cp

Portrait

Document tiré  du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet  Edition de MDCCCLIII  (1852) Volume 2/5.

Ces pages ayant été numérisées nous ne pouvons garantir une fidélité exacte à 100% du texte malgré le soin apporté à sa correction.


Histoire Civile (Ed de LAFORCE)

Les anciens Arvernes se croyaient enfants de Pluton et considéraient leurs montagnes comme le siège de son empire (1) ; ils prétendaient encore descendre des Troyens :

Arverni latio ausi se dicere fratries Sanguine ab iliaco populi (2) ,

disait d'eux Lucain, profondément indigné sans doute d'une pareille prétention. Mais, nonobstant ces traditions, on est forcé de reconnaître que leur origine est complètement inconnue; on doit seulement admettre comme un fait hors de doute, qu'ils étaient de race celtique et qu'ils appartenaient à la grande famille gallique : l'ancienne dénomination de la principale montagne du Cantal (Mons celticus), la vénération qu'on a encore dans cette contrée pour les fontaines druidiques, l'habitude qu'on y a conservée de compter les jours par les nuits, ses mœurs et ses coutumes qui ont toutes une singulière analogie avec celles des Celtes et des Gaulois, en sont des preuves qu'on doit considérer comme concluantes.

Il paraît également certain que les premiers Arverno-Celtes donnèrent asile à des peuplades venues, sous la conduite d'Hercule, de la Syrie et de la Phénicie; elles leur apportèrent leur culte, leur idiome et leurs sciences qu'on trouve en honneur chez eux quinze cents ans au moins avant l'ère chrétienne (3).

Le peuple arverne apparaît comme un colosse dans l'histoire, dès les temps les plus reculés. Il formait une nation considérable dont le territoire s'étendait à Marseille, à Narbonne, aux Pyrénées, à l'Océan et au Rhône (4); il avait atteint une haute civilisation, et ses druides enseignaient la géométrie, la géographie, la politique et l'astronomie (5) ; enfin, si on parcourt ses annales, on ne peut douter de sa puissance en voyant ses tribus belliqueuses s'établir dans la Campanie, battre les Toscans près du Tessin, fonder Milan, aider les Cénomans à s'emparer du Brescian et du Véronais, faire trembler le premier Tarquin sur le trône et, sous la conduite de Brennus, attaquer Rome elle-même et s'en emparer (6).

Le roi, ou plutôt le chef le plus ancien des Arvernes dont le nom soit parvenu

(1) Joseph. Ant. jud., 1.1.

(2) Luc, Phars. '

(3) Jos. Ant. Jud., I. i. Am. Marc. rer. gest., I. xv.Caps. de bell. Gall., I. VI.

(4) Strab. rer. geog., I. IV. 

(5) Hist. litt. de la France, 1.1".

(6)Tit. Liv., I. v.

jusqu'à nous, est Luer ou Luern, qui vivait environ cent trente ans avant notre ère. Son luxe et ses prodigalités l'ont rendu fameux : qui n'a entendu parler du banquet auquel il admit ses sujets pendant plusieurs jours, et de ses promenades sur un char étincelant, que précédaient des hérauts d'armes jetant de l'or à pleines mains sur son passage? IL laissa les rênes de l'Etat au moment de sa plus grande splendeur à son fils Bituit qui, moins heureux que lui, en vit commencer la décadence.

Toutmaliou, roi des Saliens, qui occupaient une partie de la Provence, vaincu par les Romains, s'était réfugié chez les Allobroges, peuples du Dauphiné et de la Savoie, qui tentèrent de le rétablir dans ses états. Bituit crut devoir intervenir comme médiateur entr'eux et les Romains. Il envoya dans ce but, au consul Domitius /Enobarbus, une députation dont la pompe étrange dut singulièrement l'étonner : son ambassadeur, magnifiquement vêtu, s'avançait précédé d'un barde qui chantait les louanges du prince, entouré de jeunes guerriers éclatants d'or et de pourpre, et suivi d'énormes dogues qui marchaient en ordre de bataille comme une troupe régulière. Celte ambassade n'obtint pas de résultats, et Bituit, irrité de son peu de succès, se mit en mesure d'unir ses forces à celles des Allobroges. Mais avant qu'il eût pu opérer sa jonction avec eux, ils eurent la témérité d'attaquer seuls les Romains et essuyèrent une sanglante défaite à Vindalium, aujourd'hui Avignon ; il ne lui resta qu'à s'efforcer d'empêcher les vainqueurs de profiter des avantages que leur donnait la victoire.

Il y aurait réussi peut-être, si le consul Q. F. Maximus n'était venu avec un renfort de vingt mille hommes grossir l'armée de Domitius. Les Romains purent ainsi tirer parti de leur premier succès et s'engagèrent sur le territoire des Allobroges dès le printemps suivant (120). Bituit accourut dès qu'il en fut informé, passa le Rhône sur un double pont et vint leur présenter la bataille dans une petite plaine située sur les bords mêmes du fleuve. Il comptait sous ses drapeaux deux cent mille combattants et ne doutait pas de la victoire; couvert d'une armure brillante sur laquelle était jeté un sagum aux couleurs vives et variées, il parcourait le front de son armée sur un char d'argent; et, lançant des regards pleins de mépris sur les bataillons romains, il s'écriait : il n'y a pas là seulement de quoi repaitre mes chiens! Mais le succès ne répondit point à son attente; la vue des éléphants que les Arvernes ne connaissaient pas jeta la terreur dans leurs rangs; ils se laissèrent rompre, furent battus et jonchèrent le champ de bataille de cent vingt mille morts (I).

Bituit ne fut point découragé par ce revers imprévu ; il se hâta de rallier les débris de son armée et se prépara à recommencer la lutte avec une ardeur nouvelle. Mais une inqualifiable perfidie vint mettre un terme à ses efforts : sous prétexte de traiter avec lui de la paix, Domitius AEnobarbus l'attira à une conférence, le fit charger de fers et l'envoya à Rome pour figurer à son triomphe.

Peut-être le sénat blâma-t-il en secret celle indigne violation du droit des gens; mais un trop juste ressentiment ne pouvait manquer d'armer de nouveau le roi arverne contre la république, si la liberté lui était rendue ; on feignit d'ap-

prouver la conduite du consul, et Bituit fut retenu captif à Albe. Il en fut rappelé plus tard pour paraître au triomphe d'AEnobarbus et de Maximus sur le char d'argent qu'il montait le jour du combat et y revint ensuite finir ses jours. Les mêmes motifs déterminèrent le sénat à appeler près de lui son jeune fils Congentiat, sous le prétexte de diriger son éducation pour le replacer sur le trône de son père, et à le faire mourir également dans les fers (1).

L'Arvernie était vaincue ; mais, capable encore de puissants efforts, elle inquiétait ses vainqueurs; ils n'osèrent tenter de la réduire à l'état de province romaine et la laissèrent continuer de se régir par ses propres lois. Mais en même temps, pour la diviser et l'affaiblir, ils s'appliquèrent à y faire pénétrer des sentiments d'indépendance incompatibles avec la grande étendue de son territoire et la diversité des tribus qui l'habitaient. Us ne furent que trop bien secondés dans leurs manœuvres par les Arvernes eux-mêmes qui apprirent, dans les communications fréquentes qu'ils eurent désormais avec l'Italie, à connaître les gouvernements libres et finirent par éprouver le désir d'en introduire la forme dans leur pays. Bientôt on vit s'écrouler sous cette double influence la grande monarchie de Bituit, pour faire place à une multitude de petites républiques; celle de l'Arvernie proprement dite se composa de l'Auvergne, du Velay, du Gévaudan, du Quercy et du pays des Albigeois.

Avec sa nouvelle forme de gouvernement, cette république devint le théâtre de dissensions continuelles et se vil souvent hors d'état de résister à ses ennemis extérieurs. Celtil, un de ses chefs les plus influents, tenta d'y usurper le pouvoir suprême et y excita une guerre civile où il trouva la mort ; les Cimbres s'en emparèrent vers l'an 113, avant notre ère, la dévastèrent et la couvrirent de ruines. Elle était formidable cependant, et la république des Eduens pouvait seule, à la faveur de son alliance avec les Romains, lutter de puissance avec elle.

Ces deux républiques rivales ne tardèrent pas à faire naitre une cause de guerre entr'elles. Les Eduens, dans le but de ruiner les Séquanes, mirent des droits excessifs sur la navigation de la Saône et les contraignirent, à force de vexations, à prendre les armes. Les Arvernes prirent parti pour les Séquanes et, prévoyant que les Romains ne manqueraient pas d'assister les Eduens, s'assurèrent de leur côté le concours de quelques tribus germaines fixées au-delà du Rhin et gouvernées par Arioviste. Ils durent des succès à cette alliance et, après la perte de deux batailles, les Eduens se virent contraints de souscrire aux conditions dures et humiliantes qui leur furent imposées.

La guerre était ainsi terminée ; mais il ne fut pas possible de renvoyer les étrangers imprudemment appelés pour la soutenir. Séduits par la douceur du climat des Gaules, ils refusèrent d'en sortir et ne se contentèrent pas de s'y fixer; mais y appelèrent encore leurs compatriotes qui y affluèrent bientôt au nombre de cent vingt mille et furent suivis de nombreuses peuplades sorties à leur exemple des montagnes de l'Helvétie. Bientôt la Gaule entière fut menacée d'une immense immigration ; les Eduens, épouvantés, implorèrent pour s'en garantir le secours des Romains, et ceux-ci, craignant eux-mêmes pour leurs possessions, leur dépêchèrent César avec le titre de proconsul.

Ce héros força en moins de trois mois Arioviste à repasser le Rhin avec les débris de ses peuples vaincus, et les Helvétiens à regagner leurs montagnes: mais après avoir délivré la Gaule des Barbares qui l'avaient envahie.il résolut de profiter à son tour des dissensions intestines auxquelles elle était en proie, pour s'en emparer. La conquête des territoires suisse, allemand, belge, armoricain et saxon fut successivement consommée par lui; la Grande-Bretagne, bien que protégée par l'Océan, ne put résister à ses armes toujours victorieuses, et bientôt tout lui fut soumis, hormis l'Arvernie qui, en face de l'asservissement général des nations ses voisines, s'efforçait par une sévère neutralité d'éloigner d'elle une guerre qui devait évidemment s'allumer au premier prétexte.

Mais après la défaite de Crassus et la mort de Clodius, des troubles ayant éclaté dans le sénat et dans la ville de Rome, l'occasion de secouer le joug parut se présenter aux peuples soumis que retenaient dans l'obéissance un grand nombre d'otages exigés d'eux, un désarmement général, de nombreuses garnisons et surtout la sévérité bien connue de César à punir les moindres apparences de révolte; ils organisèrent une ligue formidable dans laquelle les Arvernes, qui n'avaient pas cessé de trembler pour leur indépendance, n'hésitèrent pas à entrer et dont la direction fut confiée à Vercingétorix.

Vircingentotix fut le plus grand des défenseurs de la nation gauloise ; il en est resté le héros, et, après dix-huit siècles, son nom est encore prononcé avec orgueil dans ce pays. Fils de Celtil , qui avait péri pour avoir aspiré à la tyrannie, ce jeune Arverne joignait à la plus grande valeur, à une prudence consommée, le génie le plus vaste, le cœur le plus généreux. César avait eu plusieurs occasions de l'apprécier et avait tenté à diverses reprises de se l'attacher en lui offrant son amitié. Mais, possédé du désir le plus ardent de voir son pays échapper à la servitude qui le menaçait, il avait constamment dédaigné ses avances et n'avait cessé d'exciter dans le cœur de ses concitoyens des sentiments d'indépendance en même temps que de haine contre l'oppresseur de la Gaule. Dès que les Carnutes eurent donné le signal de l'insurrection, il fit prendre les armes à sa tribu et parut avec elle sous les murs de Gergovia, alors capitale de l'Arvernie.

Celte ville était en ce moment divisée en deux factions, et Gobanitio, son oncle, y dirigeait la plus puissante qui, effrayée des dangers prochains de l'Arvernie, s'était prononcée en faveur du maintien du système de neutralité suivi jusqu'à ce jour. Vercingentorix eut à lutter contre lui et, vaincu, se vit contraint de s'éloigner ; mais ce fut pour reparaître bientôt à la tête d'une masse d'insurgés, composée d'abord, suivant le dire de César, dont il est permis toutefois de suspecter l'exactitude, de mendiants et de vagabonds, grossie bientôt par une foule de partisans de la cause de l'indépendance et devenue assez importante pour forcer son adversaire à s'éloigner à son tour. Dès lors, l'insurrection devint générale dans l'Arvernie, et les mêmes hommes qui avaient envoyé son père à la mort, pleins de confiance dans son patriotisme, n'hésitèrent pas à le reconnaître comme chef de la grande confédération des Gaules.

Vercingentorix se hâta de rassembler une armée dans l'Arvernie; il en détacha une partie qui fut chargée, sous les ordres de Luctuerius, d'aller s'assurer des provinces du Midi, et se dirigea lui-même, avec le reste de ses forces, du côté de Bourges, pour déterminer les peuples du Berry à se déclarer.

César était dans la Gaule-Cisalpine lorsque la nouvelle de ces graves événements lui parvint. Il se hâta de repasser les Alpes-Maritimes et contint par la terreur qu'inspirait son nom la province romaine prête à prendre part au mouvement; il franchit les Cévennes, alors couvertes de neige et parut subitement sur le territoire des Arvernes qu'il ravagea affreusement. Vercingentorix était dans le Berry ; ses troupes exigèrent de lui qu'il abandonnât un plan de campagne habilement conçu pour courir à la défense de leurs foyers. C'était une faute qu'avait espéré lui faire commettre César qui, voyant les événements marcher au gré de ses désirs, n'eut garde de l'attendre. Laissant quelques forces à son jeune lieutenant Brutus, il rejoignit sa cavalerie à Vienne et vint avec les légions cantonnées à Langres mettre le siège devant Bourges, place bien fortifiée et approvisionnée de vivres pour long-temps.

Les mesures prises par le général romain, l'habileté dont elles étaient la preuve, et surtout la rapidité avec laquelle elles avaient été exécutées portèrent la consternation dans les rangs des confédérés. Vercingentorix ranima leur courage et leur donna des conseils empreints de la plus grande sagesse : il ne fallait pas, leur dit-il, risquer des batailles rangées, où le succès se déclarerait infailliblement en faveur des troupes romaines mieux disciplinées et plus aguerries que les leurs, et c'était en enlevant toute ressource à l'ennemi qu'on devait chercher à l'anéantir ou à le forcer à la retraite.

Ces avis furent d'abord exactement suivis ; les fourrages et les récoltes furent incendiés dans toute la campagne, et ce moyen affreux à employer, mais dont le succès ne pouvait être douteux, réduisit bientôt les Romains à la dernière extrémité. Le pays ne leur fournissait plus rien, et l'armée gauloise, occupant un poste avantageux, ne s'engageant jamais, arrêtait leurs convois en même temps qu'elle saisissait toutes les occasions de brûler leurs machines de guerre; ils eussent été contraints de lever le siège si, par une fatalité inouïe, le ciel et un instant d'oubli de leurs adversaires ne fussent venus à leur aide.

Un orage affreux éclata sur les deux armées. Battus par la tempête, les Gaulois eurent l'imprudence de quitter leurs postes pour chercher des abris. Le désordre qui se mit ainsi dans leurs rangs n'échappa point à la vigilance de César qui se hâta d'en profiter. Il fit attaquer brusquement la ville sur tous les points à la fois ; surprise, elle ne fit aucune résistance sérieuse et fut emportée d'assaut. Le vainqueur eut la cruauté d'en faire passer au fil de l'épée toute la population, sans distinction d'âge ni de sexe, chose affreuse à dire et dont l'histoire de ces temps reculés ne fournit que de trop fréquents exemples.

Vercingentorix ne se laissa point abattre par ce revers inattendu. Il fit remarquer à ses troupes que ce qui venait de se passer n'était que le résultat de leurs fautes et écrivit aux nations confédérées pour leur demander de nouveaux sacrifices. La perle de Bourges n'avait que trop fait comprendre aux unes l'importance de la discipline, et aux autres la nécessité de tout faire pour échapper à un ennemi impitoyable; les premières jurèrent de lui obéir désormais aveuglément , et les secondes se bâtèrent de lui envoyer les recrues nécessaires pour ré» parer ses pertes. L'enthousiasme grandit même en proportion du danger; plusieurs peuples qui ne s'étaient pas encore déclarés abandonnèrent les Romains pour se ranger à la cause nationale et d'autres, sans prendre ouvertement les armes, commencèrent à hésiter dans leur soumission. Du nombre de ces derniers furent les Eduens; César en fut informé, accourut au milieu d'eux, les contint par sa présence, leur prit leur cavalerie et se dirigea avec elle sur le territoire même des Arvernes.

Vercingentorix l'attendait sur les bords de l'Allier dont il avait fait rompre tous les ponts. Le général romain côtoya long-temps cette rivière, dans le but de la traverser; mais sur la rive opposée les Arvernes suivaient ses mouvements et rendaient ses tentatives inutiles. Ne pouvant échapper à leur surveillance, il usa, en désespoir de cause, d'un stratagème qui lui réussit. Il se cacha dans une forêt, avec deux légions et lit poursuivre la marche au reste de son armée ; Vercingentorix, tout vigilant qu'il était, se laissa tromper par cette habile manœuvre et continua sans méfiance son mouvement d'observation; mais à peine était-il éloigné de deux journées, qu'un pont fut jeté sur la rivière et le passage effectué sans résistance par les deux légions que suivit toute l'armée romaine. Désolé de s'être laissé surprendre, mais fidèle à sa résolution de ne point commettre le sort de son pays aux chances d'une bataille, le chef des Arvernes se retira sous les murs de Gergovia qui ne tarda pas ù être assiégé.

Cette ville, située sur une montagne élevée, d'un accès difficile, bien fortifiée et entourée de collines et de hauteurs qui la protégeaient comme autant de forteresses, devint l'écueil de la fortune de César et fil subir à ses armes un échec dont s'enorgueillissait encore cinq siècles après un poète de l'Anémie :

Tcstis mihi Cesaris cslo
Hic nimium fortuna pavons cum colle repulsus
Gergovia castris miles vix restitit ipsis (I).

Il perdit devant elle ses meilleures troupes, dans un combat mémorable (2), et fut contraint de s'éloigner précipitamment, après avoir failli être fait prisonnier et laissant son épée que les Arvernes placèrent dans un de leurs temples comme un trophée de leur victoire (5).

Vercingentorix le poursuivit et, aveuglé par le succès qu'il venait de remporter, se laissa aller à risquer une bataille rangée sur les confins des Lingons et des Séquanes. La mêlée fut horrible; les Gaulois avaient juré de ne revoir leurs femmes et leurs enfants qu'après avoir traversé deux fois les rangs ennemis ; ils tinrent parole et firent des prodiges de valeur ; la victoire resta long-temps indécise et César lui-même courut de grands dangers ; mais la science militaire finit par l'emporter, et Vercingentorix fut vaincu.

Son armée était presque détruite ; il se hâta d'en rassembler les débris et s'enferma avec eux dans la ville d'Alésie, où le général romain vint l'assiéger. Là, tout ce que peuvent dicter, d'une part, l'amour de la liberté et le désespoir, tout ce que prescrivent, de l'autre, les terribles lois de la guerre, fut pratiqué dans une lutte suprême. Alésie fut contrainte enfin d'ouvrir ses portes, et le héros de l'Arvernie se rendit à César, en lui adressant ces mots en même temps si simples et si fiers : fortem virum vir fortissime vicisti (1). Le Romain ne fut point généreux pour son noble adversaire ; il le fit charger de fers et conduire à Rome, où il languit six ans, figura à son triomphe et fut ensuite mis à mort, suivant l'usage barbare des Romains (2).

César donna un prisonnier à chacun de ses soldats; mais il épargna les captifs qui étaient originaires de l'Arvernie, les renvoya sans rançon et se contenta de demander des otages à leur nation qui resta libre et put continuer de se régir par ses propres lois. (3).

Partout où les Romains s'établissaient en dominateurs, ils s'appliquaient, pour assurer leur puissance, à rompre les liens qui unissaient les peuples entr'eux. Dès qu'ils se virent maîtres de la- Gaule, ils la démembrèrent en une multitude de provinces désormais trop divisées pour pouvoir s'entendre et trop faibles pour être à craindre isolément. L'Arvernie ne se composa plus que du territoire compris entre la Loire et les Pyrénées ; elle cessa d'être un centre formidable, et sa capitale n'est même plus citée dans l'histoire. Une bourgade insignifiante, mais qui peut-être cependant avait été déjà métropole sous la dénomination de Nemosus (4), la remplaça : ce fut Nemetum, appelé ensuite Augusto-Nemetum, puis Urbs Arverna et enfin Clermont, nom qu'elle porte encore de nos jours.

Mais si les fers de la Gaule furent rivés par la politique des Romains, la civilisation qu'ils lui apportèrent ne tarda pas à faire la conquête morale de ses habitants, qui n'avaient d'abord cédé qu'à la force des armes. Ils leur enseignèrent l'art de bâtir, la sculpture, les beaux-arts et les belles-lettres. Dès le premier siècle de la domination romaine, on vit s'élever dans la capitale de l'Arvernie un temple magnifique, connu sous le nom de temple de Wasso, et dont Grégoire de-Tours nous a laissé la description . « Il était, dit-il, d'une construction admirable ; ses murs étaient bâtis en dedans de petites pierres et de grosses pierres carrées en dehors; ils avaient trente pieds d'épaisseur; l'intérieur était décoré de marbres et de mosaïques; le pavé était en marbre et la toiture en plomb » (5). Le statuaire Zénodore y érigea une statue de Mercure, qui surpassa, dit-on, le colosse de Rhodes en grandeur et qui lui coûta dix années de travail (6). Cette cité eut en outre un sénat, un capitole et une école fameuse, où M. C. Fronton enseigna l'éloquence. Toutefois, la civilisation romaine pénétra peu dans les montagnes de l'Arvernie; entraînés dans le .mouvement général de soumission,

(1) Florus.

(2) Dion.

(3) Cas. de bell-gall., I. Vll.

(4) Strab.

(5) Greg. Tur, I. 1

(6) Plin., I. m. cap. VII •

vrais non envahis, leurs habitants, exclusivement occupés de la chasse lorsqu'ils ne le furent plus de la guerre, n'ayant point d'ailleurs de centre d'agglomération, ne subirent qu'à peine son influence, et elle a laissé bien moins de traces dans cette partie de la province que dans la Basse-Auvergne qu'elle transforma complètement.

Les vainqueurs, avec leurs arts et leurs mœurs, apportèrent aussi leur religion aux vaincus; un culte nouveau surgit du mélange des croyances nationales avec les croyances étrangères ; il devait s'évanouir bientôt devant le christianisme qui allait envahir le monde.

Quand et comment l'Evangile a-t-il été porté pour la première fois en Auvergne? C'est là une question délicate et sur laquelle deux opinions bien tranchées se sont formées. L'une, s'appuyant sur un passage de Grégoire-de-Tours, place sa première prédication dans les Gaules, en général, et dans l'Auvergne, en particulier , sous le troisième consulat de l'empereur Decius, vers l'an 251 ; l'autre, s'étayant d'autres passages du même historien, de documents qui lui sont antérieurs et d'un grand nombre d'anciennes légendes, la fait remonter beaucoup plus haut.

L'examen de ces deux opinions ne m'appartient pas ; il est du domaine de l'histoire religieuse du département, qui fait dans cet ouvrage l'objet d'un article spécial ; je me bornerai à dire ici quelle est ma conviction personnelle à cet égard.

A mes yeux, la position géographique de la Gaule, entre l'Italie et l'Espagne, qui connurent le christianisme dès les premiers temps de son apparition, ne permet guère d'admettre qu'il n'y ait été prêché dans les temps apostoliques mêmes , et les documents historiques qui nous restent ne peuvent laisser douter que dès le 11e siècle de notre ère, il n'y eût un grand nombre d'églises érigées dans cette contrée. Je crois, en conséquence, que Grcgoire-de-Tours, en parlant des sept évêques qui y furent envoyés, a entendu désigner, non une seule mission, mais plusieurs , dont la plus ancienne remonte aux premiers temps du christianisme.

Toutefois, il est évident pour moi que la foi nouvelle ne fut pas reçue en même temps dans toute la Gaule, et qu'elle dut trouver, à s'introduire dans ses provinces, des difficultés proportionnées au plus ou au moins de facilité de leurs communications, au plus ou au moins de simplicité de leurs mœurs, au plus ou au moins enfin de leur attachement aux anciennes croyances. Je pense qu'elle ne dut pénétrer que fort tard dans l'Auvergne, pays peu accessible, dont la population toute primitive était naturellement hostile au idées nouvelles, et où, d'ailleurs, s'était nécessairement réfugié le druidisme; il me parait suffisamment établi que ce ne fut que dans la seconde partie du m* siècle que cette province reçut son premier apôtre, saint Austremoine. Saint Mary fut un de ses compagnons ; si on en croit sa légende, saint Mamet et saint Flour vinrent beaucoup plus tard.

Saint Mary prêcha dans la vallée d'Allagnon, entre Murât et Massiac; saint Mamet du côté d'Aurillac , et saint Flour dans les environs de la villa qui porte ce nom. Ce dernier mourut sur le mont Indiciat, où se trouvaient, à l'Est, quelques habitations; il y fut inhumé dans la partie occidentale; une chapelle fut édifiée sur son tombeau , et les Fidèles élevèrent peu à pou , autour de ce lieu vénéré, une nouvelle bourgade qui finit par s'étendre jusqu'à l'ancienne et se confondre avec elle : telle parait avoir été l'origine de Saint-Flour.

Bientôt commencèrent les irruptions des peuplades du Nord qui inondèrent les Gaules à plusieurs reprises, les couvrirent de ruines et y ramenèrent la barbarie qu'en avaient chassée la civilisation romaine et le chistianisme. Crocus , roi des Allemands, parut en Auvergne en 264, s'empara de la capitale, incendia son fameux temple de Wasso, détruisit la plupart de ses monuments et fit périr dans des supplices affreux l'élite de ses habitants. L'Auvergne fut de nouveau envahie au commencement du Vème  siècle (406) par des hordes de Vandales, d'Alains et de Suèves qui l'occupèrent pendant dix ans. Enfin les Huns, que les Romains avaient appelés pour les opposer aux Goths qui s'étaient emparés de l'Aquitaine, la traversèrent, en 439, et la dévastèrent d'une manière affreuse. Réduits au désespoir, les Auvergnats résolurent de repousser ces derniers ennemis par les armes ; ils prirent pour chef un homme déjà arrivé à la célébrité, quoique jeune.: c'était Avitus, à qui l'avenir ménageait une fortune inouie. Avitus chassa les Barbares et tua leur chef de sa propre main ; peu de temps après, en qualité de préfet des Gaules, il rejeta de nouveau hors du pays plusieurs tribus de Saxons et de Germains ; de succès en succès il parvint à l'empire même qui lui fut déféré en 453. Mais la couronne fut trop lourde pour son front qui n'était fait que pour des lauriers ; il la porta sans gloire et ne se distingua plus sur le trône que par des mœurs douces et par les qualités du cœur. Bientôt, vaincu par Récimer, il se vit contraint d'abdiquer la souveraineté et mourut évéque de Plaisance.

Cependant les Visigoths étendaient chaque jour leurs possessions dans les Gaules. En 473, il ne restait plus que l'Auvergne, dans l'Aquitaine, qui ne fut pas soumise à leurs lois ; Evarix, leur roi, résolut d'en faire la conquête et vint mettre le siège devant sa capitale. Cette cité lui résista avec une constance admirable : « Ses habitants , dit Picot-de-Genève , souffrirent avec patience les plus grands maux pour conserver leur indépendance; enfermés dans leurs murs, ils eurent à la fois à résister au fer des ennemis, à la misère, à la famine et à la peste (1). » Ils eussent succombé cependant si Ecdicius, fils de l'empereur Avitus et beaufrère de Sidoine-Apollinaire , ne leur eût amené un secours qui leur permit de tenir bon jusqu'à l'arrivée de l'hiver qui força Evarix à lever le siège (2).

Mais le barbare n'avait pas renoncé à ses projets ; il profitait, au contraire, du repos forcé auquel le condamnait la saison pour rassembler de nouvelles forces et se mettre en mesure de vaincre toute résistance, dès que le printemps serait venu. î)'autre part, l'empire romain, croulant sous son propre poids, se trouvait hors d'état de protéger ses provinces éloignées. La perte de l'Auvergne était donc inévitable, et l'empereur Népos ne fit que la prévenir en la cédant, en 475, au roi des Visigoths.

Evarix en confia le gouvernement à Victorius. Injuste, cruel et débauché, Victorius se rendit coupable de toute sorte d'excès, pendant neuf années que dura son administration, et finit par soulever tant de haines contre lui, qu'il se vit

contraint, pour éviter d'être assassiné, de s'enfuir à Rome où de nouveaux crimes le firent lapider (1). Evodius et Apollinaire lui succédèrent dans le gouvernement de l'Auvergne, sous les rois visigoths (2).

Evarix mourut en 485 , après vingt-sept ans de règne, et eut pour successeur Alaric II. L'Auvergne vécut d'abord paisible sous ce prince dont l'histoire a proclamé la sagesse et l'équité; mais bientôt parut un nouveau conquérant : c'était Clovis, roi des Francs, qui, déjà maître d'une grande partie des Gaules, avait résolu de joindre l'Aquitaine à ses vastes possessions. Prévenu de ses projets et de son approche, Alaric se bâta de rassembler des troupes et marcha a sa rencontre. Il lui livra une bataille sanglante à Vouglé, près de Poitiers, fut battu et perdit la vie en même temps que la couronne. Apollinaire, fils de l'illustre SidoineApollinaire , périt dans ce combat mémorable avec l'élite de la jeunesse et un grand nombre de sénateurs d'Auvergne (507).

La défaite et la mort du monarque visigoth laissait l'Aquitaine sans défense; Clovis en acheva la conquête ; il chargea son fils Thierry ou Théodoric de soumettre l'Auvergne. Ce prince s'acquitta de cette mission. On a dit souvent qu'il rencontra une résistance sérieuse devant Cariât, forteresse située à peu de distance d'Aurillac et d'un très-difficile accès; mais cette assertion , qui ne repose que sur une simple tradition, n'a probablement rien de fondé; il est à croire, au contraire, que Thierry n'éprouva aucune difficulté à réduire sous les lois de son père les places de celte contrée ; car le clergé catholique, qui en dirigeait la population, s'était hautement prononcé en faveur du gouvernement des Francs, les seuls conquérants des Gaules qui ne fussent pas Ariens (3).

Après la mort de Clovis (511), ses quatre fils 6e partagèrent l'empire, et Thierry eut le royaume d'Austrasie, dont Metz fut la capitale et l'Auvergne une des provinces. Les limites de cette monarchie parurent trop resserrées à ce jeune roi, qui entreprit de les pousser au-delà du Rhin. Pendant son 'absence, le bruit courut qu'il avait péri dans une bataille. Sur cette nouvelle, Childebert, roi de Paris, qui marchait a la téte d'une armée nombreuse, pour aller punir le roi des Visigoths des mauvais traitements qu'il avait fait subir à sa sœur, conçut le projet de s'emparer de l'héritage de son frère. Il se présenta devant la ville d'Auvergne, après s'y être ménagé des intelligences, et s'en fit ouvrir les portes, tandis que ses deux frères, Clothaire et Clodomir, faisaient déclarer la province en sa faveur.

La nouvelle de ces événements parvient bientôt à Thierry qui est allé porter la guerre dans la Thuringe. Transporté de colère, il presse ses soldats de le suivre sur le territoire des coupables , dont il leur vante les richesses et leur promet le pillage : Arvernos mesequimini; ego vos inducam in patriam ubi orgentum et aurum accipietis quantum vestra potest desiderare cupiditas. Il accourt ; tout est mis à feu et à sang sur son passage ; la ville d'Auvergne, épouvantée, lui ferme ses portes ; il en entreprend immédiatement le siège et jure de la détruire ;

il l'épargne cependant, vaincu par les prières de saint Quentien , son évéque, et portant ailleurs sa fureur, il vient mettre le siège devant Caslrum-Meroliacum, forteresse située sur le plateau qui porte aujourd'hui le nom deChastel-Marlhac. Cette place est naturellement fortifiée : un rocher taillé à pic l'entoure a la hauteur de plus cent pieds ; au milieu se trouve un lac d'eau potable, et ses remparts renferment un si grand espace de terrain propre à la culture , que la garnison peut facilement y récolter les grains nécessaires à sa consommation. Se fiant à la force du lieu qu'ils occupent et espérant que le monarque irrité désespérera de les réduire et s'éloignera, les assiégés osent lui résister et le tiennent pendant quelque temps en échec. Mais un certain nombre d'entr'eux , imprudemment sortis pour se livrer au pillage , sont surpris par Thierry et conduits sous les yeux de leurs compatriotes , les mains liées derrière le dos et le glaive levé sur la tête ; pour sauver leur vie, on est réduit à livrer la place et à payer en outre quatre onces d'or pour la rançon de chacun d'eux. Partout où Thierry porte ses pas dans cette malheureuse contrée, il ne laisse, suivant l'expression énergique de Grégoire-de-Tours, que le sol qu'il ne peut emporter (1).

Après avoir replacé l'Auvergne sous ses lois, ce monarque en confia le gouvernement à son parent Sigewald ; mais ce gouverneur n'y fit qu'un séjour de courte durée. Il y abusa tellement du pouvoir qui lui avait été confié et s'y rendit coupable de tant d'exactions et de crimes , que Thierry ne tarda pas à le rappeler à Metz et le fit mettre à mort.

Théodebert succéda à Thierry. Sous son règne fut tenu, dans la ville d'Auvergne, un concile de quinze évéques des Gaules , dont un des principaux canons appela le clergé et les citoyens à concourir à l'élection des évéques. Théodebert affranchit les églises d'Auvergne des tributs auxquels son père les avait assujetties ; il rendit à cette province les otages éxigés d'elle après sa soumission et parmi lesquels se trouvàit Florentius qui fut le père de Grégoire-de-Tours. 11 laissa le trône à son fils Théobald, qui mourut sans enfants en 553.

Après Théobald, Clothaire, roi de Soissons, devint maître, par droit de déshérence , du royaume d'Austrasie et bientôt de toute l'ancienne monarchie de Clovis. Il confia le gouvernement d'Auvergne à son fils Chramme. Ce jeune prince était remarquable par sa beauté, son génie et son courage; mais il était en même temps profondément vicieux. Il s'entoura dans la province de tout ce qu'elle comptait d'hommes perdus, se signala par toute sorte de débauches, de violences et de cruautés, et souleva par ses excès des plaintes qui ne tardèrent pas à arriver à son père. Clothaire, indigné, le rappela ; mais le coupable refusa de lui obéir, leva l'étendard de la révolte , vint mettre le siège devant la ville d'Auvergne, qui n'avait pas voulu se déclarer pour lui, et en ravagea le territoire- Ses frères Gontran et Charibert marchèrent contre lui; il fut vaincu, se soumit, implora son pardon , l'obtint, se révolta de nouveau et finit par expier dans les flammes (560) les crimes nombreux dont il s'était souillé (2).

Le royaume fut divisé de nouveau à la mort de Clothaire (561), et l'Auvergne

passa sous les lois de Sigebert I". Le règne de ce monarque fut signalé par la défaite d'une armée d'Auvergnats qu'il avait envoyée pour s'emparer d'Arles, par une peste qui dépeupla la ville d'Auvergne et qui probablement étendit ses ravages dans une grande partie de la province ; enfin , par le passage de bandes de Saxons qui, rentrant dans leur patrie, traversèrent le pays, le pillèrent et surprirent la bonne foi de ses habitants avec une monnaie fausse qu'ils donnaient pour de l'or (I).

Childebert succéda à Sigebert Ier, en S75, et mourut en 596, laissant le trône à Théodebert II.

Quelques années après (630), Dagobert fonda une nouvelle monarchie en faveur de son fils Charibert. Cette monarchie secondaire, dont l'Auvergne fit partie et qui porta le nom de royaume ou plutôt de duché d'Aquitaine , fut successivement occupée par Childéric, Boggis, Eudes , Hunolde et Waiffre. Ses annales , pendant le cours d'un siècle entier, n'offrent rien du digne de l'attention de l’historien et ne commencent à présenter quelque intérêt qu'à l'époque où parurent les Sarrasins. Ces étrangers envahirent l'Auvergne en 730 et en 732, et y firent d'affreux ravages. S'attachant particulièrement aux églises et aux monastères qu'ils détruisaient par le fer et le feu avec un plaisir barbare , ils poussèrent leurs excursions dans cette province jusqu'à sa capitale qu'ils livrèrent aux flammes. Plusieurs combats leur furent livrés, soit dans la plaine, soit dans les montagnes; et, dans les environs de Mauriac, deux ruisseaux, encore désignés de nos jours sous le nom de Ruisseaux des Sarrasins, passent pour avoir roulé des eaux rougies de leur sang.

L'Auvergne ne tarda pas à devenir le théâtre d'une nouvelle guerre. Waiffre avait ouvert dans ses états un asile à Griffon, frère de Pépin (750); Pépin le réclama et ne fut pas écouté. Devenu roi de France, il renouvela sa demande qui resta encore sans réponse. Outré de ce double refus, indigné d'ailleurs des exactions que Waiffre se permettait contre le clergé et les églises, il se rendit en Aquitaine et en dévasta le territoire. Waiffre, consterné, demanda la paix et l'obtint. Mais bientôt de nouvelles fautes ramenèrent encore Pépin dans l'Aquitaine ; il parut en Auvergne, s'empara, en 761, de Bourbon-l'Archambaud, de Chantelle et de la capitale de la province qui, à cette occasion , est nommée Clermont pour la première fois par les historiens, et, en 767, des châteaux d'Escorailles et de Peyrusse (2).

Ce monarque profita de son séjour en Auvergne pour y assembler, à Volvic, une sorte de concile composé de comtes et d'évêques, où il parla avec véhémence contre les hérétiques qui attaquaient le mystère de la Trinité ; il combla les abbés de la province de présents, fit réparer les églises et donna à l'abbaye de Mauzac les reliques de saint Austremoine, qu'il voulut y porter sur ses propres épaules. Nonobstant la piété dont il donnait ainsi de si larges preuves, Pépin fit, comme on sait, assassiner Waiffre en 768. Après la mort de ce duc d'Aquitaine, son fils Loup essaya de ressaisir la cou-

(1) Greg. tur. 1. îv.

(2) Chron. de Fredegaire. Annales d'Eginard. Annales de Mets.

8e Livraison. 16

ronnne enlevée a son père avec la vie ; mais il échoua et fut pendu ; en lui finit la première dynastie des ducs d'Aquitaine. Louis-le-Débonnaire fut doté de ce duché par son père Charlemagne, alors qu'il n'était encore qu'au berceau (778), et il en disposa à son tour, lorsqu'il fut appelé à l'empire, en faveur de son second fils Pépin.

A la mort de ce prince, la noblesse d'Aquitaine crut devoir proclamer son fils Pépin II comme son successeur. Louis, qui avait disposé du duché devenu vacant en faveur de Charles-le-Chauve, autre fils qu'il avait eu de sa seconde femme Judith, vit un acte de rébellion dans cette reconnaissance faite sais son aveu et résolut de faire respecter l'autorité de ses décisions par la force des armes.1 Il se rendit à Clermont, reçut à une petite distance de cette ville la soumission de quelques seigneurs, leur confia l'impératrice et le jeune Charles pour les conduire à Poitiers, et marcha contre les autres qui, à son approche, s'étaient retirés dans les montagnes. Il vint mettre le siège devant Carlat, s'en empara par composition et se dirigea ensuite sur Turenne. Mais il eut cruellement à souffrir pour atteindre cette dernière place, perdit presque toute son armée que harcelèrent sur toute la route des partis hostiles et que décimèrent des fièvres pernicieuses, et se vit contraint d'en congédier les débris. Il se retira à Poitiers et y séjourna quelque temps pour achever d'apaiser le6 troubles qui agitaient l'Aquitaine.

Le fils de Pépin II tenta plus tard de ressaisir la couronne ducale à peine essayée par son père ; il y parvint même en 845 par suite d'un traité; mais ce fut pour la laisser échapper peu de temps après et mourir dans les fers. Charles, fils de Charles-le-Chauve, et après lui Louis-le-Bègue, furent les derniers ducs d'Aquitaine, et ce duché fut réuni à la couronne, en 877, lorsque le second fut proclamé roi de France.

Ce fut sous les ducs d'Aquitaine que furent institués les comtes d'Auvergne qui gouvernèrent long-temps la province et qui , amovibles d'abord , se rendirent bientôt héréditaires, bien que leur succession ait été souvent interrompue par des usurpations ou par la volonté des rois.

Le premier comte héréditaire d'Auvergne fut Guillaurae-lc-Pieux, fondateur de l'abbaye de Cluny (88G). En H55, le comté d'Auvergne fut enlevé par Guillaume VIII à Guillaume VII, qui n'en conserva qu'une faible partie sous le nom de Danphinéd'Auvergne. Philippe-Auguste en dépouilla Guq II. troisième successeur de Guillaume VIII, et en investit Guy-de-Dampieire. Il fut réuni à la couronne à la mort du fils de ce dernier, faute de postérité. Louis VIII le donna, en 1225, à titre d'apanage, à son second fils, Alphonse, comte de Poitiers, après lequel il revint encore à la couronne , à l'exception de quelques parties de son territoire qui furent laissées à l'évêque et formèrent le comte' ée Clermont. ou qui furent concédées à Guillaume X, fils de Guy, dépouillé par Philippe-Auguste, et devinrent le second comté d'Auvergne. Il fut érigé en duché-pairie, en 1550, et devint l'apanage de Jean de France, duc de Berry ; et ce prince étant mort en 1410 sans postérité masculine, il passa dans la maison de Bourbon, y devint, en 1521, l'objet d'un procès fameux entre le connétable de Bourbon et Louise-de-Savoie, et fut enfin définitivement réuni a la couronne, en 1551.

A l'exemple de l'érection de l'Auvergne en grand comté, on ne tarda pas a voir fonder des comtés particuliers clans celte province, soit que ces fiefs secondaires fussent concédés sans réserve d'hommage par les comtes d'Auvergne eux-mêmes, soit qu'ils dussent leur création à de riches seigneurs qui voulurent ainsi devenir feudataires directs des rois de France, au lieu d'en être les arrière-vassaux. Aurillac fut le chef-lieu d'un de ces comtés et devint, au ix° siècle, l'apanage de saint Geraud, dont le nom est assez célèbre dans les fastes de la Haute-Auvergne pour que nous ne puissions nous dispenser d'en dire quelques mots.

On s'est accordé jusqu'ici â donner la naissance la plus illustre à saint Geraud qu'on a fait fils de Gérard, comte d'Auvergne et du Limousin, et descendant de Charlemagne par sa grand'mère Malthilde; on lui a attribué , en outre, la gloire d'avoir tiré ses vassaux de l'abjection du vasselage en fondant le gouvernement municipal à Aurillac long-temps avant Louis-le-Gros , à qui l'histoire rapporte l'affranchissement des communes. Cette double opinion ne me parait pas suffisamment justifiée- Hien n'établit que le Gérard, père de saint Geraud, fut le même que le comte d'Auvergne qui porte ce nom; et, quant à la croyance qu'il fut le fondateur du gouvernement consulaire à Aurillac, elle ne repose que sur les expressions d'un article d'un traité passé en 1280 entre les abbés et les consuls de cette ville; et cet article, au moins à mes yeux, n'exprime, en réalité, qu'un acte de dévotion comme on était dans l'habitude d'en faire au moyen-age, et non une reconnaissance de la fondation du consulatMais si l'origine illustre dont on a doté saint Geraud et l'affranchissement de ses vassaux peuvent lui être contestés, on ne saurait lui disputer l'honneur d'avoir été le véritable fondateur d'Aurillac par l'érection qu'il y fit, en 896, d'un monastère important, à la construction duquel il consacra des sommes considérables et qu'il dota richement. Aurillac, en effet, était à la vérité une bourgade d'une certaine importance dès les premiers siècles de la domination romaine : les médailles à l'effigie des Césars et les antiquités gallo-romaines qu'on trouve fréquemment dans ses environs, ne permettent aucun doute à cet égard ; mais ne devint une cité que lorsque cette abbaye y eut attiré une population nombreuse.

On ne saurait lui contester encore la gloire d'avoir puissamment aidé , par la fondation de celte abbaye, au renouvellement des lettres et des sciences en France ; car elle devint une de ces écoles fameuses, instituées au x' siècle, d'où sortirent des hommes qui conquirent de belles pages dans l'histoife de leur temps. « La doctrine de vérité qu'on enseignait à Cluny, disent les auteurs de l'histoire littéraire de la France, se communiqua aux autres monastères où passa l'institut de cette célèbre abbaye. On préjuge aisément combien se multiplièrent les écoles par cette voie. Elle passa à Aurillac, en Auvergne, comme ailleurs, et ce monastère fut le principal berceau du renouvellement des lettres qui se fit au x" siècle (I). • Gerbert fut un des élèves de cette école. Il y puisa des connaissances presque universelles ; il fut à la fois orateur, poète, théologien, médecin, géomètre, musicien, astronome et mécanicien ; il enseigna l'arithmétique avec les chiffres arabes, alors à peine connus (2), traça des sphères de sa main (3), inventa des orgues hydrauliques et fit. la première horloge à roues qu'on eût encore vue ; son rare mérite l'élcva successivement à l'archevêché de Reims, en 991, à celui de Ravennes, en 993, et enfin, en 999, à la chaire de saint Pierre où il prit le nom de Sylvestre II. On compte encore parmi les élèves de l'école d'Aurillac dont les noms sont accompagnés de célébrité, Théodart, évéque du Puy, Pierre de Limagne et Guillaume d'Auvergne, évéque de Paris.

On voit que la part de gloire qui revient à saint Geraud dans les annales de la Haute-Auvergne reste encore assez belle , après en avoir distrait ce qui peut lui être contesté.

Après la mort de Louis-le Bègue, l'Auvergne passa un instant sous les-lois de Carloman et de Charles-le-Gros. On sait que ce dernier fut solennellement déposé de la dignité impériale dont il fut déclaré indigne et mourut peu de temps après dans une ile du Rhin, accablé par le mépris de ses peuples. Eudes, qui fut appelé à lui succéder, n'y réussit pas sans difficultés; il eut a lutter contre Rainulphe II, comte de Poitiers, qui s'était emparé de la partie du royaume située entre la Loire et les Pyrénées et s'y était fait proclamer roi. Il marcha contre co rival dont la cause était soutenue en Auvergne par le comte Guillaumele-Pieux, et parut à la léte d'une armée nombreuse dans cette province qui lui résista jusqu'en 893.

Cependant les Normands, contre lesquels Eudes avait combattu avec un succès qui avait été la cause de son élévation, n'avaient pas cessé de ravager la France. Ils la parcouraient dans tous les sens et portaient le pillage et l'incendie tantôt dans une province, tantôt dans une autre. Ils envahirent l'Auvergne, en 913, en détruisirent une partie des villes, et ce ne fut qu'après huit années de luttes et à la suite d'un dernier combat dans lequel ils perdirent douze mille des leurs qu'ils s'en éloignèrent.

Après Eudes, Charles-le-Simple, long-temps exclu de tous les trônes, quoique ses droits fussent incontestables et qu'il eût même été sacré en 893, fut enfin proclamé roi. Mais une partie des seigneurs du royaume persista à ne pas le reconnaître, lui préférant Robert, duc de France, ou Raoul, duc de Bourgogne. Ce fut une cause de troubles pour l'Auvergne qui se rangea à la cause de Charles. D'autres événements l'agitèrent bientôt de nouveau. Raoul avait donné le comté d'Auvergne à Raymond Pons, comte de Toulouse ; Louis d'Outre-Mer en disposa à la mort de ce dernier en faveur de Guillaume de Poitiers, sans se préoccuper des droits de ses descendants. La noblesse de la province s'indigna de cette spoliation et refusa de reconnaître Guillaume ; Louis marcha contr'elle; elle lui résista énergiquement et ne fut complètement soumise qu'en 955. Enfin il parait qu'en 98î, l'Auvergne était encore le théâtre de nouveaux troubles qui y attirèrent le roi Lolhaire, bien que l'histoire garde le silence et sur leur cause et sur leur importance.

