , que l'on ne prononce pas, dans une chaumière de nos montagnes, sans qu'il y soit béni. Cette reconnaissance générale est un des traits que l'on ne peut oublier dans un voyage à travers la Haute-Auvergne.

Vallée D’Authre. — Traversons Aurillac, et dirigeons-nous vers le Nord du département, par la route de Mauriac. Nous verrons bientôt s'épanouir devant nous la riche vallée de l'Authre. En décrivant cette vallée, nous avons déjà cité le parc de Nozières, Estang, le village de Marmanhac, charmante guirlande agrafée aux deux châteaux de Sédaiges et de La Voûte; la chapelle vénérée de Roquenatou, au pied d'un rocher qui supportait l'ancien château du même nom , détruit par les religionnaires en 1575; les vestiges des appartements , escaliers, loges et citernes taillés dans ce roc et dans un fragment détaché de la masse principale; Laroquevieille et sa roche pyramidale où l'on voit d'autres incrustations ; la cascade de Ferluc; la coulée volcanique de Vercueyre et ce riant village ; enfin, le défilé montueux qui termine la vallée d'Authre, et dans les replis duquel nous laisserons à découvrir les souterrains de Tidernat.

Vallée De La Doire on De Tournemire. — Après la vallée d'Authre se déploie la vallée de la Doire ou de Tournemire, plus resserrée que la précédente. En partant, pour la visiter , du bourg de St-Cernin dont il a été fait mention, le voyageur cherchera du regard le manoir de Bournazel, sauvage repaire dressé sur un piédestal schisteux dont la rivière fait le tour ; il apercevra plus haut, l'antique tour de Marze, qui s'élève sur les bords du ruisseau de la Merlie , et, au-dessous, les jolies campagnes du Cambon et de Fossange ; à Tournemire, le superbe donjon d'Anjony, l'un des monuments féodaux les plus pittoresquement situés et les mieux conservés de la Haute-Auvergne. On y admire un oratoire gothique resplendissant d'inscriptions en lettres d'or, et une galerie de tableaux historiques, d'émaux et de portraits de famille, parmi lesquels figurent plusieurs personnages de la maison de Foix. Voir, dans le même village, quelques ruines du château de Chaliers , presque contigu à celui d'Anjony ; l'église et ses sculptures en bois; au-delà du village, les montueuses solitudes que sillonne la Doire.

Vallée De Bertrande ou De St-chamand. — Dans cette vallée, nous indiquerons principalement les basaltes portant le nom d'Orgues de Loubejac; l'église très-ancienne de St-Chamand, ornée d'admirables boiseries; la tour de Pralat, et le château de St-Chamand, qui appartenait aux barons de Lignerac ; le château d'Autrières; les grottes creusées au-dessus des hameaux de Pardines et de Cor; les arbres pétrifiés, au-delà du village de St-Georges , et divers points de vue sur les derniers plans du vallon couronnés par le Puy-Chaveroche.

Vallées D'aspre Et De Maronne , ou De Fontanges Et De St-paul. — Nous avons déjà parlé des deux bourgs de St-Martin et de Fontanges. En allant vers ce dernier, on découvre, sur le coteau méridional de la vallée, les ruines du château royal de Crévecœur, siége primitif du bailliage de Salers; au pied de l'autre coteau, la grande tour de Palmont. Arrivé près du village du Clédar, à l'embranchement des deux rivières, le voyageur peut porter ses pas:

Vers la ville de Salers;

Vers le ruisseau du Vieilmur, qui descend des pentes du Puy-Violent et s'élance d'une hauteur prodigieuse au Saut-du-Rat;

Dans la fertile vallée de St-Paul ou de Maronne, qui présente une belle cascade entre les hameaux du Couderc et de Laubénie;

Enfin, dans le poétique vallon de Fontanges, que l'on remonte en suivant les bords de l'Aspre.

Au-dessus du riche village de Fontanges , on observe le groupe des rochers du Cuzol, entre lesquels sont bizarrement encadrées les maisons de ce village; la cascade du Cuzol-Bas, qui serpente dans un massif de conglomérat; les cascades de Seilhols-Bas et Seilhols-Haut; la végétation luxuriante qui environne ces hameaux; les falaises entre lesquelles l'Aspre roule ses eaux ; les argiles rouges, au-dessus du Roc-Blanc, et enfin le village de la Bastide, qui peut être pris pour centre de curieuses excursions, dans les deux défilés de Chavaspre et d'Amblaeau, formés par les deux branches supérieures de l'Aspre.

La Bastide, connue par ses eaux minérales intermittentes, est entouré de plusieurs sommets dont quelques-uns sont très-curieux par leurs formes dentelées. Nous citerons ici le Puy-Chaumeil, le Puy-du-Sartre, le Puy-d'Orcet et la Peyre-Delcros, l'Asquille, les montagnes de Floquet et le Puy-Gros . (Ces dénominations sont reproduites du savant ouvrage de M. De Bocillet sur la Haute-Auvergne, ouvrage auquel nous avons eu souvent recours dans cet article).

En pénétrant au milieu de ces montagnes , dans le vallon de Chavaspre, on découvre plusieurs cascades, et entr'autres celle qui porte le nom de Pissatdel- Coin. Les sombres massifs du Bois-Noir rembrunissent le fond de cette gorge, hérissent toutes ses pentes.

Le vallon d'Amblaeau ou de Chaveroche est encore plus curieux que le précédent. Il faut suivre les bords du ruisseau pour y voir, au-dessous de la Peyre-Delcros, des arbres pétrifiés debout, ou passés à l'état de fer hydroxidé; des grottes, des cavités ciselées en forme de baignoires, dans le lit même que parcourent les eaux; une première cascade près du grand arbre pétrifié, et quatre autres chutes près du buron du Roussel. Le Puy-Chaveroche et le beau phonolithe appelé Roche-d'Ouzières , relèvent jusqu'aux nues les bords de ce paysage vêtu de sapins , et dont les sauvages attraits, multipliés à chaque pas, saisissent l'âme des plus vives impressions.

Au-dessous de St-Martin-Valmeroux, le château de Nozières ou de St-Paul, et les ruines de celui de St-Christophe, donnent à la vallée de Maronne quelque intérêt historique.

Vallon D'auze. — Pour aller de la vallée de Fontanges dans celle du Falgoux, on traverse la rivière d'Auze, rendue non moins intéressante par les deux cascades de Salins, que par le voisinage du château d'Escorailles et de l'abbaye de Brageac, dont il faut voir surtout l'église et le trésor.