La puissance du clergé prit un immense développement dans cette province, au onzième siècle, et les donations y arrivèrent de toute part à l'église. Amblard, seigneur d'Apchon, pour se rédimer du meurtre de Rrunet, seigneur de Nonnèlc et son parent, dont il s'était rendu coupable, disposa en sa faveur des deux bourgades situées sur le mont Indiciat ; Amblard de Rrezons lui donna sa terre de Sainl-Flour, voisine d'Indiciat ; Ermeugarde de Rocliedagoux fil transférer à Mauriac (1050), ville qui devait son origine à un oratoire et à un monastère fondés, dit-on, par sainte Théodechilde, les reliques de saint Mary qui, après de longs travaux apostoliques, s'était retiré et avait terminé sa carrière dans un lieu désert de la vallée de Mont-Journal, appelé aujourd'hui Saini-Manj-le-Cros; enfin, Durand d'Henri, abbé de Moissac et archevêque de Toulouse, fonda le prieuré de Bredon, près de Murât.

Mais l'événement religieux le plus remarquable de ce siècle fut, sans contredit, la tenue du concile de 1095, à Clermont, auquel assistèrent le pape et plus de deux cents prélats et où la croisade fut préchée avec tant de succès, que l'assemblée entière s'écria tout d'une voix, en 'langage du pays : Dion /ou vol! Diou fou col! et prit la croix à l'instant. Au retour de ce célèbre concile, Urbain II passa par la Haute-Auvergne et y consacra les églises de Sainl-Flour et d'Aurillac.

Le clergé continua de voir s'accroître son pouvoir et ses possessions dans le siècle suivant. Mais, comme il n'arrive que trop souvent, avec la puissance et la richesse vinrent pour lui les vices, et il commença à donner le spectacle affligeant de la corruption. On lui dut cependant encore dans ce siècle un règlement important pour mettre un terme aux actes de violence qui étaient commis partout et en toute circonstance. Dans un concile tenu à Clermont, en 1130, il ordonna d'observer la trêve de Dieu depuis le mercredi au coucher du soleil jusqu'au lundi à son lever, depuis l'Avent jusqu'à l'Octave de l'Epiphanie, et depuis la Quinquagésime jusqu'à l'Octave de la Pentecôte, interdit les foires et les marchés où on était dans l'habitude de se donner rendez-vous pour se battre, et prononça des peines sévères contre les incendiaires.

Toutefois, à côté de l'autorité ecclésiastique, grandissait avec une égale rapidité l'autorité seigneuriale, et, devenus puissants tous deux, les corps du clergé et de la noblesse se jalousaient mutuellement, cherchaient à empiéter l'un sur l'autre et souvent décidaient leurs querelles par les armes. Des contestations survenues entre l'évêque de Clermont et le comte d'Auvergne, Guillaume VI, furent assez graves pour attirer à deux reprises différentes le roi Louis-le-Gros en Auvergne (1). En 1162, Guillaume VII, bien que dépouillé par son oncle, Guillaume VIII, s'unit avec lui pour faire de nouveau la guerre à l'autorité ecclésiastique, et ces deux seigneurs se rendirent coupables de tant d'excès contre les églises d'Auvergne, que leurs violences déterminèrent Alexandre III à se rendre à Clermont pour y mettre un terme. Sa présence les effraya un instant; ils craignirent les foudres de l'excommunication et se décidèrent à traiter avec l'évêque. Mais Alexandre ne se fut pas plus tôt éloigné , que Guillaume VIII s'associa son fils Robert et son neveu le comte du Puy et reprit le cours de ses brigandages ; il fut excommunié , fit lever l'excommunication et n'en continua pas moins ses déprédations. Convaincus par expérience de l'impuissance des armes spirituelles contre leurs adversaires, les cvêques de Clermont et du Puy prirent Je parti d'implorer l'intervention du roi de France. Louis-le-Jeune les

prit sous sa protection et marcha contre les coupables (1165) ; ils osèrent lui résister, mais ils furent battus et faits prisonniers.

On sait qu'Eléonore de Guienne, répudiée par Louis VII, avait épousé Henri Plantagcnest, qui devint plus tard roi d'Angleterre, et lui avait apporté en dot l'Aquitaine. Le monarque anglais se trouvait par suite suzerain de l'Auvergne en même temps que vassal du roi de France ; les comtes captifs imaginèrent de se faire réclamer par lui comme ses vassaux directs et obtinrent par ce moyen leur liberté, après avoir donné quelques marques de repentir. Mais bientôt de nouvelles contestations s'élant élevées entre Guillaume VII et Guillaume VIII, Henri, qui avait vu son intervention respectée une première fois et qui tenait d'une manière toute particulière à se poser en suzerain de la noblesse de cette province, crut devoir intervenir encore; le roi de France fut blessé de cette démarche fuite sans son aveu, et la guerre ne tarda pas à éclater entre les deux souverains.

Cette guerre ne fut pas de longue durée; mais elle causa des maux incalculables par suite de l'imprudence que fit Louis VII de prendre à sa solde des étrangers connus dans l'histoire sous le nom de Braljançons. Ces partisans coururent le pays dans tous les sens et le ravagèrent impitoyablement. La noblesse d'Auvergne, poussée à bout par ces bandits qui continuèrent leurs brigandages longtemps après la conclusion de la paix, les attaqua brusquement, leur tua trois mille hommes en une seule rencontre et parvint par cet acte de vigueur à en purger son territoire.

Le treizième siècle n'est signalé dans les fastes de la Haute-Auvergne que par l'arrestation qu'opéra le seigneur de Murât, de concert avec Eustacbe de Beaumarchais, du comptour d'Apchon Guillaume qui, à la téte d'une partie des habitants du Falgoux, pillait et dévastait les montagnes des environs de Saint-Flour; mais il y fut illustré par les troubadours qui contribuèrent puissamment à rallumer le feu sacré des lettres et des beaux-arts; on doit citer Astorg d'Aurillac et Astorg de Segret parmi ceux à qui elle eut la gloire de donner naissance.

Lé siècle suivant vit poindre l'aurore des libertés de cette province. Dès 1291 Philippe-le-Bel, s'étant engagé dans des guerres onéreuses (1), avait convoque à Aurillac les évôques de Clérmont, de Cahors , de Rodez, d'Albi et de Mendes pour leur demander des subsides; n'ayant pu les obtenir d'eux, il avait provoqué, l'année suivante, une nouvelle réunion d'évêques et n'avait pas été plus heureux ; il prit le parti d'assembler, en 1304, les barons, nobles et autres habitants de l'Auvergne et de leur présenter sa requête. Ce fut l'origine des Etats de celte province. Le tiers-état n'y fut d'abord représenté que dans les villes closes ayant municipalités et privilèges et qu'on désigna sous le nom de bonnes-villes; les autres bourgs et villages, appelés plats-pays, ne comptaient en rien, et la noblesse et le clergé consentaient pour eux. Mais leur exclusion ne tarda pas à exciter un mécontentement général, et, après différentes modifications, il fut arrêté, vers la fin du seizième siècle, qu'on adjoindrait aux bonnes villes quelques autres localités qui, tour-à-tour, et tous les six ans, seraient prises parmi les non-privi

I) Rechercha sur le* Etats-Généraux, par MM. Bcrgier et Verdier-Lalour.

Mgiées. Celte sorle de représentation était loin d'être régulière, même après sa dernière transformation; mais toute imparfaite qu'elle était, elle ne rendit pas moins de grands services. Les Etats ne se bornèrent pas toujours à voter des subsides; ils s'occupèrent aussi désintérêts du pays et firent souve nt dépendre un vote demandé d'une réforme d'abus ou d'une concession de franchises nouvelles, et améliorèrent ainsi peu à peu la situation de la province.

D'autre part, la tyrannie même des officiers royaux, devenue extrême, la fit ('■gaiement doter dans le même siècle de garanties et de privilèges nouveaux. Lasse d'être opprimée, elle se plaignit au roi Philippe-lc-Bcl, qui lui envoya des commissaires spéciaux avec de vastes pouvoirs et l'ordre de réprimer les abus signalés. Dédaignés ou gagnés, ces commissaires qui portaient le nomd'inquisiteurs ne purent ou ne voulurent rien faire ; elle persista dans ses réclamations, demandant avec instance le rétablissementde ses bonnes couslumes et franchises et fobservance des ordonnances et établissements de saint Loys. Louis-le-Hutiu ordonna de nouveau, mais à peu près aussi inutilement, que justice lui fût faite; enfin après lui, Pbilippe-le-Long arrêta, en 1519, que nul desbarons, nobles et autres habitants de [Auvergne ne pourrait être tiré de sa résidence pour c'tre détenu ou jugé, et accorda en même temps à un grand nombre de ses villes et de ses communes des confirmalions de privilèges ou des privilèges nouveaux. L'Auvergne eût vécu heureuse, sans doute, protégée par ces nouvelles institutions; mais bientôt des guerres désastreuses vinrent la plonger dans un abiine du maux.

Le roi de Navarre, Charles-le-Mauvais, hléssé de n'avoir pas obtenu le comté d'Angouléme qu'il réclamait pour la dot de sa femme, fille du roi Jean, avait fait assassiner Charles d'Espagne-de-la-Cerda, en faveur duquel il en avait été disposé. Justement irrité du meurtre de son connétable, le roi de France l'avait fait arrêter et avait fait même décapiter en sa présence quelques seigneurs de sa suite. Philippe, frère de Charles, et les parents de ceux qui avaient ainsi péri, levèrent l'étendard de la révolte et, ne se sentant pas assez forts pour soutenir seuls la lutte qu'ils entreprenaient, invoquèrent l'appui du roi d'Angleterre. Edouard n'eut garde de le leur refuser; il avait, de son côté, à venger une injure ; car le comte d'Eu qui, s'étant rendu après avoir si mal défendu la ville de Caen qu'il fut suspecté de trahison, avait été son prisonnier et était venu sur parole à Paris pour y chercher sa rançon, y avait trouvé la mort; il ne pouvait voir d'ailleurs, sans une secrète satisfaction, un mouvement qui pouvait devenir favorable à ses prétentions sur la France. 11 se déclara hautement pour la cause des insurgés, et on vit s'allumer entre la France et l'Angleterre une guerre des plus acharnées.

Trois aimées anglaises envahirent à la fois le royaume. L'une d'elles, commandée par le prince de Galles, qu'avait rendu fameux la victoire de Crécy, s'avança jusqu'à Tours. Jean vint à sa rencontre avec une armée de soixante mille hommes, l'attaqua sans prudence, perdit la célèbre bataille de Poitiers et fut fait prisonnier.

Cette grande catastrophe, survenue dans les destinées du roi de France, fut suivie d'une trêve à laquelle consentit Edouard qui espérait tirer, par sa rançon, plus d'avantages que par la force des armes et qui, dans tous les cas, n'était pas fâché de laisser déchirer le royaume par les factions qui le divisaient et qu'une guerre poussée à outrance aurait sans doute réunies contre lui. Mais cette trêve n'eut d'autre résultat que de livrer les provinces à la déprédation de bandes de soldats anglais et français licenciés à son occasion, et d'exciter par suite une révolte générale des paysans, connue dans l'histoire sous le nom dejaquerie, dont l'Auvergne eut beaucoup â souffrir. Le traité qui intervint n'obtint pas l'assentiment des étals-généraux, et les troupes d'Edouard, immédiatement réorganisées, continuèrent d'envahir le territoire français. Elles parurent en Auvergne, en 1357, marchant sur trois colonnes, commandées par Nobert-Knoll. Waldebert et Mandoc-Badafol, et la ravagèrent cruellement. Elles prirent et pillèrent l'ancien château de Cheylard, dont il reste encore quelques ruines, celui de Celles, qui fut rasé en 1360, celui de Chaliers, qui fut rendu en 1370, moyennant finances, ceux de Turlande et de Sailhans, de Fonnostre et de Chavagnac, de Beccoire et d'Albepierre, de llaulhac et de Missillac, de Montbrun et de Miremont. Les petites villes de Vie et de Chaudesaigues tombèrent en leur pouvoir, et celle de Murât, qui s'était progressivement formée et agrandie sous la protection d'une forteresse célèbre, occupée par elles, devint leur quartier général et le centre de leurs opérations dans la province, bien qu'elles n'eussent pu s'emparer de son château.

L'Auvergne fit de vains efforts pour se débarrasser de ces étrangers; la mésintelligence qui régnait entre plusieurs de ses chefs ne lui permit pas d'agir avec l'ensemble nécessaire, et les succès partiels qu'elle remporta sur eux restèrent sans résultats. En 1359, Merigo-Manbez, chef d'une de ces troupes indisciplinées qui s'étaient organisées pour le brigandage à la suite de la trêve momentanée de 1356, et qui, depuis que la guerre s'était rallumée, avaient passé au service de l'Angleterre, s'empara par ruse de la forteresse de Cariât ; peu après, le château de Montbrun, qui avait été repris par les Français, tomba de nouveau au pouvoir des Anglais, qui le rendirent par composition quatre ans après, à la suite d'un siège où la ville de St-FIour, devenue assez importante pour avoir été choisie en 1317 comme chef-lieu d'un diocèse démembré de celui de Clermont, dépensa deux cents écus d'or ; mais où elle eut la gloire de faire prisonnier le fameux chevalier gascon Saudoz.

On était en droit d'espérer que le traité de Bretigny , par lequel l'Angleterre rendait la liberté au roi Jean , moyennant un tiers de son royaume et trois raille écus d'or, mettrait un terme à cette guerre désastreuse; mais il n'en fut rien. Quelque onéreuses que fussent pour lui les conditions de ce traité, le roi de France les exécuta avec la plus scrupuleuse fidélité. Le roi d'Angleterre n'agit pas de même ; ceux de ses capitaines qui tenaient les places que la France devait recouvrer, autorisés par lui, refusèrent de les rendre, les conservèrent ou les firent démolir : les forteresses de Cheylanne et du Rouayre furent ainsi rasées, nonobstant les conventions stipulées. D'autre part, ses soldats, qu'il s'était obligé de retirer du territoire français et qu'il y laissa cependant en partie , se réunirent en troupes indépendantes qui prirent le nom de Tard-Venus, parce qu'elles succédaient en brigandage à celles qui s'étaient organisées en 1356, s'associèrent avec celles-ci et devinrent des corps redoutables qu'on appela les Grandes-Compagnies. Ces bandes, composées de pillards de toutes les nations, guerratores de varii*

nibv», dit le continuateur de Naugis, inondèrent l'Auvergne et achevèrent de la dévaster. Vainement les Etats du Haut-Pays s'assemblèrent à Saint-Flour, en 1365, pour aviser aux moyens de les expulser ; vainement ceux du royaume se réunirent dans le môme but, à Clermont, en 1374; tout fut inutile, et, vaincus ou payés, les brigands ne s'éloignaient que pour reparaître bientôt. Ils s'emparèrent de Cariât, en 1370 ; il fut constaté, en 1371, qu'ils avaient fait essuyer des pertes considérables à Saint-Flour; Charlus fut enlevé par eux, en 1573; enfin, en 1380, ils occupaient presque tous les châteaux des environs de Saint-Flour.

Après avoir rendu Cariât pour ùe l'argent, Mérigo-Marchez, qui s'intitulait effrontément le roi des pillards, surprit la forteresse d'Alleuze, s'y établit et s'y maintint pendant neuf années consécutives. Il finit cependant par la céder, moyennant dix mille livres, au comte d'Armagnac, commandant en chef des forces de la Haute-Auvergne; mais il ne tarda pas à se repentir de ce marché, évidemment désavantageux pour lui ; car, suivant le dire de Froissard , Alleuze lui rapportait au moins vingt mille florins par an enmulets, draperies, soieries, etc., que ses hommes pillaient sur les chemins, et en blé, farine, pain tout cuit, avoine, bon vin, bœufs,brebis et moulons gras, poulaille, volaille, etc., qu'il forçait les habitants du voisinage de lui apporter. Pour se dédommager, il s'empara du château de La Roche-Vandais, dans les montagnes du Mont-Dore, et en fit un repaire d'où ses compagnons fondaient à tout instant, comme des oiseaux de proie, sur les campagnes environnantes : « Rien n'estant qui ne leur veneist à point, s'il n'esloit trop chaud ou trop pesant (1). »

Ces bandes de pillards s'éloignèrent enfin et on espéra en être débarrassé ; mais elles reparurent en 1387, s'emparèrent des châteaux de Cariât, de Loubarès, de Mallet, deTurlende, d'Anglards, de Bressols, des Halots, de Murat-Lagasse, et firent des ravages effroyables.

L'Auvergne, désolée par ce brigandage sans fin, prit le parti de demander du secours au roi de France. Charles VII lui envoya Robert de Béthune à la tête d'un corps de troupes imposant, et dès-lors les affaires changèrent de face. Se voyant hors d'état de tenir téte aux troupes royales, les pillards évacuèrent le pays, le 23 juillet 1389, et Mérigo-Marchez, arrêté l'année suivante par le seigneur de Tournemire, expia dans les supplices les crimes nombreux dont il s'était souillé. Il resta cependant dans la province quelques débris de ces associations de malfaiteurs qui la ravagèrent long-temps encore, et il fallut se cotiser, en 1438, pour s'en débarrasser définitivement.

Epuisée par la guerre et le brigandage, l'Auvergne fut peu après dépeuplée, en partie, par une de ces épidémies qui en sont la suite ordinaire, et devint en outre, par deux fois, dans le cours du xve siècle, le théâtre d'insurrections qui en étaient également les conséquences.

Les désordres des derniers temps avaient habitué les gens de guerre à vivre de pillage, et ils avaient fini par s'organiser, eux aussi, en véritables bandes de voleurs. Sous le roi Jean, il y avait eu les Tard-Venus ; sous le roi Charles VII, il y eut les Ecorcheurs et lesRctondeurs, qui ne lais'iicnt pas même de vêtements aux

(1j Chron. de Froissard.

malheureux que le sort faisait tomber entre leurs mains. Charles voulut mettre un terme à tant de licence, et rendit sa célèbre ordonnance d'Orléans, contre les piUeries et vexation» de» gens de guerre. Cette mesure mécontenta plusieurs seigneurs qui n'avaient pas rougi d« marcher à la téte de cette soldatesque effrénée et de partager ses rapines. Ils organisèrent contre lui une sorte de ligue, dans laquelle entrèrent les ducs d'Alençon et de Bourbon , le comte de Vendôme et jusqu'au dauphin lui-même qui devait bientôt régner sous le nom de Louis XI. Charles marcha contre eux, les battit dans le Poitou , les contraignit à concentrer leurs forces dans le Bourbonnais, les y suivit, vit s'ouvrir sans résistance plusieurs villes devant lui et vint à Clermont où les Etats de la province lui accordèrent des subsides considérables. Les insurgés furent bientôt réduits à venir implorer à ses pieds un pardon qui leur fut accordé. Il importe de dire que la noblesse de la Haute-Auvergne ne paraît pas avoir pris une part très-active à cette levée de boucliers que les populations, de leur côté, virent avec la plus grande indifférence.

Mais peu après, la politique de Louis XI, qui tendit constamment à abaisser la puissance féodale au profit de l'autorité royale, fit prendre de nouveau les armes à cette noblesse jalouse de ses privilèges et accoutumée à ne supporter aucun frein. Elle organisa une nouvelle ligue, sous le nom spécieux de Ligue du bienptiblic, dans laquelle entrèrent les ducs de Bourbon, de Bretagne, de Berry, de Nemours et jusqu'à Charles, frère du roi. Le duc de Bourbon leva le premier l'étendard de la révolte dans le Berry, le Bourbonnais et l'Auvergne. Louis marcha contre lui à la léte d'une armée de vingt-quatre mille hommes , le força, par le succès de ses armes, à demander un armistice qui fut signé à Mauzac , près de Biom , et mit fin à cette seconde ligue par le traité de Conflans (1465).

Le duc de Nemours, Jacques d'Armagnac, vicomte de Murât, que Louis XI avait comblé de bienfaits et qui s'était montré singulièrement ingrat en prenant parti dans cette insurrection, implora sa clémence et ne l'implora pas en vain. Mais bientôt, par de nouvelles fautes, il encourut encore la colère de ce redoutable monarque qui, cette fois, résolut de le perdre et fit marcher un corps de troupes contre lui. Après avoir soutenu dans le château de Cariât un siège de dix-huit mois, ce malheureux seigneur se vit contraint de se rendre au duc de Beaujeu (1477). Ses biens furent confisqués, et lui-môme, conduit à Paris, fut d'abord enfermé à la Bastille dans une cage de fer et puis décapité. On a dit que ses enfants furent placés sous son échafaud pour être arrosés de son sang. Si cette assertion était fondée, en vérité, il faudrait gémir de rencontrer de pareils exemples de cruauté dans l'histoire de la France ; mais, grâce au ciel, elle n'est appuyée d'aucune preuve ; les historiens contemporains ne racontent rien de semblable, et il est au moins permis de douter de son exactitude.

Après le règne de Louis XI, de sombre mémoire, et celui de Charles VIII, « lequel, dit Commines, ne fut jamais que petit homme de corps et peu entendu, » on est heureux de trouver celui de Louis XII, dont le souvenir sera toujours en bénédiction chez les Français; « car il ne courut ouques, dit saint Gelais, du règne de nul autre si bon temps qu'il fit durant le sien. » Avec lui parurent la paix, l'ordre et la justice ; il posa les premières bases d'une administration régulière et fit disparaître l'incertitude du droit civil par la recherche et la constatation des coutumes locales de .chaque province.

Les institutions de ce bon roi promettaient un avenir prospère à l'Auvergne comme à toute la France; mais un événement survint qui devait avoir un immense retentissement dans le monde et allait bientôt la bouleverser, en allumant une des guerres civiles les plus longues et les plus sanglantes dont l'histoire ait conservé le souvenir. Un moine frondeur et exalté, déchirant brusquement son froc, proclama ce qu'il appelait les abus de Rome, brisa violemment avec l'autorité du Saint-Siège, et déclara ne reconnaître pour règle de conduite que le texte seul des écritures sacrées : ce moine, c'était Luther.

La doctrine de ce hardi novateur répondait trop bien aux instincts de l'époque pour ne pas se répandre rapidement. Après avoir envahi l'Allemagne, où elle fut propagée par les princes séculiers qu'elle débarrassait de l'autorité ecclésiastique, leur rivale en puissance et en richesse, la réforme , transformée en système démocratique par Calvin, passa en France et fut préchée pour la première fois, en 4540, dans la Basse-Auvergne (I).

Elle le fut peu de temps après, sans doute, dans la Haute ; mais elle n'était pas appelée à jeter de profondes racines dans cette partie de la province dont la popopulation simple et naïve, singulièrement attachée comme elle l'est encore aujourd'hui à un culte extérieur et tout d'émotion, ne pouvait s'accommoder d'une forme religieuse qui proscrivait les images et les lieux qu'elle était habituée à vénérer depuis son enfance, ni se contenter de prêches froids et sévères au lieu des solennités émouvantes du catholicisme. Si elle y fit d'abord quelques prosélytes, ce ne fut que dans les grands centres et particulièrement à Aurillac, où la dissolution du clergé, devenue extrême, il faut le reconnaître, avait fait naître le dégoût, et où une lutte incessante entre les abbés et la ville avait inspiré un secret désir d'émancipation ; elle y effleura seulement le sol et y sympathisa si peu avec les masses, que lors de la révocation de l'édit de Nantes, il ne s'y trouvait plus un seul religionnaire (2).

François 1", monarque léger et inconséquent, ne fut pas d'abord hostile à la nouvelle secte. II se réjouissait des embarras qu'elle faisait naître dans les Etals de son rival Cbarles-Quint, et ne prévoyait pas les orages qu'elle allait soulever dans les siens propres. Mais l'agitation qu'elle causa bientôt autour de lui, lui ouvrit les yeux sur ses dangers. Dès-lors, il voulut l'anéantir et fit jeter dans les flammes ses partisans, sur tous les points de la France : c'était manquer évidemment le but qu'il se proposait et lui attirer, au contraire, des prosélytes en la dotant de martyrs/Henri II, prince faible d'esprit et bien plus propre à être conduit qu'à gouverner, obéissant à l'inlluence de ceux qui l'entouraient, continua cette persécution, sans être bien convaincu de sa nécessité; et des bûchers, dont plusieurs entrèrent dans l'ordonnance des fêtes données à l'occasion de son arrivée dans la capitale, consumèrent, souvent sous ses yeux mêmes, une foule de ses sujets. Parmi ces malheureuses victimes du fanatisme religieux

figure un certain Antoine Magne, originaire d'Aurillac, qui eut la langue coupée et fut brûlé vif sur la place Maubert (1558), pour la faute légère d'avoir apporté des nouvelles à ses corréligionnaires (1).

Gouverné par le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, le premier, plein de génie, le second, d'babileté, tous deux nourrissant des projets ambitieux et se posant en soutien de la religion catholique pour les servir, François II continua de poursuivre les réformés par le fer et le feu et chargea une chambre du parlement d'instruire leurs procès. On sait que ce fut la barbarie des arrêts de ce tribunal de sang, connu sous le nom de Chambre-Ardente, qui les poussa à la conspiration d'Amboise, dont l'issue leur fut si funeste et qui eut pour résultat le supplice de plusieurs d'entr'eux.

A l'avènement de Charles IX au trône, Catherine, à qui les Etats-Généraux avaient confirmé la régence, soit qu'elle voulût affaiblir l'influence de la famille de Lorraine, dont l'ambition était pour elle un sujet incessant d'inquiétudes, soit qu'elle n'eût d'autre but que de rapprocher des partis dont les divisions menaçaient le pays de la guerre civile, se montra tolérante pour la réforme, comme l'avait d'abord été François Ier, fit mettre en liberté les prolestants détenus, et consentit même à une conférence des évêques avec leurs minisires, qui prit le nom de Colloque de Poissy ; mais bientôt, effrayée comme il l'avait été aussi des prétentions de ce parti aux instincts démocratiques, qui devenait singulièrement entreprenant, surtout dans les provinces méridionales, elle cessa de lui être favorable, et fit tenir au roi un lit de justice où il fut arrêté que ceux de ses partisans qui s'assembleraient seraient punis de mort, que leurs ministres seraient chassés, que les évêques informeraient seuls contre les prévenus d'hérésie, et que ceux qui en seraient convaincus, seraient expulsés du royaume : c'était évidemment annuler d'avance les décisions du colloque à intervenir et recommencer la persécution.

Encouragés par l'esprit de tolérance qu'avait d'abord montré Catherine, quelques réformés d'Aurillac avaient appelé près d'eux un ministre nommé Guy-deMorange, qui exerçait presque publiquement ses fonctions de prédicateur dans cette ville. S'autorisant des dispositions arrêtées dans ce lit de justice, Charles de Brezons, gouverneur de la ville de Murât, partisan fanatique des Guises,insigne voleur $'il en fust ouques, dit de Serres, se procura des lettres de faveur du maréchal de Saint-André, cet ancien favori d'Henri II, qui faisait alors partie de l'association connue sous le nom de Triumvirat, leva quelques troupes dans" le pays et parut brusquement à Aurillac, le 2 septembre 1501. 11 en fit immédiatement fermer les portes et se dirigea, avec son escorte, vers la maison qu'habitait Guy-de-Morange. Par un hasard heureux pour lui, ce ministre était absent. Furieux de voir qu'il lui avait échappé, Brezons fit massacrer trois hommes trouvés dans un des appartements de cette maison, puis se rendit chez déjeunes orphelins, dont la mère lui avait été signalée sans doute comme appartenant à la religion proscrite. Aux cris que poussèrent ces pauvres enfants en le voyant paraître la dague à la main et la menace à la bouche, un jeune homme, ne sachant de quoi il s'agissait, accourut ; il fut aussitôt tué d'un coup d'arquebuse, et les assassins enlevèrent du logis de celte malheureuse famille tout ce qu'ils trouvèrent à leur convenance. Brezons fit en outre jeter dans les prisons de la ville trente-cinq à quarante protestants, en fit pendre deux immédiatement, et eût certainement fait subir le même sort aux autres, si le conseil du roi, averti à temps, ne se fût bâté d'envoyer sur les lieux François Raymond, conseiller au parlement de Paris, qui les fit rendre à la liberté (1).

Cependant Antoine de Bourbon abjura soudainement la religion réformée qu'il avait d'abord embrassée avec enthousiasme, en même temps que, par une contradiction bizarre et qui peint l'irrésolution de son caractère, il envoyait son fils en Béarn pour y èlre élevé dans le culte qu'il abandonnait. Cette défection, dont les Guises allaient se prévaloir, pour faire de ce prince un agent aveugle de leur parti, causa de vives alarmes à Catherine. Pour contrebalancer leur puissance, déjà trop grande à ses yeux et qui devait singulièrement s'en accroître, «11c résolut de revenir aux protestants et fit publier, en janvier 1562, malgré l'opposition de presque tous les parlements, un édit qui leur permit le libre exercice de leur culle hors des villes. Cette concession, quelque importante qu'elle fût, ne pouvait satisfaire en ce moment ces sectaires alors exailés à l'excès et qui, ne s'en tenant plus à des questions religieuses, disaient ouvertement qu'il fallait donner un métier au petit roi Charles IX, afin qu'il gagnast sa vie comme les autres(2). Cependant le duc de Guise craignit qu'elle n'amenât une pacification qui serait le renversement de ses projets ambitieux. La guerre civile pouvait seule lui conserver sa puissance ; voulut-il la provoquer par le massacre de Vassy? on l'ignore; mais, ce dont on ne peut douter, c'est que ce massacre , prémédité ou survenu fortuitement, servit merveilleusement ses intérêts. Les réligionnaircs coururent aux armes de toute part; les catholiques les imitèrent, bientôt les deux partis furent en présence et la France se transforma en un vaste champ de bataille.

Comme l'avait prévu Guise, la guerre mit la cour sous la dépendance du triumvirat; il en fut l'âme et presque tous les pouvoirs se trouvèrent concentrés dans ses mains. Il nomma Brezons, déjà signalé par ses excès, lieutenant-général pour le roi dans la Haute-Auvergne, et lui donna l'ordre d'en occuper en cette qualité les villes, les places et les forteresses. Dès qu'ils connurent cette nomination et les ordres qui l'accompagnaient, les protestants d'Aurillac, qui savaient par expérience ce dont Brezons était capable, se hâtèrent de prendre la fuite et se retirèrent à Lyon, à Orléans ou dans le Limousin. Le nouveau lieutenant-général fit son entrée à Aurillac, le 3 juin 1362, et ne tarda pas à s'y souiller de nouveaux crimes. Sur ses ordres, les réformés furent traînés de force à la messe et leurs maisons pillées avec tant de fureur que, suivant les expressions de la chronique qui rapporte ces faits, i7 n'y restapas un simple drapeau d'enfant. Rien n'égalait la cruauté de ce misérable agent des Guises, si ce n'est son amour du pillage. Informé qu'un sergent-royal s'est retiré à Fabrègues, il y accourt, pille le châ

(I) Hitt. des martyrs protestants. '2) itém. de Monlluc.

234 CAJN.

teau et se saisit de ce malheureux, ainsi que d'un avocat distingué qu'il fait arracher brntalement du lit où le relient une maladie gr.ive. Les deux prisonniers sont conduits à Aurillac; l'avocat sauve sa vie à prix d'argent ; le sergent, hors d'état de racheter la sienne, paye pour tous deux ; Brezons ordonne de le conduire à Cariai, expression convenue d'avance avec ses siccaires, équivalant à un arrêt de mort et ayant une singulière' analogio avec ces terribles mots adoptés par d'autres massacreurs : à laForcel à l'Abbaye! Il est assassiné au lieu de l'Oradour. Peu après, douze des siens vont, sur ses ordres, arrêter un chirurgien qui s'est ré- . fugié à Cavagnac, chez le receveur des domaines, Fortet, le frappent de douze coups de dague, et le laissent sur la route où il languit long-temps avant de rendre le dernier soupir. Plus tard, ayant appris qu'un avocat à la cour présidiale est venu voir sa femme et sou enfant au village de Vaguerres, Brezons se rend dans ce village, enlève ses bestiaux, l'arrête lui-même et le conduit prisonnier au château de Saint-Etienne, d'où il est tiré la nuit suivante pour être envoyé à Cariai; ses bourreaux le forcent à porter une pioche pour creuser, disent-ils, sa fosse, l'assomment à moitié chemin de la forteresse et le jettent dans un fossé.

Vainement, quelques citoyens honorables veulent s'opposer a ces horribles exeès; ils n'y peuvent parvenir, et malgré leur qualité de catholiques, presque tous payent de leur sang leurs généreuses tentatives. Brezons fait arrêter deux babitanls de Laroquebrou qui n'ont eu d'autre tort que de manifester trop ouvertement leur indignation et feint de les vouloir faire conduire dans les prisons d'Aurillac; mais à quelque distance de cette ville, il leur fait crever les yeux, les fait égorger et défend, sous peine de mort, de donner la sépulture à leurs cadavres. 11 se fend coupable enfin de tant de crimes, que ceux-là mêmes qui l'ont nommé se voient contraints de lui retirer sa commission.

Brezons eut pour compagnon de brigandage, dans la Haute-Auvergne, un certain Monlelly qui, chargé comme lui par le duc de Guise de ne rien ménager pour aider, sans doute, au soulèvement des populations, s'acquitta de celte mission avec une horrible exactitude. Il parcourut les campagnes des environs d'Aurillac, s'y livra au pillage le plus effréné et n'épargna pas même les catholiques dont il prétendait servir la cause.

Après avoir tout dévasté autour de cette ville, Monlelly se dirigea sur Argenlat. Situé dans le Limousin, Argcntat se trouvait hors des limites de sa commission ; mais quelques protestants de la Haute-Auvergne s'y étaient réfugiés et il les poursuivait dans cet asile. On comptait parmi eux un médecin distingué d'Aurillac, nommé Céléry qui, ayant eu le malheur de dénoncer les premiers crimes de Brezons et n'ayant par conséquent que trop de motifs de redouter sa vengeance, avait quitté Aurillac avec toute sa famille dès qu'il avait appris son arrivée. Prévenu de l'approche de Montelly, il se hdta.de quitter Argentat et gagna la campagne ; mais il fut surpris dans sa fuite, et on ne peut lire sans frissonner d'horreur le détail des cruautés qui furent exercées contre lui.

11 reçut deux coups d'arquebuse, trois coups de pistolet, six coups d'épéc, un coup de dague, et ne fut abandonné par ses meurtriers que parce qu'ils le crurent mort. Il ne l'était pas cependant. Itcvcnu à lui après un long évanouissement, il parvint à se soulever et essaya de se traîner vers la ville. Un soldat l'aperçut et courut aussitôt sur lui l'épée haute; mais il ne l'eut pas plutôt envisagé, qu'il s'enfuit, saisi d'horreur et de pitié. Céléry pouvait à peine l'aire quelques pas; il fut heureusement 'rencontré par un de ses enfants qui fuyait aussi à travers champs. Ce pauvre enfant, a peine âgé de huit ans, oubliant sa frayeur pour secourir son père, le soutint dans ses bras comme il put et parvint à le conduire dans un village peu éloigné. Mais telle était la terreur qui s'était emparé de tout le pays que, malgré ses prières, ses larmes et l'offre qu'il faisait de ses vêtements, la seule chose qu'il possédât en ce moment, il ne put y obtenir aucun secours. Il fallut s'éloigner. Céléry , épuisé par la perte de son sang, ne pouvait plus se soutenir; il allait succomber, sans doute, lorsque la Providence dirigea de Sob côté les pas d'un autre de ses enfants âgé de dix ans ; porté en quelque sorte par ses deux jeuacs fils, il parvint à atteindre un second village, où il fut enfin recueilli. On pansa ses plaies, on lui fit prendre un peu de vin pour lui donner des forces et on le transporta dans une ferme où sa femme s'était réfugiée. Céléry parvint à guérir des nombreuses blessures qu'il avait reçues.

Montelly et sa bande occupèrent Argenlat pendant trois jours, et, sans doute pour le punir d'avoir recueilli les fugitifs de la Haute-Auvergne , n'y laissèrent à leur départ que ce qu'ils ne purent emporter; le butin qu'ils y firent fut partagé par eux sans pudeur sur la place même d'Aurillac (i).

Les protestants, de leur côté, ne se montrèrent ni moins cruels, ni moins pillards que les catholiques, et un corps de quatre mille hommes envoyé en Auvergne par le baron des Adrets (2), qui, à force de crimes, est arrivé à la célébrité, en brûla les églises et y exerça d'horribles brigandages ; la ville de Mauriac faillit être un des théâtres des excès de cette troupe indisciplinée, et ne dut son salut qu'à la bonne attitude de son gouverneur, Antoine de Lavaur, capitaine de la prévoté pour le roi. Ainsi, pendant qu'une guerre déplorable se poursuivait entre l'armée royale et celle de la réforme , cette province était ensanglantée par le meurtre, désolée par l'incendie, ruinée par le pillage et dévastée par des chefs subalternes appartenant aux deux partis.

Cependant le duc de Guise , bien qu'il n'eût pas le commandement de l'armée des catholiques, gagna sur les religionnaires la célèbre bataille de Dreux, dans laquelle les généraux des deux armées furent faits prisonniers. Catherine, toujours convaincue de la nécessité d'amoindrir son importance encore accrue par cette victoire, se rendit près de Condé qui avait été conduit à Chartres et voulut négocier la paix avec lui. Mais il répondit que, privé de la liberté, il ne pouvait valablement traiter, et la renvoya à Coligny qui s'était retiré à Orléans avec les débris de l'armée vaincue ; Coligny la renvoya à Condé : catholiques et protestants voulaient continuer cette guerre désastreuse.

Après l'assassinat du duc de Guise devant Orléans, la reine-mère crut n'avoir plus les mêmes motifs de ménager les réformés ; mais la crainte des Anglais, à qui ils avaient remis le Havre, la détermina à leur faire encore des propositions de paix, et, libre de traiter avec eux aux conditions qu'elle voudrait, elle fit rendre

(1) HHt. des Martyrs protestants.

(2) LeUre de Pcrrenol de Chanlonnay, dans les Mémoires de Condé.

l'édit de pacification du 19 mars 1563, par lequel elle leur accorda des avantages assez grands pour les déterminer à déposer les armes.

Mais elle s'était trompée en pensant que l'ambition de Guise avait disparu avec lui. Henri, duc de Lorraine, son fils, en avait hérité. Comme lui, ne pouvant s'accommoder d'un état de calme, il chercha à rallumer la guerre civile par tous les moyens, et fut puissamment secondé dans ses efforts par son oncle, le cardinal de Lorraine, qui, dès la clôture du concile de Trente, jetant le gant à la réforme, représenta au conseil que les décisions canoniques de ce concile devaient être adoptées par tous les chrétiens indistinctement; que les édits de tolérance antérieurement rendus devenaient, par conséquent, nuls de plein droit, et qu'il y avait lieu de contraindre les réformés â se soumettre aux lois de l'Eglise. Les manœuvres de l'un et les propositions de l'autre devaient soulever et soulevèrent, en effet, une affreuse tempête. Les religionnaires poussèrent des cris d'indignation, et dans leur fureur osèrent, de leur côté, dans un synode général, décréter l'abolition du pouvoir despotique et de la papauté.

Celte résolution, qu'il n'était pas autrement en leur pouvoir de mettre à exécution, indiquait ce qu'ils feraient s'ils étaient les plus forts; elle éclaira Catherine sur les dangers qu'ils pourraient faire courir un jour à la monarchie. Elle comprit que, si du côté des Guises était une ambition sans limites et peut-être une secrète pensée d'usurpation , du leur se trouvait une haine de toute autorité non moins redoutable; elle résolut de les écraser. Elle avait fait la paix avec l'Angleterre et n'avait plus rien à craindre de ce coté ; elle s'assura de la neutralité des princes protestants de l'Allemagne et fit rendre un édit (1564) interprétatif de celui du 19 mars et qui en était en réalité la révocation. Elle fit, en outre, entrer son fils dans une ligue formidable organisée par le pape, l'empereur, le roi d'Espagne et le duc de Savoie, dont le but était d'extirper la nouvelle hérésie de l'Europe. Privés de toute liberté, menacés de toute part, les réformés durent nécessairement reprendre les armes.

Condé et Coligny furent de nouveau mis à leur tête, et, dans les provinces, des chefs secondaires furent chargés de réunir les forces nécessaires. Poncenac, gentilhomme du Bourbonnais, engagea trois raille hommes de pied et cinq cents chevaux dans le Bourbonnais, l'Auvergne, le Forez, le Maçonnais et le Beaujolais, les assembla à la Pacandière et se mit en route pour aller joindre, dans le Dauphiné, le baron Dacier, un des chefs calvinistes les plus importants du Bas-Languedoc. Sa petite armée fut surprise et battue à Champolly, près de Feurs, par Montsalles, gentilhomme gascon, qui conduisait, de son côté, quelques recrues à l'armée royale. Elle se retira après cet échec à St-Amant-Tallende, pour se reformer , et reprit ensuite la direction de Valence, passant cette fois par le Vivarais.

Cependant la reine d'Angleterre crut devoir intervenir en faveur des religionnaires de France dont elle voyait qu'on avait juré la perte, et elle déclara que la continuation de la guerre d'extermination qu'on leur faisait amènerait une rupture entre la France et l'Angleterre. Cette menace détermina Catherine à envoyer des négociateurs au camp de Condé, et la paix fut signée à Longjumeaux, le 23 mars 1568. On l'appela la paix-feinte ou la courte-paix, et ces deux désignations lui convinrent également; caries conditions auxquelles elle fut faite ne fuient observées avec loyauté ni d'une part, ni de l'autre, et elle fut de si courte durée, que dès le mois d'août suivant la guerre était rallumée.

A cette occasion, des corps de partisans recommencèrent à parcourir les provinces et à y porter la dévastation. L'un d'eux s'empara de Maurs, et le G septembre 1569, Laroque et Bessonnière, chefs d'une autre bande, ayant remarqué qu'on avait muré à Aurillac la porte qui donnait sur la Jordannc, présumant dèslors que cette porte n'était plus l'objet d'une surveillance active, s'y présentèrent pendant la nuit, la firent sauter au moyen d'un pétard et s'introduisirent dans la ville dont ils s'emparèrent.

On ne saurait dire à quels excès se portèrent ces misérables chefs de parti lorsqu'ils se virent maîtres d'Aurillac. Les deux consuls furent pendus et plus de cent cinquante catholiques froidement égorgés ; le monastère de Saint-Pierre, le palais abbatial, l'hôpital de la Trinité, les couvents, tout fut détruit de fond en comble ou pillé avec une atroce brutalité; les archives, les manuscrits précieux, les chartes originales furent brûlés, et il fut procédé, au nom des princes de Navarre et de Condé, commandants en chef de l'armée de la réforme, à la vente publique des biens appartenant aux monastères, aux ecclésiastiques ou à l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem (1).

Cependant l'armée des réformés avait été battue dans une première rencontre à Jarnac; elle le fut de nouveau à Montcontour, et cette succession de revers fit naitre le découragement dans ses rangs. Les soldats qui étaient venus du Dauphiné et du Languedoc recruter cette armée, déjà désireux de se retirer et retenus jusque-là péniblement et à force de promesses, se refusèrent particulièrement à tenir plus long-temps^la campagne; ils quittèrent leurs corps sous la conduite de Montbrun, Mirabel, Quintel, Verbelet et Pontés, tous chefs du parti, plus ou moins importants, traversèrent le Périgord et vinrent passer la Dordognc à Souillai*. De longues pluies avaient grossi les eaux de cette rivière ; elle n'était pas guéable, et il fallait des bateaux pour la traverser. Pendant que les réformés cherchaient à s'en procurer, les garnisons catholiques des environs, accourues en toute hate, fondirent brusquement sur eux, les jetèrent dans le plus grand désordre, en précipitèrent un grand nombre dans la Dordogne et dispersèrent le reste dans les campagnes du voisinage. Quelques-uns cependant, pressés par le danger, risquèrent le passage, parvinrent sur l'autre rive, et, traversant le Quercy , prirent la route d'Aurillac. Ils y furent recueillis, et bientôt le reste de leurs compagnons, étant parvenu à passer la rivière, vint sous la conduite de Montbrun et de Mirabel s'établir à Arpajon.

L'armée des religionnaires continua à s'affaiblir par la désertion, et les deux princes se virent bientôt trop faibles pour tenir téte aux catholiques. Sur l'avis de Coligny, ils prirent le parti de laisser le comte de Larochefoucaud à La Rocbelle et de se retirer dans la Gascogne et le Languedoc. Ils partirent de Saintes avec ce qu'ils avaient de cavalerie allemande et française, et environ trente mille hommes de pied, arrivèrent le 2-1 octobre à Argental, où Bessonnière les avait précédés pour leur faire préparer des bateaux , et pendant trois jours firent traverser la Dordogne à leurs troupes sur plusieurs points, depuis Argental jusqu'à Bort, qui n'eut garde de refuser le passage , et se racheta du pillage moyennant deux mille écus d'or (I).

Ces princes confièrent le gouvernement d'Aurillac et de la province à Verbelet, qui fut chargé par eux d'engager sept cents mousquetaires et trois cents hommes de pied , et frappa dans ce but d'énormes impôts sur le pays. Après avoir porlé l'effroi dans la Haute-Auvergne, ils prirent la route du Quercy et du Rouergue, passèrent le Lot au-dessous do Cadcnac et gagnèrent Montauban.

Monlbrun et Mirabel voulurent se joindre à eux ; mais ils allèrent se heurter contre la garnison de Rouillac, renforcée par un nombre considérable de paysans des environs et qui, postée avantageusement, gardait les défilés par lesquels il leur fallait passer. Vigoureusement repoussés, ils se virent contraints de rentrer à Arpajon ; mais peu de temps après, leur petit corps d'armée parvint à passer le Lot, à Privas, et se retira également a Montauban, par le Vivarais (2).

Cependant, Gaspard de Monlraorin-St-IIérem , gouverneur de la Basse et de la Haute-Auvergne sous l'autorité du roi, était accouru avec quelques troupes dès qu'il avait appris la surprise d'Aurillac par les protestants. Obligé de battre en retraite à l'approche de l'armée des princes, il se retira du côté de Saint-Flour, et y occupa les loisirs de ses soldats à faire le siège du château de Sailhans, dont la garnison protestante ne cessait de faire des incursions dans les campagnes qui environnaient cette ville. Antoine Dubourg, marquis du Sailhans, était malade en ce moment; sa femme Nicole d'Ondredieu n'hésita pas à le remplacer dans la défense du château, résista vigoureusement à St-IIérem , et le blessa même, dit-on , de sa main, dans une sortie. Elle ne put empêcher cependant que celle place ne fût emportée d'assaut ; le châtelain périt brûlé dans un four, soit qu'il y eût été caché par ses gens, comme le prétend Audigier (5), soit qu'il y eût été jeté par les ordres de St-IIérem lui-même, comme l'assure l'auteur des Annales d'Issoire (4), et la châtelaine fut conduite a Saint-Flour, où elle fut retenue longtemps prisonnière.

Du lieu où il s'était retiré, le gouverneur surveillait activement ce qui se passait à Aurillac, et, ne perdant pas de vue l'objet principal de son expédition dans les montagnes, s'y ménageait des intelligences pour s'en emparer par surprise. Mais ses manœuvres furent découvertes, et n'eurent d'autre résultat que de servir de prétexte aux réformés pour poursuivre le cours de leurs violences et de leurs cruautés contre les catholiques de cette malheureuse ville. Tout ce qu'elle comptait d'hommes honorables fut jeté dans les fers comme coupable de trahison. La plus grande partie de ces malheureux fut condamnée à mort par Lamire, qui prenait le titre de lieutenant civil et criminel d'Aurillac pour les princes de

(1) De Thou, t. v. Lapoppliniere, Hist du Languedoc. La vraie et entière hist. des troubles.