Vallée de Chevade ou du Falgoux. — En abordant cette profonde vallée par la route de Mauriac à Riom-des-Montagnes, ou arrive au pied du vieux castel de Montbrun. Plus loin, figurent tour à tour, dans la vallée ou sur les hauteurs, la jolie campagne d'Espradels; le château de Longue vergne; les ruines de Montclar; le rocher de Malsarte et sa chapelle, objet d'une grande dévotion; la tour carrée de Chantrelles; les ruines du château de Segret et le pittoresque tableau qui les entoure; St-Vincent, sa cascade et son manoir du XV° siècle. Dans le ravin de Claveyre, on trouve des couches de terrain portant empreinte de feuilles , de fruits et de divers végétaux. Près du hameau d'Espinous, tombent deux belles cascades. Aux environs du hameau de Besse, et dans le voisinage d'une autre cascade , s'ouvre la grotte de l'Homme-Noir, rendue fameuse par les contes populaires. D'autres excavations se montrent dans le conglomérat qui borde la vallée. Apparaissent ensuite le Falgoux, dont la place est ombragée par un tilleul qui a 21 pieds de circonférence; les éboulements des Rochers-Hauts; le roc du Merle; le roc des Ombres; la sombre forêt du Falgoux, et le Puy-Mary, qui semble former l'Olympe de cette admirable vallée si grandiose dans ses coupes, si riche en beautés naturelles et si peu connue.

Gorge Du Marliou. — Voir dans cette gorge ou dans les environs : les ruines du château de Courdes ; la tour de Marlat; le vaste et imposant château d'Auzers; la grotte de Rocantou , qui a servi d'ermitage; les ruines de la ville antique de Cotteughe et de ses fortifications; un peu plus haut, une jolie cascade; enfin, dans la montagne de Cayronnet, la Font-Bourdoire , source intermittente qui jaillit abondamment à 1 m. de hauteur, et, par son apparition, présage la disette.

Vallée De Sumène. — Cette vallée nous offrira dans son cours la vue des pics de Charlus et de quelques pans de murs, seuls restes du château des Ventadour, des Beaufort et des Levy, célèbre dans les guerres contre les Anglais ; Bassignac; l'église d'Ydes , jadis propriété de l'ordre du Temple, et dont les sculptures sont très-remarquables; le Châtelet, manoir du xve siècle, naguère habité par. le savant et regrettable antiquaire, auteur du Dictionnaire Statistique, et dans lequel on voit encore les précieuses collections de manuscrits, d'ouvrages historiques et d'antiquités qu'il avait réunis; la plaine de Sagnes, si riche en tumulus et débris romains; dans le lointain , l'immense piédestal de Chastel-Marlhac , que l'on dirait sans issue, et du haut duquel les Arvernes défièrent les armes de Thierry; dans les parois à pic de ce plateau circulaire , la grotte des Fées; le rocher du Vignon et les vestiges de son couvent, sur lequel on raconte des histoires merveilleuses; la Clidelle , agréable habitation, voisine du riant bassin de Menet. Dans les prairies de ce bassin, ondulent les contours d'un lac romantique, ombragé par le Puy-de-Ménouère. Les ruines de l'abbaye du Broc et le château de Murat-l'Arabe, aux environs de Menet ; la cascade pittoresque du Gour ; le bois de Cornhill, traversé par le chemin pavé dit : de la Reine-Blanche; la pierre druidique de la Peyre-Grosse; les vestiges prétendus romains des Lignes et de Valette; les ruines et le lac solitaire de Châteauneuf, et enfin les mornes sommets du Suc-d'Eron, aux sources de la Sumène, rendent encore ces lieux intéressants.

Vallée De La Véronne. — Le bois d'Algères ; le lac des Granges ; Riom-des-Montagnes; le château et la ferme régionale de St-Angeau; les ruines éparses dans les bois , près du ruisseau des Sarrasins ; les paysages de la commune de Colandres; des souterrains très-profonds dans la même commune; l'oratoire si renommé de la Font-Sainte, et la cascade du moulin d'Attier, méritent quelques explorations dans cette contrée, surtout dans sa partie supérieure.

Vallée de la Rue ou de Cheylade. — Dès les premiers pas du voyageur, parti de St-Thomas pour remonter cette vallée sauvage, il entend rugir la cataracte dite : Saut-de-la-Saule. C'est le Niagara du Cantal, mais dans un paysage de pierres, et brisant ses flots profonds entre les falaises d'un canal sombre et tortueux. Au-dessus du Saut-de-la-Saule, on découvre de pittoresques monticules qui, de part et d'autre, accidentent la vallée ; derrière ces hauteurs, se cache le petit lac de la Bouboulie. Coindes, village de nom celte, au carrefour de trois gorges et d'immenses forêts, éveille la pensée du druidisme, auquel ses lugubres massifs durent offrir d'impénétrables et terribles sanctuaires. Il y a beaucoup à voir dans les environs de Coindes : sa voie romaine; plusieurs petits lacs; les gigantesques sapins de Haubert et des Gaulis; des grottes et des cascades dans l'obscurité des bois; un ruisseau dont la glace est éternelle; les fantastiques rochers d'Urlande et, près de là , le lac de Mont-de-Mélier; enfin , sur les pentes du vallon de Soulou , le château de St-Etienne-Chaumeil et l'église antique du village du même nom.

En revenant à la vallée de Rue et continuant à remonter ses bords, on peut visiter tour à tour: le volcan éteint du village de l'Etampe; la tour du Bagilet; les ruines des châteaux de Teyrou et de Pouzols; celles du fameux château d'Apchon, l'une des quatre comptoiries de la Haute-Auvergne; le pré de la Guerre, près d'Apchon, et sa vieille redoute, hantée par les démons ; l'église de St-Hippolyte, dont l'écusson, semé de France, atteste que l'Auvergne fit vaillamment son devoir à la bataille de Poitiers (Voyez Apchon) ; l'église gothique du village de Cheylade et les ruines du donjon, à quelque distance duquel se trouvent, dans la montagne, le château du Cayre et l'intéressante grotte de la Caze; les châteaux du Sartre , de Curières, et les deux cascades, si diverses dans leur aspect, qui retentissent près de ces beaux lieux; les sarcophages du Sartre , qui paraissent dater du vie siècle; les pétrifications de la côte de Chavanon et celles du vallon de Chamalières, tributaire de la Rue: dans ce dernier vallon , les eaux minérales de Fouilloux, très-renommées parmi les habitants du pays; enfin, les vastes forêts suspendues aux flancs du Puy-Mary.

Vallée De Santoire ou de Dienne. — Au-delà des montagnes redoutées du Limon se développe une autre des vallées septentrionales du Cantal, vallée aux larges traits, baignée par la Santoire. La forteresse de Lugarde, aujourd'hui ruinée, protégeait, du haut des rochers, l'avenue de ce pittoresque bassin. Sur un coteau voisin de l'autre bord, l'abbaye de Féniers aux élégantes colonnettes, rappelle la munificence des comtes d'Auvergne. Entre ces débris d'une époque guerrière et religieuse, au pied de montagnes escarpées, toutes voilées par les forêts de Lugarde et de Combret, la Santoire roule ses eaux limpides sur les mosaïques de ses cailloux; le mouvemement de plusieurs scieries se fait entendre parmi les contours de ce paysage helvétique, et plein de fraîcheur. En le quittant pour s'acheminer vers les régions supérieures de la vallée, on peut jeter un coup-d'œil sur le château de Fraissinet, se détourner sur la droite vers le petit lac de Fayet dont l'aspect est des plus enchanteurs, et traverser la petite rivière de Londres pour aller au manoir de Peyrelade qui remonte à l'année 1012.