(2) De Thou, t. v.

(3) Mss. d'Audigier.

(4) Ann. D’lssoire.

Navarre et de Condé; on comptait parmi eux Cambefort, Aldevert, Parisot, Vigier, Dupuy, Carrière, Cinq-Arbres, Almaury-de-Fraissy, Geraud-de-Veyre, Pierre-Capmas, Geraud-Bobési, que sa femme eut le courage d'accompagner au supplice, et Antoine Fortet, père de dix enfants dont la mère mourut de douleur (1). Ceux des habitants qui conservèrent la vie ne furent guère plus heureux, et l'on vit Jacques de Tournemire, seigneur de Vais, hors d'état de payer douze cent vingt-cinq livres qu'on exigeait pour sa rançon, traîné de prison en prison, bien qu'il fût âgé de plus de quatre-vingt-cinq ans , et livré enfin pour cette somme à un colonel de reitres. Il est impossible de dire tout ce qu'Aurillac eut à souffrir dans cette circonstance.

Lorsque St-Hérem apprit ces malheureux événements, il résolut d'attaquer ouvertement la ville. Le château de Murât fut enlevé aux réformés ; des forces considérables furent réunies devant le fort de Polminhac, et on se rendit sans retard sous les murs d'Aurillac dont on commença le siège. Mais ce fut sans succès ; la grande armée des protestants quittait en ce moment le voisinage de Toulouse avec l'intention de marcher sur Paris ; plusieurs corps de cette armée pénétrèrent dans les montagnes, inquiétèrent les catholiques, trop faibles pour s'opposer à leur passage, et firent ainsi une diversion qui sauva les assiégés. Après une vigoureuse, mais vaine tentative, St-Hérem se vit contraint de se retirer et d'abandonner cette cité, qui resta aux mains des huguenots jusqu'à la paix du «août 1570 (2).

Les religionnaires trouvèrent dans ce nouveau traité de pacification des avantages auxquels ils n'auraient pas osé prétendre; ayant beaucoup perdu de leur exaltation première et lassés de la guerre, ils en acceptèrent avec empressement les conditions et parurent les vouloir exécuter fidèlement. Mais Catherine, désormais leur ennemie irréconciliable, n'avait pas renoncé à sa résolution d'anéantir leur parti en France; elle résolut de profiter de leur sécurité pour les exterminer et, habituée à ne reculer devant aucun des moyens que lui suggérait une politique cruelle et jalouse, elle détermina Charles IX, alors âgé de vingt-deux ans et soumis à toutes ses volontés, à ordonner la trop célèbre journée connue dans l'histoire sous le nom de Journée de la Si-Barthélémy.

On sait que cet horrible massacre des protestants commença à Paris le 24 août 1572, y dura trois jours entiers et y coûta la vie à plus de quatre mille personnes de tout sexe, de tout âge et de toute condition. Quand il eut été consommé, le roi et sa mère expédièrent des courriers aux gouverneurs des provinces pour leur enjoindre de faire également égorger tous les réformés qui se trouvaient dans leurs gouvernements. Quelques-uns eurent le courage de refuser d'obéir et l'histoire cite parmi eux le comte de Tende, en Dauphiné ; Chabot de Charny, en Bourgogne ; le vicomte d'Orthès, à Bayonne. On croit généralement que St-Hérem opposa la même résistance aux ordres sanguinaires delà cour; l'auteur des Annales d’Issoire lui conteste cependant cette gloire et assure qu'il n'épargna les protestants d'Auvergne que parce que ces ordres ne lui parvinrent pas (5).

(1) Lacherry, Détails, etc. Raulhac, Annot, etc.

(2) Lacherry, Détails, etc. Raulhac, Annot., etc. (J) Ann. D’Issoire.

Il est à peu près impossible de savoir la vérité à cet égard; mais il est certain que St-Hérem ne commanda aucune exécution, et que quatre - vingt protestants seulement furent égorgés par la populace à Aurillac (1).

Les réformés qui échappèrent à ces odieux massacres se hâtèrent de gagner les villes de sûreté les plus proches ou les pays coupés et d'un accès difficile. cl prirent immédiatement les armes. La cour les prit également après quelques hésitations et se détermina à faire le siège de La Rochelle. Mais elle ne put parvenir à s'emparer de ce redoutable boulevard de la réforme en France et vit périr presque toute son armée devant ses murs. Lassé d'une guerre qui (rainait en longueur et qui menaçait d'épuiser ses ressources, Charles IX se vit contraint d'accorder de nouveau la paix aux religionnaires, par un édit du 6 juillet 1573.

Mais cet édit, qui ne leur accordait d'ailleurs que la liberté de conscience sans leur garantir le libre exercice de leur culte, ne pouvait inspirer aucune confiance à des hommes si cruellement trompés; ils ne déposèrent point les armes, et une guerre de partisans succéda à la guerre générale. Ceux qui occupaient les montagnes de l'Auvergne adoptèrent un plan de campagne qui répondait à la nature des lieux et à la faiblesse de leur nombre; ils se groupèrent en deux ou trois compagnies dont chacune eut son capitaine particulier, et qui reconnurent pour commandant général Henri de Bourbon Malauze, vicomte de Lavedan. Cette organisation leur permit de porter de l'à-propos et de l'ensemble dans leurs opérations, et mit en quelque sorte le pays à leur discrétion. Vic et Chaudesaigues tombèrent en leur pouvoir; Allanche ne leur échappa que par la belle défense de son gouverneur. Gabriel de Gouzel, qui fut pour ce fait ennobli par Henri III; ils s'emparèrent de Mauriac (16 avril 1574), en détruisant les fortifications, en fondirent les cloches pour faire des canons et en brûlèrent les chartes et les litres, à l'exception de ceux du monastère de St-Pierre que, cependant, ils pillèrent.

La Haute-Auvergne était désolée par les courses et les entreprises continuelles de ces corps de partisans. Guy II, baron de Montai, qui, sur la demande même de St-Hérem, trop âgé pour suffire aux exigences de sa position de gouverneur dans ces temps difficiles, avait été pourvu du gouvernement du Haut-Pays en qualité de lieutenant (2), demanda au gouverneur général de la province un envoi de forces assez considérables pour rentrer dans les places surprises et débarrasser le pays. Il offrait, au nom des habitants, de rester chargé des frais à faire pour lever et payer les troupes et de fournir les vivres et les munitions nécessaires. St-Hérem répondit a cette demande en se rendant lui-même dans les montagnes avec un corps d'armée de près de six mille hommes (5); et, pour réduire tout d'abord le vicomte de Lavedan, il vint mettre le siège devant le château de Miremont, situé a peu de distance de Mauriac et appartenant à sa belle-mère, Madeleine de Saint-Nectaire. Mais tous ses efforts pour s'emparer de celte forteresse restèrent sans résultat. L'inexactitude que mit le pays à lui fournir les munitions qu'il lui avait promises et la vigoureuse défense que fit

(1) Mém. du prés, de Vergnhes.

(2) Mém. du prés, de Vergnhes. (3) Mém. du prés, de Vergnhes.

 Madeleine, le contraignirent d'abandonner la place, après un siège de sel semaines pendant lequel il l'avait vainement battue de neuf cents coups de canon (I). Il se retira après avoir perdu une partie de ses meilleurs soldats en essayant de se loger sur la contrescarpe (2).

Suivant d'Aubigné et quelques historiens qui l'ont copié, Montai assiégea de nouveau celle forteresse, dans le cours de l'année suivante (1575); mais ce fut encore en vain, et Madeleine lui opposa une résistance contre laquelle tous ses efforts vinrent se briser. Désespérant de s'en emparer de vive force, il eut recours à la ruse et, attaqué dans une sortie, il feignit de lâcher pied afin d'attirer dans la plaine sa redoutable adversaire, tandis que quelques hommes placés en embuscade lui couperaient la retraite et pénétreraient dans la place. Ce stratagème ne réussit qu'en partie : entraînée par la chaleur du combat, Madeleine, comme il l'avait prévu, se laissa couper; mais le château résista. Ne pouvant l'enlever. Montai eu fit occuper toutes les issues afin d'empêcher au moins Madeleine d'y rentrer. Dans cette situation critique, l'énergique châtelaine ne perdit pas courage; elle soutint le combat jusqu'à la nuit, et alors, à la faveur de l'obscurité, elle se déroba, passa la Dordogne avec une partie de son monde et alla chercher du secours à Turenne. Elle reparut deux jours après à la tête de forces imposantes, tomba à l'improviste sur les assiégeants, les dispersa, tua leur chef de sa propre main et rentra triomphante à Miremont. Mais ce siège, dans la description duquel d'Aubigné exagère évidemment, puisqu'il fait de Madeleine une amazone constamment entourée d'une suite de gentilshommes prêts à se précipiter dans tous les périls de la guerre, pour conquérir un de ses regards cl obtenir sa main, tandis que, mariée en 1548, elle devait avoir alors atteint un âge qui n'est plus celui des amours, si même elle était veuve, n'est pas mentionné par le président de Vergnhes. Il fait même mourir Montal des suites d'une blessure reçue dans une rencontre avec le vicomte de Lavedan, en 4576, et par conséquent le récit de d'Aubigné doit être rangé au nombre des chroniques dénuées de toute preuve sérieuse (3).

Les hostilités continuaient donc dans beaucoup de provinces malgré une paix apparente, et Henri III, évadé de Pologne pour venir recueillir l'héritage de son frère, commençait son règne sous les plus tristes auspices. Ce monarque, prince irrésolu, tantôt dévot jusqu'au fanatisme, tantôt livré aux plus honteux plaisirs, rendit la guerre générale, dès son avènement au trône, en ordonnant aux protestants de renoncer à leur hérésie ou de sertir du royaume; et elle ne tarda pas à se compliquer, par l'alliance que fil avec les réformés la faction des politiques, composée de catholiques mécontents qui alléguaient pour griefs la captivité de* princes d'Alençon et de Navarre.

A cette époque, un parti de religionnaires du Quercy, du Rouergue, du Languedoc et des Cévennes pénétra dans la Haute-Auvergne, se joignit à celui que le vicomte de Lavedan commandait et poussa l'audace jusqu'à oser risquer une tentative contre Aurillac. Mais il fut rudement repoussé par les habitants de cette ville et réduit à se réfugier dans les forteresses du voisinage, d'où il fut

(1) Mém. du prés. île Vcrgnhes.

(2) Mém. de Bouillon.

(3) D’Aubigné, Uisl.univ. Moréri art. Madeleine de St-Nectaire. Mezeray, Hist. du règne d'Henri III. 

encore expulsé peu de temps après (1) Une antre bande dirigea contre Issoire une attaque plus heureuse : elle s'en empara par surprise, et son chef, le fameux capitaine Merle, s'y livra à des excès inouïs que raconte avec une naïve indignation l'auteur des annales de cette ville (2).

Cependant le duc d'Alençon, qui était parvenu à s'échapper de la cour, se mit à la tête des mécontents; Henri de Navarre, qui s'en était également évade, devint le chef des réformés, et les confédérés tinrent à Moulins une sorte de diète où fut dressée une longue requête au roi (1576).

Certes, si Henri eût souscrit à toutes les demandes qui lui étaient adressées dans celle pièce, et il lui était difficile de s'y refuser, c'en était fait du catholicisme en France et probablement de sa couronne. Mais Catherine le lira d'affaire avec son habileté ordinaire ; elle s'empara de l'esprit du duc d’Alençon, le détermina à déposer les armes, et, dans le courant de mai, la paix, fut faite à des conditions avantageuses pour les politiques et pour les protestants, qui eurent, en Auvergne» Issoire pour ville de sûreté.

Tout était donc encore pacifié. Mais les catholiques ne tardèrent pas à blâmer les dispositions du traité de pacification, qu'ils trouvaient trop avantageux pour les protestants. Les Guises, profitant de ce mécontentement, organisèrent une faction nouvelle devenue célèbre sous le nom de la Sainte-Ligue et dont le but était, au moins en apparence, l'extirpation de la religion réformée en France. Cette faction, dont Henri de Guise fut l'âme et à laquelle il s'appliqua, par tous les moyens possibles, à faire des partisans dans les provinces et particulièrement d.ms la Haute-Auvergne (3), ne larda pas à devenir redoutable. Bientôt Henri ne put douter qu'elle ne menaçât plus que le protestantisme; il comprit qu'affecter de l'ignorer, c'était la rendre plus périlleuse pour lui; que la blâmer, c'était se compromettre; que la laisser se choisir un chef, c'était abdiquer : il se détermina à la reconnaître, à la jurer lui-même et à en prendre la direction.

Mais s'il amoindrissait ainsi les dangers dont le menaçait la ligue, il déclarait en même temps une nouvelle guerre aux protestants. Ceux-ci reprirent prompte ment les armes. En Auvergne, le vicomte de Lavedan réorganisa son petit corps d'armée et recommença ses courses dans les montagnes; Henri, vicomte de Turenne et duc de Bouillon , vint occuper Calvinet (A), et Merle, qui, sur les ordres du roi de Navarre, avait remis Issoire à Chavagnac , lors de la dernière pacification, se saisit d'Ambert (1577), s'y fortifia du mieux qu'il put et en fit une sorte de quartier-général d'où il partait pour tenir la campagne, poussant ses excursions jusque dans le Haut Pays et pillant ou rançonnant tout sur son passage (5). La cour, de son côté, s'empara d'Issoire, qui fut pris, pillé et rasé après vingt-quatre jours d'une résistance opiniâtre.

Cette guerre, qui n'avait encore rien de bien sérieux, pouvait devenir grave,

(1) Raulhac, Annot., etc.

(2) Ann. D’Issoire.

(3) Lett. de Charles de Loi raine à Jean de Lastic, Dictionnaire de la noblesse.

(4) Mém. de Bouillon d'Aunigné, Hist. univ. 

(5) Ann. D’Issoire. Mém. de Merle.

si les protestants, ne s'en tenant pas à leurs seules forces, appelaient des troupes étrangères dans le royaume. Henri fut informé que telle était leur intention, et, la crainte de les voir prendre ce parti extrême, le détermina à profiter de ses médiocres succès pour terminer les hostilités par un nouveau traité qu'il signa le 17 septembre 1577 et qui est connu dans l'histoire sous le nom de Traité de Bergerac. Mais on avait fait trop de traités et on les avait trop peu respectés pour que celui-ci pût inspirer la moindre confiance; les religionnaires n'en tinrent aucun compte, restèrent les armes à la main, firent de nouveau succéder une guerre de partisans à la guerre générale, et ceux qui étaient réunis dans le Quercy, le Rouergue, le Limousin, les Cévennes et le Languedoc, continuèrent leurs excursions dans les provinces voisines.

Maîtres de Vic, ils résolurent d'approvisionner de vivres et de munitions celle petite ville, dont la situation entre Aurillac et Murât leur paraissait singulièrement avantageuse pour en faire le centre de leurs opérations dans les montagnes; et un convoi considérable, que Merle fut chargé par eux d'y conduire, donna lieu à un combat qui n'est pas sans quelque célébrité dans l'histoire du pays.

Avertis de l'approche de ce convoi et informés qu'il devait passer par un défilé facile à garder, une troupe choisie et bien montée, de soixante gentilshommes catholiques, se rendit secrètement sur les lieux et s'y posta en embuscade, après avoir fait occuper les hauteurs par des troupes sûres qui eurent ordre de ne se montrer qu'à un signal donné. Merle paraît bientôt et s'engage sans méfiance dans la gorge. Soudain la trompette sonne; il est entouré de toute part et les hauteurs se couronnent de soldats qui criblent ses gens d'arquebusades meurtrières. Mais le hardi et habile partisan ne se laisse point déconcerter par cette attaque inattendue ; il fait immédiatement couper les cordes qui retiennent les ballots, laisse aller à l'aventure les mulets qui les portaient et ordonne d'aborder hardiment les catholiques, de se faire jour à tout prix et de fuir jusqu'à un signal convenu. Il est obéi. Après deux charges meurtrières dans lesquelles succombent vingt-trois hommes, les protestants parviennent à faire une trouée et s'échappent. Les catholiques les poursuivent pendant quelques instants; mais ils les abandonnent bientôt pour revenir au champ de bataille, où les attirent les ballots délaissés. Le pillage succède au combat; les provisions sont éparpillées sur le sol, les outres sont ouvertes; on boit, on s'enivre, et le désordre est complet. Merle a prévu ce qui se passe; il rallie son monde, fait volte-face, fond sur les catholiques, et, par son apparition soudaine, les jette dans une confusion extrême. Vainement quelques gentilshommes qui n'ont pas pris part à l'orgie et parmi lesquels on compte Neyrebrousse, de Plargues, de Roussière, .de Bordes, de Fontanges, tentent de rétablir l'ordre et d'organiser quelque résistance ; ils périssent tous sans y pouvoir réussir, et l'ennemi fait parmi les leurs un nombre de prisonniers tel, qu'il le dédommage amplement de la perte de son convoi (1).

Le même capitaine qui, après avoir perdu Ambert, était à la recherche d'une résidence où il pût se retirer en maître, tenta, l'année suivante (1578), de s'emparer de Saint-Flour ; mais il fut moins heureux. A la tête d'un petit nombre

(I) Imberdis. Hist. des guerres religieuses en Auvergne.

d'hommes intrépides et décidés à tout, il se présenta sous les murs de celle ville, dans la nuit du 9 au 40 août, y appliqua ses échelles au seul point où le rocher était accessible, monta sans bruit a l'escalade et pénétra dans la cité en passant par un égout. Dès-lors il s'en crut maître et fit sonner ville gagnée. Mais le son même de la trompette donne l'alarme aux habitants que rien n'a prévenu encore de leur grave péril; le consul Brisson-dc-Chaumette, réveillé en sursaut, comprend l'imminence du danger ; il se précipite à peine vêtu; il appelle; à ses cris accourent quelques hommes déterminés; il en prend le commandement, charge hardiment l'ennemi sans se laisser arrêter par deux coups d'épée qu'il reçoit sur la tête, le refoule et le force à se précipiter par-dessus les remparts, laissant en témoignage de sa défaite la trompette qui a donné si imprudemment l'éveil à la ville (1).

Maurs subit, peu de temps après, une attaque semblable, et y échappa également par la bravoure du même consul dont les services, dans celle double circonstance, furent récompensés plus tard par des lettres de noblesse.

Au reste, les protestants échouèrent dans presque toutes les tentatives qu'ils firent à cette époque dans le Haut-Pays ; s'ils parvinrent à s'emparer du château de Peyrusse, ce fut pour le perdre presque aussitôt, et ils ne purent conserver Combrelles, qu'ils avaient surpris, mais qui leur fut enlevé par les habitants du pays, sous les ordres de d'Anteroche (2).

C’était là une série de revers; ils n'en furent pas découragés et n'en continuèrent pas moins leur guerre de partisans. Le marquis de Canilhac, qui avait succédé au baron de Montai dans les fonctions de lieutenant du roi, résolut d'y mettre un terme. Il écrivit à Jean de Lastic, seigneur de Sieugheac, pour l'engager à lever des troupes, afin de veiller à la conservation du pays d'Auvergne (3) ; il adressa à Comblât, gentilhomme de la chambre , une commission pour garder avec soin, à la tête d'un corps d'arquebusiers, le fort de Polminhac, qu'il importait de ne point perdre à cause de sa proximité d'Aurillac, et fit démanteler plusieurs autres places moins importantes et qu'il eût peut-être été difficile de mettre à l'abri des coups de main de l'ennemi. Ces premières mesures prises, il forma un camp de rassemblement et ouvrit une campagne régulière dans laquelle ses troupes, toujours sur pied, devinrent de véritables colonnes mobiles qui se portaient partout où le danger se montrait et auxquelles on dut prêter main forte, sous peine d'être considéré comme rebelle.

Cependant Dienne et la Chapelle-Moissac étaient lombes au pouvoir des religionnaires, et de ces deux points importants ils menaçaient Murat. Canilhac se hâta de prendre les mesures nécessaires pour mettre cette ville à l'abri de leurs attaques; il en augmenta la garnison, y fit conduire des canons et des munitions, l'entoura de petits forts détachés et confia enfin la garde du château de Bonnevie à un homme sur lequel il pouvait compter.

Tout cela démontrait le projet d'en finir avec la guerre civile. Lavedan le comprend

(1) Mss. d'Audigier. Mém. de Merle.

(2) Archives de Combrelles.

(3) Dict. de Ia Noblesse, art. Lastic.

et sent la nécessité d'augmenter ses moyens de résistance. Il engage les protestants du Rouergue, retirés au Mur-de-Barrez, à venir le joindre dans la Haute Auvergne. Ceux-ci se mettent immédiatement en route, et, dans la nuit du au 5 août 1581, arrivent aux environs d'Aurillac et veulent essayer de s'en emparer par surprise.

Ils s'approchent donc en silence des murailles de cette ville et y appliquent deux échelles entre les tours de Malras et de Seyrac. Soixante à quatre-vingts des leurs s'y élancent, atteignent le sommet du rempart, tuent le soldat de garde à la tour de Seyrac et se disposent à y pénétrer pour descendre dans la rue d'Aurinques. Mais une sentinelle a entendu quelque bruit ; elle accourt et les contient un instant; une autre, avertie par ses cris, se hâte de donner l'alarme. On se lève; on se précipite, les uns sans vêtements, les autres sans armes; le trompette de l'ennemi, qui sonne déjà ville gagnée, est renversé d'un coup d'arquebuse ; on se mêle dans les ténèbres et la lutte devient terrible. Les protestants désespèrent bientôt de s'emparer de la tour, qui est défendue avec une invincible opiniâtreté; une partie d'entr'eux se jette sur le toit d'une maison voisine, pour descendre dans la rue par les greniers; ce mouvement est remarqué par Guinot de Veyre, un des plus généreux enfants d'Aurillac; il comprend leur intention, accourt avec quelques braves et s'élance dans celte maison pour leur barrer le passage. Mais pendant qu'il y oppose la plus énergique résistance, la fatale pensée d'y mettre le feu vient à d'autres combattants; l'incendie fait de rapides progrès : assaillants el assaillis périssent misérablement.

Repoussés de la tour de Seyrac et chassés par les flammes, les religionnaires ne renoncent pas encore à leur projet ; ils tournent leurs efforts du côté de la tour de Malras et cherchent à s'en emparer. Mais vaincus encore par la bravoure des habitants d'Aurillac, ils finissent par être contraints à se précipiter du haut des murailles dans la campagne, et s'éloignent en désordre, abandonnant leurs armes, leurs échelles, jusqu'à la trompette qui a annoncé prématurément la victoire, et laissant sur le champ de bataille un bon nombre de morts el de blessés. „

Avec le jour, qui ne tarda pas à paraître, Aurillac put connaître les perles qu'il avait faites. Elles étaient considérables, et l'histoire nous a conservé les noms de Pierre Moles, Pierre de Tourdes, Pierre Combes, Guillaume Maury , Laurent Guiral, Jean Laparra et Jacques Lagarde parmi ceux des braves dont elle eut à déplorer la mort. Mais le plus regretté de tous fut, sans contredit, Guinot de Veyre. On chercha son corps; il avait été défiguré par les flammes, et on ne put le reconnaître qu'à une bague, gage d'amour d'une demoiselle de Cayrols qu'il devait épouser. Ses tristes restes furent pieusement recueillis, et sa fiancée, inconsolable, se retira au couvent du Buis, où elle mourut l'année suivante.

Aurillac avait échappé aux huguenots ; mais il aurait pu tomber en leur pouvoir, et ce qui venait de se passer prouvait suffisamment la nécessité de prendre des mesures pour le mettre désormais à l'abri de leurs tentatives. Ses consuls, son clergé et ses principaux habitants se réunirent, le 21 du même mois, en assemblée générale, pour aviser en commun aux moyens de défense. Il fut lu dans cette réunion une lettre du marquis de Canilhac, qui donnait avis de l'intention où il était de mettre dans la ville, pour lu protéger, une garnison de cent hommes, dont il réservait le commandement à Robert de Lignerac, mais en laissant le choix des capitaines aux consuls, ayant désir, disait-il, de ne faire chose contraire à la volonté desdits consuls. Celle communication du lieutenant du roi fut bien accueillie. Le premier consul, de Veyre, y ajouta une proposition qui obtint également l'assentiment général; ce fut de renforcer la garnison d'autres cent soldats, levés partie parmi les habitants, partie parmi les troupes étrangères. Il fut décidé, en outre, que les haies, les arbres et les murailles trop proches de l’enceinte de la cité, et qui avaient, sans doute, servi à l'ennemi pour dérober ses mouvements ou pouvaient lui servir plus tard, seraient abattus. Enfin l'assemblée, avant de se séparer, voulant consacrer le souvenir de la protection divine dont Aurillac avait ressenti les effets dans cette circonstance critique, et de sa glorieuse défense, arrêta qu'il y serait fait, le 5 août de chaque année, une procession générale, et que la trompette conquise sur l'ennemi serait appendue dans l'église paroissiale^ avec celle inscription :

Buccina hoslium Christi et ecclesiae

Proditorum urbis et palriœ.
Quasi morientes et ecce vivimus;
A Domino factum est istud

Et est mirabile.
Anno Domini Mdlxxxi (1).

En même temps que la municipalité d'Aurillac prenait ces mesures, la noblesse des prévôtés poursuivait l'exécution du plan de campagne adopté par le marquis de Canilhac pour arriver à la pacification du pays. Prévenue que le petit corps de protestants venu de Mur-de-Barrez y était retourné, à la suite de l'échec qu'il avait essuyé, elle résolut de lui enlever celte place et s'assembla avec le tiers état, le 25 août 1581, pour députer Comblât vers le roi et lui demander un secours qui permit d'en faire le siège. Ce secours fut immédiatement accordé. Raymond de Missillac, cadet de la maison de Rastignac, en Périgord, prit le commandement du corps expéditionnaire qui fut organisé; le Mur-de-Barrez fut investi et capitula le 1er novembre de la même année.

Quoiqu'affaiblis par ce revers et par ceux qui l'avaient précédé, les protestants n'en continuèrent pas moins la guerre les années suivantes; mais ce fut sans succès : l'ensemble mis par les catholiques dans leurs opérations, fut un obstacle contre lequel vinrent se briser désormais tous leurs efforts. Henri de Lavedan rentra au Mur-de-Barrez en 1582; mais il ne put le conserver. Lapeyre-Teule. capitaine secondaire de la réforme, après avoir risqué, à-peu-près à la môme époque, une nouvelle tentative contre Aurillac qui fut sans résultat, parvint à s'emparer de Maurs et de Cariât, mais ces deux places lui échappèrent bientôt, et l'on vit, en 1585, arriver en fugitive dans la dernière place, la malheureuse reine de Navarre, Marguerite de Valois.

(I) P. Daniel. Hist. de Fr. Détails historiques sur la tentative faite contre Aurillac. le 5 août 1581. Ann. Mss. d'Aurillac.

On sait que celle princesse, après avoir, par ses séductions, contribué à faire réussir la convention de Nérac, que les catholiques ne lui pardonnaient pas, avait été assez malheureusement inspirée pour s'aliéner encore les religionnaires, en embrassant la cause d'Henri de Guise. Devenue ainsi un objet de haine et de mépris pour les deux partis, elle avait quitté Nérac, en s'étayant de l'excommunication fulminée contre son mari, et s'était emparé, au nom de la ligue , de l'Agenois, qui lui avait été donné en dot.

Cette province, pressurée outre toute mesure par M"" de Duras, à qui Marguerite en avait abandonné l'administration, n’avait pas tardé à se soulever contre elle et l'avait contrainte à s'éloigner précipitamment. Escortée de quatre cents gentilshommes et de quelques personnes de sa cour, dont plusieurs furent tués par des arquebusiers postés sur son passage, Marguerite fit plus de quatre-vingts lieues à cheval, en croupe derrière Lignerac, et arriva, épuisée de fatigue, sur les frontières de l'Auvergne. Marcé, frère de Lignerac et bailli général au commandement des montagnes, l'y attendait à la tête d'une centaine de gentilshommes ; il la reçut avec les honneurs qu'exigeait son rang, avec les égards que réclamaient ses malheurs, mais la retint prisonnière et l'enferma à Cariât.

Après un séjour de dix-huit mois dans celte place forte, soit qu'elle voulût fuir une épidémie qui faisait de grands ravages dans le pays, ainsi que l'assurent les Annales d'Aurillac, soit qu'ayant tenté de s'emparer du château qui lui servait de prison et qu'étant menacée , pour ce fait, d'être livide à son frère, elle voulut éviter ce péril, Marguerite s'en évada secrètement et se réfugia à Ybois, près d’Issoire. Mais la liberté qu'elle avait reconquise lui fut bientôt ravie de nouveau, et, à peine était-elle arrivée dans celle forteresse, qu'elle y fut arrêtée par le marquis de Canilhac, qui la conduisit à Usson.

On a beaucoup écrit, et dans des sens bien opposés, sur le séjour que fit la malheureuse reine dans cette dernière place, dont elle parvint à s'emparer et qu'elle habita plusieurs années. Bayle, Dupleix ,'d'Aubigné, Davila, Busbec, Varillas disent qu'elle en fit une ile de Caprée et qu'elle s'y livra à des désordres de tout genre; le père Hilarion de Costes, au contraire, et la plupart des gens de lettres qu'elle combla de bienfaits, assurent qu'elle en fit un Thabor par sa dévotion, un Liban par son isolement, un Olympe par ses exercices, un Parnasse par ses travaux littéraires et un Caucase par ses afflictions.

Tout cela porte le cachet de l'exagération, et Marguerite ne mérita sans doute ni tant de blâmes, ni tant d'éloges. Ses désordres, malgré ce qu'ont pu dire les uns, ne sauraient être niés, el elle ne justifia que trop, par la dissolution de ses mœurs, ce mot de Charles IX : en donnant ma sœur Margot au prince du Béarn, je la donne à tons les huguenots du royaume; mais il est à croire qu'elle ne se livra pas à tous les excès que lui ont attribué les autres. Elle méritait peut-être, d'ailleurs , plus d'indulgence qu'ils ne lui en ont accordé ; ils n'ont pas réfléchi que le sang italien coulait dans ses veines , et que l'éducation qu'elle avait reçue dans une cour dissolue n'était guère propre à mettre un frein à la violence des passions qu'elle tenait de la nature; ils ne se sont pas souvenus qu'elle aimait Henri de Guise et que la politique la jeta dans les bras de Henri de Navarre qu'elle haïssait ; ils ont oublié surtout que , quelles que fussent ses fautes , elle possédait des qualités du cœur et de l'esprit capables de faire pardonner bien des faiblesses.

Cependant le duc d'Alençon était mort à Château-Thierry, et cet événement menaçait le pays de troubles encore plus graves que ceux qui l'avaient agité jusqu'ici. Les catholiques frémissaient à la pensée qu'un prince protestant devenait l'héritier présomptif de la couronne; ils craignaient pour la France le sort de l'Angleterre, entrainée dans l'hérésie par son roi. Les rangs de la ligue se grossissaient de tous ceux que dominait cette inquiétude assez fondée, au moins en apparence, et Henri de Guise, le cardinal de Lorraine et le duc de Mayenne, tous trois habiles, caressants, accessibles, populaires, ne négligeaient rien pour augmenter le nombre de ses partisans.

Les proportions que prenait ce parti inquiétaient chaque jour davantage Henri III, qui avait cessé d'en être considéré comme le chef et n'avait pu lui faire accepter Joyeuse à sa place; il s'efforçait d'en arrêter les progrès par tous les moyens dont il pouvait disposer. Ayant eu avis que Louis de Larochefoucaud, comte de Randan, qui avait été nommé quoique fort jeune au gouvernement de la Basse-Auvergne, en remplacement de Saint-Hérem, et peu après à celui de la Haute, par suite de la démission de Canilhac, paraissait incliner vers les ligueurs, il lui écrivit pour le retenir dans le devoir et chargea en même temps Meilhaud, seigneur d'Allègre, de le surveiller et de lui rendre compte de l'esprit de la province.

Mais il était trop tard. Gagné par le duc de Guise, le comte de Randan était déjà acquis à la ligue; il ne tint aucun compte des recommandations du roi et résolut, au contraire, d'assurer au parti auquel il s'était voué les villes de son gouvernement, en y mettant des garnisons ligueuses. Après avoir exécuté ses desseins à Issoire, il s'achemina vers le Haut-Pays; mais il le trouva peu disposé à l'accueillir, quoique Lignerac, devenu son lieutenant dans cette partie de la province, et Marcé y eussent entrainé une partie de la noblesse. Chapt-de-Rastignac, à qui il avait fait confier, en 1585, le gouvernement d'Aurillac , en remplacement de Lignerac, avait d'abord penché vers la ligue et avait voulu y attirer les populations delà Haute-Auvergne, ce qui lui paraissait d'autant plus facile, que le succès de sa dernière expédition contre les protestants lui avait valu une certaine influence, et que les seigneurs de Lastic, de Reilhac et de Drugeac, ne connaissant pas les intentions du roi, attendaient, bien que royaux, les événements pour se prononcer; mais la résistance que lui avaient opposée les villes d'Aurillac, de Saint-Flour et de Salers, et la crainte de perdre son gouvernement, l'avaient déterminé depuis à revenir à la cause d'Henri. Dès-lors, tous ses efforts avaient tendu à maintenir le pays sous son obéissance et il y avait réussi. Randan, dont les tendances étaient connues, n'y fut reçu qu'avec méfiance et mécontentement; l'entrée du château de Mural lui fut refusée; il convoqua vainement les Etats de la Haute-Auvergne dans cette ville, elles prévôtés de Maure et de Mauriac se rendirent seules à cette convocation ; enfin il apprit bientôt qu'tin nombre considérable de Montagnards, excité par Rastignac, se disposait à venir l'attaquer; il dut renoncer à une entreprise qui n'avait aucune chance de succès et redescendit à Issoire, d'où il ne tarda pas à repartir, prévenu par Henri de Guise que la guerre était commencée, et qu'il le fallait venir joindre à Montbrison, pour marcher sur Lyon (1).

La guerre dont parlait Guise et qui venait, en effet, d'éclater entre la cour et la ligue, ne fut pas de longue durée; mais le traité qui la termina devait nécessairement en allumer une autre. Henri, impuissant à réduire les factieux, n'avait pu acheter la paix qu'en s'obligeant, de la manière la plus formelle, à ne plus tolérer en France d'autre culte que le catholique, et il était clair qu'un pareil engagement, s'il devait faire déposer les armes aux ligueurs, devait infailliblement les faire prendre aux protestants.

Ce fut ce qui ne manqua pas d'arriver, et, sous le prétexte de celte nouvelle levée de boucliers, ceux qui occupaient le Haut-Pays y continuèrent la guerre de partisans qu'ils y faisaient depuis longtemps, quoique sans succès. Ils s'emparèrent de nouveau de Calvinet, et, enhardis par ce léger succès, ils voulurent essayer de surprendre Salers; ils se présentèrent devant cette ville, le 1" février 1586, y pénétrèrent d'abord sans difficultés et s'établirent dans quatre de ses principales rues; mais dès qu'ils furent avertis de leur présence, les habitants se réunirent en toute hâte, fondirent sur eux avec impétuosité, les chassèrent de rue en rue et les précipitèrent par-dessus leurs murailles, après une lutte acharnée dans laquelle vingt-deux chefs de famille trouvèrent la mort (2).

Cependant, comme il eût été facile de le prévoir, les concessions du roi, quelque exorbitantes qu'elles fussent, ne purent longtemps suffire à un parti dont le but réel n'était pas l'anéantissement du protestantisme en France; il en demanda bientôt de nouvelles, s'arma contre le monarque, osa l'assiéger dans le Louvre et le contraignit à se réfugier à Rouen.

L'insurrection, une fois déclarée, ne tarda pas à s'étendre aux provinces, et le comte de Randan recommença ses tentatives pour lui conquérir la Haute-Auvergne. Sous le prétexte de reprendre Calvinet aux huguenots, il somma la noblesse de se joindre à lui et reparut dans les montagnes à la tête de trois à quatre cents cuirasses et de seize cents arquebusiers commandés par Lugeac, bâtard de Jean de Lastic, qui, entraîné par le cardinal de Lorraine, avait fini par se prononcer en faveur de la ligue et en était devenu un des principaux soutiens. Mais il ne fut pas plus heureux que la première fois. La ville de Salers, devant laquelle il se présenta d'abord (1588), comptant sur des secours qui lui avaient été promis en cas d'attaque, refusa de lui ouvrir ses portes, et il n'osa pas tenter de les forcer. Rastignac, accompagné de deux cent cinquante arquebusiers et de quatre-vingts maîtres, vint lui barrer le passage sur la route d'Aurillac, où il voulait se rendre, retint prisonniers, sans vouloir les entendre, Lugeac et trois autres gentilshommes qu'il lui avait envoyés en parlementaires, le battit à trois reprises différentes et le força à regagner le Bas-Pays (3).

L'édit de réunion rétablit de nouveau la paix; car on ne cessait pas, dans ces temps malheureux, de la faire et de la rompre. On y vit, avec étonnement, Henri III accorder ce qu'il avait refusé en face des barricades ; mais il avait ses

(1) Mém. du prés, de Vergnhes.

(2) Mém. du prés, de Vergnhes.

(3) Mss. d'Andigier.

raisons; il y jura de ne poser les armes qu'après la destruction des hérétiques, déclara déchu de ses droits au trône tout prince non catholique, nomma Guise lieutenant-général et convoqua les Etats-Généraux à Blois.

On sait quelle fut l'issue de ces Etats, où Henri III fit assassiner son redoutable rival, dont il lui était impossible désormais de paralyser la puissance, croissant chaque jour au détriment de la sienne. Ce meurtre ne pouvait manquer de soulever une horrible tempête; le roi le prévit et s'efforça de la prévenir, en adressant à ses sujets une lettre qui en était l'explication et la justification, a Chers et bons amis, leur disait-il, il n'est pas besoin que nous répétions les occasions qui nous ont été données , par le feu duc de Guise , de nous repentir des troubles qu'il a suscités dans notre royaume. De quoi nous l'avons voulu retirer et mettre au droit chemin; mais il n'y a eu bienfaits ni gratifications capables de le faire rentrer dans le devoir. Au contraire, il avait toujours quelques mauvais desseins contre notre personne, laquelle désirant conserver, nous nous sommes avisé le premier à garantir notre vie, par la perte de la sienne. Ce de quoi nous avons bien voulu vous avertir, afin que vous n'ajoutiez foi aux faux bruits contraires qui pourraient courir, vous voulant bien dire que notre intention de maintenir la foi catholique, apostolique et romaine, n'est en rien diminuée. » Mais cette lettre ne satisfit et ne rassura ni les protestants, ni les ligueurs. Tandis que les premiers y trouvèrent une menace formelle, les seconds n'y virent que de vains efforts pour justifier un crime injustifiable et des protestations sans sincérité. La persécution parut imminente aux uns comme aux autres; chaque ville, chaque châtellenie se rangea sous une bannière, et l’Auvergne, comme tout le royaume, se trouva divisée en trois partis, tenant, l'un pour le roi, l'autre pour la ligue et le dernier pour la réforme (1).

La guerre recommença plus furieuse que jamais, et Mayenne, retiré en Bourgogne, somma le comte de Randan de reprendre les armes sans délai. Ce jeune seigneur n'y était que trop porté par ses propres sentiments; il y était d'ailleurs engagé avec instance par sa mère, Fulvie de La Mirande, qui, retirée à Billom, ville peuplée de jésuites fanatiques dont elle partageait l'exaltation, le pressait de se montrer digne du nom qu'il portait, et par son frère, François de Larochefoucaud, évêque de Clermont, qui le suppliait de courir, en ce moment suprême, à la défense de la religion de leurs pères (2). Il n'hésita pas et résolut de saisir la première occasion pour déployer de nouveau l'étendard de la ligue en Auvergne. Cette occasion ne se fit pas attendre long-temps.

Dubourg, marquis du Sailhans et fils de cet autre Dubourg qui avait péri brûlé dans un four, avait, nonobstant la paix, continué la guerre contre les catholiques, ainsi que l'avaient fait, du reste, tous les protestants. Us était emparé du château de Lastic, pour se dédommager de la perte de celui du Sailhans, qui lui avait été pris. Depuis, par suite d'arrangements, il était rentré dans sa propriété, en -restituant sa conquête, et, une fois rétabli dans son château du Sailhans, en avait fait une sorte de quartier-général, d'où il ne cessait de faire des excursions sur le

(1) Mem. du prés, de Vergnhes.

(2) Mss. D’Audigier.

territoire de Brioude. Les treize bonnes villes de la Basse Auvergne eurent l'imprudence d'engager le comte de Randan à prendre des mesures pour faire cesser ces désordres. Celait lui fournir l'occasion qu'il cherchait; il en profila avec empressement, et, ayant réuni a Billom un corps de troupes d'une certaine importance, il marcha sur Brioude, y trouva Dubourg, qui avait enlevé les châteaux du Mas et de Saint-Just, voisins de cette ville, et se disposa à l'attaquer. Mais ce seigneur, hors d'état de lui tenir tête, fit une trouée et s'échappa pendant la nuit (J).

Le but de l'expédition, qui n'était que de débarrasser le territoire de Brioude de cet incommode voisin, se trouvait atteint, et Randan aurait dû licencier son petit corps d'armée; il en fut instamment prié par les habitants de Clermont; mais il n'eut garde d'en rien faire, allégua d'abord qu'il lui fallait encore reprendre quelques places occupées par des partis hostiles, pour assurer définitivement la tranquillité du pays (2), puis cessa de dissimuler ses intentions, les proclama ouvertement et ne négligea désormais ni intrigues, ni promesses , ni même tentatives à main armée pour s'emparer, au nom de la ligue, des villes de son gouvernement.

Cependant la cour prenait, de son côté, des mesures pour conserver cette province et adressait a Rastignac et a Drugeac, dont l'influence dans la Haute Auvergne lui était connue, les plus vives recommandations. Le premier lui resta fidèle et continua de la servir chaudement; mais le second, pratiqué par Lignerac, qui lui offrit la lieutenance du pays sous le gouvernement de Randan, s'il voulait embrasser la cause des ligueurs, l'abandonna et employa bientôt tous les moyens en son pouvoir pour lui enlever des partisans.

A son instigation, les députés du pays, revenus des Etats de Blois, donnèrent l'idée de tenir des Etats particuliers; il espérait beaucoup de l'entraînement qui résulterait de celte mesure, et elle devait, dans tous les cas, l'éclairer sur les tendances de la contrée. Ces Etats furent convoqués, en effet, et furent tenus à Saint-Flour, dans le mois de mars de l'année 1589. Une partie des prévôtés y jura la ligue; mais le délégué d'Aurillac n'y parut pas et celui de Salers refusa de s'engager.

Drugeac ne pouvait espérer d'avoir assez d'action sur Aurillac pour le faire changer de sentiments; mais il lui sembla facile de contraindre Salers à renoncer à la neutralité. Il résolut de s'en emparer par un coup de main et y introduisit, dans ce but, quelques hommes déterminés, qu'il chargea de lui ouvrir les portes pendant la nuit. Attendant, sans doute, un signal pour agir, ces hommes vaguaient à une heure indue dans les rues de celle ville, lorsqu'ils furent rencontrés par Claude de Vergnhes, receveur des tailles de la Haute-Auvergne, qu'accompagnaient quelques personnes. Leur trouvant une apparence suspecte, de Vergnhes n'hésita pas à les charger; ils lui résistèrent résolument, le frappèrent d'un coup d'épée et mirent en fuite ceux qui le suivaient. Cet événement fut bientôt connu de toute la ville et y produisit une vive irritation; les habitants s'armèrent de

(1) Ann. d'Issoire.

(2) Ann. d'Issoire.

tout ce qui tomba sous leurs mains, coururent sur les ennemis, les forcèrent de fuir à leur tour et les contraignirent à se réfugier dans une maison, où ils furent assiégés le reste de la nuit. Drugeac se vit réduit à venir les réclamer le lendemain, et ne les obtint qu'en jurant qu'il était loyal serviteur du roi (1)

Mais cet échec ne le découragea pas, et il revint encore à son projet peu de temps après. II introduisit encore dans Salers, le 11 avril suivant, une trentaine d'hommes qui y passèrent la nuit sous les armes. La présence de ces étrangers et l'ignorance de ce qu'elle présageait, jetèrent la ville dans la consternation. Le président de Vergnhes, le même qui nous a laissé des mémoires importants sur ces époques d'agitation, s'enferma dans le château, et son frère, à la tête de tout ce qui était capable de porter les armes, passa la nuit à la garde de la cité, dont l'inquiétude était extrême. Le lendemain, dès le point du jour, une vingtaine de gentilshommes, accompagnés d'une centaine de soldats, se présentent à la porte principale; elle se ferme devant eux; ils tournent vers le château ; l'entrée leur en est également refusée, et ils sont contraints de s'éloigner. Prévenu de ce qui se passe, Drugeac, après avoir laissé à une petite, distance un' corps de deux cents arquebusiers et de soixante chevaux, se présente à son tour; mais il n'est pas mieux accueilli. Il affecte d'en être surpris et demande à parler au consul ; il lui dit qu'il a appris, de manière à n'en pas douter, que Salers doit être attaqué très-incessamment par un parti appartenant au roi de Navarre, et que cet avis l'a déterminé à occuper la ville pour la protéger contre celte attaque, comme tel est son devoir, en sa qualité de lieutenant du Haut-Pays, fonction qu'il tient du comte de Randan lui-même, dont il montre la commission. Sans discuter le plus ou moins d'exactitude de ses paroles, ni la valeur de sa commission, le consul lui demande un délai de deux jours pour délibérer sur ce qu'il a à faire. Drugeac, à cette réponse, comprend qu'il est deviné; il feint d'accorder le délai demandé, se fait rendre ses hommes et se relire plein de confusion, tandis que le consul, éclairé sur sa défection, se baie d'envoyer des courriers à Mauriac, à Pleaux et à Saint-Chamant, et détermine, par celte démarche, ces places à ne pas recevoir de garnisons de lui.

Salers, petite ville insignifiante aujourd'hui, mais importante alors, montra constamment la même énergie et sut conserver son indépendance pendant ces temps difficiles ; au milieu des troubles qui agitèrent si long-temps le pays, elle ne put être occupée par aucun parti, bien qu'elle fût convoitée par tous, et mérita ainsi le surnom glorieux de ville pucelle qui lui fut donné (2).

Cependant le roi de Navarre, qui ne prenait part qu'avec un profond regret à une guerre civile si fatale à la France, publia un manifeste dans lequel il rendait compte de ses véritables dispositions. Il y faisait les plus touchantes protestations de tendresse pour le roi et y déplorait amèrement les malheurs du royaume. « Plût à Dieu, s'écriait-il, que je n'eusse jamais été capitaine, puisque mon apprentissage devait se faire aux dépens de la France! Je suis prêt à demander au roi, mon seigneur, la paix, le repos de son royaume et le mien. » Ce manifeste,

(1) Mém. du prés, de Vergnhes.

(2) Mém. du prés, de Vergnhes.

plein de modération, émut la cour; on pressa le roi de cesser de s'humilier devant des ennemis qui le dédaignaient et le bravaient, et d'ouvrir ses bras au roi de Navarre, qui ne demandait qu'à faire cause commune avec lui; il céda enfin et consentit à une trêve de trois ans avec le prince béarnais. L'entrevue des deux rois eut lieu peu après au château du Plessis-les-Tours, et Henri de Navarre y montra une confiance qui, certes, n'était qu'apparente; car il écrivait en sortant : • La glace a été rompue, non sans nombre d'avertissements, que, si j'y allais, j'étais mort: j'ai passé l'eau en me recommandant à Dieu. • Cette confiance désarma pour toujours Henri III. La fureur de la ligue n'eut plus de bornes, lorsqu'elle vit les deux rois contracter une alliance qui allait unir les royalistes et les protestants. Elle eut recours au crime pour soutenir sa cause désormais perdue, et Henri III tomba sous le couteau de Jacques Clément.

On apprit cet odieux attentat à Clermont, le 10 août suivant. Aussitôt, les seigneurs et les notables de l'Auvergne s'y réunirent au nombre de quatre cent Trente-six, proclamèrent Henri IV et lui prêtèrent serment de fidélité. Celte démarche et une bataille que le comte de Bandan perdit à Cros-Rolland, près d'Issoire , furent mortelles à la ligue dans cette province, et on n'en trouve plus de traces dans les annales du Haut-Pays, si ce n'est la perte qu'elle fit du château de Lastic, la tentative qu'elle risqua vainement contre Marcolès, et la nomination dérisoire que fit le duc de Nemours de Philippe d'Apchier au gouvernement de Saint -Flour. Il fallut cependant l'abjuration d'Henri IV, pour la faire disparaître entièrement de ces montagnes dont la population était profondément catholique.

Les annales de la Haute-Auvergne, à dater de cette mémorable époque, présentent peu de faits dignes d'attirer l'attention de l'historien et peuvent être par conséquent rapidement parcourues.

On sait que sur la demande d'un chef revêtu d'une autorité supérieure, demande faite au roi par cette province, qui attribuait avec raison à son absence la division des royalistes pendant les troubles qui venaient de finir, Henri IV lui donna pour gouverneur Charles de Valois, fils de Charles IX et de Marie Touchet, d'abord grand prieur de France , puis comte d'Auvergne, par suite du legs que lui fit Catherine de Médicis du second comté d'Auvergne, qu'elle avait donné en premier lieu à sa fille Marguerite, mais qu'elle lui avait retiré.

Le comte d'Auvergne servit d'abord le roi avec dévouement dans le poste qui lui avait été confié; mais bientôt, l'ambition de sa sœur, la marquise de Verneuil, qui avait rêvé le trône de France et ne pouvait supporter la pensée d'y voir monter Marie de Médicis, l'entraina dans le parti des mécontents ; il s'associa avec le maréchal de Byron et le duc de Bouillon, tous deux chefs de ce parti, entama des correspondances avec les ennemis de l'Etat et essaya même de faire soulever les populations de la Guyenne, du Poitou et de l'Auvergne. Arrêté en 1602, en même temps que le maréchal de Byron et convaincu du crime de haute trahison, sa tête eût du tomber; mais Henri IV voulut user de clémence envers ce dernier rejeton du sang des Valois, et il fut rendu à la liberté, après quelques mois de détention à la Bastille.

Cette première leçon ne lui fut pas profitable. Irrité d'avoir perdu un procès que lui avait intenté Marguerite pour recouvrer le comté d’Auvergne, dont elle prétendait avoir été injustement dépouillée par sa mère, il reprit ses intrigues avec l'étranger, porta encore l'agitation dans l'Auvergne et y mena, pendant quelques mois, la vie d'un rebelle. Le surplus de son histoire est assez connu. On sait qu'arrêté de nouveau en 1604, il fut encore gracié par le roi, qui commua la peine de mort à laquelle il avait été condamné, en une prison perpétuelle, et qu'après un séjour de onze ans à la Bastille, pendant lequel il eut le temps de réfléchir sur ses inconséquences et ses fautes, il fut rendu à la liberté, et, sous le titre de duc d'Angoulême, se montra désormais sujet fidèle et utile.

Il ne parait pas, toutefois, que ce seigneur ait compté beaucoup de partisans dans la Haute-Auvergne; car il n'y put, en 1602, ni gagner, ni réduire la ville de Saint-Flour, dont il voulait faire sa place d’armes, et ses menées n'y occasionnèrent aucun trouble sérieux.

Mais cette partie de la province fut singulièrement agitée, quelques années après (1635), par l'établissement des droits menus, sorte d'impôt perçu sur les animaux à pieds fourchus et qui, par conséquent, devait lui être particulièrement onéreux. Un certain Isaac Dufour, originaire d'Allanche et habitant de Murât, s'était chargé d'en opérer le recouvrement; il éprouva la plus vive résistance de la part des paysans. Ils se soulevèrent, malgré tout ce qu'on put faire pour les calmer, n'hésitèrent pas à tenir tête aux troupes royales qu'on se vit contraint de faire marcher contre eux et les combattirent avec acharnement à St-Saturnin-es-Montagnes, aux Alintines et à Bénac, dans la Planèze; mais la dernière de ces rencontres leur fut fatale : quatre cents d'entr'eux restèrent sur le champ de bataille; leurs chefs, Trêve de Dienne et Veyssière de Murât, furent faits prisonniers; le dernier fut pendu, et on vit finir ainsi, peu de temps après qu'elle eût commencé, cette petite insurrection à laquelle on donna le nom de guerre des sabots.

La paix ne fut plus troublée désormais en Auvergne, et son histoire depuis cette époque jusqu'à nos jours n'est plus que celle de la France.

Ed. de LA FORCE.

 


Notices Biographiques sur les Hommes Célèbres du Cantal

Albaret (Bernard), caporal à la 106* demi-brigade, né à Cassane, se précipita le premier, lit-on dans les Victoires et Conquêtes des Français, dans les retranchements autrichiens, à la prise de la position des Deux-Frères, le 30 avril 1800, tua les canonniers, fit mettre bas les armes à plusieurs soldats qui défendaient la redoute. Peu de jours après, ce brave se distingua encore en avant du fort Diamant, où il tint tête à un peloton entier de cavalerie autrichienne; assailli par le nombre, il fut écrasé, mais il ne fut pas vaincu.

Anjony (Claude d'), de Foix, d'une ancienne famille dont plusieurs membres ont rendu des services militaires honorables, fut page du roi en 1680, mousquetaire en 1684, lieutenant de carabiniers en 1604, capitaine de cavalerie au régiment du Maine en 1704, mestre de-camp en 1718, brigadier d'armée en 1734 et maréchal-de-camp en 1740. Il mourut quelques années après.

   Anterbocbe (Joseph-Claude-Alexandre, comte d'), d'une famille noble, ancienne et distinguée des environs de Murât, qui existe encore, embrassa la carrière militaire comme la plupart de ses aïeux : il était brigadier d'armée en 1759, maréchal-de-camp en 1762 et lieutenant-général en 1780. Il mourut en 1785, après s'être signalé à Eltingen, Philisbourg, Dettingen, Menin, Ypres, Fume , Hagueneau, Fribourg, Hagueneau, Maestrickt et surtout à la bataille de Fontenoy. C'est à lui qu'on attribue cette belle réponse à un officier qui prétendait que Maestrickt était imprenable : Monsieurce mot n'est pas français.

   Antebroche ( d'), de la même famille que le précédent, parvint par son courage au grade de maréchal-de-camp. On peut voir le portrait qu'en fait Mme de Genlis, dans ses Souvenirs de Félicie, L. xxx(1804). — Alexandre-César d'Anterroche, d'une branche de la même famille établie dans le Limousin , fut comte de Brioude, commandeur de l'ordre de Saint-Lazare, évêque de Condom et député de Nérac aux Etats-Généraux, en 1789. Il refusa le serment à la Constitution civile du clergé.

  Apchon (Guillaume VI, Comptour d'), seigneur de diverses terres, d'une des plus anciennes, des plus puissantes et des plus illustres familles de la HauteAuvergne, fut fait capitaine-général de l'Auvergne et commandant de toutes les forces militaires de cette province, à la prière de la noblesse qui le considérait comme le plu» brave et le plus capable de résister aux Anglais, après la funeste journée de Poitiers. D'Aprhon se montra digne du choix qu'on avait fait de lai. Il était l'un des chefs de l'armée qui s'opposa à l'invasion des Anglais, en 1359, et il figurait encore comme tel dans celle qui fut placée sous les ordres du duc de Berry, en 1370. — Son fils, Louis Comptonr d'Apchon, marié en 4375 au château fort d'Apchon, se fit une grande réputation de bravoure pendant la guerre des Anglais. Chabrol place la date de sa mort en 1408. — Le fils de ce dernier, Jean Comptour d'Apchon, fut chambellan du roi Charles VI; il mourut en 1420. I es d'Apchon étaient les premiers barons de la Haute-Auvergne.

   Armand (François), né à St-Eticnne, arrondissement de Mauriac, était avocat à Sl-Flour lorsqu'il fut nommé par le Tiers-Etat de cette ville député aux EtalsGénéraux où il satisfit aux vœux de ses mandants. Chargé quelque temps après delà surveillance de la fabrication des assignats, il remplit cet emploi délicat avec une grande intégrité. En l'an IV il fut envoyé comme députa du Caotal au conseil des Cinq-Cents. Après le 18 brumaire il devint juge au tribunal d'appel de Rioni, où il mourut en 1812, avec la réputation d'un des plus habiles jurisconsultes de celte époque.

   Astorg ou Austau D'aurillac, septième du nom, troubadour et guerrier, l'un des plus puissants soigneurs d'Auvergne, fut fait chevalier par le roi Saint-Louis, le jour de la Pentecôte, en 1267, accompagna ce monarque dans son expédition contre les infidèles et fut témoin de sa mort. Il nous reste de ce poète une seule pièce de vers.

   Auzers (Charles de Douhet d'). né au château d'Auzers en 1771, mort en 1834, fut curé de Mauriac, vicaire général d'Amiens et enfin évéque de Nevers, en 1829. La maison de Douhet, divisée en plusiers branches, a produit plusieurs autres personnages distingués. •

   Ayrens (N. d')né à St-Flour, dans le xvu* siècle, fut conseiller au parlement de Toulouse, et s'acquit dans celle ville l'estime et l'amour de tous les gens de bien, autant par ?es vertus privées que par son immense savoir et une probité à toute épreuve.

   Beauclair (Guy de), chevalier, fils de Rigaud de Beauclair, qui avait clé nommé bailli des montagnes, en 1415, en considération des services qu'il avait rendus à la couronne de France contre les Anglais, suivit, comme ses ancêtres, la carrière des armes, obtint la capitainerie de Route, en Bourgogne, et des lettres de chambellan du roi, en 1470. — M. le «orote Charles de Beauclair, mort en 4817, légua par son testament deux domaines à l'hospice d'Aurillac, 6,000 fr. aux Sœurs de la charité, 2,000 fr. au collège de cette ville et diverse» sommes aux pauvres.

Beaufeti (Guillaume), évéque de Paris, naquit au château de Veyrac, près d'Aurillac ou â Aurillac même. Il fut d'abord médecin du roi Philippe-le-Bel : ayant ensuite embrassé l'état ecclésiastique, il devint chanoine de Notre-Damede-Paris, et enfin évéque de celle ville, en 4504. Tous les auteurs s'accordentj à loutr son grand savoir en médecine, en droit canon et en théologie. 11 fut prélat ferme, vertueux, faisant Je bien et le préchant aux autres. Il mourut en 1320.

   Beaufils (Guillaume), jésuite, né à St-Flour en 1674, et mort à Toulouse en 1757, passa presque toute sa vie à diriger des âmes, à composer des ouvrages et à prêcher. On a de lui des Oraisons funèbres; la Vie de Um* de Leslonac, fondatrice des religieuses deNotre-Dame , 1742 , in-12; celle de Mm' Chantai, ■première ivperiiure des religieuses de lu Visitation, et des Lettres sur legouvernement des Maisons religieuses, 1740, in-12.

Beaurain, un des principaux chaudronniers de Paris, fil partie de cette BandeNoire qui, pendant le cours de la révolution, acheta plusieurs châteaux, entre autres celui o'e Choisy. qu'elle fit démolir pour en vendre les matériaux. Il fut le premier signataire de l'acte fédératif des faubourgs St-Marceau et St-Antoine, inséré au Moniteur, sous la date du 10 mai 1815.

   Bellestat (Faydit de), troubadour, né au château de Bellestat, dans la commune de Sl-IUide, près de St-Cernin, n'a laissé qu'une seule pièce de vers insignifiante. On ne connaît aucune particularité de sa vie.

   Belloi (Pierre-Laurent-Buirette du), membre de l'Académie française, naquit i St-Flour en 1727. Ayant abandonné contre le gré d'un de ses oncles, avocat célèbre au Parlement de Paris, la carrière du barreau pour suivre celle des lettres, il se retira en Russie où il exerça la profession de comédien. De retour dans sa patrie, en 1758. il fit représenter à Paris plusieurs tragédies, dont quelques-unes eurent le plus brillant succès. Le Siège de Calais surtout lui valut des applaudissements, des éloges et de justes récompenses. M. Gaillard, de l'Académie française, publia les œuvres complètes de du Belloi, en 1779, 6 vol. in-S°. On y trouve ses pièces de théâtre, des mémoires historiques et diverses pièces fugitives. Il mourut en 1775, regretté de ses nombreux amis.

   Berard (Pierre), chirurgien célèbre, natif de Murât, fut attaché au service d'Henri IV, à qui il rendit de grands services. En 1626, Louis XIII l'anoblit pour ses cures admirables.

   Bernet (Joseph), né à St-Flour en 1770, mort à Aix en 1846, se consacra à l'état ecclésiastique au milieu de la tourmente révolutionnaire, et se livra tour a tour à la direction des âmes et à l'instruction de la jeunesse. Ayant repris , en 1802, l'exercice du ministère pastoral, il remplit pendant 14 ans les fonctions de vicaire à Orléans; il devint ensuite premier aumônier de la maison royale de St-Denis, chanoine honoraire et chanoine titulaire du chapitre royal, curé de St-Vincenl-de-Paule à Paris, évéque de la Rochelle, en 1827, archevêque d'Aix en 1855 et cardinal en 1845. On a de lui des Sermons, des Panégyriques, des Instructionspastorales, et les Statuts synodaux du diocèse de la Rochelle.

   Bertin (Louis), né à Mauriac le 27 août 1751 , mort à Marchant, près de cette ville , le 21 décembre 1822, assista au concile de 4 797 comme député du Cantal. Le 13 octobre 1800, il fut élu évéque de ce département et sacré le 3 mai de l'année suivante, par Primat, métropolitain de Rhônc-et-Loire, Perrier, évéque du Puy-de-Dômo, et Debertie, évéque de l'Aveyron. Il donna sa démission la même année, et obtint une pension du gouvernement.

   Bertrand (Antoine de), né à Fontanges, prés de Salers, au commencement du Xti* siècle, a publié : Amour» de P. Ronsard, mis enmusique à partiel. Paris, 1578, 3 vol. in-4° oblong.

   Blanc ( Pierre le ), né à Saignes, vers 1600, d u t faire ses éludes classiques sous les jésuites, au collège de Mauriac. Ordonné prêtre, il se rendit à Paris où il enseigna pendant de longues années la grammaire grecque et latine. Il eut toujours soins d'inculquer dans le cœur des enfants les principes de religion, et, pour y mieux réussir, il publia le Catéchisme royal en vers, qu'il dédia au roi en 1646. In-8".

   Bohier (Dom Jean), natif de Murât, mort en 1688, a l'âge de 80 ans, fui visiteur général des Chartreux et grand-prieur de la Chartreuse de Bordeaux.

   Boissy (Louis de), poète comique, né à Vic-sur-Cère en 1694, mort à Paris en 1758, entra, en 1751, à l'Académie française, dont ses succès au théâtre lui ouvrirent les portes , et fut chargé de la rédaction du Mercure de France en 1755. Il nous a laissé un grand nombre de comédies, qui ont été recueillies en 9 vol. in-8°. On distingue et on voit encore avec plaisir l'Impatient. le Français àLondres, Y Homme du jour, le Babillard , la Surprise de la haine . le Comte de Neuilly, la Pièce sans titre, etc. — Son fils, Louis-Michel de Boissy, mort vers 1788, membre de l'Académie des inscriptions, est auteur de divers ouvrages d'histoire et de critique.

   Boni (Guillaume), né à St-Flour, a publié : Sonnets de P. de Ronsardmis en musique à 4 parties. Paris 1576,1579, in-4° oblong. i",2« liv., 2' vol. ; Quatrains du sieur de Pibrac, mis en musique à 3 , 4, 5 et parties. Paris 1582 ; Psalmi Davidici noeti concentibussex vocibus modulati, cum oratione regid. 12 voc. conlextd. Lufetia 158a.

   Bonnefons (Dom Elie-Benoît), bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, né à Mauriac en 1622, mort à Saint-Vandrille en 1702, a laissé, manuscrits, deux ouvrages considérables : Histoire civile et ecclésiastique de la ville de Corbie, 2 vol in-folio ; Vie desSaints religieux de Yabbuye de Fontenelle, 3 vol. in-4".

   Boria (Antoine), médecin , né à Murât, fit et publia, en J603, l'analyse des eaux minérales de Vic-en-Carladès. et leur donna une telle réputation que les étrangers affluèrent dans cette ville de toutes les provinces de la France. Sa brochure est devenue très-rare.

   Bouillé (Nicolas de), d'une famille recommandable par l'ancienneté de sa noblesse et par son illustration, naquit à St-Flour en 1702. Il fut comte de Lyon en 1722, doyen de celte église en 1753, abbé de St-Nicolas d'Angers, maître de la chapelle de l'Oratoire du roi, premier aumônier de Louis XV, en 1757. U fut nommé évéque d'Autan en 1758 et conseiller d'Etat en 1761. Il mourut le 22 février 1767.

   Boiillé (Jean-Baptiste de), né à Pichauzet, diocèse de St-Flour, en 1759, fut d'abord grand-vicaire, ensuite chanoine, comte de Vienne et enfin aumônier delà reine Marie-Antoinette, à l'époque de la révolution. Obligé de s'expatrier, il alla à la Martinique où il remplit les modestes fonctions de curé de campagne. De retour en France, en 1815, il devint aumônier de madame la duchesse d'Angouléme, et fut nommé, en 1819, à l'évêché de Poitiers, où il est mort • en 1842, regretté de tous les fidèles et de tous les pauvres de son diocèse.

Brezons (Charles de), d'une des plus anciennes et des plus nobles familles de l'Auvergne, dont la résidence était dans la commune de Brezons, canton de Hnrat, était chevalier de l'ordre du roi, capitaine de la forteresse de Murât, et lieutenant-général de la Haute-Auvergne, en 1562. Du parti des Guises pen- • dant les guerres de religion, il ne laissa point de trêve aux protestants; il leur devint si terrible, que la plupart d'entre eux quittèrent la province et se réfugièrent, les uns dans le Limousin, les autres à Lyon et Orléans. On ignore l'époque de sa mort. — Jacques de Brezons , capitaine du château de Cariât. maréchal des camps et armées de France, en 1609, député de la noblesse de la Haute-Auvergne aux Etats-Généraux du royaume, tenus à Paris en 1627, mourut vers 1637.

   Brieude (Jean-Joseph), médecin, né à Laroquebrou en 1728, mort à Paris en 1812, devint médecin de S A. S. M"" la duchesse de Bourbon, et de S. A. S. le duc d'Orléans. On a de lui : Mémoire de la Topographie médicale de la HauteAmer gne, in-8°, qui lui valut des récompenses honorables; plusieurs Mémoires sur les eax minérales, sur l'économie rurale, etc. — Son fils, mort en 1838, avait été couronné par l'Académie de Rennes, pour l'éloge de Duclos.

   Brisson (Jean), bourgeois de St-Flour, se rendit célèbre pendant les guerres de religion par son intrépidité et par les services qu'il rendit à son pays. Dans la nuit de la veille de saint Laurent de l'an .1578, accompagné d'un généreux prêtre de St-Flour, il sauva cette ville des horreurs du massacre et du pillage . en précipitant du haut des murailles les huguenots, commandés par le capitaine Merle, qui les avaient déjà escaladées. En action de grâce de cette délivrance , la ville de St-Flour fait annuellement une procession générale le jour de la Saint-Laurent, et le roi; pour récompense, anoblit le brave Brisson, en 1589.

Bru (Louis), gouverneur du château souverain de l'Isle, à St-Juery-de-Gevaudan, bailly de Pierrefort, avocat au parlement, etc., naquit à Pierrefort, le 27 novembre 1678 et mourut le 20 février 1738, au châleau de Cropières, paroisse de Baulhac. 11 est auteur d'une histoire de France manuscrite en 2 vol. in-folio, qui se trouvent aujourd'hui entre les mains de M. J.-B. Bru. Celle histoire s'arrête au règne de Louis XIV, et contient, dit-on, diverses particularités qu'il serait bon de faire connaître.

   Bru (Pierre-Louis), conseiller du roi en l'élection générale delà Haute-Auvergne et avocat au parlement, né à Pierrefort le 25 novembre 1734, décédé a St-Flour le 11 mars 1816, a traduit en vers français les Bucolique» de Virgile.

Le manuscrit, dont plusieurs extraits lurent comparés aux plus belles produc tions de Delille, est perdu pour la famille et q'a pu être retouvé. On rapporte que ce Pierre-Louis Bru savait Virgile tout entier par cœur el pouvait le réciter d'un bout à l'autre sans se tromper.

Brugier du Rochain (Gilbert de), d'une famille noble el considérée en Auvergne , reçut de sa majesté, en considération des services qu'il avait rendus, en plusieurs occasions, en Italie et en Lorraine, un brevet de gentilhomme ordinaire de sa chambre, par lettres de l'an 1624. Il était capitaine d'une compagnie de chevau-légers, et servit en cette qualité jusqu'en 1638. Le cardinal de Richelieu lui accorda son estime et son amitié.

   Cabanes-Comblat (Jean de), d'une famille ancienne du Carladès, fut capitaine aux gardes françaises, en 1563, gentilhomme de la chambre du roi en 1575, écuyer de la reiue Marguerite de Valois, en 1586, et député des notables de la Haute-Auvergne auprès d'Henri III, qui le chargea de ses instructions pour la pacification du pays.

   Caldaguès (Raymond comte de), d'une famille noble , fit les campagnes de Corse en 17il8 et 1769; celles d'Amérique, sous ïtochambeau, de 1780 à 1783. Il passa ensuite en Espagne et y fit les campagnes de 1793, 1794 et 1793 contre les républicains. Créé brigadier d'armée en 1802, il commanda en secon.l l'armée de Catalogue en 1808, et fut promu peu de temps après au grade de inaréchalde-camp, pour avoir fait le\er le siège de Gironne ; fait prisonnier de guerre en 1808, il fut conduit en France et ne recouvra la liberté qu'i la rentrée des Bourbons, en 1S14 , époque à laquelle il alla reprendre son grade en Espagne. Ayant repris du service eu France, en 1815, le roi d'Espagne lui fit expédier le brevet de lieutenant-général, et Louis XVIII le nomma prévôt du département du Cantal, le 12 novembre 1816.

  Cambefort (Pierre de), né à Aurillac ou au château de Niocel dont il était seigneur, lieutenant en l'élection d'Aurillac, en 1607, est auteur de plusieurs Pièce» fugitives , de l'Apologie de Gerbert et de l'Abrégé de la vie de l'intrépide Franço't Chapt deRastignac. Le Père de Jésus l'appelle le docte Carabefort.

   Cambefort (Pierre de), seigneur de Niocel, fils du précédent, fit imprimer, en 1607, un ouvrage sur la Pragmatique.

   Cambefort (François de), né à Aurillac, ayant abandonné la religion catholique , pour embrasser celle de Mahomet, parvint à la dignité de ministre à la cour de Constantinople, et au grade de général des armées ottomanes. — Hugues de Cambefort, procureur du roi en l'élection d'Aurillac, en 1696, est auteur d'un ouvrage excellent intitulé : Traité des tailles, contenant les anciens elles nouveaux édits, déclarations et règlements des rois de France, et arrêts de leur conseil d'Etat et d'autres cours souveraines, donnés sur le fait des tailles, 1 vol. in-folio; 1702. — Sous l'empire, plusieurs membres de la famille Cambefort se sont distingués dans l'armée, par de longs services et par divers actes de bravoure que l'on trouve consignés dans les Annales militaires de celte époque.

   Candèze (N.), né en 1779, dans le hameau de Pralniau, près de Lascelle, embrassa l'état ecclésiastique, fut successivement vicaire de campagne, curé de Saiiile-Christine de St-Flour et vicaire général de ce diocèse. Sous les dehors les plus simples, il cachait des connaissances très-étendues en architecture, en botanique , en géographie et en minéralogie. Il a traduit, du célèbre cardinal Bellarmin, les deux ouvrages suivants : Echelle du Ci'-l, ou moyens efficaces de parvenir au bonheur, in-I2; Explication dusymbole des Apôtres et de la doctrine chrétienne , in-i2; M. l'abbé Candèze a aussi traduit et publié : Saint Uréyuire-leG>aniinstruisant les pasteurs des dmes, in-32.

   Cardalhac (François de), né au château de Murât, d'une famille très-distinguée du Quercy, était dans l'ordre des Frères mineurs lorsqu'il fut nommé évéque de Cavaillon, en 4366; il fut transféré à Cahors en 1389 , où il mourut en 1404, en odeur de sainteté.

   Carlat (Bernard de), seigneur très-puissant de la Haute-Auvergne, que les anciens titres qualifient de sujet immédiat de la couronne, fut, en 834, un de ces missi dominici que Charlemagne envoya dans les diverses parties de son empire pour surveiller la conduite des principaux agents du pouvoir. — Gilbert de Carlat, son frère ou son fils, était un homme d'une réputation et d'une énergie extraordinaires. Assiégé en 839, dans son château, par l'empereur Louis-leDébonnairc, il opposa une forte résistance, et le fils de Charlemagne ne put s'emparer de la place qu'aux termes d'une capitulation fort honorable pour son ennemi.

   Carrier (Jean-Baptiste), naquit à Yolet en 1746. Député à la Convention nationale par le déparlement du Cantal, il y vota la mort de Louis XVI, fit décréter l'établissement d'un tribunal révolutionnaire et obtint l'arrestation du duc d'Orléans. Envoyé en mission à Nantes, il y déploya toute la férocité de son caractère, et y commit les crimes les plus horribles, confondant 1 innocent et le coupable dans ses proscriptions. 11 poussa même si loin ses atrocités par ses mariage* républicains et ses noyades de Nantes, que la Convention elle-même en rougit et le livra au tribunal révolutionnaire , qui le condamna à la peine de mort.

   Carrière, voyez Lacarrière.

   Cassaignes De Beaufort-Miramon , voyez Miramon.

   Castelloza (la dame), née en Auvergne, d'une famille noble, brilla parmi les troubadours du xiir9 siècle. Elle composa en langue romane de petits poèmes lyriques ou chansons d'amour, dont deux ont été publiées par M. Raynouard, dans son Choix de poésiesoriginales des Troubadours. Les historiens des poètes provençaux nous apprennent qu'elle avait épousé True de Maironne; qu'elle aima éperdùrnent, mais en vain , le seigneur Armand de Bréon ; qu'elle était moult gaie, moult bien enseignée et moult belle.

   Chabannes (Gilbert de), d'une illustre et ancienne famille qui a donné à la France une foule d'hommes distingués, naquit au château de Madic, arrondissement de Mauriac. Il fut capitaine de cinquante hommes d'armes, conseiller et chambellan du roi, chevalier de son ordre, sénéchal de Guienne et du Limousin , et ambassadeur auprès du duc de Bourgogne, en 1474. Il avait permission de battre monnaie. Il mourut en 1493.

Chabannes (Joachim de), né au château de Madic, fut chevalier d'honneur de la reine Catherine de Médicis, sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, capitaine de cinquante lances des ordonnances, en 1546 et 1548. Il est cité dans l'histoire comme un des vaillants capitaines de l'époque. Lui et le seigneur de Lafayette, à la téte de leurs gens d'armes et de deux cents arquebusiers choisis, s'emparèrent par escalade du fort de Lurmarin, au comtat Venaissin, le 1er septembre 1536, à la barbe de Ferdinand de Gonzague qui venait secourir la garnison ; il obtint l'érection de la terre de Rochefort en comté, en 1556, et mourut à Paris en 1559.

   Chabannes (François de), comte de Rochefort, fils du précédent et de Catherine-Claudine de Larochefoucaull, fut lieutenant-général du roi en Auvergne, capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, chevalier du St-Esprit en 1583 et conseiller d'Etat. Il commandait les royalistes à la bataille d'Issoire, le 14 mai 1590, et il défit le comte de Larochefoucault-Randao, chef des troupes de la ligue. — Jacques de Chabannes, seigneur de Madic, né en 1683 , mourut à Prague en 1742. avec le grade de lieutenant-général qui lui avait été conféré en 1738.

   Chalvet (Mathieu de), président au parlement de Toulouse, naquit à Salers, en 1528, ou au château de la Rochemonteix, paroisse de St-Uippolyte. Après avoir fait ses études à Paris par les soins de son oncle Pierre Lizet, il alla étudier le droit à Toulouse, où il fut reçu conseiller au parlement. Devenu président à mortier, en 1595, il fut député en celte qualité par sa compagnie pour aller saluer Henri IV passant à Lyon. Il fut nommé conseiller d'Etat en 1603, et mourut à Toulouse en 1607. On a de lui la traduction française des Œuvres de Sênèque, Paris, 1604, in-folio, et plusieurs poèmes qui le firent recevoir juge de la poésie française et mainteneur des jeux floraux — Son petit-fils, Hyacinthe de Chalvet, né à Toulouse en 1605, a publié Théologut ccclctiastes, 6 vol. in-folio ; les Grandeurs de saint Joseph ; les Avantages de l'ordre de saint Dominique.

   Chalvet De Rochemonteix, comte de Vernassal (Maximilien), de la même famille que le précédent, était page du roi en 1679, mousquetaire en 1683, gouverneur de Rocroi en 1750, et lieutenant-général en 1754. Il mourut le 18 juin 1755. — Henri-Gilbert, son fils, brigadier d'armée en 1744, fut tué le 20 juillet de l'année suivante , au siège d'Audenaerde

   Chanut (Antoine), second du nom, né à Aurillac, publia, en 1638, un ouvrage intitulé : Présages du roi très-chrétien, pour célébrer la prise de la Rochell» où le roi Louis XIII avait triomphé de l'hérésie qui ne fit depuis qu'un futile effort pour se maintenir.

   Chanut (Antoine) , né à Antignac en 1764, mort à Issy, près de Paris, en 4829, fut successivement directeur des séminaire» de Tulle, de St-Flour et de Germont, curé de Notre-Dame-du-Port, en cette dernière ville, et enfin supérieur du grand séminaire de la Solitude, à Issy, où reposent ses restes protégés par le souvenir de ses vertus.

   Chappe D'anteroche (Jean), prêtre, célèbre astronome et mathématicien, de TAcadémie des sciences de Paris, naquit à Mauriac le 2 mars 1722, de Jean Chappe, baron d'Anteroche et de Madeleine de Laforge, et mourut en Californie, en 1769, victime de son amour pour la science. On a de lui : Voyage en Sibérie ; Paris, 1768, 2 vol. in-4°, enrichi d'excellentes cartes géographiques; Voyage enCalifornie; Paris, 1772, in-4°. publié par M. Cassini; et une traduction en français de Tabulât astronomicœ, du savant Edmond Halley, 175i, in-8°. —Son neveu, Claude Chappe, né dans la Sarthe, est connu par plusieurs expériences de physique , mais principalement par l'invention si utile du télégraphe.

Chauliaguet (Hugues de), seigneur de Gorce , né à Murât, était chirurgien du roi Louis XI en 1420. Il fonda la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié en l'église de Murât, en 1446.

   Cinq-abbres (Jean), né à Aurillac au commencement du xvi* siècle, fut l'homme le plus savant de son temps dans la connaissance des langues. Après avoir été principal du collège Fortet, à Paris, il fut nommé, en 1554, professeur royal d'hébreux et de syriaque au collège de Fiance, et y enseigna pendant 3i ans les langues orientales. Il mourut à Paris en 1587. On a de lui : une Grammairehébraïque qui a eu plusieurs éditions; une traduction latine de la Paraphrase chaldaïque tur les lamentations de Jérémie, 1749 ; celle des Paraphrases sur Osée, Joël et Onias, 1554, l'une et l'autre in 4°; quelques traductions en latin de plusieurs ouvrages d'Avicenne, médecin arabe.

   Clislavide (Gralien), du lieu de Pouzols, commune de Marchastel, d'une famille qui, selon Audigier, a fourni les plus célèbres trompettes de guerre de l'Europe, fut envoyé par Louis XIII à Bruxelles, en 1635, pour déclarer la guerre à la maison d'Autriche. Ce fut lui qui fil bâtir le château de Tayrou , près de son lieu natal.

   Coffinhal (Jean Baptiste), né à Aurillac en 1746, était homme de loi à Paris lorsqu'il fut nommé vice-president du tribunal révolutionnaire créé le 11 mars 1793. Il remplit ses fonctions avec la férocité d'un tigre, envoyant tout le monde à la mort, innocent ou coupable; absoudre était pour lui le plus grand des crimes. Après avoir lassé, pour ainsi dire, la guillotine par le nombre des victimes qu'il lui livrait, il périt lui-môme sur l'échafaud, le 27 juillet 1794, abreuvé d'exécration et d'outrages. — Son frère, le baronDunoyer, est mort en 1844, conseiller à la Cour de cassation. Bonaparte l'avait nommé successivement commissaire-général de justice dans les provinces illyriennes, maître des requêtes au conseil d'Etat, chevalier de la Légion-d'Honneur et baron de l'Empire.

   Consul (Guillaume), né a Vic-sur-Cère, avocat à Riom, homme de beaucoup d'esprit et de littérature, jurisconsulte très-instruit, donna au public, en 1667, une édition de la Paraphrase de Basmaison sur la Coutume d'Auvergne, in-4". Il la traduisit, en quelque sorte, et il l'enrichit de notes très-judicieuses. Il laissa aussi des notes manuscrites sur la Coutume d'Auvergne. — Consix, fille du précédent, née à Riom, se fit recevoir, étant encore fort jeune , religieuse hospitalière de l'Hotel-Dieu de cette ville, où elle fut un modèle de grâce, de bonté, de savoir, de piété et de douceur. On a d'elle la 17e édifiante de M. Jacqvti Pasquicr-Bouray , prêtre ; Paris, 1714, 1 vol. in-12.

   Cordebœif De Montgon (Jean-François de), d'une des plus illustres familles d'Auvergne, naquit vers 165i. Entré fort jeune dans la carrière des armes, il la parcourut d'une manière brillante, et s'éleva par sa valeur et ses longs services au grade de lieutenant-général qui lui fut conféré en 1702. Il remplit longtemps les fonctions d'inspecteur général de la cavalerie française. Il avait fait toutes les guerres de la fin du règne de Louis XIV, en Flandre, en Alsace, en Allemagne, en Italie et en Espagne. Il mourut en 1730. — Son fils ChartaAlexandre de CoBDEBŒUF-MoîiTco.i, prêtre, né à Versailles, fut ministre de Philippe V, roi d'Espagne, et fut employé dans diverses négociations en Porliigd et en France. Il a laissé des mémoires imprimés plusieurs fo's.

   Coutel (Jean), né à St-Flour, fut conseiller au grand conseil en 1553. maître des requêtes de l'hôtel du roi François I", en 1540. et président au grand conseil, en 1544. Il mourut en 1557, laissant quatre fils qui furent tous des hommes remarquables dans la robe et dans l'épée.

   Crussol (François de), fils d'Alexandre-Guillaume de Crussol et de Charlotte de Timbrnne-Valence, naquit au château de Valons, à 3 lieues de Mauriac. Il fut abbé de Cbarroux , en Poitou , en 1727, évôque de Blois en 173 \, et archevêque de Toulouse en 1753.

   Crussol (Anne-Emmanuel-François-Georges de), comte d'Aubijoux, seigneur de Valens, naquit à Aurillac le 29 juin 1726. Il entra dans la carrière des armes en 1740, et pendant quarante ans il ne cessa de servir activement sa patrie; il assista aux sièges et aux combats divers qui eurent lieu , et parvint par son intelligence et sa bravoure au grade de lieutenant-général qui lui fut conféré en 1780. Malgré son âge et ses longs services militaires, il fut décapité le 26 juillet 1794, la veille de la chute de Robespierre.

   Cussac (Jean), prêtre, né à Surgis, diocèse de St-Flour, est auteur de Lettrtt $ur l'instruction pastorale de M. {archevêque deTours. Il vivait au xvme siècle.

 Danty (N), avocat au parlement de Paris, naquit à Mural au xvu' siècle. II est auteur d'ouvrages de droit estimés, et notamment duTraité de la preuvt par témoins, en tnatière civile, 1 vol. in-4°. — Guillaume Danty , de la même famille, né à Mural en 1593, fut un savant distingué, attaché à Gaston, duc d'Orléans, frère du roi Louis XIII.

   Daumont, voyez Laval.

   Delpuech (Antoine), mort le 5 mai 1840, à Marze, commune de St-Cernin , arrondissement d'Aurillac, à l'âge de 120 ans, avait servi sous le maréchal de Saxe, en Autriche, avait assisté, en 1745 a la bataille de Fontenoy, et était resté, lai, cinquième de sa compagnie, commandée par le colonel Jean de Calonne. Dans les dernières années de sa vie, il se livrait encore aux pénibles travaux de l'agriculture. Jusqu'à sa mort, il avait conservé l'entier usage de ses facultés intellectuelles.

Deluguet (Jean), docteur en droit et avocat au baillage et siège présidial d'Aurillac dès l'an 1598 , naquit» à Pleaux vers le milieu du xvi" siècle. Il nous reste de lui un manuscrit qui peut être considéré comme la source où puisèrent Justel et Raluze pour faire leur Histoire de la maison d'Auvergne. Ce manuscrit, qui date de 1650 et qui existe à la bibliothèque nationale à Paris, contient sur les principales familles de la Haute-Auvergne, du Quercy et du Limousin , une foule de renseignements qui ne sont pas sans intérêt historique.

   Delzons (Alexis-Joseph, baron), général de division, né à Aurillac en 1775, fut un des plus vaillants capitaines de la République et de l'Empire. Du grade de lieutenant de grenadiers dans l'un des bataillons volontaires du Cantal, en 1791, il s'éleva par ses exploits, en montant tous les échelons de la hiérarchie militaire, à celui de général de division qui lui fut conféré en 1811. Il se signala en Espagne, en Italie, en Egypte, en Allemagne, en Russie. Il fut tué le 24 octobre 1812, dans un combat meurtrier, sous les murs de Maloïaroslawetz.

Le père du général Delzons, jurisconsulte distingué, fut successivement président de l'administration départementale du Cantal,président du tribunal civil d'Aurillac , député au conseil des Cinq-Cents et au Corps législatif. Cette famille est aujourd'hui dignement représentée par M. le baron Delzons, avocat et savant distingué, qui a déjà publié des documents intéressants sur la province d'Auvergne.

   Denevers (N.), né à Laroquebrou en 1769, fut greffier de la section civile (iu tribunal de cassation. En l'an x, il commença à rédiger un journal des audiences de celte cour, journal excellent et utile qu'il continua jusqu'en 1815, époque de sa mort.

  Dessauret (lsaac-Alexis), jésuite , né à St-Flour en 1720, mort en 1804, se livra à la prédication et s'acquit une réputation justement méritée. L'Oraison funèbre de Louis AT, préchée à la cour, lui valut une pension de 1200 livres. Pierre Dessauret, son petit neveu, ancien conseiller d'Etat et avocat distingué, a publié ses ouvrages avec ce titre : Sermons , panégyriques, oraisons funèbres,instructions religieuses; 1829-1850, 5 vol. in-12. Le premier volume est précédé d'une notice historique sur l'auteur.

   Destaing (Jacques-Zachaiïe). né à Aurillac en 1764, commença sa carrière militaire par le grade de lieutenant-colonel du premier bataillon des volontaires du Cantal. Il se signala en Espagne, en Italie, où il reçut cinq blessures. Emmené en Egypte par Bonaparte, il fut nommé général de brigade sur le champ de bataille des Pyramides, et eut le commandement de la ville du Caire. Parvenu au grade de général de division, il fut nommé chef de i'état-major-général de l'armée d'Orient ; il contribua puissamment au gain de la bataille d'Aboukir et de celle d'Alexandrie. A son retour en France, le brave Destaing fut tué en duel, en 1802 , par le général Reignier. — Jean-Baptiste Destaing, chef de bataillon, commandant d'armes, né le 20 décembre 1776 à Aurillac, se distingua en différentes occasions, sous la République, par son intelligence et sa bravoure.

Deshuttes, voyez Huttes.

   Devèze (Jean-Sébastien), membre de plusieurs sociétés savantes, naquit à Chabriol, près de St-Flour, vers 1790, et mourut au mois de mars 1842. On lui doit, outre un grand nombre de brochures sur les bétes à cornes et sur les bêtes à laines du Cantal : Projet declassification des différentes espèces de terres cultivées dans le déparlement du Cantal, 1821, 1 vol. in-8°; Essai géologique etminéralogique sur tes environs d'hsoire. et principalement sur la montagne de Boutade , avec la description et les figureslilhographiées des ossements fossiles qui y ont été recueillis, 1827 , 1 vol. in-fol. Cet ouvrage fut publié de concert avec M. Bouillet.

   Dienne (Astorg de), d'une famille ancienne et illustre de la commune de ce nom, près de Murât, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem et grand-prieur d'Auvergne en 1556, fut un vaillant capitaine, et rendit de grands services à sa province pendant la guerre contre les Anglais, dont il tua un grand nombre et qu'il força à se retirer. — François I" de Dienne, lieutenant-général des armées du roi, chevalier do son ordre, fut bailli de la Haute-Auvergne dont il commandait le ban en 1543. Il mourut en 1560.

   Dienne (François de), comte deCheyladet, né vers 1650, entra comme la plupart de ses ancêtres dans la carrière militaire, et la parcourut avec beaucoup d'honneur et de distinction. Il fut maître-de-camp en 1690, chevalier de St Louis en 1694, brigadier d'armée la môme année, maréchal-de-camp en 1702, lieutenant-général en 1704, commandeur de l'ordre de Saint-Louis en 1715, gouverneur de Briançon en 1719. H mourut en 1736. Les maréchaux de Villars et de Luxembourg avaient la plus grande confiance en sa valeur et sa capacité. On lui dut en grande partie le succès que nous eûmes à la défaite des Hollandais, sons Nimègues , et il prépara celui de la journée de Fleurus.

  Dienne (Charles de), appelé le chevalier de Cheyladet, mort en 1728, fut enseigne des gardes du corps en 1702, brigadier d'armée en 1704, maréchalde-camp en 1712, lieutenant-général en 1718, et gouverneur du port et des forts de Brescou , près d'Agde. en 1724. Il se distingua principalement à la bataille de Ramilies. A Malplaquet, il culbuta avec sa brigade, dans quatre charges différentes, les escadrons ennemis qu'il eut en tête.

   Douvreleur (dom Jean-Augustin), procureur du couvent des Bénédictins de St-Pourcain, né à Allanche en 1749 , mort à l'Ile d'Aix en 1754, avait beaucoup de talent pour la poésie : on connait de lui quelques pièces de vers qui ont été imprimées.

Durand De Henry, voyez Henry.

   Escars (Charles d), d'une illustre famille qui n'appartient pas à l'Auvergne, Daquit à Montai, près de Laroquebrou. Il est auteur de plusieurs ouvrages en vers et en prose, et entr'autres d'un livre intitulé : Le Solitaire de Terrasson.

Escorailles (Raoul d'), d'une ancienne et puissante famille du lieu de ce nom, près de Mauriac, devint évéque de Périgueux en 1001. — Jourdain d'Escorailles fut choisi, en 1191, pour soutenir un combat singulier en présence de Richard, roi d'Angleterre, d'Eléonore de Guienne, son épouse, et de plusieurs autres grands personnages. — Algayette d'Escorailles, célèbre par sa beauté et sa sagesse, avait épousé, avant 1212, Henri Ier, comte de Rodez. Hugues Brunet, troubadour distingué, devint amoureux d'elle et fit beaucoup de vers pour célébrer son esprit, ses vertus et ses charmes.

   Escorailles (Louis d'), premier du nom , fut un homme de guerre distingué. En 1412, il défendit pendant onze jours, avec une valeur extraordinaire, la ville de Dun-le-Roi, assiégée par Charles VI, à la téte d'une puissante armée. En 1418, il remplit diverses missions secrètes, par ordre du dauphin; il fut sénéchal de Berry et capitaine de la grosse tour de Bourges en 1419; il fut sénéchal du Limousin en 1420, et deux ans après, à la téte d'un corps considérable de troupes, il arrêta sur la Loire les Anglais et les Bourguignons, qui devaient faire lever le siège de Cosne. En 1427, il secourut d'hommes et de vivres la ville deMontargis, assiégée par les Anglais. On ignore l'époque de sa mort. — Marie-Angélique d'EscoBAiLLES, duchesse de Fontanges, maîtresse de Louis XIV, était de la môme famille; elle naquit dans le Rouergue en 1661.

Espinchal (Charles-Gaspard, marquis d'), né à Massiac d'une famille noble et ancienne qui a donné à l'armée une foule de militaires distingués, se rendit célèbre en Auvergne par ses violences et ses cruautés. Condamné par contumace à la peine de mort par la cour des Grands-Jours, tenue à Clermont en 1665, il se ' réfugia en Bavière où il reçut du duc Ferdinand-Marie, alors régnant, le commandement de ses troupes avec lesquelles il battit les Français sur les bords du Lech. Rentré en France après la paix, il obtint de Louis XIV des lettres de rémission, le 10 août 1678, et mourut avec le grade de lieutenant-général, en 1686, au château de Massiac, qu'il avait fait réédifier et qui avait été érigé en marquisat, en 1678. — Jean d'EsriNCHAL, général des armées navales, était gouverneur de la ville de Murât, en 1672.

   Espinchal (François II, baron d'), fils de Charles-Gaspard, marquis d'Espinchal, et d'Hélène de Lévis de Châteaumorand,mestre-de-camp en 1701,commandait l'avant-garde du maréchal de Villars, le 24 juillet 1712 , à la célèbre bataille de Denain, au gain de laquelle il contribua puissamment en pénétrant l'un des premiers dans les lignes formidables d'où l'ennemi préteudait marcher sur Paris. —. Son fils, Thomas d'Espinchal, fut fait maréchal-de-camp en 1770; il mourut en 1781. — Joseph-Thomas , marquis d'Espinchal, né en 1748, obtint le même grade en 1792. — François-Antoine d'Espinchal était lieutenant-général en 1762.

Claude-Louis d'Espinchal, appelé le marquis de Massiac, lieutenant-général des armées navales, ministre de la marine en 1738, mourut en 1770.

   Esquirou (Jean-Baptiste), médecin du roi, intendant des eaux de Vie, né dans l'arrondissement d'Aurillac d'une famille qui existe encore honorablement, a publié : Recherche analytique de la nature et de la propriété des eaux minérale» de Yir, dans la Haute-Auvergne, suivant les nouveaux principes de physique et de médecine, etc. ; Aurillac, 1718; 1 vol. in-18, de 148 pages. Cet ouvrage, aujourd'hui devenu fort rare, est dédié à M. Poirier, premier médecin du roi.

   Estaing (François d"), d'une ancienne et illustre famille du Rouergue, naturalisée en Auvergne, dès le xivc siècle, naquit au château de Lugarde, en 1460. Après avoir fait ses études à Lyon et à Padoue. il embrassa l'état ecclésiastique, remplit différentes missions avec succès, fut nommé, en 1561 , à Févêchéde Rodez, où il partagea son temps entre les soins de l'administration et de la culturc des lettres. Ce prélat instruit, charitable, bienfai ant, mourut en odeur de sainteté en 1529. Le P. Beau et Lacary ont écrit sa vie. — Joachim d'Estaing, abbé d'Issoire, fut nommé évéque de Clermont en 1C04. Il a publié deux recueils de Statuts synodaux, le premier en 1620 et le second en 1647 , in-8°. Il mourut en 1650. — Louis d'EsTAiNG, chanoine de Lyon, aumônier de la reine Anne d'Autriche , succéda ù Joachim , son frère, dans l'évéché de Clermont, et mourut en 1664. Il donna une nouvelle édition des Statuts synodaux du diocèse, avec des corrections et des additions; Clermont, 1655, in-8°.