Plus près de la Santoire, à la cime d'un rocher, s'élève la chapelle de N.-D. de Valentine, dotée en 1262 par Robert, premier comte de Clermont, et que la piété du montagnard cantalien s'occupe à restaurer. Nous citerons parmi les autres curiosités de ce bassin ou des environs, l'étang du Sauvage , dont les eaux perlées réfléchissent des collines de bruyère , et s'avancent jusques aux corniches supérieures de la vallée de Santoire ; les ruines du château de Marchadial, près de Dienne, et, en face de ce village, le rocher de la Queille jadis couronné, si l'on en croit la tradition, par un temple de Diane, auquel succéda, du temps de Charlemagne, un château fort qui porta long-temps le nom de la déesse. A quelque distance au-dessus de Dienne la vallée se divise, et ses deux branches sont terminées , l'une par une enceinte circulaire de rochers à pic formant le grandiose piédestal du Puy-Mary, l'autre par des pelouses désertes qui gravitent vers le Col-de-Cabre , entre les deux cimes de Peirache et de Bataillouze.

Vallée D'Allagnon ou Val D'Agnon. — C'est une gorge de dix - neuf lieues de longueur qui, des plaines de la Limagne, pénètre dans les profondeurs du massif cantalien, et vient toucher, par trois branches principales. au cœur même des montagnes du Cantal. Du col des Sagnes, du Lioran et de la Combe-Nègre où meurent ses dernières pentes, on descend dans la vallée de Cère ou dans celle de Jordanne, qui amènent aux bassins méridionaux de la France. Cette heureuse correspondance entre les deux plus belles vallées du Cantal et le val d'Agnon, détermine à travers le système celto-pyrénéen, le grand passage du Centre, reliant à la fois le Nord et le Midi, l'Est et l'Ouest du territoire français; passage inappréciable pour une voie de fer, et sans doute le plus remarquable par ses décorations naturelles de tous ceux que peuvent offrir les montagnes de France.

Nous nous sommes occupé déjà du val d'Agnon ; mais c'est ici le lieu de faire ressortir le contraste qui existe entre l'aspect de cette gorge et celui des deux vallées dont nous venons de parler. Tandis que les paysages de la Cère et de la Jordanne s'épanouissent avec une sorte de majestueuse volupté, déroulent leurs contours moelleux et sont émaillés de villages et de châteaux, de bosquets, de vergers, de champs, de tertres et de prairies, dans le haut val d'Agnon, la nature est partout grave, simple et sévère. Ses pentes n'ondulent pas en se dégradant par une série de mamelons derrière lesquels fuient les dernières lignes de la montagne ; elles descendent, abruptes et continues, tantôt drapées dans le sombre manteau de leur forêts, tantôt n'offrant à l'œil qu'une côte longue et dépouillée. La roche articulant le sol, effile ses plis en arêtes, festonne les croupes des montagnes , s'épâte comme une croûte épaisse sur leurs bords , dessine au-dessous, plusieurs bancs parallèles, ou se répand en avalanches de pierres sur les versants de la vallée ; la rivière coule souvent à nu , et sur ses bords, des haies plus rares laissent apercevoir le sol par étendues plus vastes; la couleur locale diffère aussi des deux côtés du Lioran. Dans les vallées du sud-ouest, le frêne et l'aulne, le hêtre, l'érable, le chêne et le cerisier réjouissent la vue par leurs touffes d'une verdure tendre, au sein desquelles se détachent çà et là les grappes rouges du sorbier; mais, sur l'autre revers, le sapin règne; il encrêpe en quelque sorte le paysage où l'on ne voit pendant long-temps que ses cônes lugubres atteignant les plus hauts sommets, et plongeant dans les défilés que creusent les torrents. Au sapin succède le pin, tantôt massé au faîte des coteaux, tantôt parsemé dans les forêts qu'il marque de tâches noirâtres. Ainsi vêtu, le val d'Agnon, depuis le Fraïsse jusqu'au pont du Vernet, ne manque cependant pas de charme, d'ampleur et de fécondité; ses perspectives sur le groupe du Cantal, les monts de Vassivière et le Lioran sont des plus solennelles. Les trois mornes de Bredon, Bonnevie et Chastel, autrefois couronnés de forteresses, se groupent avec originalité sur les deux bords du bassin , vers Murat. On dirait trois acropoles cyclopéennes, chargées de garder les passages de la montagne et en rapport ave»; son immensité ; enfin, la vallée même ajoute, par l'agrément de plusieurs sites, à l'intérêt que présente historiquement la vue des châteaux et des ruines qui s'élèvent au-dessus d'elle.

Du pont du Vernet jusqu'aux environs de Massiac , c'est-à-dire sur une étendue de cinq lieues, on peut ainsi dépeindre la vallée d'Allagnon : long défilé; abîmes affreux tout hérissés de bois et de rochers; ravins qui , des deux côtés, hachent les parois de ces abîmes ; blocs arrêtés , on ne sait comment, sur la tête du voyageur et formant des piedestaux naturels, des pyramides, des aiguilles, ou de longues coulées ; lambeaux de terrain cultivé dans l'intervalle des pierres, sur la pente du précipice; (errasses successives formées à grand'peine pour quelques vignes chétives; frais bandeau de prairies le long de la rivière , à mille pieds au-dessous de la route ; deux ou trois villages et quelques moulins cachés dans les replis de ce cahos, où plonge le regard ; ruines édentées sur les hauteurs; gorges pittoresques ouvertes à droite et à gauche et procurant des échappées de vue sur d'autres horizons; puis, insensiblement, des terres plus fertiles, des arbres plus nombreux , et plantés au milieu des champs de blé ou des chenevières , un bassin nouveau qui se déploie; des vergers chargés de fruits, étendant les vastes nappes de leur feuillage sur l'une et l'autre rive' de l'Allagnon; parmi eux des canaux d'irrigation qui dessinent un frais réseau; la montagne , moins âpre et moins aride, s'abaissant et prenant les douces inclinaisons d'une colline ; des vignobles parsemés de cuviers sur les pentes du vallon; enfin l'admirable richesse d'un beau bassin dont la tiède température favorise la végétation, et dans lequel est coquettement assise la ville de Massiac.

Le bassin de Massiac porte à juste titre le nom de petite Limagne. C'est une plaine ravissante relevée par un cadre à souhait de collines agrestes et de hauts promontoires. Entre les sapins qui ombragent les cimes occidentales et les basaltes dévêtus de l'est, toutes les cultures , tous les arbres prennent place, et l'on y voit prospérer la vigne , le noyer, le pécher et l'abricotier.