   Estaing (Jean-Philippe d'), comte de Sailhans, fut l'un des plus intrépides guerriers du règne de Louis XIV. Il fut blessé a Senef, au siège de Gand, à Sa>ntDcnis , prés de Mons, a Valcourt. au siège de Namur, a Nerwindo. En 1790, il contribua à la prise de vive force du château de Froimont; le lendemain, il se fit remarquer à Fleurus par l'intrépidité de son courage. Au siège de Mons, il fit des prodiges à l'assaut de l'ouvrage à cornes. Après la funeste bataille de Ramillies, livrée le 25 mai 1706, il en diminua le désastre en sauvant l'artillerie et en faisant transporter à Namur les blessés répandus çà et là. En 1710, il fut fait gouverneur et lieutenant-général de Metz et des trois évôchés. Ce brave mourut «1 Metz, en 1723.—Son frère, Joachim-Joseph d'Estaing, nommé évéque de St-Flour en 1694, présida l'assemblée du clergé en 1715, et mourut en 1742, âgé de 90 ans. — Charles-François d'EsTAiNG, comte de Sailhans, marquis de Ravel, lieutenantgénéral en 1735, mourut en 1746. — Le comte J.-B.-Ch.-Hector d'EsTAixG, amiral de France et condamné à mort par le tribunal révolutionnaire, en 1794, était de la même famille que les précédents et né au château de Ravel, dans le Puy-de-Uôuie.

   Fabri (Benoit), né à Jussac Cantal , dirigeait au Louvre, en 1307, les travaux de l'artillerie dont il était grand-maître. Il exerçait encore cet emploi en 1315'— Eustache Fabri fut bailli des montagnes d'Auvergne.

   Fargues (Jean-Joseph Méallet, comte de), né au château de ce nom , dans la commune de Vitrac, arrondissement d'Aurillac, en 1776, mort à Lyon en 1818, -servit d'abord dans l'émigration. Rentré en France, il devint maire de la ville de Lyon, où il s'acquit une grande réputation par son dévouement, sa sagesse et ses talents. Eu 1815, il fut envoyé à la Chambre des députés, et fut réélu pour celle de 1816. On a de lui un ouvrage intitulé : La Vérité sur les événements de Lyon en réponse au mémoire d<s M. le colonelFabvier ; Lyon, 1817, in-8°, réimprimé à Paris dans la même année. — Jean Méallet De FArgues , né au château de Farguei «n 1708, fut nommé évêque de Saint-Claude en 1742.

   Fayou (Jean), jésuite , de Saint-Flour, est auteur d'un éloquent panégyrique et de quelques poésies à la gloire du roi Louis XIII, sur le fameux siège de la Rochelle.

   Feu (François) , savant docteur de Sorbonne, né à Massiac en 1633, devint grand-vicaire du diocèse de Rouen, sous M. de Colbert dont il avait fait l'éducation, et ensuite curé de Saint-Gervais, à Paris, en 1686. Il mourut en 1699. On a de lui les deux premiers volumes d'un cours de théologie qu'il voulait publier ; ils portent pour titre : Theologici traclaius ex sacris codicibus et sanctorumjtatrum monvmentis Excerpta.

   Fontanges (Geraud de), chevalier, d'une ancienne et illustre famille du lieu de ce nom, près de Salers, se fit une grande réputation, en 1178 , par la victoire qu'il remporta dans un combat judiciaire, un des plus célèbres et des plus solennels dont la mémoire se soit conservée, contre Aimeri, co-seigneur de St-Céré, qui avait été accusé auprès de Raymond H, vicomte de Turenne, par Hugues et Rigal de St-Céré, d'avoir tué par trahison leur frère et cousin. — Jean-BaptisteJoseph de Fontanges, né à St-Flour en 1718 , fut nommé à l'évéché de Lavaur en 1748. Il mourut en 1764. — Son frère, maréchal-de-camp, mourut à Aurillac en 1781. — François, vicomte de Fontanges, né à la Fauconnière (Allier), lieutenant-général, mourut en 1818. — François de Fontanges , son frère, né à la Fauconnière en 1744, mort en 1806, fut successivement évéque de Nancy , archevêque de Bourges et de Toulouse.

   Fontanier (N), né à Moissac, arrondissement de Murât, vers 1768, mort en 1844, acquit dans l'enseignement une réputation justement méritée. On a de lui plusieurs ouvrages recommandables, entr'autres : Les Tropes de Dumarsais, avec un commentaireraisonné et critique, 2 vol. in-12 ; Etudes de la langue française sur Racine, i vol. in-8° ; Manuel classique pour l'étude destropes , ou Eléments de la science du sens de* mots; 1822, in-12, etc. Il était docteur ès-lettres et membre de plusieurs sociétés savantes. — Son fils, Victor Fontanieb , a déjà publié plusieurs travaux scientifiques importants.

   Fortet (Pierre), chanoine de Notre-Dame de Paris, né à Aurillac, fonda à Paris le collège qui a porté longtemps son nom et qui a été ensuite réuni à celui de Louis-le-Grand. C'était, selon le Père de Jésus, un docteur fort célèbre dans, la jurisprudence civile et canonique. Il mourut en 1391.

   Four De Pradt , voyez Pradt.

Froquiere (l'abbé), né à Aurillac ou à Vie en-Carladès, devint théologal de Nojon cl prédicateur célèbre. Il prêcha souvent devant le roi et fit les stations du Carême dans la cathédrale de Clermont, en 1751. Quelques-uns de ses sermons ont été imprimés; on estime surtout son Eloge funèbre de Marie de Si-Martial de Conrot, abbesse de Sl-Jean du Buis-Us-Aurillac; Aurillac, 1754, in-4".

   Ganilh (Charles), né en 1760, à Allanche, mort à Paris en 1836 , contribua de tous ses moyens à la révolution du 18 brumaire, devint membre du Tribnnat et fit partie, en 1816, de la Chambre des députés où il vota constamment avec la minorité. Il a publié : Essai politique sur le revenu public dis peuples de l'antiquité, du moyen-dge , des siècles modernes etc., 1806 , 2 vol in-8" ; Des systèmes d'économie politiquede leurs inconvénients et de leurs avantages, 1809, 2 vol. in-8° ; Théorie île l'économie politique ,fondée sur les faits résultants dés statistiques de la France et de [Angleterre', sur l'expérience de tous les peuples célèbres par leurs richesses et les lumières de la raison, 1815, 2 vol in-8°; De la Science des finances , etc., 1825, in-8°, etc., etc.

   Garde De Sourniac (Gabriel de la), l'un des cent chevau-légers de la garde du roi, né à Moussages vers la fin du xvi" siècle, fut anobli avec toute sa postérité par Louis XIII, au mois de novembre 1856, en considération de tes services et de sa valeur, dont ce monarque avait été le témoin dans diverses occasions, notamment aux attaques de Saint-Jean-d'Angély, de Royant, de l'Ile-deRé. du Pas-de-Suze, etc.

   Geraud (saint), comte et baron d'Aurillac où il naquit vers l'an 855, d'une des plus illustres familles de France, se rendit particulièrement recommandable par sa charité pour les pauvres , par son amour pour la chasteté, par son zèle pour la justice, en un mot, par la pratique de toutes les vertus. Il fonda l'abbaye d'Anrillac, ordre de Saint-Benoit, en 894, et la dota de biens immenses. La vie de ce saint a été écrite par le P. Dominique de Jésus, et par saint Odon, abbé de Cluni.

   Giou (Claude de), né au château de ce nom, dans l'arrondissement d'Aurillac, fut commandeur de Cariât, de l'ordre de Malte, et se distingua dans la guerre que le terrible Mahomet II fit en 1480 aux religieux de Sl-Jean-de-Jérusalem dont il avait juré la perte ; il repoussa l'ennemi et le força à prendre la fuite. — Pierre de Giou, général des galères à Malte, contribua, en 1563, 1564 et 1565, par sa grande valeur, à repousser les armes, jusqu'alors invincibles , du grand Soliman, et à conserver Malte à la chrétienté ; il fut plus tard ambassadeur de son ordre en France. — Jacques de Giou, gentilhomme de la chambre du roi et de la fauconnerie de Louis XIII, rendit de grands services à l'Etat pendant les guerres du Languedoc et de la Rochelle. Il commanda une partie de la noblesse d'Auvergne au ban de 1635. — Louis de Giou fut écuyer de la princesse de Navarre, duchesse d'Albret, sœur d'Henri IV, et gouverneur de tlalvinet. Il battit le duc de Joyeuse dans les plaines de Monlauban, et reçut a cet effet une lettre flatteuse du roi.

   Gironde (André de), comte de Buron, né en 1694, d'une famille fort riche de la Haute-Auvergne, fut pourvu de la charge de grand échanson de France en 4731, et de la lieutenance de l'Ile de France la même année. — Antoine de Gibosde fut conseiller et premier maître d'hôtel de la reine Catherine de Mcdicis. Il mourut en 1601.

   Grognier (Louis-Furcy), né à Aurillac en 1775, entra comme élève à l'école vétérinaire de Lyon , y remporta des prix, y obtint bientôt la place de répétiteur, cell« de bibliothécaire, de professeur de botanique médicale, et enlin de zoologie, d'hygiène et de jurisprudence vétérinaire. — Il mourut à Lyon en 1837. On remarque parmi ses ouvrages : Notice historique et raisonnée sur C.Bourgelat, Paris , Lyon, 1805, in-8°; Recherches sur le bétail de la Haute-Auvergne et particulièrement sur la race bovine deSalers, Paris, 1831, in-8° ; Précis du cours de zoologie vétérinaire , Lyon, 1835 , in-8° ; Cours de multiplication des animauxdomestiques , 2« édition, Lyon. 1838, 1 vol. in-8°.

   Guillaume De Paris, un des plus célèbres théologiens du xin* siècle, né à Anrillac, fut pourvu de l'évêché de Paris en 1228. Il gouverna son diocèse avec zèle et avec sagesse ; il opéra beaucoup de conversions par ses sermons ; il encouragea et fit fleurir les lettres qu'il cultiva lui-même. Il mourut en 1248. On a de lui plusieurs ouvrages estimés qui ont eu plusieurs éditions. La dernière et la meilleure est en 2 vol. in-folio, publiée à Orléans ea 1674.

   Guitard (Antoine-Joseph ), né à Aurillac en 1762, mort en 1846, exerça longtemps avec succès la profession d'avocat au bareau d'Aurillac, fut nommé membre de la Chambre des représentants pendant les Cent jours, député en 1819, et préfet du Cantal en 1850. On a de lui plusieurs discours et brochures politiques  .

   Hébrard De Fau ( Pierre), citoyen d'Aurillac et avocat en cette ville, député du Tiers-Etat de St-Flour aux Etats-Généraux de 1789, joua dans le Cantal un triste rôle pendant toute l'époque révolutionnaire et y a laissé une mémoire abhorrée. Aux Etats-Généraux de 1789, il parla contre le veto royal et vota la peine de mort pour réprimer le délit de l'exportation des grains. Orateur d'une députation du Cantal, il parut à la barre de l'Assemblés nationale le 20 novembre 1795, y dénonça les aristocrates de ce département et demanda contre eux l'emploi des mesures les plus sévères. Accusé ensuite de concussion par la commune d'Aurillac, il fut traduit au tribunal criminel du Puy-de-Dôme, mais cette affaire n'eut aucune suite.

   Henry (Durand de), né à Bredon, près de Murât, fut religieux de Cluni et accompagna saint Odilon, son ami, dans un voyage que celui-ci fit en Quercy en 1047. Nommé abbé de Moissac-sur-le-Tarn en 1052, il poursuivit avez zèle et succès la réforme que Gausbert y avait déjà commencée. Il fut élu évéque de Toulouse en 1059 , mais n'en conserva pas moins son abbaye a laquelle il fit de grands biens. Il se trouva au cinquième concile de Toulouse, tenu par Huguesle-Blanc, légat, en 1068. Il mourut en 1072, laissant dans l'abbaye qu'il avait illustrée et enrichie la mémoire du plus digne chef qu'elle vit jamais à sa tête. Bientôt après il fut révéré comme bienheureux par les religieux de Moissac.

    Henry (Durand de), neveu du précédent, fut nommé évêque de Clermont en 1077. C'est sous ce prélat que fut convoqué dans la capitale de l'Auvergne , le fameux concile où fut résolu la première croisade. Les mouvements que se donna Durand pour recevoir Urbain II qui avait choisi chez lui son logement, et pour préparer ce qui était nécessaire pour la célébration du concile, lui occasionnèrent une maladie dont il mourut le 16 novembre 1095, le lendemain même de l'arrivée du souverain Pontife.

   Hospital (Jean de 1'), d'une famille originaire de l'Hospitalet, commune d'Allanche. naquit à Mural, suivant d'anciens manuscrits "Il se trouva, dit le célèbre Michel de l'Hospital, son fils, dans son testament, à la guerre contre les Génois, sous le feu roy Louis XII, servant de médecin a Charles le  Bourbon, connétable de France, duquel alors ledit Charles s'en servait, et  s'en est servy plus, puis après, de conseiller que de médecin, et n'avait affaire de si grande importance, qu'il ne la communiquast à mon père, et la passast par son advis;... » Jean de l'Hospital dirigea dans toutes les circonstances les affaires du connétable avec tant de chaleur et d'intégrité, que celui-ci récompensa dignement son zèle et ses services en le faisant bailli de Montpensier, auditeur de ses comptes à Moulins, et en lui donnant la terre de Bussière, en Auvergne, et le château de la Roche. C'est dans ce château que naquit Michel de l'Hospital.

Humières ( Louis-Joseph d'), né à Aurillacen 1753, mort en 1834, fut nommé archevêque d'Avignon en 1831. Il avait été professeur, recteur de l'Académie de Limoges, grand-vicaire des diocèses de Reims, de Limoges, de Rennes et de Valence. — Son frère, le comte d'Humières, rnaréchal-de-camp, mort depuis peu d'années, était homme de lettres et bon helléniste.

   Huttes (le chevalier Pagès des), maréchal-de-camp, prévôt du département du Rhône en 1817 , né à Vic-sur-Cère, vers le milieu du xvme siècle , mort a Lyon en 1834 , a publié : Réponse à un écrit intitulé l.yon en 1817 , par M. le cohnel Fabuler, Lyon, 1818 , in-8°. — J.-B. des Huttes, frère du précédent, né à Vie sur-Cère en 1759 , est le garde du corps qui fut massacré avec M. de Varicourt, le 6 octobre , sur les marches de l'escalier de la reine, à Versailles.

  Jacobi (Pierre), professeur de droit romain et de droit français à Montpellier, né à Aurillac, vers 1270, a laissé un livre estimé ayant pour titre : Subtilissimi et aculitsimi legum interpretis, palri Jacobi, iitriusque jurit meritissimi professoriss aurea et famosissima Pratca : Lyon, 1527.

   Jonin (Gilbert), jésuite, né à St-Flour en 1593, morl en 1638, se distingua par son talent pour la poésie grecque et latine ; presque tous ses ouvrages ont été imprimés à Lyon, de 1630 à 1637, in-t6 et in-8°. On y remarque une imagination vive et brillante, et beaucoup d'élégance et de facilité Le P. Sanadon appelle Jonin l'Anacréon chrétien, et Titon lui a donné une place dans ton Parnasse français. ■

   Jourdain (Antoine), jésuite, de St-Flour, a publié a Lyon, en 1626, des Racines de la langue hebraïque qu'il a comprises dans une centaine de décades en

vers, avec leur explication latine, et y a ajouté une autre décade de ses remarques. Il mourut en 1636.

   Labouderie (Jean), licencié en droit, prédicateur distingué, chanoine de Notre-Dame de Paris, membre delà Société des antiquaires de France, né à Chalinargues, diocèse de St-Flour, en 1776, mort à Paris en 1849 , a publié: Pensées théolojiques, in-8° : Précis historique du méthodisme, 1818, in-83 ; Panégyrique de saint Louis , prononcé devant l'Académie française . 1821, in-8° ; des morceaux d'histoire lilhurgique, des discours, des oraisons funèbres, des notices biographiques et une collection des anciens monuments de l'histoire et de la langue française.

   Lacarrière (Raymond de), né dans les environs de Vic-en-Carladès, fut vicebailli de la Haute-Auvergne pendant 40 ans. En 1720, il fut nommé prévôt des maréchaux de France en la généralité de Monlauban, qu'il parvint par son zèle et par son intrépidité, à purger des nombreux malfaiteurs qui l'infestaient.

   Lacoste (Jean-Baptiste), naquit à Mauriac en 17... Député par le département du Cantal à la Convention nationale, il y vola la mort de Louis XVI et fut bientôt après nommé représentant du peuple auprès des armées du Nord, commandées par Jourdan et Bernadotle, qui n'eurent qu'à se louer de son caractère et de son courage. De retour à Paris, il fut accusé et décrété d'arrestation. Sous le gouvernement consulaire, il devint préfet du département des Forêts; il fat ensuite gouverneur de Danlzig, directeur-général des Douanes à Vienne et préfet de la Sarlhe. Il mourut dans sa terre des Vaisses, en 1820.

   Lagarde De Saignes (Pierre de), né au château de Parlan, canton de St Mamcl. d'une ancienne famille qui a donné à la France plusieurs personnages distingués, remplit, sous François I", des missions importantes en qualité d'ambassadeur extraordinaire auprès des rois de Pologne, de Hongrie et de Bohème, en Ecosse et en Portugal. — Pierre de Lagabde fut prévôt dé" Brioude et cardinal-diacie de Sainte-Marie-Neuve en 1387- Cette famille existe encore dans le Cantal.

   Laparra De Fieux (Louis), né vers le milieu du xvi" siècle au elialeau de Varboulès, près d'Aurillac, entra fort jeune dans la carrière militaire, et s'éleva, par son génie et son courage, du raug de simple soldat au grade de lieutenantgénéral. Emule deVauban, dont il était contemporain, il eut la direction du siège d'un grand nombre de forteresses depuis 1673 jusqu'en 1706 : il fut tué d'un coup de canon dans une attaque contre Montjoui, près de Barcelojine.

   Labonade (Jean-André de), surnommé A'Apchon où il naquit vers le commencement du xvie siècle, était avocat en 1511 à la sénéchaussée de Kiom- Il assista aux Grands-Jours tenus en cette ville en 1546, et à ceux de Moulin» en 1550; il devint ensuite bailli du comté d'Aubijoux et de la baronic d'Apchon. Il composa, sous le règne de Charles IX, après l'an 1.y>67, un commentaire sur la Coutume d'Auvergne, qui est demeuré manuscrit; Berroyer et de Lauriéra en font l'éloge dans leur Bibliothèque de* coutumes, et comparent l'auteur i Basruaison pour le savoir et l'érudition.

   Lastic (Jean de), d'une très-noble et très-illustre famille du lieu de ce nom, dans la Haute-Auvergne, naquit vers 1371. Entré fort jeune dans la carrière des armes, il s'y distingua par sa valeur et sa prudence; il devint grand prieur d'Auvergne et commandeur de Monlealm en 1395, et enfin grand-maître de l'ordre de St-Jean de Jérusalem en 1437. Il se rendit digne de l'emploi qu'on lui avait confié : Rhodes avait de redoutables ennemis qui avaient juré sa perte; de Lastic sut, par d'habiles négociations, neutraliser les uns, et, aidé de ses chevaliers, il vainquit les autres. Il travaillait avec ardeur à repousser les attaques que Mahomet II préparait contre Rhodes, lorsqu'il fut atteint d'une maladie qui l'enleva en 1454.

   Lastic (Louis de) entra dans l'ordre de Malle et fut grand-prieur d'Auvergne, depuis 1537 jusqu'en 1567. IL fut, au rapport de l'histoire, un des personuaget qui acquit le plus de gloire en France, dans les guerres contre les calvinistes. En 1565, sous le magistère de Jean de Lavaiette, il fut appelé au secours de l'Ile de Malte assiégée par Soliman II; il partit et amena un secours considérable qui concourut à sa délivrante. A son retour, en 1568, il donna en France de nouvelles preuves de sa fidélité et de sa bravoure, et quelques années après, il mourut dans son château de Rochegonde avec la réputation d'un des plu» grands hommes de son temps.

   Lastic (Jean de), seigneur de Sieujac, neveu du précédent, servit d'abord Henri III avec distinction ; il embrassa ensuite le parti de la Ligue, et prit part à toutes les affaires importantes de cette époque de troubles. Il assista à la prise de Marvejols, en 1586; à la bataille d'Issoire, en 1590, il commandait l'escadron du centre, dans l'armée du comte de Randan : la même année, jl s'empara des châteaux de Saillans et de Buisson. Il fit sa soumission à Henri IV. en 1574, et mourut en 1611. Le président de Vernycs dit de lui, dans ses mémoires : « C'est le plus brave et le plus grand capitaine que la Ligue ait en ce* provinces. »

   Lastic (Antoine de), né dans le diocèse de Clerraont en 1709, fut sacré évêque de Comminges, le 9 octobre 1740. — Pierre Joseph de Lastic, né au château de ce nom, devint évêque de Rîeux en 1770. — François, comte de Lastic, et François de Lastic, son fils, furent l'un et l'autre lieutenants-généraux des armées du roi Louis XV.

   Latapie (Jacques), né à Aurillac, au commencement du xvi* siècle, a publié: 

Chants royauls sur les triomphes du mariage de M. leDauphin et de la Royne d'Ecosse: Paris, 1558, petit in-8".

Laurent (François-Xavier), né à Marcenat, en 1745 , professa la rhétorique à Billom, fut curé d'Huillaux en Bourbonnais, député du clergé de cette province à l'Assemblée nationale en 1789, et enfin évêque constitutionnel de Moulins. Il mourut à Clermont eu 1822. Il a laissé quelques ouvrages manuscrits, notamment des Mélanges littéraires qui sont entre les mains de ses neveux.

   Laval d'Aumont (Jean-Joseph), né à Mauriac vers le milieu du xvii e siècle, entra au service en 1684, et parvint au grade de capitaine de cavalerie. Il s'était auparavant distingué en Catalogne au combat du Pont-Major, à la prise d'Engelheim, dans le Palatinat du Rhin et à la bataille de Ramillies. Il fut chargé à différentes époques de missions secrètes de la plus haute importance, à en juger par les lettres que lui écrivirent les ministres Chamillard, Voisin, le cardinal de Fleury et le maréchal d'Harcourt. Laval d'Aumont mourut à Mauriac en 1737.

Lavergne De Fontbonne (Jacques-Barthélemy-Dieudonné de) né à Sl-Flour en 1769, était officier dans les chevau-légers du roi lorsque éclata la révolution. Après le 10 août, il offrit de se constituer prisonnier à la place de Louis XVI. Il alla ensuite joindre l'armée des princes, puis il se rendit en Suisse, de là à Triesle, où il se fit agent de change. En 1816, il reçut des litres de noblesse de Louis XVIII, la croix de chevalier de St-Louis, et le grade honoraire de chef d'escadron. Il mourut en 1831. On a de lui plusieurs pièces de poésie qui ne sont pas sans mérite: 

Le Pèlerinage dans les treize cantons aux mdnes de Jacques Delile; La Limagned'Auvergne , etc., etc.

Légendre (Antoine), médecin, né à St-Flour et mort à Toulouse, est auteur de divers ouvrages estimés sur son art. On fait surtout beaucoup de cas de sa dissertation sur la fièvre épidémique qui avait régné pendant le siège de Montauban, en 1629.

   Leotoing De Montgon (Pierre de), d'une noble famille dont le berceau se voit encore à deux lieues de Lempdes, sur la route de Massiac, était prieur de Chenailles lorsqu'il fut pourvu de l'évêché de St-Flour en 1452. Il contribua à la construction de la cathédrale de cette ville, et fonda à Sl-Ilpise un collège de prêtres qui devaient vivre en communauté. Il mourut en 1465. — Antoine de Leotoing De Montgon, frère du précédent, lui succéda à l'évêché de St-Flour, en 1463. Il finit la cathédrale, et mourut en 1482. — Louis de Leotoing, frère des deux précédents, acquit beaucoup de gloire dans la guerre contre les Anglais, en Guyenne. Il fut fait chevalier par Jean d'Orléans, comte de Dunois, devant Bayonne, en 1451.

Lescure (N.), né à Aurillac, fut nommé, selon M. Raulhac, A un évéché d'Espagne en 1640.

   Lignerac (François-Robert de), seigneur de Pleaux, d'une famille noble et ancienne, originaire du Limousin, fut gentilhomme de la chambre du roi, chevalier de l'ordre de St-Michel, gouverneur d'Aurillac pendant les guerres de religion , et lieutenant du roi dans la Haute-Auvergne. Il prit parti pour la Ligue, battit et fit prisonnier Henri de Bourbon-Lavedan. Ce fut lui qui, en 1585, raiera la reine Marguerite de Valois du château d'Agen, et la conduisit au fort de Cariât, où cette princesse resta dix-huit mob. Vers 1592, il fît sa soumission au roi et mourut en 1613. Son corps fut enterré dans l'église d« St-Chamand. — Gilles, Edme et Joseph de Lignerac acquirent une grande célébrité dans les armes.

   Ligonier De Pruns (François), était, avant la révolution, capitaine au régiment des dragons du roi, chevalier de Saint-Louis et maire perpétuel de la ville d'Aurillac. Il assista à l'assemblée provinciale d'Auvergne tenue à Clermont en 1787. Lorsque la révolution éclata, il reprit du service dans l'armée française et s'éleva rapidement au grade de lieutenant-général. Envoyé malgré lui dans la Vendée, il fut battu à Vihiers, où il commandait les troupes républicaines, par le général d'Elbée, qui fit un grand carnage des ennemis, enleva leur artillerie et leurs munitions. — Son fils, mort depuis quelques années seulement, a été colonel des gardes nationales à Aurillac. (Voir Rangouze. )

   Lizet (Pierre), né à Salers en 1482, s'éleva par son mérite aux plus-batile* charges de la robe. 11 fut d'abord avocat au parlement de Paris, ensuite conseiller, avocat-général, et enfin premier président au même parlement, en 1529. Force de se démettre de ce dernier emploi, en 1550, il-reçut en dédommagement l'abbaye de St-Victor de Paris, où il employa le reste de sa vie à lire la Bible et à écrire contre les protestants, dont il fut toujours le plus implacable ennemi. Il mourut en 1554, après avoir donné tout ce qu'il avait aux pauvres et fondé l'hospice de Salers. On a de lui : La Coutume de Berry ; une Pratique judiciaire pour l'instruction des procès,plusieurs fois imprimée; six livres De mobilibus tcclesia perceptionibus, trois livres de la Confession auriculaire, et de laPerfection monastique. et quelques autres ouvrages de controverse peu estimés.

  Lombard (François), né au village de Roueyrc, près de St-Flour, vers 1606, montra dès sa plus tendre jeunesse un goût décidé pour la peinture, et ne tarda pas, sans avoir un talent supérieur, a s'élever dans son art au-dessus de la ligne commune. Formé à l'école flamande, source de tant de chefs d'oeuvre, il consens, dans la plupart de ses nombreux tableaux que l'on trouve encore en Auvergne les défauts de cette école. On ignore l'époque de sa mort.

   Magi (N ), né à Aurillac en 1722, se livra, au sortir du collège des jésuites i Toulouse, avec ardeur à l'étude des antiquités et principalement de 1 archéologie, devint membre de plusieurs sociétés savantes et fut recherché par son immense érudition. Il mourut dans la petite ville de Grenade en 1802. On a de lui plusieurs dissertations et discours, insérés dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Toulouse et dans les recueils des jeux floraux.

   Malroux (N.), capitaine de vaisseau, né à Maurs, se distingua sur mer par diverses actions d'éclat, notamment en l'an Vhi, par la prise de deux vaisseaux anglais montés par des forces bien supérieures aux siennes. Malheureusement Malroux trouva la mort dans son triomphe.

   Manhes (Joseph), né à Ladinhac, partit à la fleur de l'âge pour l'armée où sa conduite et son impétueuse bravoure lui valurent le grade de capitaine dans la garde impériale, la croix d'officier de la Légion-d'Honneur et un des premiers sabres d'honneur distribués par Napoléon. Au siège de Toulon, il sauva les jours de Bonaparte blessé en le prenant dans ses bras et en le portant dans un lieu à l'abri des boulets de l'ennemi. Quoique atteint de deux coups de feu sous les murs de la même ville, en montant l'un des premiers à l'assaut de la redoute de l'Aiguillette, il fit prisonnier un général anglais; le 15 avril 1795, à la prise de la redoute de Dégo, quoique blessé, il s'élança l'un des premiers à la téte des grenadiers et s'empara d'une pièce de canon ; quelque temps après il se signala à Eylau, où il reçut une blessure qui le força d'accepter sa retraite ; il reprit néanmoins du service en 1812 dans le 155 ème régiment, où il se distingua de nouveau. Manhes est mort à Aurillac le 5 février 1841. — Le général comte Manhès, encore existant, est né à Aurillac.

   Marze ou Marcé (Gilbert de), capitaine, d'une grande vaillance, frère de François Robert de Lignerac, seigneur de Pleaux, bailli et général au commandement des montagnes d'Auvergne, fut, par ordre d'Henri III, commis à la garde de la reine Marguerite de Valois, épouse d'Henri IV, au château fort de Cariât, dont il s'était emparé par un coup de main hardi et dans lequel il commanda pendant la Ligue. (Voyez Lignerac.)

   Milhaud (le comte Jean-Baptiste), né à Arpajon , près d'Aurillac, en 1766 , entra dans la carrière militaire en 1778. Nommé député à la Convention nationale, il y vota la mort du roi Louis XVI. Après la session, il reprit du service, fut nommé général de brigade à la suite de la révolution du 18 brumaire, général de division en 1806 et inspecteur-général de cavalerie en 1814. Il mourut à Aurillac en 1833. Milhaud fut, sans contredit, un des meilleurs généraux de l'Empire. Il  donna des preuves de sa bravoure et de ses talents militaires en Italie, en Prusse, en Allemagne, en Espagne, en France, en Belgique, partout enfin où il y eut des ennemis à combattre et de la gloire à acquérir.

Miquel (Guillaume), colonel, né le 1er avril 1764 à Aurillac, était capitaine d'une compagnie franche lorsqu'il devint chef du 3* bataillon du Cantal, le 25 mars 1793. Il fut nommé chef de la 26e demi-brigade de ligne, le 17 fructidor an vu ; il reçut la croix de la Légion-d'Honneur en l'an xn et celle d'officier du même ordre le 25 prairiul suivant II servit à l'armée de la Vendée, a celles du Rhin et Moselle, des Alpes et d'Italie, au camp de Bayonne et à l'armée d'observation de la Gironde. A l'affaire du 28 fructidor an II, devant Kreutznact, Miquel combattit corps à corps avec un officier prussien et le fit prisonnier avec 80 hommes qu'il commandait. Sur le compte qui fut rendu de sa conduite par le général en chef et par les représentants du peuple, la Convention nationale décréta, le 3 nivôse an III, que le citoyen Miquel avait bien mérité de la patrie. Retraité le 23 février 1808, le colonel Miquel rentra dans ses foyers où il est mort.

   Miramon (Jean-Gaspard-Louis de Cassagnes, marquis de), fut chambellan de l'empereur Napoléon en 1809, comte de l'Empire, avec érection de majorai, en 1810, préfet de l'Eure en 1813 et d'Indre-et-Loire on 1815. Il mourut en 1824.

   Montal (Gilles de), d'une des plus anciennes familles d'Auvergne , chevalier des ordres du roi et gouverneur du haut-pays d'Auvergne, servit dans les armées du Languedoc, et en Picardie depuis 1542 jusqu'en 1553. Il soutint dans la Haute-Auvergne le parti de Henri III et eut plusieurs fois à combattre Madeleine de Saint-Nectaire. Mézerai prétend qu'il fut tué par cette héroïne, lorsqu'il faisait le siège du château de Miremont en 1576. — Ayméric de Montai, était bailli des montagnes d'Auvergne et chambellan du roi en 1450.

   Montal (Françoise de), épouse de Jean VIII, baron d'Arpajon, de la même famille que les précédents, se fit une grande réputation par son courage pendant les guerres de religion ; elle se distingua surtout en reprenant en personne la ville et le château de Sévérac sur les calvinistes.

  Montarnal (Louis-Félix-Marie de Guirard de), officier supérieur de cavalerie, né en 1764 au château de Senezergues , dans le canton de Maurs, accompagna le célèbre Lapeyrouse, son parent, dans le malheureux voyage autour du monde, que ce dernier entreprit en 1785, et périt le 13 juillet 1786 avec 21 autres marins, au port des Français, en allant dans un canot placer la sonde dans la baie. C'était, au rapport de Lapeyrouse, un officier de marine de la plus grands espérance.

   Montaudon ou Pierre de Vic, troubadour, né à Vic-sur-Cère, d'une famille noble, se fit moine à l'abbaye d'Aurillac, et obtint ensuite le prieuré de Monlaudon, qu'il ne tarda pas à quitter pour aller en 1285 à la cour d'Alphonse III, roi d'Aragon, recueillir des succès que lui avaient déjà procurés ailleurs ses nombreux itrvcntes. Après avoir parcouru l'Espagne, comblé partout d'honneur et de bienfaits, il se retira au prieuré de Villefranche, en Roussillon, et y mourut, on ne sait à quelle époque. Il nous reste de lui un grand nombre de poésies dont l'abbé Millot nous a donné un aperçu dans son Histoire des Troubadowt.

Montvallat (Louis de), d'une ancienne famille noble qui a tiré son nom d'un château situé dans la commune de Chaudesaigues, devint conseiller et chambellan du roi, bailli des montagnes d'Auvergne, commissaire aux impositions du même pays, et gouverneur du château de Tanavelles, de 1595 à 1429. — François de Montvallat, deuxième du nom, servit en qualité de cornette de la compagnie de cent hommes d'ordonnance du prince de Joinville, et se signala à la tète de cette troupe en 1615. Les trois états de la Haute-Auvergne l'élurent en 1649 syndic de la noblesse et député aux Etats-Généraux convoqués à Orléans. — Plusieurs membres de cette famille se sont distingués dans l'armée et ont été promus au grade de maréchal-de-camp.

   Morèse (Marguerite Ouvrier de), née dans l'arrondissement d'Aurillac. s'acquit une grande réputation par la conduite ferme et courageuse qu'elle tint en 1612. Son mari ayant été arrêté par ordre supérieur, elle se rendit maîtresse de Cariât, et résolut de la défendre les armes à la main. M. de Noailles, envoyé pour faire le siège de celte place, somma vainement M"" de Morèse de se rendre; l'héroïne fut inébranlable; elle exigea la mise en liberté de ion mari, et l'on accepta ses conditions.

   Mossier (Jacques-François), pharmacien, né a Fontanges en 1736, mort à Clermont en 1808, se fit remarquer par ses connaissances chimiques et par son ardent amour pour les sciences naturelles ; on lui doit : Vue générale sur l'hittoire naturelle des environs de Clermont, an iv, in-8°; Mémoire de l'analyse des eaux minérales du Mont-Dore et de Néris, in-8" ; Observations sur le basalte  d'Auvergne, etc..

   Mourgues (Michel), jésuite célèbre, né à St-Flourou dans lesenrirons, en 1643, enseigna avec distinction, dans son ordre, la rhétorique et les mathématiques. Son savoir , son amabilité, son désir d'être utile, le rendirent cher à tout le monde. Ses principaux ouvrages sont : Plan théologique du pythagoritrne ; Paris, 1714, 2 vol. in-8° ; Traité de la poésie française, 1684, plusieurs fois réimprimé ; traduction de la Thérapeutique de Théodoral; Nouveaux éléments de géométrie, in-12. Le P. Mourgfles mourut à Toulouse, au service des pauvres, en 1713.

   Murat (Renaud de), deuxième du nom, d'une des plus anciennes et des plus puissantes familles de la Haute-Auvergne, qui, outre les personnages dont il va être parlé, a produit Jean de Mubat, croisé en 1103, et Guillaume de Murât, évéque du Puy en 1248, se rendit célèbre en 1444 par le siège qu'il soutint dans le château fort de Murât, contre Begon d'Estaing. Obligé de composer, après une longue et vive résistance , paur sauver la vie à ses gens , il fut mis en prison , mais il ne tarda pas à s'échapper; il se retira alors auprès de Jean, duc de Bourgogne, auquel il s'engagea plus tard à ôter la vie, moyennant 57,000 moutons d'or et 500 livres de rente en terre.

   Murat (Jean de), frère du précédent, fut constamment attaché au parti de Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne. Après la mort de ce prince, le 10 septembre 1419, il fut député vers le roi de Navarre et le comte de Foix; il continua de servir le duc Philippe-le-Bon, successeur du duc Jean. Chargé de remplir une mission importante en Languedoc, il fut arrêté par ordre du dauphin, en 1423, el détenu dans la ville de Carcassonne jusqu'au 7 juillet de la même année.

   Murat (Claude), seigneur de Villeneuve et de Varillettes, fils de François de Murât de Rochemaure, occupa divers emplois dans lesquels il fut très-utile à l'Etat et au roi. Sous le ministère du cardinal de Richelieu et de Mazarin, il fut nommé pour être gouverneur de S. A. R. monseigneur frère du roi. Il devint successivement maître-de-camp et maréchal des camps et armées de France. Il fut ambassadeur en Italie, où il se montra aussi habile dans les négociations que dans le maniement des armes. Il mourut à Saint-Flour en 1676. (Voyez de Sis trières.)

   Nicolas (le père), jésuite, né dans les environs de Saleis , fut connu au XTit* siècle, dans toute l'Europe, par son savoir en théologie et en mathématiques.

Noailles (Charles de), d'une très-ancienne famillo noble du Limousin , né atr château de Pénières, près de Laroquebrou, en 1589, fut, encore tout jeune, fait abbé d'Aurillac et sacré évéque de Saint-Flour en 1614. II passa, en 1646 , à l'évêché de Rodez, où il mourut au bout de deux ans. Ce prélat, plein de savoir, de zèle et de piété, remplit toute sa vie de bonnes œuvres, et ne cessa de travailler efficacement pour la gloire de la religion.

   Noailles (Anne-Jules de), duc, pair et maréchal de France, né à Aurillac, le 4 février 1650, fut fait premier capitaine des gardes du corps du roi en survivance de son père, se distingua d'abord dans la campagne de Hollande, en 1672, eut le commandement de la maison du roi en Flandre, en 1680, commanda en chef dans le Roussillon et la Catalogne, en 1689, et fut fait maréchal de France en 1695. Il prit et démolit Campredon, s'empara de Roses, de Palamos, de Gironne, de Castelfollit et gagna la bataille du Ter, le 27 mai 1693. Il mourut a Versailles en 1708. a

   Noailles (Louis-Antoine de), frère du précédent, né au château de Pénièrei en 1651, fut reçu docteur de Sorbonne en 1676, devint évéque de Cahors en 1679, puis de Châlons-sur-Marne en 1680, archevêque de Paris en 1695, et enfin cardinal en 1700. Il ne négligea rien pour faire fleurir dans son clergé la science, les bonnes mœurs et la discipline; il était savant, pieux, doux , charitable; il s'opposa longtemps à la bulle Unigenitut, et ne la signa qu'en 1728. Il mourut en 1729. On a de lui plusieurs instructions pastorales.

   Noailles (Gaston-Jean-Baptiste de), frère des deux précédents, évéque de Châlons-sur-Marne, était d'une piété exemplaire. Il se montra opposé à la bulle Unigenilus. — Jean-François, marquis de Noailles, lieutenant-général de la Haute-Auvergne, maréchal-de-camp, naquit au château de Pénières, le 21 août 1658, et mourut au camp de Groselières, en Flandre, en 1696.

   Nozières-Montal (Gabriel de), d'une famille d'ancienne noblesse, qui devait son nom à un château situé dans la commune de Saint-Martin-Valmeroux, près de Salers, fut bailli royal des montagnes d'Auvergne de 1524 à 1540- Il assista à l'assemblée, pour la rédaction de la coutume d'Auvergne, en 1510, et fit la revue delà noblesse du haut-pays en 1537. — François II de Nozièrbs-montal, seigneur de Valens, fut nommé gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, par lettres du 20 juillet 1585. H

   Oradour (Urbain d'), du bourg de ce nom , près de Pierrefort, fut d'abord chambellan du duc de Bourbonnais et d'Auvergne, et devint ensuite maître d'hôtel ordinaire du roi Charles VII, par lettres du H janvier 1426. Ce dernier emploi était la récompense des services qu'il avait rendus au roi dans les guerres contre les Anglais. — Jacques III d'OBADOUR fut fait, par Catherine de Médicis et Charles IX, gentilhomme ordinaire de la chambre en 1560 et maître d'hôtel du roi en 1570. Il avait servi longtemps avec distinction, et il mourut de blessures reçues dans les rangs des catholiques.

Pagès de Vixouze (François-Xavier), littérateur, né à Aurillac en 1745, -d'une famille distinguée, se rendit au commencement de la révolution à Paris, où il obtint un petit emploi. Dans l'espoir de s'avancer rapidement, il adopta avec ardeur les principes démagogiques et publia divers ouvrages qui portaient l'empreinte dont son esprit était animée; les principaux sont : Tableauxhistoriques delà Révolution française, avec gravures, Paris, 1791-4804, 4 vol. in-folio; Histoire secrète de la Révolution française,Paris, 1796, 1801, 6 vol. in-8"; la France républicaine, poème en 10 chants, in-8°. Pagès mourut à Paris en 1802.

Pages Deshuttes. (Voyez Huttes.)

   Parenque (Antoine), prêtre , né à Jalleyrac en 1745, mort eto 1829, a publié plusieurs opuscules en vers latins dont il donna lui-même la traduction en vers français.

   Pérusse-d'Escars (Jacques de), troisième du nom , marquis de Montai, né, à ce que l'on croit, au château de ce nom , près de Laroquebrou, fut sénéchal de Guyenne , gouverneur de Bordeaux , du fort de Hâ, des villes de Mauriac et de Maurs. Il mourut à Paris au mois de février 1631. (Voyez Escars.)

   Peyre (Jacques d'Auzoles, seigneur de la), secrétaire du duc de Monlpensier et conseiller du roi, naquit à la Peyre, commune de Paulhac , en 1571, et mourut d'apoplexie à Paris, en 1642. On lui doit un grand nombre d'ouvrages de chronologie et d'histoire, aujourd'hui oubliés , mais qui lui firent, dans le temps , une réputation immense et lui valurent des honneurs rarement accordés à des savants de premier ordre. Les principaux ouvrages sont : Sancta Evangelia, 1610, in-folio; la Sainte Géographie, ou laDescription de la terre et la véritable démonstration du paradis terrestre, 1629, in-folio; la Sainte Chronologie, 1632, in-folio.

   Piganiol De Laforce ( Jean-Aymard de), né à Aurillac en 1673, d'une famille noble, a publié un grand nombre d'ouvrages estimés relatifs à la géographie et à l'histoire de France; les principaux sont : Description historique et géographique de la France, 1753, 15 vol. in-12, dernière édition ; Description de Paris, 10 vol. in-12 ; Description du château de Versailles, 2 vol. in-12; Voyage deFrance, 2 vol. in-12. Tiganiol mourut à Paris en 1753.

   Planche (Joseph), né dans l'arrondissement d'Aurillac en 1762, mort à Paris m 1853, fut successivement directeur du petit collège Sainte-Barbe, rédacteur de Y Eclair, du Journal des Débats, en collaboration avec Berlin de Vaux , de Y Année littéraire, avec MM. de Châteaubriand et de Bonald, professeur de rhétorique au lycée Bonaparte et conservateur adjoint à la bibliothèque de la Sorbonne- On lui doit le premier Dictionnaire grec-français, in-8°; les Ephémérides religieuses, politiques et littéraires,conjointement avec M. Noël, 12 vol. in-8°; un Cours de littérature grecque, 7 vol. in-8°; la traduction de la politique de Plutarque, et divers autres ouvrages pour l'enseignement de la langue grecque.

   Pompier (Augustin), né à Maurs, le 24 janvier 1756, fut proclamé lieutenant, en 1792 , dans le bataillon du Cantal, devenu 25' demi-brigade et 25« régiment d'infanterie de ligne. Depuis cette époque jusqu'à l'an vu, il servit avec distinction aux armées des Alpes, d'Italie et d'Helvélie, et se fit particulièrement remarquer par sa bravoure au combat d'Ulello. Passé , en l'an vi, à l'armée d'Orient, il fit les campagnes de Syrie, et se signala par son intrépidité, le 21 floréal an vu, à l'assaut de Saint-Jean-d'Acre, en montant le premier sur la brèche; à la bataille de Canope, en l'an ne, il entra le premier dans la redoute anglaise et tua plusieurs soldats de sa main. Le général en chef Menou lui décerna un sabre d'honneur, le 9 floréal de la même année , et Bonaparte le créa officier de la Légiond'Honneur, le 25 prairial an xu. On ignore l'époque de sa mort.

   Pradt (Louis du Four de), chevalier de Saint-Louis, mestre-de-camp et brigadier de dragons, anobli en 1722, naquit à Allanche d'une ancienne et bonne famille qui avait rendu de grands services à l'Etat dans la profession des armes. Il mourut dans un âge très-avancé, criblé de blessures, et laissant une réputation de prudence et de bravoure à toute épreuve.

   Pradt (Dominique Dufour de), né à Allanche, en 1759, était grand-vicaire du cardinal de Larochefoucauld, archevêque de Rouen, lorsqu'il fut nommé député du clergé de Normandie aux Etals-Généraux , en 1789 , où il signa les diverses protestations de la minorité de l'Assemblée. A la fin de la session, il se relira en Allemagne où il publia plusieurs ouvrages politiques. Rentré en France après le 18 brumaire, il devint premier aumônier de Bonaparte et ensuite évêque de Poitiers en 1805, archevêque de Malines en 1809, ambassadeur a Varsovie pendant la campagne de 1812, chancelier de la Légion-d'Honneur en 1814. En 1828, il fut envoyé à la Chambre des députés par le département du Puy-de-Dôme, et mourut à Paris, en 1858 On doit à sa plume élégante, spirituelle et féconde, un grand nombre d'ouvrages, dont les principaux sont : 1' .Antidote ou congrès de Rastadi, 1798, in-8° ; Voyageagronomique en Auvergne, 1805, in-8° ; Histoire de l'Ambassade dans le duché' de Varsovie, en 1812, 1815, in-8°; des Colonies etde la Révolution actuelle de l'Amérique, 1817, 2 vol. in-8".

  Rangouze (Jean-Jacques-Joseph Ligonyer, comte de), né dans l'arrondissement d'Aurillac, a publié, entr'autres ouvrages : Essai sur l'origine des fiefs de la noblesse de la Haute-Auvergne, et sur l'histoire naturelle de cette province ; Paris, 1784, in-12.

   Raulhac (Charles-Jean-François), né à Aurillac, vers le milieu du xviii* siècle, mort à Moulins en 1825 , a donné au public :Annotation sur l'histoire et les grands hommes de la ville d'Aurillac et de son arrondissement ; Aurillac, 1820, in-8* ; Discourt sur les développements successifs de l'agriculture, des arts et du commerce dans le déparlement du Cantal, depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du xtn* siècle de notre ère; Aurillac, 1822, in-8».

   Ribier De Cheyssac (Frédéric-Guillaume de), né au château de Layre, commune de Saignes, en 1774, mort en 1842, se fit connaître de bonne heure, fort avantageusement, par la publication de quelques pièces de vers ; il s'adonna plus tard à l'étude des sciences, et devint membre correspondant de l'Académie de Clermont et de la Société royale des antiquaires de France. On lui doit : Statistique du département de la Haute-Loire, 1 823, in-8°, ouvrage couronné par l'Académie des sciences de Paris ; plusieurs mémoires intéressants et des pièces de vers insérées dans lesAnnales de la Sotie'té d'agricidture, sciences et arts du Puy.

  Ribier Du Chatelet (Jean-Baptiste de), frère du précédent, né au château de Layre, en 1779, mort en 1844, a publié : Dictionnaire statistique du département du Cantal; Aurillac, 1824, in-8°. Une nouvelle édition, considérablement augmentée et bien supérieure à la première, parait' en ce moment, d'après les manuscrits de l'auteur et avec des améliorations importantes dues aux soins et aux travaux de quelques bommes consciencieux et amis de leur pays.

   Rigal (Jean-Baptiste de), né le 6 décembre 1686, d'une famille ancienne et noble de la paroisse de Sainl-Remy-de-Chaudesaigues, entra au service , dans le régiment de la couronne, en 1706, y fut lieutenant en 1707, capitaine en 1712, chevalier de Saint-Louis en 1715, capitaine de grenadiers en 1735, chef de bataillon en 1740, lieutenant-colonel en 1744, brigadier d'armée en 1747 et marécbalde-camp en 1758.

   Rochebrune (le baron de), député de la noblesse du bailliage de Saint-Flour aux Etats-Généraux, prit souvent la parole dans cette assemblée, et s'y fit toujours remarquer par son énergie à combattre toutes les propositions attentoires aux droits de la royauté. — L'abbé de Rocbebrune, mort en 1827, administra le diocèse de Saint-Flonr pendant la vacance du siège, qui dura 12 ans. Il fut nommé évéque ; mais il ne reçut pas l'institution cononique.

   Rochefoucauld (Dominique de La), cardinal et archevêque de Rouen, né en 1713 au château de Saint-Ilpize et non dans le diocèse de Mende, comme l'ont répété tous les biographes, fut d'abord fait grand-vicaire du diocèse de Bourges, nommé ensuite archevêque d'Albi en i 747, abbé de Cluny en 1757, transféré deux ans après au siège de Rouen, et enfin déclaré cardinal, sur la présentation du roi, en 1778. Député aux Etats-Généraux et président de la Chambre du clergé, il eut part à toutes les mesures adoptées par lui et refusa le serment. Il sortit de France après le 10 août 1792, et mourut à Munster en 1800.

   Rodier Ou Roderi (Pierre), gentilhomme, né, à ce que l'on croit, dans les environs de Salers, fut d'abord chanoine de l'église de Saint -Martial de Limoges et secrétaire du roi Philippe-le-Long. En 1320, il devint chanoine de Reims et chancelier de Charles, comte de la Marche; enfin, chancelier de France en 1321. Il garda les sceaux jusqu'à 1323, qu'il fut nommé évéque de Carcassonne. Il mourut en 1330.

   Roquenatou (Pierre de), cinquième abbé d'Aurillac en 1107 , né au château de Roquenatou , peu éloigné d'Aurillac, se distingua par la finesse de son esprit et l'élégance de ses manières. Il répara et embellit le cloitre, et mourut en 1129, après une administration de vingt-deux ans.

   Roquetaillade (Jean (le). cordelier, né à Aurillac en 1346 , se crut doué àa don de prophétie, el, pour établir ses contes, il publia deux livres intitulés, l'un Ostensor, et l'autre Vadc mecum in tribulatione. Comme il continuait ses extravagances , malgré la défense expresse du pape . Innocent VI le fit enlever de son couvent et renfermer au château de Bagnols. En étant sorti, il se retira à Villefranche et y mourut.

   Roussilhe (Jean-Baptiste), avocat à St-Flour, né dans les environs de cette ville, a publié: 

Traité de la dotà l'usage du pays dedroit écrit et de celui de coutumes ; Clermont-Ferrand, 4785, 2 vol. in-12.

   Salers (François de), troisième de nom , fut page , puis gentilhomme de la chambre du roi Henri IV, à qui il rendit de grands services. — Henri de Salkbs, fils du précédent, fut gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, syndic de la noblesse d'Auvergne , colonel d'infanterie et mestre-de-camp en 1635, et capitaine de chevau-légers en 1641.

   Salpini (Pierre), fils d'un médecin de Saint-Flour, fit profession de la règle de Saint-François chez les Cordeliers de Toulouse, devint grand-vicaire de Bazas et ensuite évéque de cette ville en 1397. Il siégea avec une grande sagesse jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée en 1406. Ce prélat charitable, pieux et savant, fonda à Toulouse le collège de Saint-Nicolas, avec quatre places de boursiers destinées a des étudiants du diocèse de Saint-Flour.

   Salvage (Jean-Galber), docteur-médecin, né en 1772, à Lavastrie, arrondissement de Saint-Flour, fut d'abord attaché , en 1792, à un régiment en qualité de chirurgien, puis aux hôpitaux militaires, et enfin à l'hôpital d'instruction du Val-de-Grâce, où il commença d'utiles travaux, qu'une mort prématurée, arrivée en 1813, ne lui permit pas de terminer. On lui doit YAnatomie du Gladiateur, Paris, 1812, grand in-folio, ouvrage qui ne serait désavoué par aucun de nos artistes les plus distingués.

   Salvan (Antoine), né à Loubeysargues, commune de Valuéjols, près de SaintFlour, en 1755, remplissait depuis trois ans les fonctions de vicaire à Cezens, lorsque l'abbé de l'Epée, instruit de son aptitude pour l'instruction des sourds et muets, l'invita, en 1785, à se rendre à Paris pour y suivre ses leçons. Sous un tel maître, Salvan fut bientôt capable de diriger un établissement, et il fut placé à la tête de l'école des Sourds-et-Muets fondée à Riom par la noblesse et le clergé d'Auvergne, à l'instigation du général Lafayette. Appelé, en 1789, à remplacer M. de l'Epée, il déclina cet honneur et désigna M. Sicard comme plus digne que lui; il se contenta de la direction de l'école des Sourdes-Muettes, qu'il a gardée pendant quarante ans. En 1822, il refusa encore, à la mort de son ami, la direction générale de l'école ; il consentit seulement à remplir l'intérim, qui se prolongea jusqu'au mois d'avril 1825. En 1834, il se retira dans le Cantal où il décéda en 1838, après y avoir donné l'exemple de toutes les vertus chrétiennes. L'abbé Salvan a laissé, sur l'enseignement des sourds et muets, de longs et intéressants mémoires, que sa modestie ne lui a pas permis de livrer à l'impression. ( ajouté par moi : sa tombe est au cimetière de Bredon)))

   Sarret De Fabregues (Antoine de), troisième du nom , écuyer, seigneur de Vaurs, président au présidial du haut-pays d'Auvergne, rendit de grands services sous Henri III, lors de la Ligue; il fut maitre des requêtes ordinaires de la maison du duc d'Anjou et d'Auvergne, et fit même les fonctions de secrétaire d'Etat. — La maison de Sarret de Fabregues, établie à Aurillac depuis la fin du xv' siècle, a produit plusieurs personnages recommandables.

   Sartiges (Bertrand de), né vers 1260, au château de ce nom, près de Mauriac, fut reçu chevalier de l'ordre du Temple, à Tortose, en 1279. Il se distingua plu» tard dans les guerres contre les infidèles, et fut pourvu de la riche commanderie de Cariât. Lors du procès des Templiers, sous Philippe-le-Bel, il fut arrêté, avec soixante chevaliers de sa province , et interrogé par l'évêque de Clermont, leii juin 1309. Conduit à Paris, il fut élu par les Templiers, en 1512, pour représenter et défendre l'ordre devant la commission nommée par le pape Clément V. On croit qu'il passa ensuite en Allemagne, et qu'il termina sa carrière dans l'ordre teutonique. — Antoine-Simon et Charles-Gabriel-Eugène de Sartiges, nés au château de Sourniac , furent nommés, le premier, maréchal-de-camp en 1814, et, le second, préfet de la Haute-Loire la même année. — Le fils de ce dernier, né en 1809 , est, depuis plusieurs années, ministre plénipotentiaire de France en Perse. — M. de Sartiges-d'Angles, né dans la commune du Vigean, a pris une grande part auNobiliaire d'Auvergne, en 7 vol. in-8°, publié par M. J.-B. Bouillet, et nous croyons savoir qu'il s'occupe en ce moment d'un travail important sur notre province.

   Scorailles (Voyez Escorailles.)

Segret (Aslorg de), troubadour, du château de ce nom, qui dominait autrefois le bourg de Saint-Vincent, déplore les maux, de la croisade dans le seul sirvente qui nous reste de lui ; il engage, dans la même pièce, Edouard Ier, roi d'Angleterre, à récupérer les possessions qu'Henri III, son prédécesseur, avait en France.

   Sénezergues De La Rode (Louis-Etienne-Guillaume de), né à Aurillac, vers le commencement du xvui* siècle, entra dans la carrière militaire, fut nommé brigadier des armées de France, en 1753 , et servit en cette qualité dans la guerre du Canada. Il fut tué le 13 décembre 1759, dans une bataille livrée près de Québec, où il commandait la gauche de l'armée.

   Séraphin De Saint-François (le B. P.), connu dans le monde sous le nom de Gaspard Fortet, né à Aurillac en 1596, établit, par la protection du chancelier Séguier, dont il était le confesseur, les Carmes déchaussés au monastère de Chantoing, en remplacement des Chanoines réguliers qui l'occupaient. Il fut luimême le premier prieur qui vint en prendre possession , en 1633. H mourut à Clermont en 1641. Il a écrit plusieurs ouvrages ascétiques dont les manuscrit» étaient déposés au couvent de Clermont.

   SYLVESTRE II, dont le nom de famille est GERBERT, naquit au village de Belliac, commune de Saint-Simon, près d'Aurillac, vers 940. Il fut le plus grand homme de son siècle; il était orateur éloquent, mathématicien profond , astronome distingué, mécanicien habile, médecin, musicien; il devint abbé de Babio, en Italie, directeur de la fameuse école de Reims, archevêque de cette ville en 992, archevêque de Ravennes, et enfin pape, après la mort de Grégoire IV. Il mourut le 12 mai 4005 , après avoir gouverné l'Eglise pendant quatre ans, regretté de la chrétienté entière. Il nous reste de lui 149 Epitres, la Vie de saint Adalbert, archevêque de Prague, plusieurs ouvrages sur les mathématiques et la géométrie, no traité de dialectique, un traité sur la sphère, les Actes du concile de Bàle, des vers élégiaques, etc., etc

   Sistrières (Jean de), bailli de Murât et lieutenant-général d'Andelat, d'une famille ancienne de la Haute-Auvergne, a publié lePanégyrique de la royne Marguerite, duchesse de Valois, sur son arrivée à Paris, en 1582 ; Paris, même année, in-8». — François de Sistrières, frère du précédent, avocat au parlement de Paris, prieur de Saiut-Etiennc, chanoine célérier de Sainl-Geraud d'Aurillac , a publié un Discours de la tenue des conciles sur une dispute eue avec un religieux de l'ordre de Saint-François; Clermont, 1594, in-12. L'auteur se proposait de publier d'autre* ouvrages, mais il n'a pas exécuté ce projet.

   Sistrières (Jean de), né au commencement du XTir* siècle, mort en 1692, a laissé manuscrits : Mémoires curieux sur les fiefs dechaque province de France; Histoire d'Auvergne. suivie d'un nobiliaire de cette province, et d'une Histoire particulière duCarladèt,

   Sistrières (François-Michel de), vicomte de Murât, né à Vic-en-Carladès vers 1725, mort dans la même ville en 1809, fut conseiller du roi, son sénéchal d'Appeaux et son lieutenant-général au baillage de Carladez. On a de lui : Discours sur l'origine des lois,prononcé à l'ouverture des audiences du baillage royal et immédiat du pays de Carladès. à Vie, en 1765 ; Paris, 1789, in-12; l'Artde cultiver les pays des montagnes et des climats froids, ou Essai sur le commerce et l'agriculture particulière au pays desmontagnes d'Auvergne, 1774, in-12; Histoire d'Auvergne, première partie, 1782, in-12. N. de Sistrières-murat , fils du précédent, mourut à Vie en 1826, avec le grade de général de division.

   Teillard (Jacques), né à Murât vers le milieu du xvu* siècle, embrassa l'état ecclésiastique et fut nommé curé de Virargues. Homme d'étude et de science, il utilisa les loisirs que lui laissaient les fonctions de son ministère pour compulser les terriers, les Chartres, les titres de familles, les archives des villes, des monastères et des châteaux. Après avoir par ses labeurs ramassé des matériaux immenses, il composa une Histoire d'Auvergne, qui est demeurée manuscrit» et dans laquelle on trouve des choses fort intéressantes. — Nicolas Teillard fut général des finances sous Louis XI. — Jean Teillard, chevalier, fut nommé trésorier général de France par lettres du 11 août 1620.

Teissières (Bertrand de), d'une famille d'ancienne chevalerie qui florissait dès le treizième siècle, en Carladez, était chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem en 1930, et succéda, a-t-on prétendu, comme grand-maitro, à Guérin de Montaigu ; mais cette dignité est attribuée par tous les historiens à Bertrand de Texis. Le doute est d'autant plus permis que le nom de Teissières s'écrivait en latinTaxer Us.

    Textoris (Jean de), d'une famille originaire de la Tour, naquit dans la commune de Champagnac où ses ancêtres s'étaient établis depuis un temps immémorial. Il fut successivement avocat au parlement de Paris, conseiller au siège présidial de Clermont, lieutenant-général à la sénéchaussée d'Auvergne, et député, en 1576, aux Etals-Généraux de Blois, où il se fit remarquer comme l'un des principaux orateurs à cette célèbre assemblée.

    Théotard ( N. ), né à Aurillac, était moine de cette ville lorsqu'il fut élu évéque du Puy, en 998. Il gouverna dignement son troupeau, et fit des dons à l'église de Clermont.

   Tondy (Jean-Antoine), jésuite, savant dans la langue hébraïque et auteur d'un ouvrage intitulé : Radiées linguœ hebraïcœ, naquit à St-Flour au commencement du xvr* siècle.

   Tourdes (N.), né à Cariât vers la fin du Xviii" siècle, mort à Strasbourg en 1846, enseignait depuis longtemps la pathologie interne à la Faculté de médecine de Strasbourg, lorsqu'il y fut nommé professeur de médecine légale le 8 juillet 1840. On lui doit plusieurs ouvrages estimés de médecine.

   Tournemire (Jean de), d'une ancienne et noblo famille qui tire son nom d'un château situé à trois lieues d'Aurillac, fut un homme d'un grand mérite et jouit de son temps de beaucoup de considération. Il rendit de grands services au roi et à l'Etat par sa bravoure ; mais il en rendit un bien plus grand encore en faisant arrêter, en 1390, Aymérigot Marchés, surnommé le roi des pillards, et en le faisant conduire, chargé de chaînes, à Paris, où il fut écartelé après avoir eu la téte tranchée. — Pierre II de Tournemihe se croisa au concile de Clermont, en l'an 1095; il était contemporain de Jacques de Tournemire qui prit aussi la croix avec Guillaume VII, comte d'Auvergne, en 1102, et assista, l'anné suivantee au siège de Tripoli, où se trouvaient plusieurs autres chevaliers d'Auvergne. — Antoine de Tournemire était capitaine des francs-archers établis en Limousin et en Périgord et panelier du roi, le 5 avril 1467. Cette famille a produit divers autres personnages distingués, entr'autres Henri de Tournemire fait maréchal-de-camp en 1704, puis lieutenant-général.

   Tournemire (Voyez Vacher de Tournemire).

   Traverse (Guillaume de), né à Murât, fut médecin de Louis XI et de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, vicomte de Cariât et de Murât qui le produisit à la cour; il mourut vers 1475.

   Trepsat (N.), architecte, né a Aurillac en 1743, fut élève du célèbre Blondel. Il dirigea les constructions du théâtre du Marais, à Paris, et celles du château de Saint-Brice; il excellait surtout dans la composition de jardins pittoresques. En 1815 il fut nommé par Bonaparte d'abord architecte des Invalides, ensuite architecte du palais de Versailles et des châteaux de Compiègne et de Rambouillet. Il mourut à Paris la même année.

   Vacher De Toirsemine (Charles baron), né à Pleaux en 1755, mort à Mauriac eu 1840, fut reçu avocat à l'dge de dix-neuf ans, et bientôt il prit rang parmi les hommes les plus distingués de sa province. Chargé par M. de Miromesni! de rechercher les anciens monuments écrits de l'histoire d'Auvergne, il s'occupa avec ardeur de ce travail et recueillit pendant trois années des documents précieux dont les originaux ont disparu dans la tempête révolutionnaire. Après avoir fait partie de l'administration départementale, de 1791 à 1792, il alla siéger au conseil des Anciens où il soumit un grand nombre de rapports et d'opinions, devint ensuite membre du Corps législatif, recteur de l'académie de Clermonl, président du tribunal de Mauriac, député, baron et chevalier de la Légiond'Honneur. On lui doit : Recherches historiques et politiques sur l'origine es assemblées d'Etal et en particulier de cellesd'Auvergne, 1789, in-8°; des Notices dans les Mémoires de la société des antiquaires de France dont il était membre correspondant. — Bernard de Tournemine, fils du précédent, est général de division d'artillerie, commandant à Vincennes.

   Vair (Jean du), né à Tourncmire, arrondissement d'Aurillac, fut d'abord avocat au parlement de Paris, ensuite procureur-général de la reine Catherine de Médicis et d'Henri de France, duc d'Anjou, et enfin maître des requêtes de l'hôtel du roi. Il mourut en 1592. — Guillaume du Vair, fils du précédent, né à Paris en 1556, fut garde des sceaux et évêque de Lisieux. Il mourut en 1621.— Pierre duVair, frère du précédent, fut nommé évêque de Vence en 1601. Il mourut en 1638.

   Verdier (François), né à Cher en 1770, entra au service en 1788 et parvint par sa seule bravoure au grade d'adjudant sous-officier à la 29e demi-brigade de ligne. Il mérita d'être plusieurs fois mentionné dans les différents rapports adressés au ministre de la guerre. Le 16 messidor an vu, à Appenswyr. Verdier, avec 15 soldats de sa compagnie, fond impétueusement sur l'ennemi, le force à la retraite et reprend une bouche à feu qui avait été enlevée à des canonniers français. Le deuxième jour complémentaire an vu, il se fit remarquer par plusieurs actes de bravoure et enleva 4 prisonniers. On le vit en l'an ix, à l'attaque d'une redoute ennemie, s'élancer le premier sur un obusier qui faisait de grands ravages dans nos rangs, tuer plusieurs canonniers qui le servaient et s'en emparer après un combat de plusieurs minutes. Il obtint un sabre d'honneur le 10 prairial an xi, et mourut le 21 brumaire an xiv.

Vergne (Jean de la), né à Aurillac vers 1300, fut d'abord clerc de la Chambre apostolique, trésorier de l'anti-pape Benoit xm, et ensuite évêque de Lodève. — Son frère Rigaud de Lavergne., anobli par le roi Jean, en novembre 1350, fut la tige de la maison de Cressan qui a produit plusieurs personnages distingués

   Vernassal (Maximilien, Chalvet-Rochemonteix., comte de), de la môme famille que Mathieu Chalvet, de Salers (voir ce nom), était page du roi en 1679, mousquetaire en 1683, gouverneur de Rocroi en 1750, et lieutenant-général en 1754. fi mourut le 18 juin 1755. — Henri-Gilbert, son lils, brigadier d'armée en 1744, fut tué le 20 juillet de l'année suivante, au siège d'Audenaerde.

   Vernols (Pierre de), né à Murât, suivant un vieux manuscrit, était trésorier du pape Grégoire XI lorsqu'il fut nommé évéque de Maguelonne. Le souverain pontife l'envoya, en 1374, pour son légat au synode de Narbonne, et le fit, la même année, un de ses exécuteurs testamentaires. En 1380, de Vernols prononça l'oraison funèbre do Charles-le-Sage, reçut la même année, avec beaucoup de pompe a Montpellier, le roi d'Arménie, que le sultan avait dépouillé de son royaume, et il l'accompagna jusqu'à Bourges. En 1383, il fut nommé camérier du pape. Il mourut à Montpellier en 1389.

   Vernyes (Jean de), né à Salers, fut président en la Cour des aides de Montferrand. Chargé par Henri III de rédiger secrètement des mémoires sur la situation politique de l'Auvergne et les différents partis qui divisaient celte province, il remplit celte commission avec toute la sagesse et tout le zèle d'un fidèle et bon citoyen. Ces mémoires, qui ont été réimprimés en 1837, sont précieux pour l'histoire de l'Auvergne.

   VEYRE (Guy de), né à Aurillac, était premier consul et commandant des milices de celte ville, lorsqu'elle fut attaquée par les religionnaires, en 1581. A la fois brave et aelif, il parvint à repousser l'ennemi après un combat meurtrier dans lequel il fut grièvement blessé, et trois de ses frères aussi intrépides que lui perdirent la vie. En récompense de ces glorieux services, Henri III anoblit toute la famille de Veyre par lettres du 8 juin 1582.

   Vidal De Bezaudun (Raymond), troubadour, probablement du château de Kezaudun qui existait autrefois près de Tournemire, à trois lieues d'Aurillac , est connu par plusieurs pièces remarquables, entr'autres par deux Nouvelles qui ont fait dire à Millot : « Si les troubadours et les jongleurs avaient eu sou• vent à débiter des contes semblables, il faudrait moins s'étonner de leurs » prodigieux succès dans les Cours. > Raymond Vidal vivait sous le règne d'Alphonse IX, roi de Castille. mort en 1214, à la Cour duquel il avait séjourné.

   Vigier (Geraud), carme déchaussé, plus connu sous le nom de père Dominique de Jésus, naquit à Aurillac à la fin du xvi* siècle, et mourut en 1638. Ce savant religieux nous a laissé : Histoire parénélique des trois saints prolecteurs du Haut-Auvergne; Paris, 1636, in-8°; la Monarchie sainte et historique de France, enrichie de notes par le P. Thomas d'Aquin Pasturel, et traduite du latin en français par le P. Modeste de saint Amable, de Riom; Paris, 1670. 2 vol. in-folio.

   Vigier (Pierre de), du bourg de Fontanges, entra au service en 1634, dans les chevau-légers du comte d'Agcn, et fit dans l'espace de huit années les campagnes d'Alsace et d'Allemagne, de Piémont et de Roussillon, pendant lesquelles il assista au siège d'un grand nombre de villes. A la reprise de Saint-Denis, il combattit pied à terre avec les généraux de Miossans et de Saint-Mesgrin, et y fut blessé d'un coup de mousquet ; au combat du faubourg Saint-Antoine, en 4652, il se fit remarquer de toute l'armée par sa bravoure, après avoir eu un cheval tué sous lui. En récompense de ses services signalés, il fut anobli par lettres du roi Louis XIV, données à Compiègne en septembre 1652.

Vixouzes, voyez Pages.

   Volpilhère (N. de la), docteur en théologie, né d'une noble et ancienne famille à Allanche, dont il fut curé, prêcha dans plusieurs villes du royaume avec beaucoup d'approbation et de succès. Il mourut au commencement du xvn" siècle. Ou lui doit 6 volumes deSermons, in-12, et une Théologie morale, en 7 vol. in-12.— Le P. de la Volpilhèbe, jésuite, frère du précédent, se fit connaître avantageusement en Auvergne par ses excellentes et utiles prédications. Il nous reste de lui quelques petits ouvrages imprimés à Clermont.

Parmi les grands hommes que le Cantal a produits, on a cru ne devoir faira figurer ici que ceux qui sont nés dans le département. C'est la seule réponse que nous ayons à faire à ceux qui pourraient, nous accuser d'avoir omis le cardinal Rolland De Cromières, qui est incontestablement du Puy-de-Dôme; le célèbre violoniste Lafont, né à Versailles; l'inventeur du télégraphe, Claude Chappe,né dans la Sartbe , et beaucoup d'autres encore qui appartiennent seument à l'Auvergne par leurs ancêtres.

Malgré cette suppression, le nombre des notabilités cantaliennes est asser grand pour en être fier et le présenter avec orgueil à la France et aux génétions futures.

Le Cantal qui, à toutes les époques, a fourni, comme le Puy-de-Dôme, son glorieux contingent d'hommes de guerre et d'église, d'écrivains, desavants, de magistrats, est un des départements qui compte aujourd'hui peut-être le plus de personnages distingués vivants. Nous nous contenterons de citer ici M. de Parieu , ancien ministre de l'instruction publique ; les généraux Manhès , de Tournemine , d'Aurelle , Prax et le colonel Magnes ; les évêques Lacarrière et Chabrat; le médecin Civiale; les abbés Migne, Meindre et LadenDessauretDurat-Lassalede FoiilanLadvie-roche , Saphary, BeruldAntonin RoquesCombrouseb, etc., etc.

 


 Archéologie Monumentale - Beaux-Arts - Littérature - Sites

INTRODUCTION ARCHÉOLOGIQUE.

Quelle est donc la cause de cette disposition, particulière à l'époque actuelle, qui consiste à nous faire rechercher avec ferveur et conserver avec amour, les monuments anciens de notre pays? Faut-il y reconnaître, comme plusieurs veulent le dire, un sentiment artistique épuisé, constatant ainsi sa propre impuissance pour toute création nouvelle ; ou bien est-ce un motif philosophique, qui gémissant du défaut d'unité dans les croyances des masses, se traduit en tolérance générale, par incertitude sur la valeur relative de toutes les formes religieuses ou sociales? Ou bien encore ne serait-ce pas cette cause plus directe, qui chez un peuple amoureux du beau, fait honorer la culture du sens poétique, car l'archéologie enrichit l'imagination dont elle parle le langage ? — Je crois toutes ces raisons vraies, à des degrés différents. Néanmoins elles doivent selon nous, ne se placer que dans un ordre secondaire, la véritable explication de la fièvre monumentale présente, étant incontestablement le goût passionné des études historiques, et l'importance que ces études ont prises, à bon droit, depuis trente ans.

L'histoire en vérité, ne peut plus être aujourd'hui la simple chronique, c’est-à-dire le récit du fait nu, isolé, sans preuve, dénué surtout de toute large interprétation, de cette exégèse savante qu'a su lui donner une science moderne, nommée la philosophie de l'histoire. Au lieu d'accepter sans contrôle, la prétendue authenticité d'une foule de documents reçus; au lieu de s'en rapporter à la légende , dont beaucoup d'écrivains ne prenaient pas même la peine de démêler le sens mystérieux et souvent supérieur, on a compris la nécessité de faire entrer de nouveaux matériaux dans les éléments historiques adoptés, de se courber derechef sur les textes, et d'interroger la langue des monuments. Il existe en effet un rapport réel entre les mœurs, les usages, les événements d'un pays et ses édifices. Jamais un grand fait historique ne s'est produit ici-bas, sans laisser après lui deux sortes de vestiges : un parchemin écrit, dans les chartriers des couvents, et sur le sol, une archive de pierre. Au fait, chaque génération procède

d'une manière uniforme; elle a vécu, elle a prié, elle s'est gouvernée, elle a combattu : il lui a donc fallu des maisons, des églises, des palais, des forteresses. Ces débris, beaux on laids, simples ou magnifiques, témoins impartiaux d'une civilisation primitive ou avancée, dévoileront aux âges futurs la cause de leur origine et diront la pensée qui les créa. Le symbolisme des monuments touche, on le voit, à tous les points de l'histoire générale, puisque la destination des édifices étant religieuse, militaire et civile, représente par conséquent les trois grands états d'une nation : le clergé, la noblesse, le peuple.

Ainsi tout monument a sa destination et ses annales ; ainsi les monuments, sont les vieillards de la contrée, dont la mémoire sûre a le mieux conservé le dépôt des traditions antiques. Voilà de précieux témoins à questionner. Ayant traversé les siècles, sans se mêler à leurs passions, gardant en général fidèlement l'empreinte de la main qui les éleva, ils ‘n’ont pas intérêt à nous tromper, et nous pouvons sans crainte utiliser leurs souvenirs. Ainsi l'archéologie n'est pas une étude vaine, impuissante et sans portée, puisque par elle seule, peut se compléter la connaissance des temps anciens, dans ce qu'ils ont encore d'obscur et de voilé. Or, causer avec l'antiquité, fut toujours une conversation tonique; car qui peut dire si le suaire du passé n'enveloppe pas dans ses plis le secret de l'avenir.

En Auvergne, trois civilisations différentes se sont succédé, et chacune d'elles a laissé son empreinte par ses monuments. Ces trois ères successives sont : La période gauloise, la période gallo-romaine, et celle du moyen-âge.

PÉRIODE GAULOISE

Les Gaulois, quoiqu'on en dise, étaient trop peu avancés dans la science, pour avoir fait quelques progrès dans les arts. Tout ce que nous connaissons d'est est plein de rudesse, et révèle une société encore dans l'enfance. La belle description idéale de la vie barbare, qu'on trouve dans Tacite, fut écrite par ce grand citoyen, pour faire rougir de ses excès. Home corrompue : qu'on lise donc ce ' poème avec défiance, c'était une leçon et un reproche. Pour bien apprécier néanmoins les monuments gaulois, il faut étudier d'abord l'histoire des Celtes, ensuite les détails de leur organisation politique, et de leur vie intérieure, puis enfin avoir une idée de leur littérature Jetons sur ces quatre sujets un coup-d œil très-rapide.

Histoire. — La Gaule celtique eut pour limites naturelles le Rhin, les Alpes, les Pyrénées et les deux mers. Là habitait un peuple issu de Pluton, ce qui veut dire aussi ancien que la flamme de ses volcans. Cette terre sauvage, sans commerce et sans civilisation, contenait éparpillées des tribus primitives, formidables dans leur nature ignorante et leurs féroces instincts. Comme il n'existait point encore d'infiltration de peuple à peuple, il arriva qu'à divers intervalles, cette activité d'une nation, étouffant dans sa force, et cherchant une issue pour donner cours à son énergie surabondante, se rua sur les autres pays. Telles furent les premières émigrations des Gaulois vers le Danube avec Sigovèse, et sous la conduite de Bellovèse en Italie, où ils fondèrent Milan. Peu après on les voit ravager le Latium, profiter d'un prétexte pour courir à Rouie, la livrer au pillage, égorger les sénateurs sur leurs chaises curules, et ne pouvoir être refoulés et vaincus que par Camille, la glorieux exilé.

218 ans avant J.-C, une armée celtique ayant fait alliance avec Annibal, suivit ce général au-delà des Alpes, et se trouva sur le champ de bataille de Cannes, le jour où la ville de Brutus chancela sur ses sept collines, pareille à une tour ébranlée dans sa base. Mais la fortune de Rome n'était pas de mourir; son génie viril fut à la taille des événements et maîtrisa la destinée. Après une longue série de combats, ses légions, non seulement chassèrent les Gaulois d'Italie, mais encore allèrent les combattre jusque dans leurs foyers.

121 ans avant notre ère, les Arvernes commandés par Bituitus, sont défaits près d'Avignon. Bituitus lui-même pris par ruse, orna la marche triomphale de Fabius que portait au Capitole le char d'argent du monarque captif. Cependant nos ancêtres, dans ces diverses rencontres, furent appréciés par leurs ennemis. Les vainqueurs s'effrayèrent de ces organisations exceptionnelles qui par goût, aimaient l'odeur du sang, savouraient le carnage, et se trouvaient à l'aise dans l'étreinte des mêlées. Aussi décréta-t-on, au milieu môme du succès, qu'à l'avenir, lorsqu'il s'agirait d'une guerre contre ces barbares, les lois qui exemptaient les vieillards et les prêtres d'aller à l'armée, seraient suspendues. Tant était profonde l'épouvante qu'ils inspiraient; tant devait être terrible debout, ce peuple encore ri redoutable lorsqu'il était couché.

Cependant les Romains qui convoitaient la Gaule, formèrent peu à peu la colonie d'eau sextienne. Ce territoire appelé primitivement Provincia, — d'où lui est venu le nom moderne de Provence, — n'avait jamais été considéré par eux que comme un camp fortifié, dont ils attendaient l'occasion d'élargir les limites. En effet, une transmigration importante qui se préparait alors, hâta dans leur exécution, des projets couvés depuis longtemps. Les Suisses mécontents des montagnes arides de l’Helvétie, se disposaient à les abandonner, cherchant à main armée une patrie nouvelle. Apprenant qu'ils se dirigeaient vers la Celtique occidentale, le Sénat les devance, prend son meilleur général, lui confie sa meilleure armée, et leur donne pour mission la conquête entière des Gaules.

C'est Vercingétorix nommé généralissime, que la Ligue gauloise opposa alors à César. (52 ans avant J.-C.)

Là se placent la prise d'Orléans, la défense de Gergovia, et les admirables péripéties des batailles de la Gaule : luttes gigantesques, combats livrés pied à pied, pays conquis pouce à pouce, où un sauvage arrêta si longtemps le plus grand homme d'épée des temps anciens.

Ensuite vint le siège d'Alésia, funeste par les factions qui survinrent, et qu'on observe toujours au moment où les sociétés expirent. Malgré des prodiges d'intrépidité, les Celtes succombèrent parce qu'ils furent désunis. Après la défaite, il fallut trouver une victime. Vercingétorix, fort de ce dédain austère que certaines âmes éprouvent pour la mort, proposa de se dévouer. Nul ne s'opposa au sacrifice, et le chef gaulois après avoir-rempli sa destinée de gloire, accomplit le cœur calme, sa mission de malheur. Il fut conduit à Rome, et y mourut étranglé, i An -47 av. I.-Ç.) Tout plia sous le joug, moins toutefois les Arvernes : César voulant faire une exception glorieuse pour celte terre vaincue mais respectée. Dès ce moment la Gaule fit partie de l'empire romain.

Telle est en aperçu l'histoire celtienne jusqu'à Auguste. Dans cette histoire il y a des fautes, il y a des cruautés ; elle n'est pas pure de tout alliage, mais il faut reconnaître au moins qu'elle a une fière allure et qu'elle est héroïquement drapée. L'artère de ce grand corps croulant, ne se rompt pas sans bruit; on pressent déjà qu'il s'agit de l'aïeule de la France, l'incontestable ainée de la famille des peuples. i

Organisation Politique. — Chez les Gaulois, le gouvernement fut théocratique d'abord, l'élément religieux dominait ; puis aristocratique, c'était le tour de l'élément politique-, enfin le sentiment politique aux prises avec les premières influences de l'esprit philosophique, laissa la victoire à celui-ci, et le gouvernement devint populaire. On ne peut trop préciser l'époque de transition de ces formes sociales traversant logiquement tous les degrés de l'échelle de transformation, que chaque peuple est appelé à parcourir à son tour : c'est-à-dire pouvoir des prêtres, empire des nobles, et affranchissement par la majorité.

Dans l'oligarchie gauloise, le roi était élu par l'assemblée générale de la nation; c'était le plus vaillant. Son autorité nullement héréditaire, ne passait point à ses enfants, et ne lui conférait que le titre d’être le premier parmi ses égaux. Un sénat faisait les lois, et seul pouvait conclure la paix ou déclarer la guerre. Tout le rouage du système politique avait pour pivot l'esprit d'association : peuplades fédératives, les petits états se mettaient sous le patronage des grands.

Religion, Coutumes. — Les druides, chefs de la religion, jouaient un grand rôle dans les Gaules. Ils se divisaient en trois classes : les uns, unissant la magistrature au sacerdoce, excommuniaient les magistrats, déposaient les rois eux-mêmes et s'occupaient des sacrifices ; les autres devenaient bardes, poètes et musiciens ; les derniers enfin nommés saronides, se dévouaient à l'éducation.

Les druides habitaient les forêts. La puissance de ces prêtres était basée sur leur sagesse, leur vie sévère, et surtout sur le prestige qui leur attribuait le don de divination. Ils croyaient unanimement au dogme de l'immortalité de lame et professaient qu'il y avait deux vies dans cette vie : l'une abandonnée à la matière et au corps, l'autre consacrée au cœur et à l'intelligence.

Le vêlement sacerdotal était blanc; une couronne de chêne ornait la tête des hiérophantes, qui en outre portaient à la main une branche de verveine, signe distinctif de leur dignité.

La nourriture des Gaulois consistait en fruits, en pain, lait, miel, et surtout en viande de porc salé. Les hommes prenaient leurs repas sur des tables très basses, assis sur des bottes de foin, et servis par leurs femmes. Us étaient curieux de nouvelles, questionnant avec avidité les voyageurs sur les pays qu'ils avaient parcourus. Leur caractère se montrait fier et hautain, aussi impitoyables dans leurs rancunes, qu'inébranlables dans leurs amitiés. L'hospitalité s'exerçait chez eux pareille à une sainte vertu; toute la population d'une contrée devenait responsable du meurtre d'un étranger. En se séparant, on échangeait ses armes, et les familles les considéraient comme des titres de noblesse ou de précieux trophées. Le mépris général pour les arts mécaniques était poussé à l'extrême. Parmi les professions nobles, se trouvait celle d'armurier, respectée à l'égal du ministère des prêtres. Remarquez que les peuples primitifs conservent leur plus grande déférence pour les objets ou les personnes qui peuvent protéger l’homme, dans ses rapports de l'âme et du corps.

L'agriculture, tenue pour une occupation servile, se trouvait abandonnée aux vieillards et aux esclaves : ils ne commencèrent à travailler la terre qu'après la fondation de Marseille, 600 ans avant Jésus-Christ. C'est aux Phocéens à qui nos aïeux durent encore la manière de cultiver la vigne, l'usage et la fabrication du pain. Plus tard ils leur empruntèrent aussi l'usage des monnaies, le commerce s'étant fait jusqu'alors au moyen de l'échange. Tous les ans avait lieu un partage de terres. De même que chez les Germains, la loi fixait annuellement à chaque famille un champ nouveau et suffisant, qu'après la récolte il fallait abandonner.

La pensée de la victoire fut toujours pour les Celtes une sensation pleine de saveur. Ils contemplaient avec joie clouées à la porte de leurs demeures, les têtes des ennemis, mêlées à celles des animaux féroces tués à la chasse. — A côté de ce spectacle hideux, se plaçait une touchante coutume, celle de verser des larmes à la naissance d'un enfant. Donner l'existence à quelqu'un, c'était selon eux sans doute, lui infliger le tourment de la faim, du froid, de la fièvre et de la douleur. Ce premier cri de l'enfant qui fait bondir une mère, les mères d'alors l'écoutaient tristement : elles croyaient entendre la plainte d'un être, épouvanté au sortir du néant, de tout ce qui se dit, se voit, ou s'entend sur la terre. On l'élevait durement au milieu des privations, et le nom qu'on lui donnait, rappelait quelque action d'éclat.

Les Gaulois vécurent d'abord dans des grottes. A cette époque, ils se couvraient les jambes de grandes feuilles de gentiane desséchées. Ensuite ils construisirent des maisons, se rassemblèrent dans des villes, fabriquèrent des habits, et 160 ans avant notre ère, la civilisation avait déjà fait chez eux quelque progrès.

Lors de la conquête par César, leur costume se composait de la brague, ou pantalon, d'une veste serrée autour des reins par une large ceinture de cuir, le tout recouvert du sagum, notre saïle traditionnel. Leur tête était coiffée du palliolum, dont nous avons fait palliole. Ils couchaient sur des peaux; un grand nombre do fourrures constituait même la principale richesse. Les guerriers se tatouaient, car l'intrépidité gauloise s'enorgueillissait de ces certificats sanglants, et la variété des dessins distinguait les familles.

LITTÉRATURE SES GAULOIS.

Les Gaulois, ceux de l'Arvernie surtout, eurent une littérature qui, par malheur, n'a pu venir jusqu'à nous. Hymnes, cantiques, épopées, mystères, tout se confiait à la mémoire, et des défenses sévères interdisaient à l'écriture d'en opérer la reproduction. Telle est la cause de cette immense et irréparable lacune.

D'après les probabilités, la littérature gauloise a dû être multiple : ce que nous savons du caractère et des mœurs celtiques, permet qu'on la suppose divisée en trois branches.

Comme je viens de le dire plus haut, les Gaulois aimaient la guerre, les combats, le danger. Leur forte organisation, tournée vers l'héroïsme, avait certainement créé une littérature lyrique ; c'est-à-dire, celle qui prend pour motifs les événements grandioses, les nobles dévouements, et qui s'inspire du patriotisme et de la gloire. — Cette branche correspond avec exactitude, à la littérature bardique, qui jeta tant d'éclat au VIe siècle.

Sous un autre point de vue, l'amour des Gaulois pour les aventures, leur soif des pérégrinations et des lointains voyages, ont dû leur donner une littérature qu'on peut appeler romanesque ; c'est-à-dire, une littérature peignant la vie naïvement, nous montrant sans emphase l'individualité des chefs celtes, et caractérisant ainsi la vaillante nature de ces races, lorsqu'elles agissaient dans toute la spontanéité de leurs pensées ou de leurs instincts. — Cette forme littéraire correspond aux Mabinogion, chants gaulois qui, aux xi* et Xii" siècles, introduisirent une nouvelle littérature en Europe, changèrent le tour de l'imagination germanique, cl eurent tant d'influence sur la civilisation et la poésie du moyen-âge.

Enfin ce qui distingue le plus les peuples celtiques, c'est la tendance de leur esprit vers l’inconnu, c'est leur désir de pénétrer les mystères de l'univers physique ou intellectuel, c'est en un mot, la poursuite de l'infini. Dans le monde matériel, tout les préoccupe et les séduit; dans le monde moral, tout les attire et les tente. Ils cherchent ce qu'il y a au-delà de la mer, avec la même furie, qu'ils veulent savoir ce qu'il y a au-delà du tombeau. Les migrations de- l'âme après la mort, la résurrection des héros, sont pour eux des dogmes pleins de charme et de foi. De là dérive une branche d« littérature philosophique, empreinte du plus vif sentiment religieux. — Nous voyons cette branche, modifiée du reste plus tard, par la venue du christianisme, correspondre parfaitement à la littérature ecclésiastique et légendaire, c'est-à-dire à celle qui produisit ces magnifiques poèmes nommés : l’'Histoire de Saint-Brandan et le Purgatoire de Saint-Patrice.

Tout vestige de la littérature primitive des Gaulois, étant perdu, ce n'est donc que par reflet qu'il nous est permis d'entrevoir leur poésie ; ce n'est que de seconde main que nous pouvons la recréer et la reconstruire. Plusieurs publications modernes viennent nous aider. La lecture, par exemple, des poèmes d'Ossian (Macpherson) ; l'étude des rimes galloises et bretonnes, publiées depuis peu à Paris et à Londres, nous fournissent à elles seules, un renseignement qui paraît exact sur la tradition littéraire celtique (1). Partons de cette donnée pour condenser quelques observations.

Tout le inonde sait que les anciens Gaulois avaient des cérémonies nuptiales très-simples, et n'épousaient jamais qu'une seule femme. Néanmoins, chose inouïe pour ce temps ! cette femme ne consentit jamais à être pour eux. l'ins-

(!) M. dp La Villrmarnaé n p ifolic on so 13 le UiK' 'le : Contes pnpulaires des anciens Bretons. la traduction des Mahinogion.qn'une fraude Jarre, lady Charlotte (îuest. avait traduits du gallois en anglais, et publiés à Londres en 18-17. — M de La Villemarqué a publié en outre, en ISiU, à Paris, la traduction des poèmes des Darik'j br '.uns du vi' siècle.

trument facile d'un voluptueux plaisir, mais s'éleva à la dignité de compagne, d’amie, d'égale. L'ardente intelligence de ce sexe n'avait point été révoquée en doute par nos aïeux, puisque dans certaines circonstances solennelles, les druidesses jugeaient, et qu'on les consultait fréquemment sur les grands intérêts de la patrie. Or, dans les poèmes galliques, les mômes circonstances se reproduisent ; sous ces lignes âgées de quinze siècles, nous voyons le type de la femme pour ainsi dire trouvé. Dans aucune littérature en effet. L’amour n'a autant de délicatesse, d'enivrement et de mystère. Partout ailleurs, la femme est nulle, chez les Celtes au contraire, elle est tout. C'est elle qui lave les mains des guerriers, panse leurs blessures, prépare leur couche, chante pour les endormir. Aussi les poètes bretons ne parlent-ils des femmes qu'avec idolâtrie, en groupant autour d'elles, leurs pensées les plus charmantes, de pudeur et de beauté. C'est cet indicible sentiment féminin, ce sont ces nuances de cœur si simplement décrites, qui réalisèrent parmi les Franks-Mérovingiens une véritable métamorphose. Les mœurs barbares en furent changées; et l'idée d'envisager désormais la femme, comme le point le plus élevé de la passion humaine et presque le but de la vie, donna dès ce moment au culte de l'amour une pureté morale, une chaste grandeur inconnues jusque-là. Telle fut môme peut-être, l'origine de la chevalerie.

Ce qui frappe encore dans ces poésies armoricaines, c'est la couche de tristesse que l'on y trouve répandue. Presque tons les chants des Bardes sont plaintifs. Leurs cris de victoire même n'ont rien de joyeux, et le plus souvent à côté d'un sourire, vient trembler une larme. Le fanatisme de la guerre et ses joies triomphales les inspirent par instants; mais ce n'est qu'un accident, car ce qu'ils aiment surtout à peindre, c'est la campagne brumeuse, les grèves désolées, la vue des bruyères r les sifflements de la bise de mer. Parfois ils croient entendre les ombres amies de leurs ancêtres, gémir dans les vents : ils les voient se promener au milieu des nuages, ou apparaître sur les flots. Ces images sombres, ces pensées douloureuses, revenant constamment, pèchent peut-être par un peu de monotonie, mais en revanche, montrent pourquoi la gamme poétique de leurs tons possède à un si haut degré la note qui pleure. Au fait, au sein de la vie sauvage tout est triste; et l'habitude du spiritualisme rêveur, n'est pas seulement, comme on l'a dit quelquefois, le partage des sociétés avancées, mais se trouve la conséquence, chez l'homme primitif, de certains aspects de la nature qui parle avec tant de puissance à toute âme isolée. Cette pénétrante sensation qu'on appelle la tristesse, se trouvant composée d'amertume et de douceur, sans qu'on puisse dire laquelle des deux domine, est inhérente à notre nature, et ancienne comme le monde. « 0 mélancolie, vieux legs septentrional, disait Goethe, à propos des » poèmes d'Ossian, le mal de l'aimer est un mal sans remède! »

Mais le côté essentiellement viril de la littérature gauloise, est le côté philosophique: il tenait aux idées de ce peuple sur la mort. C'est sur ce terrain que leur poésie blonde, reprend tout à coup ses formes osseuses, et l'exercice de ses tendons musculeux. Savez-vous comment Horace définit la Gaule. « Une terre où l'on n'éprouve pas la terreur de mourir. » Jamais êtres humains, en effet, n'ont été moins douteurs que les Celtes, on pour mieux dire ne furent plus aguerris à certaines croyances touchant notre fin dernière. Leur foi, dans l'autre monde, était si grande, qu'ils demeuraient persuadés qu'en changeant d'existence, on ne perdait ni sa personnalité, ni ses parents, ni sa mémoire. Plusieurs se prêtaient de l'argent, qui ne devait être remboursé que là-haut, car là-haut, on devait retrouver des relations, des lois, des magistrats. Certains historiens disent avoir vu des Gaulois qui, pour un tonneau de vin, se perçaient le cœur, parce qu'ils s'étaient chargés de porter une missive à quelque défunt ; d'autres se brûlaient avec joie, afin de ne pas quitter d'un instant leur ami trépassé. La mort n'était donc pour eux qu'un fossé perdu dans le brouillard, qu'il s'agissait de franchir vite, et au-delà duquel reparaissaient le soleil et les étoiles. C'est cette précision de pensée sur les choses de la Vie future, qui épouvantait le plus les Romains vainqueurs. Pendant longtemps ils ne purent se défendre d'un véritable effroi, au milieu d'une race mystérieuse qui se tuait avec assurance, comme si elle était en possession du secret de la tombe. Aussi, au sein des batailles, les Celtes souriaient-ils à la vue du sang; ces superbes contempteurs du trépas I abordaient sans crainte, et leur poésie, en racontant ces holocaustes, avait alors des élans réellement sublimes, a force d'être surhumains.