En quittant ces heureuses campagnes animées par des usines et de riantes demeures, l'Allagnon revient pour ainsi dire au désert. Il s'enfonce dans une nouvelle gorge d'abord rafraîchie par un peu de gazon , accidentée par quelques villages, mais qui devient ensuite un ravin profond, sauvage , décharné , horrible paysage de pierres et de bruyères dont les plis et replis conduisent aux régions fortunées de la grande Limagne. Ainsi, dans le monde physique, la Providence marque parfois à grands traits l'image des contrastes de la vie humaine, et figure la voie laborieuse du bonheur.

Le voyageur a beaucoup à voir en remontant la vallée d'Allagnon. S'il y pénètre près de Lempdes, sa curiosité sera bientôt défrayée. C'est en effet Leotoing, le vieux manoir des dauphins d'Auvergne, qui se dresse la haut, comme une aire de vautour hardîment cramponnée aux rochers les plus inaccessibles; plus loin, voilà Torsiac, beau château moderne; Blesle, la vieille ville aux pittoresques pignons, et dans laquelle il reste une tour à 20 pans. Cheminons encore, nous atteignons les limites du Cantal. Cette blanche villa bordée de peupliers, au confluent de deux rivières, porte un nom joli comme elle, et le bassin qui l'entoure c'est Florival; le val des fleurs, telle est l'avenue du Cantal et de Massiac. Au-delà, nous entrons dans le pays des Légendes ; voyez ce grand bloc de basalte sur la gauche, c'est St-Victor; à droite s'élève le rocher de Ste-Magdeleine. Entre ces deux rocs un pont fut jeté, dit la tradition ; il était formé non de chaînes de fer, mais des grains d'un chapelet, et lié par la vertu d'un saint amour.

Dépassons Massiac. Cette ruine colossale flanquée de deux hautes tours, à notre droite, c'est le château d'Aurouze ; dans les rochers, sur la gauche, on aperçoit des grottes nombreuses. Molompize n'a rien de curieux ; mais nous entrons dans le grand défilé de l'Allagnon. Cette crête en saillie, sur les parois de la montagne, est-elle rocher ou ruine ? C'est l'un et l'autre; il y avait là aussi quelque aiglon féodal. Au-dessous et sur la rive d'Allagnon, voyez le porche ogival de la chapelle de Vauclair, sa belle rosace en pierres et les armoiries des seigneurs de Vauclair. La vigne disparaît vers ce point. Nous arrivons à Ferrières. Il faut, en ce heu, quitter la vallée, suivre le torrent et aller visiter le village de Peyrusse, si pittoresquement adossé à son rocher pyramidal. Montons aussi vers le château, vers cette antique forteresse de Petruvia qui fut, selon quelques-uns, assiégée par Pepin, mais d'où partit du moins le coup d'arquebuse qui tua, en 1578, l'un des fameux chefs huguenots, le capitaine Merle.

Au-dessus de Ferrières se montrent des tours en ruines. On peut aussi, de là, faire l'ascension du Montjournal, où l'on voit une pierre en forme de fauteuil et désignée sous le nom de : Chaire de saint Mary. Près de cette montagne, est la fontaine de St-Austremoine et l'église de St-Mary, aux voûtes de laquelle est suspendue, par de grosses chaînes de fer, une châsse ayant renfermé les reliques de ce pieux apôtre.

Revenons au val d'Agnon; il est rejoint par le Valjouse aux sites alpestres. D'un autre côté, entre le village de Joursac et Servières, tombe la cascade de Batein. Joursac est dominé par les ruines imposantes de Mardogne , autrefois prévôté royale, et situé sur un gâteau basaltique d'où la vue est immense. Plus loin, les roches de Laval s'avancent comme un énorme cap à l'entrée de la vallée d'Allanche.

Si peu qu'on se laisse entraîner dans cette vallée gracieuse, on ira certainement aux ruines troglodytiques de la grotte du Cuze , près desquelles tombe une belle cascade On peut alors revenir, par Moissac et le château de Sévérac, à celui de Nussargue et au val d'Agnon. Celles, ancienne commanderie du Temple, se montre sur la côte planézienne de la vallée; en face de Celles, retentit la cascade magnifique du Chaylar, dominée par les ruines du même nom. (Voyez à l'article Allanche une charmante chronique sur le château du Chaylar.)

D'autres châteaux se dessinaient autrefois sur les deux lisières supérieures du vallon; c'est à peine si l'on en découvre les vestiges; mais celui du Jarrousset reste encore dans un tel état d'entretien qu'il est une des plus agréables demeures des environs de Murat.

Dans une roche opposée aux coteaux du Jarrousset, on remarque un ermitage curieux, mais d'un accès difficile. Murat n'est pas loin, abrité par l'immense rocher de Bonnevie et jadis protégé par son château, chef-lieu d'une puissante vicomté. Vis-à-vis de Murat, l'église de Bredon, le magnifique retable de cette église , les vestiges presque effacés du couvent des Bénédictins et du fort de Beccoire voisin de l'abbaye, la grotte profonde et les habitations creusées dans le rocher, méritent au plus haut point l'attention.

Enfin, le voyageur doit visiter, aux environs de Murat et de Bredon , le val d'Auzolles et le val d'Albepierre , intéressants par leurs cascades et leurs majestueuses forêts, d'où l'on peut gravir les pentes du Cantal ; l'hôpital de Saint-Gal, autrefois maladrerie de l'ordre de St-Jean, et situé dans la vallée principale ; le délicieux château d'Anteroche, ses bosquets et ses grottes; le village de Chambeuil et son ravin, qui renferme des couches de lignite ; la Forêt-du-Roi; les ruines de Combrelles; l'ermitage du Fraisse, composé de trois grottes superposées; plusieurs cascades, et entr'autres celle de Pierre-Taillade; les scieries du Lioran et les sites alpestres de la forêt; la percée du Lioran, tunnel de 1,400 mèt., faisant communiquer les deux vallées de Cère et d'Allagnon ; enfin, les hautes crêtes du Cantal, le Puy-du-Lioran, ceux de Bataillouze et de Vassivières.

Vallée de L'Ande. — Derrière les hautes croupes qui bordent au Sud le val d'Auzolles, commence une autre région de nos vallées, dont les eaux descendent à la Trueyre. La vallée de l'Ande se déroule ; ses rameaux plissent légèrement la Planèze supérieure, creusent ensuite le bassin de Rouffiac, sur les bords duquel peut voir les ruines historiques du Saillant, la cascade du même nom, et, plus loin, les basaltes d'Indiciat, dont St-Flour est le diadème. La nef majestueuse de Villedieu n'est pas loin de St-Flour, sur un ruisseau qui baigne son faubourg.