Un dernier caractère à mettre en relief, dans le récit gallique, c'est son affection pour le merveilleux, et l'emploi naturel qu'il en sait faire. Dans les compositions dont nous parlons, toute la nature s'anime, les oiseaux parlent, les cerfs discutent, les dragons aiment l'homme, les poissons le conseillent, les arbres eux-mêmes sont transformés en créatures intelligentes. Est-ce que ces fictions ne vous rappellent pas celles des poèmes de la Table ronde, tant chéris de nos pères? Est-ce que vous ne leur retrouvez pas le goût suave des Contes des Fées, ce premier miel posé sur vos lèvres d'enfant? Oui sans doute. C'est que l'histoire du Chevalier au Lion, du Prince au Faucon, le Chaperon rouge, Peau d'Ane et cent autres, ne sont absolument que des traditions celtiques L'antiquité nous les a jetées, à travers deux mille ans, toujours adolescentes, pour constater aux plus incrédules, l'impérissable jeunesse des œuvres de l'esprit. Ainsi le petit Oiseau bleu qui babille si bien, amusait aussi les Gaulois des temps passés, en leur tenant à peu près le même langage. Alors, comme aujourd'hui, la truite allait chercher au sein des eaux, le talisman d'où dépendait le sort d'un bel amoureux; la gazelle fouillait le fond des bois, pour y trouver quelque fiole enchantée ; le serpent indiquait les trésors les plus profondément enfouis. Cette mythologie naturaliste nous parait exquise, et semblable en douceur au souffle printanier. Cependant il n'y a la aucune intention de miracle : contrairement au christianisme, on n'y voit aucune puissance surnaturelle dérangeant des lois physiques établies. Non, ces phénomènes ont été tout simplement, dans la pensée des bardes, un résultat de la force cachée de la nature, adorant l'homme son seigneur, et faisant pour lui plaire des efforts impossibles, comme si la création entière s'occupait de l'homme, et s'intéressait à sa destinée.

Je ne sais, si par les lignes qui précèdent, je serai parvenu à donner ou lecteur une perception appréciable de la littérature chez les Gaulois. — J'ajoute que d'après l'opinion générale, quand les Latins asservirent ce peuple, il touchait à l'heure, où passant de la naïveté à la réflexion, son génie transformé, allait se déployer au grand jour. Mais Dieu ne lui en laissa pas le temps. Nous n'avons donc jamais eu du la celtique littéraire, que la phase primitive; après tout, c'est peut-être la plus séduisante, car c'est la plus candide. II existe en effet, dans l'éclosion de toute poésie, même barbare, une virginité d'imagination, qui couvre presque d'un duvet, l'expression première des sentiments humains. Malheureusement celte candeur s'en va vite; la civilisation l'emporte sans pitié au profit de la raison, et les âges suivants qui l'ont perdue, attendent quelquefois de longs siècles, sans pouvoir la retrouver. Voici ce qui nous reste archéologiquement, de la période gauloise : Les Menhirs ou Peulvans. — Pierres brutes plantées verticalement dans la terre et qu'on suppose avoir été des idoles destinées à veiller sur la cendre des morts; des souvenirs de victoire ou de traités entre les tribus. — Le christianisme les abolit, et plusieurs conciles ordonnèrent formellement leur destruction. Malgré ces décisions, les menhirs, toujours vénérés, restèrent longtemps l'objet d'un culte superstitieux. Alors, pour effacer tout souvenir de l'ancienne idolâtrie, on prit le parti, dans plusieurs localités, de les surmonter d'une croix.

Les Dolmens. — Tables monolytes, placées horizontalement sur plusieurs autres pierres qui sont fichées en terre et les soutiennent. Selon les uns, c'était des autels sur lesquels, en certaines solennités, on immolait les prisonniers et les esclaves. Selon les autres, c'était des cippes funèbres qui désignaient les lieux où dormaient les dépouilles mortelles des druides. Quelques antiquaires même ont pensé que les dolmens n'étaient que des pavois sur lesquels les Gaulois élevaient leurs chefs. — Il en existe de deux sortes : les dolmens et les demi-dolmens. Dans ces derniers, la table est inclinée; l'extrémité supérieure se trouve soulevée sur des piliers, tandis que l'autre repose immédiatement sur le sol.

Pierres Branlantes. — Encore un monument dont l'affectation est religieuse. On mettait ces masses en mouvement quand il fallait tirer les augures ; habituellement les prêtres s'en servaient pour frapper l'imagination du peuple et réveiller en lui de salutaires sentiments d'effroi. — L'usage des pierres branlantes a été à peu près général sur le globe : on en trouve chez toutes les nations.

Grottes Des Fées. — Excavations creusées dans les rochers, où l'on croyait que les fées résidaient.

Enceintes De Pierres. — Edifices bizarres, espèces de temples poétisés par une grande idée : c'est que Dieu était trop grand pour être enfermé dans des murailles. Les Gaulois en effet s'inspiraient en priant, de la vue de l'horizon et de la voûte azurée du ciel. — Indépendamment de cette destination qu'ils reconnaissent exacte, quelques antiquaires anglais, en donnent une autre à ces enceintes : ils en font des cours de justice. C'est là d'après eux, que les magistrats jugeaient, et qu'en certaines circonstances l'on tenait conseil solennellement. Celle conjecture est appuyée sur ce fait, que dans le Nord, jusqu'au xiv» siècle, les gens de loi et les nobles se réunissaient en cercle sur des pierres, les uns pour faire droit, les autres pour élire leurs princes.

Fontaines. — Sources consacrées; objets d'un culte pieux, à cause des effets médicaux que leur attribuait la superstition,

Tumulus. — Monticules factices, tertres artificiels, composés de cailloux et de terre, élevés sur la tombe des guerriers vaillants, ou des personnages distingués. — Les Gaulois eurent plusieurs manières d'enterrer les morts. D'après le mode le plus ancien, le défunt était déposé en terre, les jambes et les genoux ployés. Puis, l'usage de brûler les corps s'introduisit et subsista concurremment avec le premier mode d'inhumation. Plus tard enfin on se contenta de placer le cadavre dans la fosse, étendu sur toute sa longueur. Tel paraît avoir été l'ordre chronologique. — L'usage d'élever des tumulus survécut du reste à la conquête de la Gaule, et se perpétua jusqu'au second siècle de l'ère chrétienne.

Monnaies. — Trois époques différentes : d'abord les rouelles qui succédèrent aux monnaies de cuir. Ensuite médailles avec le cheval courant, emblème de la liberté celtique; en dernier lieu, monnaies avec figures dont la tête était ordinairement garnie de cheveux bouclés. — Ces médailles sont en bronze, en argent et en or ; la plupart d'entre elles paraissent avoir été coulées et non frappées. Elles furent prohibées sous Tibère, et à partir de ce règne, les cités gauloises cessèrent de battre monnaie.

Poteries. — Vases d'argile rouge ou noirâtre. — Il est difficile de distinguer les poteries gauloises antérieures à la domination romaine. Elles sont formées d'une terre rouge ou noire, mal pétrie et remplie de petits graviers. Cette pâte sans liaison, est peu cuite et très-fragile. Les vases, d'une forme simple, ne paraissent pas avoir été travaillés au tour; seulement l'ouvrier les a frottés à l'extérieur au moyen d'un outil qui les a irrégulièrement polis. — Rares.

Haches D'armes. — (Celtae?.) Ce sont des coins à forme pyramidale, terminés d'un côté par un bout arrondi, et de l'autre par un tranchant acéré. Quelques-unes de ces haches ont jusqu'à un pied de longueur, tandis que les plus nombreuses possèdent à peine une dimension d'un pouce ou deux. Les grandes, servaient d'armes agressives ou défensives : les petites, instruments de sacrifices, étaient probablement destinées à frapper certaines victimes très - pures, qu'il était défendu d'abattre avec le fer. — On en trouve en serpentine, quartz, silex et en jade.

Pointes De Flèches. — Généralement en silex. — Tout porte à croire que pour faire usage de ces objets aigus, les Gaulois fendaient l'extrémité d'une baguette, et y retenaient la pierre, solidement fixée avec des ligatures.

Épées Et Poignards En Bronze. — Les épées se composent d'une lame et d'un manche, tout d'une pièce et d'un même métal. Elles sont droites, plates et renflées vers le centre. Celles que j'ai vues se terminent en pointe et coupent des deux côtés. Il n'en a été découvert qu'une seule en Auvergne ; elle provient de Coren, et se trouve déposée au musée de Clermont — Quant aux poignards, leur forme se rapproche de celle des épées, sauf que la lame en est plus courte, et peut-être mieux travaillée. L'art grec commence ici à se faire sentir, ce qui pourrait révéler d'anciennes relations entre la Grèce et la Gaule.

Bracelets, — de formes variées et de grandeurs différentes. — On les portait au poignet. Il y en a de très-lourds ornés de ciselures; d'autres plus légers et plus simples, pour des femmes ou des enfants. J'en possède un fort curieux, qui vu sa dimension, a dû être un collier (torque). Dans plusieurs, les deux extrémités de la pièce métallique ne sont pas soudées, mais simplement rapprochées, ou crochetées. La flexibilité du cuivre permettait de les écarter et d'ouvrir facilement l'anneau. 11 est probable qu'on se servait peu de ces bracelets à cause de leur incommodité ; mais on avait grand soin d'en parer les morts et de les enterrer avec eux.

PÉRIODE GALLO- ROMAINE.

La Gaule conquise, éprouva d'abord pour les Romains cette répugnance naturelle, celte haine concentrée que les vaincus ressentent toujours pour leurs vainqueurs. César cependant, désireux de conserver à tout prix ce vaste royaume si péniblement occupé, et dont un secret pressentiment lui révélait l'importance comme point central, résolut, après avoir subjugué la Celtique par les armes, de la soumettre par les beaux-arts. (Je politique projet qu'il exécuta le premier, fut suivi dans les siècles suivants avec une noble persistance. Auguste partagea le sol en quatre départements : la Narbonnaise, la Lyonnaise, l'Aquitaine et la Belgique. De cette manière l'habile empereur incorpora les uns aux autres les différents peuples de ce pays, et brisa leur force en rompant les traditions gouvernementales de leur passé. Si l'espace me le permettait, je voudrais pouvoir faire assister le lecteur au spectacle le plus curieux qui existe peut-être : celui provenant du choc d'une organisation politique et morale qui, se rencontrant face à face d'une autre, s’approche, lutte avec elle, la renverse et lui succède. Il serait intéressant d'indiquer tous les moyens qu'employa la civilisation nouvelle pour se substituer à l'ancienne. Nous la verrions escalader les villes avec les soldats, courir sur les routes au milieu des marchands, occuper mystérieusement les temples, entrer même dans les cercueils avec les cadavres. On remarquerait enfin le progrès civilisateur imprégnant l’air, et alors, comme de nos jours, faisant respirer presque malgré eux, aux hommes qu'il veut soumettre, ses principes vivifiants et féconds.

Ainsi en moins d'un siècle, les Latins couvrirent la terre gauloise de temples, de théâtres, de cirques, d'amphithéâtres, de bains, d'aqueducs. En ce qui regarde l'Auvergne, nous devons citer notamment à Augusto-Nemetum, actuellement Clermont, le temple de Wasso , décrit par Grégoire-de-Tours (I), monument, dont les murs de trente pieds d'épaisseur, étaient revêtus de mosaïques, et qu'avait rendu célèbre la statue colossale d'airain, exécutée vers l'an 60, par le sculpteur Zénodore(2) Nous mentionnerons aussi les thermes du Mont-d'Or, jadis très-splendides. A cette époque encore, des voies militaires furent ouvertes. La sixième aboutissant à Lyon, se prolongea et eut des embranchements dont l'un conduisait dans l'Aquitaine par l'Auvergne. Or, un chemin n'est pas seulement un bienfait matériel, c'est un instrument civilisateur, c'est le passage ouvert à l'envahissement des idées. Les anciens le savaient tout aussi bien que nous. Cent ans après, celte route ne pouvant plus suffire, Adrien en fit tracer une nouvelle qui traversa Vichy, cl se dirigea vers le Cantal.

(1) llisl. lï., I. 30

(2) Pline, htM. n. xxxiv. 18,

Mais en même temps que l'architecture, la statuaire et le commerce commençaient pour les Celtes le persévérant travail de leur culture sociale, les empereurs romains comprirent le besoin d'avoir recours à une administration bienveillante, pour s'attacher d'une manière intime ce peuple redouté. Il eut un sénat dont on combina la création avec les lois de la Gaule, et sa forme antique de gouvernement. Octave conserva leurs terres à tous ceux qui les possédaient. Bientôt les langues grecque et latine y furent introduites, et sans devenir de longtemps populaires, vainquirent néanmoins peu à peu par leur riche mécanisme grammatical et la poésie de leurs images, le dur idiome celtique, que Julien comparait au grincement d'une scie ou au cri rauque des corbeaux.

Est-il étonnant qu'avec tant de moyens de séduction, les Gaulois se soient enfin rendus, qu'ils aient baissé la tête devant une civilisation si grande, si généreuse, si clémente? Aussi dès le second siècle de l'ère chrétienne, l'Italie, majestueuse reine, avait fait accepter son empire, et s'était installée dans notre province au nom de la science, de la gloire et des arts.

L'ère gallo-romaine a produit pour la Haute-Auvergne :

Des TEMPLES, — consacrés à certains dieux et dont il ne reste que le souvenir. — Deux formes étaient principalement affectées à ces édifices religieux : le carré long et la forme ronde. Chaque temple avait : 1° une partie close ou sanctuaire, nommée Cella; c'était là que se trouvait sur un autel la statue du dieu en l'honneur duquel le monument était élevé ; 2° un vestibule ou Pronaos, dans lequel était pratiquée la porte d'entrée. D'après Vitruve (1), la cella devait avoir en longueur deux fois sa largeur. Elle se trouvait éclairée par une ouverture percée dans la voûte, ou par des fenêtres : ces baies constamment ouvertes, laissaient évaporer la fumée et l'odeur qui provenaient des viandes brûlées. Les temples anciens, contrairement aux églises modernes, ne possédaient que de petites dimensions, par la raison que l'exercice du culte était alors individuel, chacun ayant ses jours de sacrifices ; tandis que dans le christianisme, les prières sont collectives.

Des Voies. — Les Romains ayant mis un grand soin à faciliter les communications, dans l'intérêt de l'instruction des Gaulois et de leur industrie, élargirent les routes anciennes et en créèrent de nouvelles. Les vestiges de ces routes sont encore reconnaissables dans toute la France : elles portent le nom de chemin ferré, passage de la reine Brunehaut, ou encore chemin de la reine Marguerite. Les voies romaines suivaient habituellement les lignes droites, et se prolongeaient autant que possible sur les plateaux. — Elles étaient formées de quatre couches différentes : le stratumen, lit de grosses pierres posées à plat dans le fond ; le ruderatio, pierres moins fortes placées par-dessus ; le nucleus, couche de chaux mélangée avec du gravier, du sable, et de la terre glaise ; enfin la summa crusta, qui était le pavé recouvrant le tout. — Les chemins se trouvaient divisés au moyen de bornes milliaires régulièrement espacées. En outra des inscriptions indiquaient le nombre de milles compris entre la borne et la station voisine.

(!) Architecture, I. 3.

Des USTRINUM, — lieux où l'on brûlait les corps. — Ces lieux, de même que l'emplacement des columbarium (tombeaux de famille), devaient être situés hors des murs delà ville; l'ustrinum, afin que la fréquence des bûchers funèbres n'occasionnât pas d'incendie; le columbarium, afin de se conformer à la loi dos XII tables qui édictait : hominem mortuum in urbe ne sepelito. Durant l'ère romaine, l'usage de brûler les morts était général, et ne fut abandonné qu'à partir du iv siècle. Sous Constantin, on n'incinérait plus, tous les corps étaient inhumés, renfermés dans des cercueils de pierre. Du reste, dans l'un comme dans l'autre cas, on avait toujours soin de placer dans les tombeaux, des vases, des urnes, des médailles et autres objets. Notons qu'il est très-important de rechercher l'emplacement des sépultures anciennes, car elles peuvent indiquer l'importance relative des centres d'habitation, et fournir aussi quelques documents précieux, sur les mœurs de ces époques reculées.

Des Urnes FUNERAIRES, — en argile et en verre. — Celles d'argile sont noires ou rouges. Elles possèdent généralement des formes gracieuses. Souvent, à défaut d'urnes, les pauvres recueillaient les cendres de leurs parents, dans des vases destinés aux usages domestiques. — Les urnes en verre, beaucoup plus rares que les autres, n'ont dû être employées que pour des personnes opulentes. On trouve ces vases funèbres remplis de cendres, mêlées avec des débris d'ossements calcinés par le feu. Leur orifice est fermé au moyen d'une brique, ou d'une assiette retournée. Quelques-unes contiennent un lacrymatoire et une médaille. Cette monnaie a même parfois été portée suspendue au cou, avant d'être enfouie, car il s'en rencontre de percées d'un petit trou au-dessus de la tête du César. C'était le denier destiné à Caron.

Des Moulins A Bras. — Pendant la domination romaine, les seuls moulins en usage, se composaient de deux meules de petite dimension, tournant sur un axe de fer. Chaque ménage avait le sien, aussi sont-ils nombreux dans les collections : on en trouve en grès, lave et trachyte.

Des Poteries. — Elles sont rouges, d'une pâte très-fine, couvertes d'un vernis brillant et ornées d'arabesques, de masques scéniques, souvent aussi de figures en relief. Les formes les plus générales, représentent des coupes à pied, des patères, des coquetiers, des plats de diverses grandeurs. Cette poterie rouge était une vaisselle de luxe; elle servait pour les tables et dans les sacrifices. Au fond du vase se trouve presque toujours, imprimé avec une estampille, le nom de l'ouvrier. Ces noms sont au génitif, et suivis soit de la lettre 0 (officind), ou d'une M (manu), ou d'une F (fecit).

Des Figurines Et Statuettes. — Ces petites statues sont en terre cuite blanchâtre. Le motif qui se rencontre le plus fréquemment exprime, est celui de la Vénus-Anadyomène. Les figures représentent des divinités, des guerriers, des empereurs, ou bien encore des chiens, des coqs et des poules. C'étaient des ex voto. On les plaçait près du foyer, il y a quinze cents ans, absolument comme de nos jours, l'on pose sur la cheminée, les images en plâtre des saints.

Des Haches En Bronze. — Quelques-unes sont creusées intérieurement; d'autres, complètement massives, ont leur partie antérieure évidée, pour recevoir le manche. Leur usage n'est pas parfaitement déterminé ; d'après les antiquaires,

elles servaient à la fois comme armes de guerre, comme ustensiles de ménage, et pour le service de la charrue. Les Gaulois en usèrent longtemps encore après la conquête.

Une énorme quantité de tuiles ù rebords. — Ces tuiles sont carrées, longues ou rondes, mais très-épaisses. La présence du rebord les caractérise; c'est par ce moyen qu'elles s'engageaient les unes dans les autres, et se fixaient solidement.

Des MEDAILLES, — et quelques objets en cuivre destinés à la toilette ou à un usage habituel. — Les médailles romaines sont très - communes dans nos contrées. On en a trouvé de toutes les époques et de tous les métaux ; cependant il ne paraît pas, qu'aucune des monnaies découvertes jusqu'ici, et provenant de l'ère gallo-romaine, puisse se rapporter positivement à l'Auvergne.

PÉRIODE SU MOYEN-AGE.

Semblable aux hommes qui ont leur enfance, leur virilité et leur vieillesse, l'empire romain suivit la destinée commune, et arriva à son tour à la caducité. Tendant par les conquêtes à la monarchie universelle, il s'était affaibli dans ce travail de géant, et avait usé ses forces à un labeur impossible. Aussi, déjà sous Gordien, la société civile gallo-romaine pourvue de puissants moyens d'instruction, se fit voir, au détriment de la ville des empereurs, dans toute la force de son développement intellectuel. Bientôt l'on put dire que Rome n'était plus dans Rome, mais bien dans la Gaule. Cette jeune Gaule en effet moitié grecque, moitié latine, eut pendant tout le ive siècle, un caractère de force et de beauté qu'il est impossible de méconnaître. Malheureusement au v«, l'irruption franque vint interrompre ces progrès. Commencée régulièrement en 428, et complétée sous Clovis en 481, elle rejeta en arrière la civilisation antique, qui, exilée à regret, s'en alla pour longtemps. Alors les Arvernes, par nature autant que par souvenir, revinrent à leurs vieilles mœurs que les Germains leur rapportèrent. C'est ce qui explique pourquoi, même après l'ère romaine, qui les avait un instant effacées, tant de coutumes celtiques se sont perpétuées jusqu'à nous.

Toutefois, l'empire défaillait de plus en plus Lorsque l'Europe, lassée d'esclavage, le vit épuisé de fatigue et haletant, elle reprit courage et poussa en avant d'innombrables peuples qui s'abattirent sur lui comme des vautours. Chacun d'eux mordit sans pitié, et emporta joyeux sa bouchée sanglante. Les Gotha ravagèrent la Mœsie, la Thrace et la Macédoine (an de J.-C. 430); les Huns prirent l'Illyrie ; les Alains et les Vandales s'établirent en Espagne ; les Francs et les Burgondes s'emparèrent de la Gaule, et les Saxons de la Britannie; l'invasion victorieuse piétina l'Occident entier. Est-ce un mal? Non. Rome avait accompli sa tâche : le fruit de la civilisation était mûr, et avant qu'il ne tombât ou dépérit, Dieu envoyait des peuplades nouvelles pour le cueillir, le partager et s'alimenter de sa substance. Mais ce partage ne se fit pas sans commotions. A partir du règne de Théodose (an de J.-C. 44S), on n'entend plus qu'un murmure de destruction, que le bruit étourdissant de nations qui se cherchent, se heurtent et se brisent. Qu'on ne s’effraie pas; telle était en ce temps, la loi de la transformation des sociétés. Jusqu'à l'état normal, il y avait combat d'extermination entre le génie du passé et celui de l'avenir. L'antiquité ne connaissait pas les luttes pacifiques. Lisez l'histoire, et vous verrez qu'il lui faut des rivières de sang, des royaumes qui agonisent, des villes sur lesquelles on sème le sel, de grands ébranlements sociaux, pour déraciner les principes vermoulus et leur substituer les idées pleines de sève à qui appartient désormais la vie. — Ces idées nouvelles, c'était le christianisme qui les apportait.

Il est important de constater qu'au moment où, dans l'ordre civil, chaque institution s'affaiblissait et tendait à s'éteindre, il arriva par un acte providentiel, que dans l'ordre religieux, toutes les doctrines se consolidèrent et s'affermirent. De suite, et comme naturellement, la municipalité ecclésiastique fut substituée partout au régime municipal romain : ce qui amena par voie de conséquence, la suprématie épiscopale. A partir de cet instant, le prélat entouré d'estime, fort de sa science, investi de la confiance publique, devint l'élu du diocèse, et le défenseur le plus puissant de la cité.

Le christianisme entra en Auvergne avec saint Flour, saint Austremoine et saint Mary. Saint Flour, un des 72 disciples de J.-C., vint mourir sur le mont Indiciat; saint Austremoine fonda l'église de Clermont; enfin saint Mary, contemporain et disciple d'Austremoine, fut déclaré protecteur de la ville de Mauriac.

Nous arrivons ainsi au moyen-âge ; celte période nous a laissé :

Des églises et des monastères ; — des tombeaux et pierres tombales ; — des lanternes des morts; — des châsses ou reliquaires; — des croix dans les villages et des croix processionnelles ; des peintures ; — des boiseries.

Puis se présente l'architecture militaire avec ses châteaux forts ; — les tours isolées ; — les souterrains ; '— les armoiries ; — les sceaux ; — enfin les fontaines sculptées; — les monnaies; — les monogrammes; — et certaines maisons particulières, curieuses par leurs détails artistiques.

ARCHITECTURE RELIGIEUSE.

An de J.-C. 524. — On sait qu'à partir de son origine, le catholicisme s'était tenu proscrit et caché pendant près de trois cents ans. Lorsqu'il sortit triomphalement des catacombes, pour monter sur le trône et régner avec Constantin, il se garda bien de répudier l'art antique et de faire des ruines autour de lui. Ses prêtres, au contraire, s'emparèrent autant qu'ils le purent des basiliques anciennes pour y placer le culte nouveau. Le christianisme se montrait en cela habile et fort : fort, en se mettant au-dessus de la crainte des rapprochements ; habile, parce que en attendant des architectes qui vinssent lui bâtir des temples, il s'appropriait provisoirement tous les moyens d'action que le vieux monde; lui livrait. Les premiers chrétiens acceptèrent donc l'architecture romaine, lourde alors, massive, remplie d'irrégularités, mais conservant encore dans sa décadence quelques-unes des belles proportions du style grec. L'empire d'Occident qui avait reçu ces types de tradition, s'y attacha sans peine; mais la barbarie vint avec les années, et les modèles, s'altérant de plus en plus, formèrent ce que quelques auteurs nomment le style latin, et ce que M. de Caumont, plus justement selon nous, appelle le style roman primitif. —Autre chose arriva en Orient. Comme chaque religion, et généralement toute forme de civilisation, porte avec elle ses lois esthétiques, le christianisme ne tarda point à inventer une architecture qui, voisine de l'Asie, se mit en rapport avec le climat. Effectivement, l'élément romain, transporté à Constantinople, ne put y conserver longtemps son caractère sévère et froidement incorrect. Sur cette terre gracieuse, patrie des rêves et des chimères, l'art antique devait se modifier, et céder sa place à une école nouvelle, péchant aussi par la pureté peut-être, mais en revanche pleine d'originalité et d'élégance.

An de J.-C. 530. — Voilà le style byzantin. Nous sommes donc au VII siècle, au moment où Justinien faisait bâtir Sainte-Sophie. M. de Caumont désigne cette architecture sous le nom de Romane secondaire.

An de J.-C. 1000. — L'art byzantin, production de l'Orient, y régna longtemps sans partage, mais ne se manifesta guère dans l'Europe occidentale, que par quelques innovations isolées. Ce ne fut qu'au XIIe siècle que son influence devint générale, et que s'opéra en France le mélange complet de la forme byzantine et romane.

An de J.-C. 1200. — Cependant l'architecture byzantine, devenue insensiblement maigre et ascétique, sous notre ciel peu lumineux, se mourait â vue d ciel, pareille à ces fleurs frileuses qui dépérissent dans une atmosphère sans chaleur. Déjà môme elle ne suffisait plus au christianisme développé, lorsque, après quelques tentatives partielles, que le succès couronna, le style ogival s'empara tout-à-coup de l'horizon et envahit la France. Les procédés artistiques qui présidèrent à son origine sont connus ; il suffira donc de préciser les points principaux de transformation.

La plate-bande d'abord égyptienne, puis hellénique, transportée près du Tibre, céda sa place à l'arcade latine. Observez que c'est toujours le territoire qui se fait obéir, car l'arcade s'explique en Italie, plus par la nécessité d'employer des matériaux de petit volume, que par le désir d'imprimer aux édifices nouveaux une physionomie distincte. L'arcade produite, et plus tard la voûte retrouvée dans Sainte-Sophie par Isidore de Milet, les enlacements des nervures, la rencontre des courbes, la liaison des profils, produisirent une brisure qui devint l'ogive. On ne l'utilisa du reste, que bien longtemps après, vers 1150, c'est-à-dire à l'époque où se fit sentir le besoin d'émancipation, vers laquelle tendait incessamment l'architecture sacrée. Mais ici se signale la sève ascendante du génie du Nord et commence la période de transition qui lie le roman au gothique. Dès cet instant on put prévoir une révolution prochaine. En effet, l'emploi fréquent de l'ogive donna aux parties de l'édifice où elle était appliquée, un tel caractère de beauté et de durée présumable, que la combinaison nouvelle devint, presque sans tâtonnement, le principe générateur de tout un système architectural. Ce système inaugura son triomphe vers le commencement du XIIIe siècle, aux applaudissements de tous, car c'est bien lui, l'art sublime et véritablement religieux ! Celui-là avec ses flèches élancées, son unité grandiose, ses lignes hardies qui se prêtent à la grâce aussi bien qu'à l'austérité, se posa d'emblée comme l'expression la plus complète de l'esprit chrétien. Il montra aux nations le type sacerdotal touchant à la dernière limite du beau. Ainsi que jadis le paganisme, la religion catholique avait donc cette fois une architecture personnelle, née de ses inspirations, et fille incontestable de sa pensée.

Il existe dans la forme esthétique du mode nouveau et du mode ancien toute la différence qu'il peut y avoir entre le calme du génie antique, et l'imagination passionnée du moyen-âge. Ainsi, l'architecture romaine pesait plus ou moins lourdement sur la terre ; l'architecture ogivale, imprégnée de mysticisme, voulut s'élancer vers le ciel au moyen d'un effet ascensionnel général. En vérité, il y eut alors quelque chose de merveilleux , dans l'élan calculé de tant de piliers, de clochers, d'aiguilles, de voûtes ; dans la fougue de toute cette bâtisse allant à Dieu spontanément, unie comme une seule volonté, fervente comme une sainte prière.

C'est là, selon nous, la plus étonnante expression de l'idée catholique.

Au fond de cet art, que j'appellerai national, il se trouvait en outre pour la France, fille du druidisme, un souvenir touchant de son passé gaulois. La cathédrale nouvelle, avec son aspect pyramidal, les mille pointes des tours, les découpures des flèches, les dentelles des murs, rappelait l'image de ces forêts celtiques, si hautes et si profondes, si favorables à la méditation, au recueillement, au sentiment de l'infini.

An de J.-C. 1400. — L'époque de splendeur du style ogival va jusqu'au commencement du XIVe siècle : on le nomme alors gothique primaire ou à lancettes. Puis vient le gothique secondaire, ou rayonnant : la perfection s'en va, les colonnes s'amaigrissent, les contreforts sont épais. Enfin, au xv siècle surgit le gothique tertiaire ou flamboyant. C'est le moment de la corruption. La largeur des ogives devint considérable, et les ornements trop multipliés, écrasant les lignes principales, enlevèrent au style sa première pureté. Cette forme architecturale avait fait son temps ; elle dégénéra lentement, gagnant en fausse profusion, tout ce qu'elle perdait en élévation et en harmonie.

An de J.-C. 1500. — Nous touchons au règne de Louis XII et de François Ier. Une réaction subite s'opérait dans les arts. Les esprits, exaltés par l'étude de l'antiquité, revinrent à son culte. Le mouvement partit de l’Italie, terre, où l'idéalisme avait depuis longtemps triomphé du mysticisme. A toute heure les fouilles des papes mettaient au jour quelque chef-d'œuvre, et l'enthousiasme des humanistes ranimé, s'éprit encore une fois de la Grèce et de Rome. L'architecture de la Renaissance n'est donc qu'un retour vers le passé classique, que la réhabilitation de l'art païen. Cette époque charmante n'a guère produit que des palais.

ÉCOLE AUVERGNATE.

Les phases générales de l'architecture rapidement racontées, localisons nos observations, disons ce qui, dans les formes architectoniques, appartient le plus particulièrement à notre pays ; cherchons quelles étaient les tendances de la Haute-Auvergne, et de quel côté lui arrivait le vent de ses inspirations.

Il est incontestable qu'au XIe siècle principalement, le système roman fut modifié dans le plus grand nombre des provinces de la France, et chose intéressante, modifié avec des caractères particuliers, avec une forme propre à chaque circonscription. Pourquoi cola, demande l'érudit? Pourquoi certains principes furent-ils adoptés de préférence à d'autres? Pourquoi le style roman est-il riche ici, pauvre là-bas? Pourquoi par exemple tant de magnificence dans l'Auvergne, et dans la Bretagne au contraire tant de dénuement'' La science archéologique n'a pas donné encore la solution de ces belles questions d'art. On peut essayer de les résoudre cependant, par la manière particulière qu'ont les diverses familles d'hommes à comprendre et sentir. Il faut faire une large part au goût naturel des architectes. Nous devons aussi tenir compte de la configuration du sol, de l'état habituel du climat, des accidents d'air et de lumière. Puis viennent les matériaux plus ou moins souples, plus ou moins rebelles, les édifices anciens qu'on avait sous les yeux, ou les ruines poétiques avec leurs vivaces traditions.

Notre école auvergnate principale, dont le siège était à Clermont, dut emprunter beaucoup sans doute au milieu complexe dans lequel elle vivait, se mouvait et s'inspirait. L'Arvernie figurait de longue date parmi les pays éclairés. La primitive église, grâce à Sidoine Apollinaire (an de J.-C. 472), et à ses successeurs, y avait laissé dans ses luttes de la foi contre l’idolâtrie, un feu de pensée que l'action de l'étude déploya rapidement. Les collegia œdificalorum, du VIe siècle, les mêmes qui, plus tard, au XIIe, produisirent les logeurs du bon Dieu, se réunissaient en corporation sous la direction des évêques, et convenaient de principes architectoniques qu'ils appliquaient, toujours avec conscience, souvent avec génie. L'influence de ces confréries, peu marquée d'abord dans la première période romane, devint surtout sensible, lorsqu'à la suite des nombreux pèlerinages qui se faisaient en Terre-Sainte, une architecture étrangère accourut des rives du Bosphore, et formate style byzantin. Ce style, c'était toujours le mode roman, mais un peu dégagé de la pression du paganisme, et dérivé plus sensiblement de la pensée chrétienne. Les artistes auvergnats acceptèrent volontiers les éléments organiques de ce genre nouveau. Toutefois, sans loucher précisément aux lois régulatrices, dont ils varièrent à l'infini les accessoires, ils y introduisirent cependant des principes personnels, vivement tranchés, et portant dans leur ensemble un cachet d'originalité réelle. Ce sont ces innovations importantes, et que nous voudrions pouvoir énumérer avec détail, qui constituent notre école provinciale (1).

Telle était au XIIIe siècle, la situation de l'art monumental dans le diocèse, quand l'architecture ogivale apparut. Elle venait, portée sur l'aile catholique passionnant les esprits et prenant partout possession du sol. En 1248, Hugues de Latour, évêque de Clermont, prêt à partir pour la croisade, voulut faire jeter les fondements d'une cathédrale nouvelle. Il adopta le mode gothique, et confia l'exécution des plans à Jean Deschamps, maître éminent dans la science de bâtir.

(1) Les personnes qui désirent avoir sur l'école auvergnate, et les principales églises du Puy-de-Dôme, des renseignements étendus et scientifiques, doivent consulter les ouvrages de M. Mallay, architecte et archéologue distingué de Clerrmont, savoir: Essai sur les églises romanes et romano- bysantines du département du Puy-de-Dôme, 1 vol. in-f°.- 1841. — Cours élémentaire d'archéologie sacrée, I vol. in-8° - Clermont, 1844.

Elles doivent y joindre : 1.'Essai de classification des églises d'Auvergne, par M. Jules Renouvier mémoire de 24 pages, inséré dans le tome 3 du Bulletin monumental, année 1837. —

Nous mentionnons l'origine de cet édifice, parce qu'il s'éleva d'un jet, pur de tout alliage local, indépendant de toute tentative territoriale : on eut dit un monument des bords du Rhin. Néanmoins, ce programme magnifique, n'eût pas le privilège de rallier toutes les imaginations, ni de satisfaire tous les goûts. C'est que l'école de Clermont formait un centre d'études plein d'opiniâtreté. Or, si d'une part, les inventions récentes aboutissaient à ce centre, et s'y élaboraient pour s'appliquer de suite, d'une autre, les maîtres auvergnats, esclaves du style romano-byzantin, qui était pour eux la tradition, se roidissaient contre des formes modernes dont le symbole n'était pas encore bien compris, ni les résultats encore bien connus.

Je dois en faire l'aveu, nous tendions peu au gothique; instinctivement même notre école s'irritait contre lui. La position topographique de l'Auvergne augmentait cette répugnance, tout en l'expliquant. Pays intermédiaire entre les populations du Nord et celles du Midi, l'Auvergne unissait entre elles ces deux parties de la France, par une chaîne qui venait aboutir et se nouer dans son sein. Toutes ses influences littéraires et législatives lui venaient de l'Italie et la constituaient essentiellement romaine. N'importe, le mouvement septentrional fut si rapide, qu'il ne tarda pas à l'entraîner dans son courant. Le style ogivique triompha : mais, comme un drapeau vainqueur qui se déchire dans la victoire, ce système fut contraint de s'altérer et de se lacérer sur plusieurs points. C'est ce que l'on a constaté, au XIVe siècle, dans la construction de l'église de Montferrand, l'édifice capital, le produit le plus marquant du rythme gothique auvergnat. — Ainsi donc l'individualité de l'école clermontoise se fait sentir, soit dans l'époque romano-bysantine, comme nous l'avons dit plus haut, soit dans la période ogivale.

Sous-École Cantalienne. — Continuons nos observations, et essayons maintenant de rechercher la trace d'une sous-école cantalienne, ou tout au moins d'un style secondaire particulier au haut-pays.

Il est hors de doute que l'école de Clermont ne soit venue jusqu'à nous, et n'ait embrassé la Haute-Auvergne dans une étreinte de sœur. Toutefois n'a-t-il pas existé une sous-école cantalienne? L'affirmative est probable. Les motifs qui l'avaient créée sont de plusieurs ordres. D'abord les mœurs des habitants de nos montagnes étant différentes de celles de la Limagne, un type montagnard, en rapport avec elles, a dû forcément prévaloir ici. Cette sous-maitrise d'ailleurs paraît même nécessaire, pour transformer les règles qui venaient d'un pays plus civilisé, d'un climat plus doux, et les approprier tant à une nature plus acerbe, qu'à des nécessités plastiques moins développées. Enfin notre pauvreté qui date de loin, la dureté de la pierre dont on usait, ont enfanté par la force des choses, une association de travailleurs qui, connaissant les ressources et les lacunes du sol, devaient traduire et combler ces besoins au moyen d'une formule simplifiée. C'est presque de l'évidence. — Ainsi pour l'ère byzantine, l'église de Mauriac, type du style romano-byzantin dans le Cantal, porte, au dire des archéologues les plus exercés, un caractère de transition bien indiqué, et se trouve en cela dissemblable à Notre Dame-du-Port de Clermont, son modèle. Ainsi Bedons, qui présente certains points d'affinité avec l'édifice précédent, termine brusquement ses nefs latérales, et ne les prolonge pas jusqu'au tour du chœur. Il en est de même de Saint-Cernin et d'une foule d'autres églises Bien que tenant à l'école auvergnate par le plan et la disposition des piliers, ces basiliques n'ont jamais eu de chapelles rayonnantes, et possèdent en outre une ornementation extérieure qui leur appartient, ou qui parait être une réminiscence de l'architecture du Midi. — Ainsi encore, pour la période ogivale, l'église de Montferrand, quoique de deux siècles (XIV et XVIe), quoique remaniée et pleine de raccords, est probablement le modèle des églises gothiques delà Basse-Auvergne : tandis que Villedieu, différente de celle-ci dans son ordonnance et dans ses nombreux détails, nous apparaît comme le type de cette même époque pour le Cantal. Ces combinaisons multiples, se présentant dans la Haute-Auvergne plus nombreuses, plus uniformes qu'ailleurs, dénotent autre chose qu'une simple fantaisie d'artiste, et signalent, non un art original, mais l'existence d'un ordre mixte ou d'une sous école.

Cette sous-école du reste, faible et à peine viable, se trouva maîtrisée par les tendances diverses de chaque localité. Mauriac recevait ses inspirations de Clermont; celles d'Aurillac lui venaient des contrées méridionales, et un peu de l'Espagne, par les pèlerinages de Saint-Jacques et l'émigration. Murât et Saint-Flour, au contraire, puisaient à l'Est Ils allaient au Puy-en-Velay, où existait une somptueuse cathédrale, mêlée de reflets composés, et dans laquelle apparaissent tour-à-tour des souvenirs normands, auvergnats, ou bourguignons. Or, le rythme cantalien étant obligé, pour se faire accueillir, de plier au gré des villes, s'animait forcément de ces théories différentes, et vivait de tous ces emprunts.

Encore un fait. Indépendamment de ce genre que son caractère relatif distingue, il en existe un autre inommé, sans correction, sans prosodie, qui a couvert nos campagnes de ses produits hibrides, mais dont quelques-uns ne manquent pourtant ni d'originalité, ni d'accent religieux.

En voici l'explication. — Il est certain qu'après la découverte de l'ogive, il se fit on sa faveur, dans la plupart des provinces de la France, une réaction radicale qu'on y remarque généralement, et qu'on cherche en vain dans notre pays. Car nous possédons peu d'églises purement gothiques. Faut-il attribuer ce résultat à l'ignorance, ou à une répulsion préméditée? A ces deux motifs ensemble. D'un côté, les procédés nouveaux se trouvaient depuis longtemps en vigueur et fonctionnaient au dehors, lorsque sans doute ils devaient être encore inconnus chez nous. D'un autre, l'architecture romane régnait depuis si longues années sur les habitudes de nos ancêtres, qu'on ne la détrônait qu'à regret. Alors, dominés par cette situation transitoire, les ouvriers employèrent un moyen terme : ils mélangèrent les ordres. Les absides restèrent byzantines , surtout pour l'ornementation, les nefs devinrent ogivales. Telle est la bizarre alliance qui se fit dans le haut-pays du XV au XVIIe siècle. Tous les matériaux anciens furent ainsi employés, et rendirent moins coûteuse la réédification des églises. De cette manière il n'y eut ni préférence, ni proscription ; le passé et l'avenir fraternisèrent sur le terrain, si sacré en Auvergne, de l'économie.


ARRONDISSEMENT D’AURILLAC

ORIGINE d'AURILLAC.

L'origine de la ville d'Aurillac est incertaine, et il faut l'avouer entourée de mystères. Cette ville a-t-elle eu pour fondateurs les Antonins, ou le comte Géraud; en d'autres termes, date-t-elle de l'an 138 à l'an 180 de notre ère, ou seulement de la lin du ix« siècle? (-'est là une question grave, controversée et dont la solution approfondie ne serait point à sa place dans le cadre spécial qui nous est laissé. Sans étayer en conséquence notre opinion de preuves scientifiques, nous dirons cependant qu'il est probable que notre cité est réellement ancienne ; il nous semble même que les deux systèmes relatifs à l'époque de sa fondation, pourraient se rapprocher et s'entendre au moyen d'une simple distinction.

Si l'on remonte aux principes topographiques des grandes habitations , on s'apercevra que la position d'Aurillac, dans une vallée riante, sur un terroir fertile, tout près d'une rivière, est un des sites les plus avantageux de l'Arvernie supérieure ; ce site a donc dû être occupé dès les premiers temps par les Gaulois montagnards. Empressons-nous de dire que ce qui n'est qu'une probabilité pour l'époque celtique, acquiert plus de certitude pour l'époque latine.

En effet, plusieurs monuments romains ont été découverts à Aurillac ou dans ses environs. Indépendamment de ceux que l'indifférence ou l'ignorance de nos aïeux détruisirent sans les signaler, on peut citer entr'autres , un dépôt d'urnes cinéraires en verre, déterrées vers 1620 dans le faubourg Saint-Etienne, circonstance annonçant sur ce point , le séjour de personnes de condition éminente (I) ; le sacellum du puy Joli (Jocis), à Arpajon; le sépulcre en marbre blanc, de Conttantius nobilis, chef militaire que la légende fait mourir à la suite d'une bataille, livrée près de ce lieu (2); l'énorme quantité de statuettes et objets de toutes sortes, découverts depuis peu dans le môme bourg, aux portes de la ville; le columbarium de Fabrègues (3); la statue antique trouvée dans les jardins de…

(1) Histoire parénétique des trois saints protecteurs de la liante-Auvergne, par le P. Dominique du Jésus (Géraud Vigier). 1635, in-S". p. 770. —

Le P. Dominique, carme déchaux, était né à Aurillac le 4 octobre 1596, et mourut à Clermont en 1638.

(2) Le P. Dominique de Jésus, p. 709. — Ce tombeau était dans l'église d'Arpajon, et fut détruit dans les premières années du xvii" siècle.

(3) Ce columbarium a été découvert le 12 nivôse an x (4 janvier 1802) ; il était placé sur le bord de la Jordane, dans une des prairies qui se trouvent entre le martinet de Peyroles et le château de Fabrègues. Une crue d’eau le mit au jour. La forme du monument était circulaire, sa capacité intérieure mesurait trois mètres de diamètre à peu près, sur une élévation d'un mètre et demi. Il y avait à l'extérieur un mur de pierres sèches, revêtu de briques en dedans. — On y trouva une cinquantaine de petits vases de différentes proportions, et des figurines en terre cuite blanchâtre. Les vases, à l'exception d'un seul, paraissent d'un grés très-fin ; ils sont de couleur grise, sans anses, et avec des raies autour, de diverses couleurs. Un vase unique, rouge, très-grossier, ayant la forme étrusque, avait une anse et semble gaulois. - Les médailles étaient nombreuses, et partaient de César, jusqu'à l'empereur Set ère. Selon les vraisemblances, il y en avait de postéiieures, mais les ouvriers en vendirent frauduleusement un grand nombre, que leurs nouveaux propriétaires crurent devoir tenir cachées. J en possède trois. La première, a dans le ebamp, un empereur romain, porté sur un char traîné par quatre éléphaus ; avec cette inscription : Diio. Aug. vt$pVA au revers : Imp. Ccetar. div. vet. Aug. P. m. Tr. P. cos. VIII. Et au milieu, en grosses lettres : SX. — La seconde porte à la face: Imp.Cars. Domit. Aug. ; le reste fruste. Au revers : Augusli momta.— La troisième enfin, est un grand bronze, à dorure effacée, portant au chef: Imp. Casar. m. Did. Se ver m. Iulian. Aug. P. P. Et au revers, un char triomphal traîné par quatre chevaux courant, et au bas : Cos. II. S. C. — Il est important de mentionner que le toit de ce columbarium était sous le gazon cl se trouvait de niveau avec le sol de la prairie.

(I) Raulbac, discours sur les hommes de l'arrondissement d'Aurillac, qui dans les temps connus, se sont distingués, etc.. p. 47. Aurillac, Picut. 1829. —

(5) Saint Odnn, l ira sancli Oeraldi.

…l'abbaye, revêtue de l'inscription latine, Hercules (1) ; joignez-y les médaille* consulaires ou impériales existant par centaines, et dont chaque jour voit augmenter le nombre. De pareils vestiges constituent un recueil d'archives d'une incontestable authenticité, et accusent hautement l’existence, au temps des empereurs, d'un centre de population à Aurillac.

Traversons les âges; au IXe siècle, nous trouvons Aurillac décoré par saint Odon (2), du titre d’oppidum vel villa. Voilà un texte formel. Or, ce qui prouve que l'hagiographe disait vrai, et que cette localité présentait alors les ressources d'une cité, c'est que le père de saint Géraud, seigneur puissant du moyen-âge, habitait le château qu'il possédait dans cette ville; c'est qu'il y vivait avec Adeltrude sa femme, que cette dernière y Gt ses couches, et en 855 y donna le jour à saint Géraud. En outre, il est constaté qu'il y avait en ce temps quatre églises à Aurillac, et c'est précisément dans l'une d'elles, Saint-Clément, que fut inhumé le père même du saint. Toutes ces circonstances démontrent évidemment qu'Aurillac était au IXe siècle, non un simple château, mais existait, comme le dit saint Odon, à l'état d'oppidum, c'est-à-dire de ville fortifiée. Contester cela, cl vouloir absolument transformer Aurillac, qui fut la résidence habituelle du comte Géraud, en un petit bourg, composé simplement de quelques pauvres maisons, isolées sur le rocher de Saint-Etienne, ce serait méconnaître le rang de ce baron si opulent, ce serait lui dénier à la fois l'éclat de son nom , la grandeur de son titre, et jusqu'au prestige de sa colossale fortune.