Franchissons le haut val de l'Ande et gravissons la colline méridionale; mais ne nous éloignons pas sans aller prier N.-D.-de-Lescure, après tant d'autres pélerins. Il n'est aucun d'entre eux, en effet, qui ait imploré vainement la bonne vierge ; il n'en est pas, dans cette thébaïde solitaire, sans abri devant le ciel, qui n'ait entendu la voix secourable, n'ait vu des regards divins descendre sur sa misère; et ce sanctuaire vénéré , placé là, sur la pente continue de la montagne, dominant des horizons lointains qui s'effacent à l'œil, dominé par les roides avenues des sommets du Cantal, n'est-il pas comme l'étape du chrétien entre le monde et ses destinées célestes?

Entre la vallée de l'Ande et celle de la Près, coule une petite rivière dite le Jurol. La gorge qu'elle baigne serait la plus humble du Cantal; mais, d'une crête de roc vif, pressée par la rivière et un petit ruisseau, s'élancent, grises et sinistres, les quatre tours d'Alleuze; Alleuze, ce terrible repaire de Merigot-Marchez. A peu de distance, est Lavastrie (Lovolotrum), situé sous les ruines du fort de Montbrun qui, selon quelques historiens, fut assiégé par Thierry. On voit, dans les champs voisins, des antiquités celtiques; elles abondent en Planèze; mais il n'y en a pas de plus belles que les dolmens de Bardon et de Touls , commune de Coltines, sur un ruisseau tributaire de l'Ande.

Vallée De La Près. — Arrivons à la vallée de Près. Ouverte et gazonnée dans sa partie supérieure, étroite et profonde dans sa partie méridionale, elle est majestueusement commandée par les ruines de Rochegonde. Non loin de là, se trouve Rochebrune. Si l'on remonte encore, on apercevra quelques débris du Moyen-Âge au Chambon, le château de Bellinay , puis, sur l'un des rebords de la vallée, au-dessus de Prat-du-Bouc, la Tombe-du-Père, monument mystérieux dont on essaiera de pénétrer l'histoire à l'article Paulhac.

Vallée de Brezons. — Cette vallée ne le cède en rien aux plus ravissantes régions de la Haute-Auvergne. On y remarque les jolis sites qui environnent le village de St-Martin-sous-Vigouroux; les ruines de Lavolpilhère; le château de Lescure; les vestiges du manoir de Brezons; l'église de ce village ; le château de la Boyle; et encore, dans la vallée ou dans les alentours, les trois cascades de Mejennassière; la voie prétendue romaine de Montréal et le château du même nom; celui de Vigouroux sur la hauteur; les restes de celui de la Griffoul, adossé à une roche énorme, et sur les murs duquel Mérigot-Marchez s'avisa de faire tomber en cascade le ruisseau du Riailler ; la forêt de Brezons, hantée par le grand veneur; enfin le Saut de la Truite, belle chute d'eau, et les perspectives sévères du Cantal à l'extrémité de la vallée.

Vallée De Sinic. — Elle n'a pas une grande étendue dans le département; mais ses forêts peuplées de chevreuils, et les sites qui l'accidentent donnent à cette région l'attrait d'une nature fraîche et vigoureuse; ses pacages à vacherie la font ressembler à quelques hautes vallées des Alpes, par exemple au val d'Ursèren dans le canton d'Uri (Suisse).

Vallée du Goul ou de Raulhac. — Célèbre dans le Cantal par sa riche végétation, elle ne l'est pas moins par ses beaux sites. Il faut la remonter à partir de Ronesque où elle s'appauvrit et se transforme. L'église de ce lieu, bâtie sur un gros rocher basaltique, attire la vénération des fidèles En face de Ronesque, l'antique tour de Cailus s'élance du haut d'un pic très-élevé. Le château de Missilhac, sur jes coteaux qui dominent la vallée, au sud, mérite à lui seul une excursion par son architecture et par les reliefs gothiques de sa façade. Au-delà de Missilhac, on peut entrer dans le bourg de Raulhac, intéressant par son église antérieure au X° siècle et par son château que prirent les Anglais. Il faut ensuite laisser à droite la tour du Puy-Mourier souvent assiégée dans le Moyen-Âge, et aller visiter Cropières, ce château de Mlle de Fontanges, orné de galeries extérieures et d'escaliers somptueux. Il y a, dans l'intérieur, des chefs-d'œuvre de peinture, entr'autres, un portrait par Mignard, de Mlle de Fontanges, que le propriétaire laisse malheureusement altérer. Jou-sous-Monjou n'est pas loin de Cropières. C'est à peine si l'on doit jeter un coup-d'œil sur Las Doulours, château des environs. Mais il n'est rien de plus séduisant à l'œil que les frais hameaux parsemés sur les monticules de la commune de St-Clément, où se termine la vallée du Goul Pour aller de Raulhac dans la vallée de Cère, il faut traverser la gorge du Cambon. Le bourg de Carlat domine cette gorge. Sur une plate-forme de basalte qui protége le bourg et surveille l'horizon lointain, paraissent encore les vestiges de la célèbre forteresse arvernique, chef-lieu du Carladez, possédée tour à tour par les comtes de Provence, les comtes de Rhodez, le duc de Berry, les d'Armagnac et la maison de France. Aux souvenirs de Carlat, se rattache inséparablement celui de Marguerite de Valois; mais n'empiétons pas sur un sujet qui sera trop développé dans le cours de cet ouvrage, pour qu'il nous soit permis d'en dire davantage. Notre pérégrination à travers les vallées du haut pays touche à son terme; un mot de plus avant de nous en éloigner.

Comme on a pu le remarquer, ces vallées de l’highland, cantalien subissent une loi générale. Fraîches et déployées dans leur région supérieure, elles accomplissent, pour ainsi dire, leur brillante destinée; puis, à une certaine distance du massif central, elles changent soudainement d'aspect; perdent leur figure première, et, au lieu de leurs paysages enchanteurs, de leurs romantiques avenues, on ne découvre plus que des gorges étroites, âpres et rocheuses. Il n'y a plus là, pour ainsi dire, de vallées; il n'y a que des cours d'eau cherchant péniblement leur issue dans les précipices. Nous avons donc étendu notre sujet en pénétrant dans ces contrées ingrates où vont se perdre les rivières cantaliennes.

Les vallées proprement dites sont beaucoup plus longues dans le bassin de Dordogne que dans les deux autres bassins, surtout dans le bassin du Lot. D'autres différences apparaissent entre les vallées de l'Ouest et les vallées de l'Est; ces dernières sont généralement d'une physionomie plus pâle, moins riches, moins morcelées, partant plus dévêtues de haies que leurs sœurs de l'Occident. Les villages n'y ont pas les mêmes couleurs, la même animation; car, s'ils présentent, d'un côté, ces archipels de maisons, de jardins, de Vergers, ces blanches façades ressortant sons des toits rouges et des encadrements de verdure, ces heureuses dispositions qui leur donnent tant de vie et d'éclat, dans les bassins de l'Est les maisons, plus groupées empruntent, aux phonolithes qui les recouvrent, une teinte grisâtre d'un effet moins heureux. De part et d'autre, il faut le dire, l'œil doit s'arrêter à l'extérieur des habitations. (') Les toits de chaume sont moins nombreux aujourd'hui qu'autrefois dans te haut pays ; on les conserve toutefois prés des montagnes comme un abri plus sûr contre te froid que d'autres toitures.

La maison du paysan cantalien , du riche paysan même, manque de propreté, d'ordre et quelquefois de lumière; il dépense beaucoup pour le luxe des murailles et des charpentes, fort peu pour les décorer au-dedans; le lit, la table, le buffet, l'armoire et les provisions de lard sont entremêlés autour de son foyer; quelques grossières images habillent seules le mortier des murs ou la planche des cloisons; son jardin est mal tenu, quoique enjolivé parfois d'églantiers, d'aconites, de quelques pieds de buis ou d'un if solitaire; trop- souvent, enfin , le fumier envahit les lambeaux de pavé qui sont devant sa porte. Exceptons quelques maisons bien entourées, bien dallées, soigneusement nettoyées, et dans lesquelles, ainsi que nous l'avons vu dans l'arrondissement de Murat, le fond de l'appartement présente plusieurs alcôves rangées en ligne comme une série de cellules, et sculptées avec l'art le plus ingénieux.

Nous ne saurions oublier, en décrivant les hautes terres d’Auvergne, un de leurs tableaux les plus caractéristiques. Sur les plateaux gazonnés du centre, figurent, isolées çà et là, quelques touffes de grands tilleuls. Chacune d'elles abrite une petite hutte, blottie sous un capuchon de tuiles ou de mottes de terre. Cette hutte est la fromagerie, connue dans le Cantal sous le nom de buron. Elle occupe ordinairement le milieu d'un grand pacage où parque une vacherie. A ce pacage d'autres succèdent, vastes aussi. Leurs burons s'espacent de loin en loin. Pas d'autres habitations, pas d'autres arbres que ceux qui les entourent, pour interrompre la solitaire uniformité des montagnes. Elles se développent ainsi jusqu'aux sommets les plus escarpés, embrassant autour d'eux une zone étendue. Le roi pasteur de chaque territoire est un vacher; son peuple se compose du boutiller cl du berger. Lorsque, par un soir d'été , le soleil jette encore quelque rayon mourant sur ces grandes pelouses ; qu'au rebord des vallées, déjà demi-noyées dans la nuit, les vaches broutent, paisiblement suspendues aux rochers; que les tintements de leurs clochettes se font entendre, à notes lentes et timbrées, le calme de la scène remplit l'âme de mélancolie; mais , si le brouillard court en vagues roulantes sur le flanc des pitons qui dominent le lieu ; si leurs têtes apparaissent dans la nuée comme des formes indécises et sombres; si quelque vache brâme, effrayée par l'ombre grisâtre et mobile; si le torrent bondit et se brise dans l'abîme, tandis qu'au-dessus de ces clameurs sauvages le vent fait jouer les harpes éoliennes du rocher, alors le barde de Morven, Ossian, pourrait seul dépeindre les magiques poésies de la montagne.


BAS PAYS.

Nous serons court sur le pays moyen et le bas pays. Le bas pays comprend, selon nous, la partie occidentale du Cantal entre la région déjà parcourue, le Lot et la Maronne; il se compose des cantons d'Aurillac (sud), St-Mamet, Montsalvy, Maurs et Laroquebrou. Le niveau général de ces cantons est inférieur au reste du territoire; leur nature et leur physionomie sont aussi tout autres que celles du haut pays. On y voit de grandes plaines de bruyère plissées par les ondulations de nombreux ruisseaux , et bordées par des ravins très-encaissés; des marécages; des landes stériles, et aussi quelques plateaux fertiles; peu de vallées régulières; mais de très-larges bassins, inclinés et mouvementés jusqu'au lit des cours d'eau qui les sillonnent; de vastes forêts dans les gorges; sur les flancs des petits vallons , des chênes et des bouleaux en massifs; entre ces massifs disséminés, remontent quelques prés étroits qui viennent mourir dans la bruyère. Les grandes prairies sont rares, si ce n'est au fond de quelques vallées; les pentes douces des bassins sont cultivées en céréales, et, dans les bassins méridionaux , le Veynazès et la vallée de Rance ou du Celé, par exemple, elles sont plantées de châtaigniers. Ces plantations occupent une grande partie des cantons de Maurs, de St-Mamet et de Montsalvy. La vigne prospère sur les côtes du Lot.

Les gorges du Lot, de la Trueyre , du Goul, de la Cère et de la Maronne, qui tranchent si profondément les côtés et l'intérieur du bas pays, présentent des escarpements effrayants; tantôt elles sont nues, décharnées et arides; tantôt elles déroulent de sylvestres avenues; tantôt encore, mais rarement, elles s'entr'ouvent pour laisser voir quelque fraîche oasis, un village, un hameau, des vergers , un moulin. Les paysages les plus riants de toute la contrée sont'aux environs de Maurs, dans le bassin de la Rance.

Les habitations du bas pays sont généralement misérables et grossièrement construites; elles n'ont souvent qu'un seul étage, et, au lieu de chaume, le genêt ou des mottes de bruyère leur servent de toiture. Les villages sont peu considérables, et les hameaux très-espacés, à cause de l'infécondité du sol qu'ils ont à se partager.

Comme on le voit, les lowlands (Dénomination des basses terres en Ecosse.) du Cantal sont moins prospères que ceux de l'Ecosse. Ils commencent à s'accentuer non loin d'Aurillac; car la magnifique plaine d'Arpajon , où se réunissent la Cère et la Jordanne , peut être considérée comme un paysage mixte entre la contrée montagneuse et les basses terres. Les chaînes du haut pays expirent là, au bord oriental, et résument, dans leurs trois splendides cannelures , le panorama des plus délicieuses vallées; au bord occidental, au contraire, une colline basse et argileuse indiqué déjà l'infériorité d'un sol nouveau et moins favorisé.

Cette région n'est cependant pas stérile pour le touriste. S'il veut la parcourir, il débutera par le joli village d'Arpajon, riverain de la Cère, et près duquel ont été découvertes plusieurs antiquités prétendues romaines. En suivant le cours long-temps encore agréable de la Cère, il verra successivement : le site majestueux du château de Conros; les ruines de celui de Bargues, sur un monticule pittoresque ; les tourelles de celui de Veyrières; le beau pont que traverse la route d'Aurillac à Toulouse; d'attrayantes campagnes au confluent de la rivière d'Authre , près duquel est bâtie l'aire féodale de Viescamp; un manoir des ducs d'Escars et de l'ancienne famille de Montal, au-dessus de Laroquebrou, et, plus à l'Ouest, la gorge de la Cère tellement encaissée qu'on la franchit sur un seul arbre.

Dans un rayon de plusieurs lieues autour de Laroquebrou, se trouvent : le roc. Cobolaire, monument druidique au bois de la Margide, commune de St-Gerons

la jolie maison de campagne de Gresse; la croix de la Bataille, près de St-Etienne-Cantalès; le peulven de Peyre-Levade ; les traces d'un dolmen au communal de Coulin; le camp romain de Nieudan; les pierres tumulaires dites: Tombes des Huguenots , dans le bois du Mont; les gisements argentifères et aurifères de St-SantinCantalès; les châteaux de la Bontat, le Bellestat, Vals; les sites agrestes du vallon de Soulane; d'autres sites plus sauvages dans les gorges de la Bertrande et de la Maronne; enfin, les souterrains de Montvert et des communes voisines.

Entre Laroqucbrou et Maurs, peu de remarques à faire. Voir, près de Maurs, les deux châteaux de Senergues et de Murat, situés l'un vis-à-vis de l'autre comme deux postes ennemis, et théâtres de luttes fratricides; aux environs de St-Constant, sur un promontoire ardu que battent sans-cesse les flots du Celeyrou et du ruisseau de la Ressègue, les ruines de Merle, superbes encore dans leur draperie de lierre, quoique désertes et découronnées.

Dans le bassin de la Rance, il existe plusieurs autres manoirs ou ruines: Reilhac , Conquans,. Entraigues , Solinhac, le Reitre; mais on cherchera peut-être avec plus do curiosité le Peyral-de-Martory, satyrique témoignage rendu contre la vertu des femmes, et qui est situé aux environs de Leinhac.

Fargue est un vrai joyau pour la vallée de Rance ; autour de ce noble château, la nature a généreusement déployé l'horizon; elle en a peint les lointains avec une suave fantaisie; l'art et le bon goût s'occupent à leur tour de multiplier dans ce cadre les broderies du premier plan. A quelque distance de Fargue, visiter Marcolès, autrefois ville forte, et son église bien décorée.

Plus loin, dans la direction du Veynazès, on rencontre Calvinet, chef-lieu d'un ancien bailliage; aux environs de Calvinet, les belles habitations de Lamothe et de la Rouquette; puis le château de Cours et les tours imposantes de celui de Senezergues, sur une gorge que l’Auze remplit de son écume et du bruit dé ses chutes.

En descendant la gorge d'Auze, on arriverait non loin de Vieillevie, petit port du Lot, surmonté de belles ruines. En allant au contraire vers Montsalvy, on remontera le bassin accidenté du Veynazès, et, passant près de Cols, moderne et ravissant cottage sur un fond de châtaigneraie, on ira visiter les blocs erratiques dits : Murs du Diable, blocs si régulièrement agrégés l'un à l'autre, qu'on a pris cette agrégation pour une œuvre cyclopéenne. Montsalvy apparaît bientôt, et le Puy-de-1’Arbre, célèbre par les expériences astronomiques et géodésiques de Méchin et de Delambre, est aussi dans le voisinage.

Au-delà de Montsalvy, il n'y a rien dans le bas pays qui mérite une excursion. Nous citerons néanmoins les tours de Murat, dans les gorges du Langayrou , et les eaux minérales de Teissières, dans les profondeurs d'un autre ravin.


PAYS MOYEN

Il nous reste enfin à parler du pays moyen. Nous comprendrons sous ce titre la partie du Cantal qui se rattache aux deux groupes du Cézalier et de la MargeridE, et aux montagnes d'Aubrac, c'est-à-dire l'Artense , le Cézalier proprement dit, le Luguet, les cantons de Massiac, St-Flour (sud), Ruines et Chaudesaigues. Nous ajouterons à ce territoire les plateaux de Champagnac et autres circonvoisins, qui terminent la zone de ceinture. Sans doute cette zone est supérieure, par beaucoup de points, à certains plateaux du centre ; mais les montagnes dont elle dérive, pour ainsi dire, forment des massifs moins élevés que le groupe générateur du haut pays.

Chacun des fragments du pays moyen affecte une physionomie distincte. Nous pouvons les dépeindre de la manière suivante:

L'Artense, haute contrée qui sert de base aux Monts-d’Or, pays de pâturages et de grandes bruyères dont la lisière se termine aux côtes abruptes des gorges de la Rue et de la Dordogne; cette lisière est toute entrecoupée de collines, de bois, de rocailles, d'anses de verdure et de sinuosités qui laissent peu de lointains devant l'œil, mais qui diversifient le site à chaque pas. Des torrents se précipitent dans les échancrures de la montagne, et donnent une teinte vive à la végétation de leurs rives Une rivière assez importante, la Tarentaine, déchire cette contrée, roulant ses flots entre d'épaisses broussailles et mille anfractuosités. Quelques hameaux sont dispersés ça et là dans les replis du sol. Leurs habitants, dont les femmes sont pittoresquement coiffées du serre-malice, forment un type distinct des autres populations cantaliennes.

Derrière le rideau de ses premières collines, l'Artense développe à perte de vue des plateaux ondoyants comme par grandes vagues; steppes solitaires , tachées de quelques bois, images des hautes plaines de Tartarie, aux limites desquelles s'élance jusqu'aux nues la chaîne du Mont-d'Or. Dans ces espaces immenses, pacagent des troupeaux considérables de bétail.

Mais ce qui donne à l'Artense et aux plateaux qui le prolongent un caractère étrange, grave, mélancolique, ce sont les lacs répandus sur leur vaste surface. Les plus connus d'entre eux , le lac Chauvet, le lac Pavin, le lac Mousineire. le lac de l'Esclause et ses îles flottantes appartiennent au Puy-de-Dôme; mais, dans l'Artense cantalien , il en est un, peut-être ignoré, qui ne leur cède pas en grandeur et en rêveuse poésie; nous entendons parler du lac de la Crégut. Il est situé sur les limites de la commune de Trémouille. Des miniatures de collines le bordent à l'occident ; les fleurs de leurs bruyères étendent jusqu'à ses grèves leur réseau de carmen, et dans ce tapis moelleux vient nicher la perdrix. Au revers opposé, le bois des Gardes monte comme un large amphithéâtre; les sapins entremêlés à ses hêtres, lustrent ce massif de verdure et pyramident sur ses contours. Vers le fond du lac , fuit doucement un humble défilé baigné par une source. Dans cet encadrement d'une gracieuse simplicité dort une nappe d'eau merveilleusement limpide; le trait le plus pur cisèle ses bords. Un petit écueil les relève à l'Orient, et sur la pierre grise de cet écueil, des martins-bleus viennent parfois reposer leurs ailes d'azur. Nul bruit, d'ailleurs, n'interrompt le silence du lieu, hors le murmure d'une cascade à la sortie du lac, le frémissement du feuillage dans le bois , ou peut-être le cri subit d'un courli qui s'envole des mousses du rivage.

D'autres lacs plus petits abondent dans l'Artense : il y a par exemple, le lac de la Cousteix, le lac de la Pignol, le lac Noir, le lac du Lac. Presque tous ces lacs plaisent par leur site. Il en est qui se cachent dans un entonnoir de sapins comme une perle de rosée dans le cornet d'une feuille.

L'Artense a peu de châteaux ; mais, sur les côtes de la Dordogne ou des environs, jl faut citer : Vals, hardiment construit sur une roche ardue et restauré par son moderne propriétaire; Thinières, qui appartint à la maison de France; Rochemaure; Gimazanne , et la charmante habitation de Journiac, à M. de Laforce.

En suivant le cours de la Dordogne, on arrive près du lac de Madic, situé dans un bassin où la vigne réussit. La ruine colossale qui regarde le lac et surplombe la gorge de Dordogne, formait un des fleurons de la couronne seigneuriale des Chabannes. Ses débris sont peut-être les plus imposants que les temps féodaux aient laissés dans la Haute-Auvergne. Au-dessous de Madic, la gorge de Dordogne étonne par ses profondeurs; elle forme ceinture au plateau de Champagnac et à d'autres plateaux. On remarque sur cette rivière l'antique pont des Monges, et le pont nouveau près, l'abbaye de St-Projet ; sur les plateaux, la commanderie du Telde, la tour d'Arches, le château de Sourniac, la jolie villa de Lavaur, Montfort, et enfin, près de Mauriac, les belles ruines de Miremont, si célèbres par la vaillance de Madeleine de Senecterre.

Les flancs du plateau de Champagnac recèlent des houillères. On a ouvert des galeries d'exploitation à Lempret, Pradelles, près de Jalleycac, Vendes et Madic.

Le Cézalier et le Luguet sont des montagnes sans arbres, qui s'élèvent insensiblement vers le Chamaroux. La Rue de Condat prend naissance au pied de ce morne, où elle forme plusieurs cascades, entr'autres telle du Saillant. La vallée d'Eglise-Neuve n'est pas sans attrait. Dans la vallée d'Allanche, visiter cette ville, Maillargues et les ruines du château de la famille de Dienne, à Ste-Anastasie. Sur l'autre revers du Luguet, s'ouvre la riante vallée de la Sionne , décorée de plusieurs châteaux , et où l'on exploitait naguère des mines d'antimoine.

La montagne de la Margeride domine la région sud-ouest du Cantal. Vue des environs dè Saint-Flour, elle se présente comme une sombre muraille, assez semblable au Jura; mais elle est loin de ressembler à la chaîne jurassique par la fertilité de ses environs. La principale richesse de la Margeride consiste dans ses belles forêts de sapins, qui alimentent plusieurs scieries. Des pentes de la montagne part une série de mamelons déboisés; ils forment l'épine dorsale d'une région jaunâtre , cultivée sur toutes ses hauteurs, déchirée par des ravins et quelques vallées, parmi lesquelles la vallée d'Arcueil est une des plus pittoresques. On peut y voir les grottes et vestiges celtiques des environs de Bonnac, où, selon quelques-uns, s'éleva sur le Mont-Rut un collège des Druides. Il faut en outre citer, dans un certain rayon autour de la Margeride: les châteaux de Verteserre, Beaucastel„ Chaliac , le Fayet, St-Poncy , les ruines de Montsuc et celles de Lastic, qui sont d'un effet grandiose; les fragments de la voie romaine ou chaussée de Brunehaut, qui traverse le bois du Mas, dans la commune de Soulages; les restes de deux fortes bourgades au bois de Coudins, même commune, et à l'Herm, commune de Vedrines-St-Loup ; la Margeride , Coppiac, Belgus et Vareillette, agréables demeures; l'élégante chapelle de Vabres, sur un rocher; le fort de Ruines et la tour de Chaliers, prise par les Anglais comme beaucoup d'autres places des environs de Saint-Flour.

Les villages, dans cette partie du Cantal, offrent des groupes de maisons fortement construites, souvent en prismes de basalte, ce qui leur donne une teinte noirâtre et d'un coup-d'œil disgracieux. Elles sont, en beaucoup d'endroits, continuées par des granges très-longues, qui développent extraordinairement leurs façades.

Enfin, les contrées situées au sud de la Trueyre et dépendant des montagnes d'Aubrac, se composent de terrasses élevées qu'enveloppe un réseau de ruisseaux et de rivières. Ces cours d’eau, comme ceux de la région précédente, roulent au fond de ravins encaissés, dont les parois sont tout au plus émaillés par le sol végétal. Il y a cependant le long des rivières quelques frais liserets de prairies, dont la riche verdure contraste avec la sécheresse des coteaux qui les encadrent. Certaines vallées, tout resserrées qu'elles sont, découvrent de plus agréables tableaux. Celle de la Trueyre, la plus longue d'entre elles, est presque partout bordée d'affreux précipices et serpente beaucoup; elle est très-pittoresque auprès de Ste-Marie, au pont de Treboul et près de Turlande, où les rochers affectent les formes les plus sauvages et les plus bizarres.

Le haut des terrasses qui terminent la région, se cache le plus souvent sous des bouquets de pins ; les taillis abondent du côté de Saint-Urcize ; on voit, dans les environs de ce bourg, la belle forêt du Prieur ou de Jurquet; ailleurs, s'allongent des plateaux où la culture n'a laissé place qu'à un très-petit nombre d'arbres.

Citons dans ces contrées ou sur les deux bords de la Trueyre : le Saut-du-Loup et la côte de Lanneau; les eaux thermales de Chaudesaigues; les châteaux de la Roche-Canilhac, de St-Remy , de Jabrun , de Montchanson , de St-Juery sur une île du Bex, et d'autres ruines près de Mallet, etc. ; le vieux pont de Garabie et celui de l'Echelle, où passait, dit-on, la voie romaine signalée plus haut.

Une dernière curiosité des cantons que nous venons de parcourir, ce sont d'énormes blocs de rochers arrondis, et reposant sur d'autres boules de pierre d'un volume infiniment moindre. On en trouve beaucoup sur les bords de la route de St-Flour à Mende, et l'on se demande avec étonnement s'il n'y a pas là quelque énigme posée par les temps les plus reculés.

Nous achèverons ici notre voyage; il est temps de nous reposer. Nous nous sommes adressés au touriste seul; nous l'avons promené dans les paysages les plus divers; nous lui avons indiqué sommairement tous les sites dignes de son attention. Peut-être nous devra-t-il un guide utile dans la plus inexplorée des provinces; peut-être aurons-nous vengé notre Haute-Auvergne des mépris du passé; heureux enfin si nous avons réveillé dans le cœur de nos compatriotes l'amour de leur beau pays. A d'autres maintenant à dévoiler tous les trésors qu'il fournit à la science.

Henri de Lalalaubie.

    

  

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