Seulement, et c'est ici que se place la distinction à faire, nous pouvons regarder comme positif, qu'avant saint Géraud, Aurillac, quoique ville, n'avait qu'une médiocre importance. Enfoncée dans les montagnes, loin des foyers si rares de civilisation, dépourvue de chemins commodes, privée d'industrie, elle vivait sans prospérer et végétait sans grandir. Aussi nul ne parla d'elle. Il est donc juste de reconnaître que le séjour prolongé de saint Géraud dans sa cité native, les institutions municipales dont il sut la doter, et qui ne pouvaient s'appliquer qu'à un établissement déjà considérable, surtout la riche fondation qu'il y éleva, donnèrent à cette localité une extension importante. Avec saint Géraud, Aurillac commença un rôle actif; avec l'abbaye, son nom entra dans le domaine de l'histoire. C'est en ce sens que le monastère peut être envisagé comme l'acte de naissance de la ville, comme la médaille frappée le jour de l'origine de notre cité.

Et maintenant, qu'Aurillac date ou non de Marc-Aurèle, qu'il tire son nom d'Aurélian (Aureliac), ou de l'oreille d'un sanglier (Auricula) ou d'un lac d'or (Auri lacus), ou de sa position au bord de l'eau (Aor-lhac), c'est ce qu'il est impossible de dire et peut être oiseux de rechercher. A défaut de titres qui n'existent plus, ce point restera éternellement livré à l'imagination des étymologistes, toujours si émerveillés de courir à bride abattue dans les landes sans fin du pays des conjectures. Mais un fait important reste acquis ; c'est qu'Aurillac, ville ignorée et obscure en 898, devint dès le v siècle une cité illustre dans la science, et parvint depuis à un développement progressif qu'elle ne perdit que lors des guerres religieuses. Il y a donc eu deux villes : la tradition les a mêlées sans les confondre ; faisons comme elle, distinguons les mais ne les séparons pas. En agissant ainsi nous serons dans le vrai, et nous manifesterons en outre un sentiment patriotique. Car au total, pourquoi nous effraierions-nous de la filiation romaine, pourquoi irions-nous répudier une si glorieuse paternité?

La ville d'Aurillac est située sur la rive droite de la Jordane, a l'extrémité d'une vallée, entre deux éminences qui la bornent au levant et au nord-ouest. L'une de ces collines porte le nom de Bois-de-Lafage (f'agus, hêtre) ; l'autre, celui de Roc-Castanet. Au-dessous de la ville, la vallée s'élargit, et se perd dans la plaine d’Arpajon, immense bassin de prairies dominé par un horizon circulaire de coteaux et de forêts. Au nord, apparaissent les dentelures bleuâtres des montagnes du Cantal.

L'histoire monumentale d'Aurillac se divise en deux époques : celle antérieure à 1569, année de la prise de la ville par les huguenots, et celle qui suit. Nous allons raconter sommairement ce qu'était Aurillac alors, et ce qu'il est aujourd'hui.

AURILLAC AVANT 1569.

Aurillac (1) déclaré par saint Louis bonne ville, c'est-à dire ville close, ayant sa municipalité pour l'administrer, et sa milice pour la défendre, était, en 1509, entourée de hautes murailles. Quelques portions s'en distinguent encore aujourd’hui, noires et en débris, lambeaux déchirés comme notre histoire. — Cette ceinture de remparts se trouvait percée de six portes, dont voici les noms : 1° porte d'Aurinques, située à l'extrémité de la rue d'Aurinques, laquelle devait son nom aux argentiers qui y faisaient le commerce des paillettes d'or tirées de la Jordane, aurei qui que (2); 2° porte des Frères, parce qu'elle conduisait …

(1) Aurillac porte : De pourpre à 3coquilles d'argent, au chef d'azur, avec 3 fleurs de lys d'or sur une seule ligne. Les coquilles d'argent s'expliquent par les longs pèlerinages de saint Géraud qui alla sept fois à Rome. Les fleurs de lys sont la preuve de la protection incessante des rois de France : c'est sous Charles VII que nos consuls obtinrent la permission de les porter.

(2) La Jordanne charriait autrefois des paillettes d'or, dont le produit donnait à vivre à une certaine quantité d'orpailleurs qui les cherchaient dans le sable. — Voici comment la légende raconte l'origine de ces riches:es métallurgiques : — Il est peu de personnes qui ne connaissent l'histoire merveilleuse du pape Gerbert. On sait qu'aux yeux du peuple, qui ne pouvait expliquer tant de science et tant de prodigieuses découvertes, ce grand génie passa pour sorcier. Ainsi entr'autres contes, la tradition veut, qu'au moyen d'un talisman nommé Abacus (livre des nombres), ce prélat ait découvert n Borne, un palais d'argent, enfoui sous la statue d'airain qui était au Champ-de-Mars. — Or, un jour, pendant que le futur Sylvestre II. habitait encore l'abbaye de Saint-Géraud, il vint à Belliac, lieu de sa naissance, accompagné du doyen du monastère, qu'il voulait convertir au paganisme. Tous deux restèrent ensemble, plusieurs heures, dans la maison paternelle, discutant à haute voix et même se querellant. Enfin Gerbert. ne pouvant réussir par ses raisonnements, à perdre ce digne homme, lui demanda s'il voulait être témoin d'un miracle. Le doyen ayant dit. oui ; et qu'à cette condition il vendrait son âme, Gerbert le conduisit au bord de la rivière qui coulait non loin de là. Après avoir tracé d'innombrables cercles, et prononcé une foule de mots bizarres, le jeune nécromancien frappa tout-à-coup les ondes de la Jordanne, avec une baguette de coudrier, qui. au dire du doyen, paraissait enflammée. Soudain les eaux. de bleues et claires qu'elles étaient, se changèrent en flots d'or. De sorte que pendant un instant, l'or coula par larges nappes entre les deux rives, comme s'il se fût échappé en fusion d'une fournaise ardente. Le doyen épouvanté, se jeta à genoux, priant Dieu mentalement, et le charme cessa. Mais depuis ce temps la Jordanne a roulé des paillettes précieuses, et la ville en a pris le nom d'Aurillac. Qui veut dire lac doré.

Cette légende est curieuse, mais voilà tout. Cependant, peut-être a-t-elle le mérite d'indiquer que c'est au xc siècle seulement, qu'on commença à rechercher les parcelles d'or, et à en faire une industrie. — Cette industrie a cessé il y a environ quatre-vingts ans.

Voy. Lettres de Charles Vil, du 3 mai 1432. Archives de la ville d'Aurillac. — Brioude, Topographie médicale de la Haute-Auvergne, 2» éd. 1822, p. 52.

…de l'intérieur de la ville aux deux couvents des frères Cordeliers et Carmes, situés l'un et l'autre à quelques pas hors les murs; 3° de Saint-Marcel, à cause du voisinage d'une petite chapelle fort ancienne, dédiée à ce saint ; 4° des Fargues. eu égard aux planches et à la quantité de poutres ou madriers (fargues, terme usité encore dans la marine), qui défendaient son pont-levis; o° et 6° du Buis et de Saint-Etienne, parce qu'elles correspondaient toutes les deux, l'une au couvent, et l'autre au château-fort, qui portaient ces noms.

C'est par la porte Saint-Marcel, qu'on fit sauter au moyen d'un pétard posé dans l'intérieur, que dans la nuit du 6 septembre 1569, les protestants du Rouergue, du Quercy et du Limousin, commandés par les capitaines Laroque et Bessonières, entrèrent dans la ville. — Le traître qui avait introduit ces coreligionnaires, s'appelait Prantinhac. — Les habitants quoique surpris, combattirent néanmoins avec bravoure ; cent vingt d'entr'eux se firent tuer dans les rues.

Le chiffre exact de la population d'alors n'a jamais été parfaitement connu. Cette population cependant devait être assez considérable, puisque longtemps auparavant, Aurillac envoya deux cents hommes d'élite à Charles VII, pour l'aider à reconquérir son trône; puisque encore vers 1469, les consuls avaient pu conduire huit cents soldats devant le château de Cariât, contre le malheureux d’Armagnac, duc de Nemours, qui fut fait prisonnier. Il est en outre établi par documents authentiques , que des maladies contagieuses avaient enlevé dans Aurillac jusqu'à deux et même trois mille personnes en peu de temps. Ce n'est donc pas sortir des limites probables, que de supposer qu'à la fin du xvi* siècle, la ville contenait une population d'environ huit mille âmes. Dans cette population, entraient cent quarante familles de huguenots, faisant à peu près de six cent cinquante à sept cents individus.

La ville était divisée en trois quartiers, dans lesquels la police des nuits et des jours de solennité s'exerçait pas trois compagnies du guet. L'organisation du guet existait dans nos contrées avant 1280, puisqu'il en est parlé dans la transaction faite par Eustache de Beaumarchais, entre les consuls et l'abbé d'Aurillac (1). On avait compris depuis longtemps combien une garde civique est préférable à des troupes étrangères salariées. L'ordonnance du roi Jean, en date du 5 mars 1362, réglementa l'institution alors devenue générale, et l'organisa en guet marchant et guet assis. Aurillac adopta cette amélioration, qu'il appropria cependant pat quelques modifications, à l'état de ses besoins, de ses usages et de ses mœurs.

Son administration judiciaire se composait d'un bailliage. dont les phases sont diverses. — Dans les constitutions celtiques, le droit tenait essentiellement à la personne Ce droit fut respecté par la conquête franke, pendant laquelle chaque fraction de race, germaine, visigothe ou bourguignonne, eut la faculté de choisir sa loi. Cela dura jusqu'au IXe siècle; mais au Xe, tout était changé. Le régime féodal ayant parqué les hommes dans les domaines ruraux, la loi forcément, cessa d'être personnelle et devint territoriale. Cependant dès cette époque, une grande quantité d'abbayes ou de seigneuries, se mettaient pour plus de sûreté, sous la protection des rois, et obtenaient des lettres. Aurillac fut de ce nombre. Un gardien ou bailli leur était envoyé alors, pour faire respecter par sa présence, la sauvegarde royale. Ces personnages, obligés souvent de se poser en médiateurs entre les abbés, les suzerains et leurs vassaux, saisissaient la cour du roi d'une foule de causes, arrachées ainsi aux juridictions seigneuriales, et composèrent les premiers éléments des bailliages.

Sous les comtes d'Auvergne, Aurillac fut le siège du comté de son canton, siège occupé par les seigneurs de Cariât, qui formèrent de la leurs titres de comtes, tandis que leurs lieutenants, de la maison de Murât, tirèrent aussi de cette dignité leurs titres de vicomtes. Plus tard, dans le XIIIe siècle, quand les connétables eurent remplacé les comtes d’Auvergne, les baillis succédèrent aux connétables, et la Haute-Auvergne obtint deux lieutenants-généraux : un pour Aurillac, l'autre pour Saint-Flour. Les choses se trouvaient en cet état, lorsque les lettres du roi Jean, datées d'octobre 1360, érigèrent pour son fils le comté en duché d'Auvergne. Alors le bailli, de royal qu'il était, devint ducal, et comme notre ville, par ses franchises, échappait à la juridiction du duc, le lieutenant du bailliage prit sa résidence à Saint-Martin-Valmeroux. Aurillac n'ayant plus de justice, fut soumis provisoirement à la juridiction de Saint-Pierre-le-Moûtier (1366). Mais les bourgeois, la noblesse et le clergé se plaignirent à pleine poitrine, comme on se plaignait en ce temps, prétendant qu'ils n'entendaient pas plaider devant des tribunaux si éloignés. Alors on créa un bailli spécial des montagnes d’Auvergne, et Aurillac eut enfin en 1367, un lieutenant-général stationnaire dans ses murs. Le ressort de ce bailliage, qui malgré les protestations de l'abbé, devint permanent en 1372, s'étendait sur cent villes ou paroisses.

Il y avait encore un siège d'élection établi depuis 1452, mais qui ne devint élection en chef que sous Louis XIII, en 1629. C'était une juridiction qui connaissait, en premier ressort, des différends concernant les subsides, tailles, aides et…

(I) Celle transaction connue sous le nom de première paix, a été traduite par M. le baron Delzons, juge, et (orme un véritable code municipal (1280). Aurillac, Picat, 1841.

…autres impôts. Enfin on établit en 1561, un présidial, dont notre poète François Maynarddevint président en 1617. Ce tribunal comprenait les bailliages de Vie et de Saint-Flour.

Si de la ville judiciaire, nous passons à la cité architecturale, nous trouverons en première ligne de ses monuments, le monastère de Saint Géraud, établissement clos de murs comme une citadelle, et composé de l'église, du palais abbatial avec cloître, et d'une aumônerie. Commencé en 898, saint Géraud resta dix-sept ans à le faire construire, le mettant sous l'invocation de saint Pierre, prince des apôtres. Le jour de la consécration, il affranchit cent serfs, et leur donna, ainsi qu'aux habitants de la ville, un territoire libre, circonscrit entre quatre croix (1). Le comte Géraud, avait toutes ses terres allodiales, et ne relevait d'aucun suzerain. Aussi refusa-t-il constamment de se reconnaître vassal de personne, que du Saint-Siège à qui il légua ses biens. Le monastère dont le fossé profond entourait tout l'espace compris dans les rues du Collège (autrefois de la Pelleterie), des Fargues, du Buis et des Dames, ne ressortit donc directement que de la papauté, qui eut à protéger les concessions faites par le fondateur. Ces concessions, à l'époque même où les propriétés avaient été démembrées, furent évaluées par quelques chroniqueurs, jusqu'à deux cent mille livres de rente. Les papes acceptèrent le legs, et étendirent du fond du Vatican leur bras protecteur sur la riche église d'Auvergne, qu'ils nommèrent en toute occasion : « Notre monastère bienaimé. »

Saint Géraud avait appelé de Vabres, des moines bénédictins. Bientôt affluèrent tant d’étrangers, d’écoliers, de pèlerins, de pauvres, que le 5e abbé, Adralde, trouvant insuffisantes les dimensions de l'église, en éleva une nouvelle- L'édifice moderne dut être bien vaste, puisqu'il ne fut terminé qu'en 972, sous Géraud de St-Céré, le second précepteur de Gerbert. Je crois nécessaire de dire ici comment on s'y prit, et comment on agissait en général, pour exécuter les grandioses constructions du moyen-âge.

Selon l'importance du monument qui devait se bâtir, on envoyait des pèlerins dans les villages, les villes et jusque dans les diocèses environnants. Ces pèlerins rassemblaient les fidèles de toute profession, qui voulaient concourir à la sainte entreprise. Mettre la main à une œuvre pareille, était alors un titre d'honneur, comme plus tard le furent les croisades, comme les nobles actions le seront toujours. L'argent était offert aux pauvres, les indulgences aux coupables, les dignités au talent dont il fallait le plus souvent aiguillonner la modestie. Tous les auteurs qui ont écrit sur ces matières, sont unanimes pour raconter qu'on n'entreprenait jamais ces travaux, que dans les plus pieuses dispositions. Il est certain que l'on se confessait avant de partir, et que pendant toute la durée des constructions, la vie des travailleurs était rude et austère. Chacun remplissait son emploi, quel qu'il fût, sans fierté comme sans dédain. Pourquoi en eût-il été autrement, alors qu'on songe que le nom des maîtres, de même que celui des ouvriers, devait rester inconnu à tout jamais? C'est qu'en effet, les grandes œuvres du moyen-âge étaient essentiellement impersonnelles, et que les artistes qui les…

(I) Voici leurs positions : Le Croizet; — l'arbre de Saint-Giraud ; — le Vialin; — et Couissy.

…exécutaient, dédaignant la réputation de ce monde, ne travaillaient que pour le salut de leur âme et la gloire de Dieu. Aussi ce labeur, loin d'être une tâche ordinaire, devenait presque un acte de piété. En ce temps, il n'était pas rare de voir les sculpteurs exaltés par le jeûne, s'éprendre d'adoration pour le saint qu'ils taillaient dans le marbre, et suspendre religieusement leurs vœux, aux lèvres bénies de cette statue en prières, qui reconnaissante, devait intercéder pour eux dans le ciel.

Tout cela est vrai, tout cela devait être; et sans cette exaltation, nous serions encore à deviner le problème de ces sculptures si accomplies, ou de ces masses gigantesques, découpées, effilées, ciselées comme un morceau d'or.

Revenons à notre abbaye. Elle se réédifia sous le pontificat de Benoit VI, au moment ou florissait encore pour nous, l'architecture romane primaire. Cette architecture, dédaignant la forme des anciennes basiliques, se faisait hardiment réfractaire au passé. Depuis plusieurs siècles déjà, elle avait attaché à ses monuments un sens mystique qu'elle tenait à maintenir. Fortement croyante, sa pensée aima â reproduire en symboles, tous les graves mystères de la religion, et se plut à écrire une bible entière avec les pierres d'une cathédrale. Aussi chaque partie du temple avait un sens. Les archéologues pensent que la forme en croix racontait le crucifiement. Selon eux, l'abside rappelle le point où le Christ a reposé la tête ; les ailes ou transepts, figurent la place des bras; tandis que les chapelles entourant le chevet, sont l'image des épines de sa couronne.

Les fenêtres longues et étroites, suivirent un nombre fixé ; tantôt sept, à cause des jours de la création, tantôt douze, en mémoire des apôtres. Les trois portes indiquaient la sainte Trinité. Ce n'est pas tout, d'après la tradition orientale, on revêtait de couleurs les murailles intérieures : de cette manière chaque partie de l'église était distinguée par sa nuance, bleue, rouge, ou verte. Ces couleurs, représentant par emblèmes, le ciel, le feu, la terre, étaient héraldiques et sacrées par excellence; nul n'eût osé les intervertir ni les changer.

Voilà sans doute d'après quel système hiératique fut élevé cet édifice, que le pape Urbain II, à son retour de Clermont, où il avait prêché la première croisade, vint consacrer de nouveau. Une bulle, datée d'avril 1096, et adressée à Pierre de Cizières 14e abbé, constate ce souvenir précieux pour Aurillac. Des titres locaux nous apprennent encore (1), qu'au commencement du xii" siècle, Pierre de Roquenatou, 15e abbé, faisait accomplir au monastère, des travaux de reconstruction et d'embellissement. Ses soins se portèrent d'abord sur l'aumônerie, qui fut avancée vers la rivière, non loin de la source, nommée de nos jours encore, la Fontaine de l'Aumône. Avant lui, le cloître n'était que de bois, il le fit supporter dans toute son étendue, par des colonnes de granit aux chapiteaux ouvragés. C'est au môme abbé, que l'on devait le fronton du portail de l'église, représentant l'histoire du jugement dernier, ainsi que les deux belles cuves en serpentine, dont une existe toujours ; celte vasque, quoi qu'on en dise, est un produit du moyen-âge (2), et n'a de l'antiquité latine, que le style pur et le noble goût.

(1) Voyez Brève chronicon, dans les Analecta de Mabillon; vol. 2, p. 237

(2) Voyez Brève chronicon, etc., etc. id. id.

Il ne faut pas s'étonner de ce luxe d'architecture, car indépendamment du redoublement de foi religieuse, qu'avait excitée l'année millénaire écoulée, le couvent en outre, riche comme on l'a vu, fut un objet de prédilection pour beaucoup de monarques. Ainsi, d'un côté, les papes faisant de ce sanctuaire un lieu particulier de sauvegarde, avaient placé les religieux hors de la sphère de l'évêque diocésain ; tandis que de l'autre, les rois de France affranchirent les habitants d'Aurillac de toute charge, et les maintinrent en dehors de toute juridiction temporelle. La cité devait donc prospérer soutenue par des mains si fortes, qui la mettait à couvert de tout mal, et la poussaient à toute grandeur.

L'abbé prenait le titre de comte d'Aurillac ; il avait droit de justice dans la ville et la banlieue. Il nommait dans divers diocèses & une foule de bénéfices qui allaient jusqu'à la cure de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. Rien d'un évêque ne pouvait lui faire envie, que la crosse et la mitre. Or, le 35e abbé obtint ces insignes en 1402 (1). — Telle était l'abbaye. Toutefois, la discipline intérieure s'y étant relâchée au xvi" siècle, le souverain pontife Pie IV (medichino de Milan, oncle de Saint-Ch. Borromée), sur la plainte des consuls, et l'enquête qui s'en suivit, venait de séculariser le monastère, le 13 mai 1561.

Venait en seconde ligne le couvent des Cordeliers. — Personne n'ignore que les Cordeliers ou Frères mineurs, appartenaient à l'ordre de Saint-François-d ‘Assises. Ils furent institués vers 1209, et s'établirent en Fiance en 1216. Cet ordre, approuvé par le 4econcile de Latran, est au nombre des ordres mendiants. Les cordeliers devaient ce nom, à la corde nouée de trois nœuds qui ceignait leurs reins. Dans le principe, ils s'appelèrent Pauvres Mineurs (2) ; on les nomme aussi Franciscains, du nom de leur fondateur. Notre couvent, un des plus anciens de France, fut fondé par un seigneur de Conros, et situé au faubourg, au milieu de grasses prairies. Nos titres ne font remonter ce fait qu'à 1322 ; selon nous cependant il doit être antérieur, puisqu'il parait certain que saint Antoine-de-Padoue, mort en 1231, avait prêché dans ce couvent. Il faut donc s'arrêter, je crois, à ceci : que l'établissement fondé en 1225 ou 1230, n'eut d'abord qu'une origine obscure, et se contenta pendant longtemps de constructions sans importance ; tandis que la donation du seigneur de Conros, mit à même les cordeliers d'élever en 1322, la belle église que les protestants renversèrent. — L'architecture de ce monument, quoique du xiv siècle, appartenait au style byzantin, c'est-à-dire à l'architecture romane, mais mise en contact avec le goût gracieux des Grecs du bas-empire, et modifiée par leur génie. Celte forme se trouvait depuis longtemps populaire dans

(\) Je possède un sceau en cuivre des abbés d'Aurillac. Il représente un dais gothique sous lequel deux génies soutiennent l'écusson de saint Géraud. Un peu plus bas, un ange aux ailes déployées, entoure de ses bras les armoiries des d'Armagnac, que surmonte une crosse dentelée. Lu cierge allumé brûle de chaque côté. Tout autour se lit l'inscription suivante : Sigillum Joannis deArmanhaco pro ejus curia abbatiali Aureliaci. Ce sceau, qui date de 1465, et qui appartenait au 38* abbé, est unique. Il a dix huit centimètres de circonférence. On s'en servait au moyen d'un anneau plat et outré, qui. lorsqu'il n'est plus soutenu, se penche à droite, en roulant sur sa charnière. — L'écusson de l'abbaye de Sainl-Géraud est sans pareil dans le royaume; il est mi-partie d'or à l'engrêlure de sinople en chef, et de sinople à l'engrêlure d'or tout autour.

(2) Le sceau des Cordeliers qui est dans ma collection, représente un cordelier à genoux devant saint François; il a pour légende : Sigillum fratris Joannis Astorgii ordinis minorum.

la basse-Auvergne : et les églises do N.-Dame-du-Port, de Clermont, de Saint-Nectaire et d'Issoire, en étaient les types les plus complets (1).

Non loin des Cordeliers et au -dessous d’eux, à l'endroit où est aujourd'hui l'enclos de Sainte-Claire, s'élevait le couvent des Carmes, fondé par Guy de Gagnac en 1301. Chaque nouveau prieur, avant son installation, devait venir prêter serment entre les mains des consuls. Dans les processions et les solennités, soit civiles soit religieuses, les Carmes ne venaient qu'après les Cordeliers, qui avaient le pas sur eux. En voici la raison : Lorsqu’en 1564, Aurillac fut affligé de la peste, les Carmes effrayés, abandonnèrent précipitamment leur couvent, pour se réfugier dans les campagnes. Les Cordeliers au contraire, moins peureux et plus dévoués, restèrent fermes dans la ville, secourant les malades et les consolant. Les consuls délibérèrent sur le cas, et pensèrent qu'un ministre du Seigneur, qui lors d'une calamité publique s'éloigne du danger, est un soldat sans cœur qui déserte devant l'ennemi. Les Carmes fuient donc placés les derniers dans les cérémonies extérieures, et la punition devint ainsi publique comme l'avait été la faute.

Il existait autrefois un grand nombre d'églises à Aurillac. La bulle consistoriale de .Nicolas IV, qui est à la date probable de 1290, en désigne sept. Dans le XVIe siècle, on ne comptait plus cependant que deux paroisses. La plus ancienne était celle de Saint-Clément, primitivement bâtie par les père et mère de saint Géraud, et où tous deux furent inhumés. La seconde et la plus favorisée, s'appelait Sainte-Marie, vulgairement connue sous le nom de Notre-Dame-aux-Neiges (2), située sur l'emplacement actuel de l'hôtel de ville. Cette paroisse possédait des rentes considérables, car soixante ecclésiastiques, qui vivaient en communauté, jouissaient chacun d'un revenu de trois cents livres. Les prêtres, pour y être reçus, devaient être nés et baptisés à Aurillac. I n 1335, une bulle du pape Clément VI (Roger de Beaufort, 4" pape d'Avignon), autorisa cette communauté à nommer des syndics, avoir un scel et des archives (3).

(1) Voyez page 9 verso et suiv.

(2) Le Tait miraculeux qui a donné lieu à l'adoration de la vierge, tous le vocable de Notre-Dame-aux-Neiges, n'est point un événement local ainsi qui beaucoup de personnes l'ont cru, ou le croient encore. Ce miracle s'est passé à Rome dans le iv« siècle; voici dans quelles circonstances. — Le patrice Jean, n'ayant point d'enfants, avait fait vœu d'élever une église à la mère du Seigneur. Tous les jours il priait la vierge de lui révéler son intention sur le point où l'église devait être placée, lorsque aux noues 'l'août, la neige couvrit pendant la nuit une partie du mont Esquilin. En même temps la vierge apparut à la Fuis à Jean et au pape Libère, leur montrant du doigt, cette place que la neige avait blanchie. Le pontife et Jean s'y portèrent le lendemain, et fixèrent solennellement l'emplacement de la nouvelle basilique. Elle tut dédiée à Marie, et s'appela d'abord : sancta Maria ad nives. Mais comme elle se trouvait le plus grand de tous les sanctuaires qui étaient consacrés à la Vierge, on la nomma plus tard Sainte-Marie-Majeure ou Basilique Libérienne, du nom du pape, sous le pontificat duquel, Jean l'avait construite. — Celte église, l'une des plus belles de Rome, possède les admirables colonnes de marbre blanc, provenant du temple antique de Junon Ësquiline. C'est a dorer son plafond que fut employé le premier or, venu d'Amérique, et envoyé par l'Espagne. C'est la que sont les deux chapelles si célèbres du Saint Sacrement et de la famille Borghèse; on y conserve le berceau de J.-C. et les langes de la crèche.

(3) Notre-Dame-aux-Neiges, église paroissiale d'Aurillac, portait d'azur, au cierge flambant d'or en pal, percé en barre d'une épée. Le sceau que je possède, est peu ancien, niais parait être la reproduction exacte d'un cachet plus vieux. Il représente une vierge debout, adorée par deux anges, aux ailes déployées. La légende porte : Sigillum eclege (sic) parrochial beatee Mariœ Aureliaci. Au-dessous des anges, s« trouve l'écusson que nous venons de décrire.

A celle époque, l'église avait été reconstruite depuis peu ; elle appartenait par conséquent à la période ogivale. Effectivement, l'ogive après s’être mirée pieusement dansiez flots du Rhin, après s'être reposée dans les vallées de la Normandie, entrait alors en Auvergne, cl devenait là, comme partout, la base régénératrice de toute l'architecture sacrée (1). L'édifice de Notre-Dame, bien que maltraité parles calvinistes en 13G9, ne fut pourtant pas renversé. Des réparations ultérieures le consolidèrent, et ce n'est qu'en 1791, qu'il disparut. Son entrée principale faisait face à la rue de la Marinie. De ce point, un clocher formant porche, conduisait au grand portail, placé entre deux baies plus étroites. C'était à coté de celle de gauche, que se trouvait la niche dans laquelle était vénérée une statue de Saint-Jacques-de Compostelle. Tous les ans, une procession générale, portait en grande pompe aux pieds du saint, un oignon béni, emblème sans doute des austérités qu'observaient dans leur long voyage, les pèlerins qui allaient en Galice (2). Ce temple spacieux avait trois nefs; on y pénétrait latéralement par deux issues, qui ouvraient, la première au nord, non loin de la Placette; la seconde à l'est, au bout de la rue du Crucifix, ainsi nommée du grand christ, placé près delà porte. Selon l'usage, plusieurs échoppes entouraient l'église : on y vendait des bagues, des chapelets, des livres de dévotion, ou quelques menues merceries.

Puis venait la maison consulaire, somptueusement bâtie, et d'un caractère monumental remarquable. — Dans le principe, il n'y eut d'architectes que pour les églises; mais les lumières s'éparpillant, le monopole de l'art maçonnique échappa aux mains des prêtres, et l'architecture de purement sacerdotale qu'elle était d'abord, devint nationale, et s'appliqua aux monuments séculiers.

Deux hospices, l'un extrêmement ancien, était situé rue des Dames, non loin du monastère. Le second, provenant de fondations particulières, offrait beaucoup plus de ressources, car il en réunissait deux. Voici comment. Le premier, Guillaume d'Auvergne, de la maison de Conros, 78e évêque de Paris, en 1 228, éleva vers le milieu du XIIIe siècle, l'hôpital qui porta le nom de la Trinité. Il se trouvait placé hors la porte des Frères. — Après lui, Guillaume Beauféti, né au château d’Ytrac, près d'Aurillac, fonda dans l'année 1519, un nouvel hospice rue du faubourg du Buis, sous l'invocation de saint Jean. Ce Beauféti fut à la fois prêtre et médecin de Philippe-le-Bel, car l'étude de la médecine était alors propre aux ecclésiastiques. Un talent élevé sommeillait en lui; ^a lecture incessante de l'Ecriture le réveilla. Il se rendit si habile dans la science biblique, des conciles et des Pères, que d'un rang assez obscur, celte intelligence d'élite monta en 1304 au siège épiscopal de Paris. C'est chose singulière qu'à un intervalle si rapproché, deux Guillaume d'Auvergne devenus évêques de la capitale du royaume, se soient entendus presque, pour fonder tous les deux un hospice à Aurillac. Beauféti, du reste, en faisant ainsi, acquitta une dette de reconnaissance. Il ne voulut pas oublier que les consuls d'Aurillac, sur sa demande, lui avaient prêté deux mille livres (3) nécessaires aux frais coûteux de son instal…

(2) Voy. p. V, verso.

(3) Voyez sur les Pèlerinages d'Aurillac en Espagne, les p. 32 verso cl 33. (I) 65,000 francs environ de noire monnaie actuelle.

…lation. Ces deux hospices dont nous venons de parler, furent réunis en 1373, par une bulle du pape Grégoire XI. On abandonna les anciens bâtiments, et le nouvel établissement, transporté rue Saint-Jacques, s'appela l'Hôpital de la Trinité et du Saint-Esprit.

Aurillac possédait encore un collège qui devait son origine à une action généreuse. Commencé en 1548 à la suite d'une donation, il fut placé sur le terrain de l'hôtel ruiné du commandeur de Cariât. Les matériaux provenant de cette démolition servirent à le bâtir.

Enfin, en dehors de la ville, sur la pente ombreuse d'une colline qui regarde le couchant, s'élevait le couvent des religieuses du Buis (ainsi nommé des arbres ou bois qui l'environnaient). Fondée par saint Géraud, ou du moins par les premiers abbés du monastère, cette abbaye fut soumise à la règle de Saint-Benoit, et ne tarda pas à devenir royale. Elle avait été construite originairement dans 1 intérieur des remparts, au milieu d'une rue appelée encore de leur nom, rue des Dames. Le couvent resta là jusqu'à H 61, époque où le pape Alexandre III, l'ayant pris sous sa protection, fit mettre à exécution le changement projeté depuis longtemps. —Celte position du Buis est magnifique; la vue embrasse au midi le riche cercle des prairies d'Arpajon, plane sur toute la ville, et s'étend au nord jusqu'aux vertes montagnes qui bordent l'horizon. Une forêt entourait alors le bâtiment dont les murs de clôture allaient tremper silencieusement leur pied dans l'eau de la rivière. On était bien recueilli dans cet asile, nul bruit ne s'y faisait entendre, car la respiration de la cité ne montait pas même jusque-là. Parlez-moi des régions élevées pour bannir les passions terrestres, et faire subsister la partie céleste de l'homme, celle qui pense, et qui prie.

Voilà quelle était notre ville, lorsque les protestants, le cœur ulcéré de vengeance, parvinrent à s'en emparer. Il faut dire que leur haine avait une cause légitime, car Louis de Brezons, lieutenant-général de la Haute-Auvergne en 1561, avait été pour leurs coreligionnaires, pis qu'un démon exterminateur. Lorsque ce capitaine, au caractère de fer, et dont l'esprit représentait exactement la rouille qui s'attache à ce métal, entra dans Aurillac, huit personnes pacifiques moururent égorgées sous le plus futile prétexte, quelques maisons de huguenots furent pillées, et leurs femmes violées. Aussi l'historien de Thou, racontant ces actes cruels, applique-t-il sur les épaules de ce catholique, ardent jusqu'au fanatisme, les coups de fouet de son indignation. Brezons ne permettait pas même aux réformés de célébrer leur culte en commun. Un jour il fit massacrer sans pitié plusieurs d'entr'eux qui se rassemblaient inoffensivement hors de la porte St-Marcel. Tant de plaintes s'élevèrent en même temps, que Charles IX le déposa de sa charge de gouverneur. .

Les calvinistes avaient donc en entrant dans Aurillac, de dures représailles à exercer. Aussi lorsque le 6 septembre 1569, ils se trouvèrent maitres de ceux qu'ils appelaient leurs bouchers, ils agirent comme des insensés, souillant partout la flamme de leur colère, et se vengeant sur les hommes comme sur les monuments.

D'abord ils détruisirent le monastère de Saint-Géraud, d'où ils pensaient qu'étaient partis les ordres les plus impitoyables. Un titre que j'ai vu, laisse supposer cependant que le monastère ne fut démoli que plus tard, en 1370, au moment de l'arrivé de Lamire. Cela me parait une erreur, (.ors du saccageaient général, qui eut lieu après la prise d'assaut, le monastère n'avait aucun motif pour être épargné, et rien n'expliquerait cette inexpliquable indulgence portant sur un seul objet. La venue de Lamire fut, cela est vrai, le signal de nouvelles rigueurs contre les personnes, motivées par la découverte du prétendu complot de Fortet et autres catholiques, mais voilà tout. Il est donc probable que c'est en 1569. que les vainqueurs renversèrent le palais abbatial, l'église et l'aumônerie : tous trois tombèrent pareils à ces souverains d'Orient qui s'ensevelissent avec leurs trésors.

Cela fait, les réformés coururent aux couvents des Cordeliers et des Carmes, et ces édifices disparurent massacrés comme des hommes. Ce fut ensuite le tour de l'abbaye du Buis et de la maison consulaire. La vengeance générale une fois accomplie, on en vint à la haine privée ; un certain nombre d'habitations appartenant à des magistrats courageux, furent traînées aux gémonies avec le cadavre de leurs maîtres. Enfin, comme si la rage ne s'épuisait pas, on renversa jusqu'aux hôpitaux. C'est là un acte impie que je n'ai jamais pu comprendre, et pour lequel il n'y a pas de pardon. Car la nouvelle religion comme l'ancienne, sanctifiait la souffrance; elle prescrivait à chaque homme de soulager son frère, et promettait aussi le ciel en échange d'un verre d'eau !

La dévastation des monuments ne fut qu'une portion du ravage; dans l'esprit des huguenots ce n'était que la moitié de l'œuvre. Comme le catholicisme tirait sa force des traditions du passé, et qu'il eût été dangereux de conserver l'histoire de toutes les civilisations successives qu'il avait ou produites ou traversées, il fallait d'une même secousse, briser à jamais la chaîne des temps. Alors on se rua sur les titres, les papiers, les livres, la vie morale d'un peuple. En face de la communauté, aujourd'hui place d'armes (seule église dégradée, mais laissée debout), furent brûlées toutes les archives provenant soit de la ville, soit des établissements religieux. De sorte que les soldats purent jeter au vent avec cette cendre précieuse, tout un monde inconnu de faits, qui dormaient depuis des siècles sur ces couches de parchemin. Ainsi se sont anéanties nos chroniques : de ce jour existe pour notre pays la double et désolante lacune de l'histoire et de l'art.

Revenons un peu sur nos pas, avançons comme nous pourrons au milieu de tant de ruines, et procédons de notre mieux à cet inventaire de malheur.

Le pape Etienne VI (896), pour récompenser la piété de saint Géraud, lui avait offert des reliques, dont quelques-unes remontant à une antiquité reculée, constituaient, indépendamment de leur caractère religieux, de véritables objets archéologiques. De ce nombre était un calice de verre, dans lequel saint Pierre consacrait, assure-t-on, en disant sa messe. En effet, la science nous apprend, que les premiers pontifes se servaient de vases de verre pour faire le sacrifice non sanglant.

La mère d'Adroalde, 8e abbé, donna à l'église une statue d or de saint Géraud ; file enrichit en outre la chapelle du comte d'un devant d'autel d'argent, rehaussé de pierres précieuses, et où était sculptée toute la passion.

Adralde lui-même employa la grande fortune que lui laissa sa mère, à l'embellissement du monastère. Une comtesse de Narbonne, étant venue le visiter en ce temps, laissa pour offrande un calice de cristal de roche, si beau, qu'un moine enthousiaste prétendait que c'était un miracle.

Le 23e abbé, Géraud de Cardaillac, renferma les ossements de saint Géraud dans une chasse d'argent.

Les chapelles de l'église et ses bas-côtés étaient ornés des tombeaux des abbés ; le couvent possédait en outre de nombreux reliquaires, des tableaux et des statues. Tout cela serait aujourd'hui sans prix, à cause de l'enfance et de la naïveté des règles esthétiques qui avaient présidé à la confection de ces œuvres. Il est certain que l'art antique, malgré son beau idéal, n'avait pu suffire à la mythologie sacrée du catholicisme : celui-ci réagit alors et créa le beau céleste. C'est donc à la religion chrétienne que l'on doit les types gracieux d'un Enfant sauveur, des anges, de la Vierge ; comme aussi ces créations savantes des saints, des prophètes, des martyrs, au visage plein d'une souffrance immense et pourtant résignée. Dans le moyen âge, chaque basilique se remplissait de ces marbres animés.

Ce n'est pas tout, l'abbaye d'Aurillac cultivait la science avec succès, parce qu'elle l'aimait avec passion. Gerbert, qui portant impatiemment le fardeau de ses projets, en était sorti vers 96C, pour aller commencer cette existence d'action et de pensée qui le fit monter à la chaire de Saint-Pierre ; Gerbert avait envoyé à ses maîtres d'Aurillac, de nombreux manuscrits. Les auteurs citent entr'autres, la collection des grammairiens, les productions de saint Augustin, de saint Jérôme et de saint Ambroise. Quoiqu'on ne parle point des ouvrages littéraires, ils ne durent cependant pas être oubliés, par un homme qui avait nourri sa studieuse jeunesse des sucs les plus purs de l'antiquité. Toutes ces richesses furent anéanties.

Tel est en abrégé, le procès-verbal désespérant de nos pertes. C'est aussi que disparurent tous les monuments de la ville avec le magnifique mobilier qu'ils contenaient. Pendant onze mois, Aurillac fut livré sieds et poings liés à des vainqueurs implacables, qui accomplirent sans pitié sur lui leur office de bourreau. Quand ils s'en allèrent en 1570, lors de l'édit de Longjumeau, plus de quatre cents citoyens avaient péri. — Après le départ des protestants, on s'occupa à secourir la ville, tombée de même qu'un corps sans vie. On releva bien ce cadavre, mais on n'a pu le ressusciter.

AURILLAC ACTUEL. (1853 NDLR)

Le plus ancien édifice d'Aurillac, est aujourd'hui la tour du château de Saint-Étienne. Cette tour carrée, appartenant à des âges successifs, porte la trace de trois constructions différentes. Ainsi, dans la partie inférieure, on peut reconnaître les restes du monument primitif, pris et abattu par les bourgeois de la ville, en guerre alors avec Bertrand, 24e abbé (1235). Les étages qui viennent ensuite, ont le caractère du XII° siècle, époque où ils furent rebâtis, après que la révolte des habitants d'Aurillac eut été calmée. Enfin le sommet de la tour semble avoir encore une origine plus récente, et se rapporter à la fin des guerres religieuses. Ce château de Saint-Étienne, habitation des aïeux de saint Géraud, soutint jadis quelques sièges, et, ainsi que nous venons de le dire, a été saccagé plusieurs fois. Les bâtiments actuels, d'une date relativement moderne, ont servi de résidence, jusqu'en 1789, à l'abbé d'Aurillac. Ils sont occupés en ce moment par l'école 9* Livraison. 23

normale , dont la chapelle élégante possède un tableau d'Achille Dévéria, représentant Zacharie saint Joseph et saint Jean , en adoration devant l’Enfant-Jésus (1). Tout le monde a déploré en 1828, la destruction de l'église gothique, placée sur le rocher C'était avant la Révolution, une paroisse sous l'invocation de Saint-Etienne.

L'église de Saint-Géraud (ancienne abbaye), réédifiée au commencement du XVII°siècle, ne fut terminée qu'en 1643, sous Monseigneur Charles de Noailles, évêque de Saint-Flour et abbé d'Aurillac. Elle appartient au style ogivique dans sa complète décadence, et n'offre qu'une ornementation flamboyante, d'ailleurs sévère et nue, mais qui par cela même ne manque ni de hardiesse, ni d'une certaine grandeur. Les nervures prismatiques de la voûte, au lieu de s'appuyer sur des chapiteaux, viennent se fondre dans les piliers. Deux chapelles seules, celle de Saint-Géraud, où l'on remarque d'antiques colonnes engagées dans les murs latéraux, et celle du Sacré-Cœur, dont la voûte présente un système d'arrêtés d'un dessin compliqué, sont tout ce qui reste du monument primitif. L'église est inachevée : elle manque de nef et n'a plus de clocher. Sa forme est celle d'une croix. L'autel s'élève au milieu du transepts. qu'ornent de belles croisées aux meneaux amincis, tandis qu'autour du chevet, viennent s'étager circulairement quatre chapelles, figurant une abside rayonnante. Cette partie architecturale me parait très-curieuse, car le cachet auvergnat s'y montre nettement imprimé. Un mur provisoire, dans lequel se trouve percé le grand portail, ferme la basilique du côté de l'ouest. — L'abbaye possède de magnifiques orgues, un baldaquin provenant des anciens carmes, et plusieurs livres de lutrin, précieux manuscrits, exécutés par les frères Combes. Parmi ses tableaux nous citerons, un saint François-Xavier mourant, et une déposition dé croix.

Le saint François-Xavier, est représenté couché sur une peau, au bord de la mer, et abrité à peine par quelques branches noircies, formant toit au-dessus de sa tête. Il serre ardemment un crucifix contre son cœur, et expire en regardant le ciel, ou apparaissent deux petits anges radieux et souriants.

Cette peinture, chaude de couleur, est généralement attribuée à Zurbaran (1598-1662). On y signale, comme dans presque tous ses cadres, l'emploi do….

(I) Au devant d'un péristyle d'ordre corinthien, l’enfant Jésus repose endormi. La Vierge, appuyée sur un de ses genoux, soulève doucement le linge qui le couvre, et l'enfant apparaît dans tout le charme de son sommeil. A gauche, Zacharie prosterné et les bras en croix, se lient en adoration. Saint-Joseph, penché, relient par une lange, le petit saint Jean-Baptiste qui, les mains jointes, voudrait marcher vers Jésus. — Celte toile pèche d'abord par la couleur locale. Ainsi, pour parler des personnages, on cherche en vain chez eux le type juif, c'est-à dire ces figures inspirées, à l'ail de feu, au galbe saillant, aux lèvres prophétiques. C'est encore pis pour le paysage : où donc est la Syrie, et sa verdure brûlée, et son ciel dévorant? Où sont les collines de Sion avec leurs transparentes vapeurs? Sentez-vous quelque part le parfum acide des feuilles du palmier? Non : tout cela est manqué. — L'œuvre pèche ensuite par le sentiment religieux ; car la Vierge n'a qu'une expression de beauté profane. L’artiste. au lieu de la draper d'un costume de fantaisie, eût mieux fait de jeter sur elle ce vêtement céleste d'innocence et de pudeur, dont l'enveloppaient chastement les peintres d'autrefois. Trois anges, peints avec une suave facilité, font regretter l'absence de celte candeur divine, de cette séraphique onction qui fait l'ange : on pourrait les prendre pour un groupe d'amours empruntés à Boucher. Somme toute, on se plaît devant ce tableau, mais on ne s'y recueille pas; il ne peut rien vous inspirer de pieux, parce qu'il n'a malheureusement lui-même ni piété ni croyance. — Cependant il est juste de reconnaître que les qualités sérieuses et techniques de cette composition, en font un ouvrage d'un intérêt extrême, et que le nom de l'auteur y ajoute un très-grand prix.

…minant des teintes bleuâtres, et la vigueur du clair-obscur. Ce peintre appartenait à l'école de Séville, dans son dernier épanouissement, c'est-à-dire au moment où affranchi de l'imitation des Italiens, l'art espagnol rajeuni, renaissait à sa verdeur native, à son originalité savoureuse, et produisait à la fois Vélasquez et Murillo. — Zurbaran, dont les œuvres sont toujours graves, adopta de préférence des sujets exigeant peu de personnages. Nul mieux que lui, n'excellait à rendre les rigueurs de la vie ascétique et ses aspirations sacrées. Tous ses saints sont usés par la méditation, ou dévastés par les jeûnes : mais do ces têtes pâles, de ces visages amaigris, jaillissent comme des flammes, tantôt l'amour de la souffrance, tantôt les joies austères de la mort. Notre saint Xavier est ainsi ; il rend son âme avec bonheur et sourit aux anges qui vont la porter devant Dieu. Suivant une habitude qui était particulière à l'artiste espagnol, les premiers plans sont complètement finis, et l'on peut admirer les mains et les pieds du mourant, traités avec un soin minutieux et la plus excessive délicatesse. — Ce tableau provient de l'église du Collège. Les jésuites (1) se l'étaient procuré au moyen des relations nombreuses que l'émigration auvergnate leur donnait en Espagne ; il n'est guère antérieur à 1660.

La Déposition de Croix, est une belle toile moderne, de Van-den-Berghe, exposée au salon de 1839, et donnée par le Gouvernement. Elle contient seulement quatre personnages : le corps du Christ posé à terre, la sainte Vierge qui soutient sa tête, sainte Madeleine qui pleure et embrasse un de ses bras, et l'apôtre saint Jean, debout, se penchant lentement, courbé par la douleur.

Comme composition, cette scène douloureuse me parait bien sentie, et le dessin en est pur. Comme couleur, une pluie de rayons tombe d'en haut, à la manière de Rembrandt dont c'est peut-être un souvenir. Cette lumière perce l'obscurité, touche le front de saint Jean, glisse sur ses mains chaudement éclairées, et va inonder le corps du Sauveur. Malheureusement, et voila le défaut suprême : le Christ n'est pas mort. En effet, ni sa pose beaucoup trop académique, ni la pâleur des chairs, qui ont conservé les tons calmes et rosés de la vie, rien n'indique qu'on se trouve en présence d'un cadavre inanimé. S'il n'était la trace des clous, aux mains et aux pieds, s'il n'était la saignante blessure du côté gauche, on croirait voir simplement quelque jeune homme évanoui. — Il faut visiter, une fois au moins, les amphithéâtres, pour bien se figurer ce que c'est que la mort. Un cadavre, quelque beau qu'il soit, n'est qu'une chose étrange et hideuse, car avec l'âme et la vie ont disparu les caractères essentiels des formes. L'homme devient alors une masse, dont chaque membre, privé de ses organes, n'obéit plus qu'à la loi inerte de la pesanteur. Aussi, selon la surface, saillante ou creuse, sur laquelle ce corps se trouve placé, il se contourne ou s'enfonce. La tête d'un mort qui héla ! se laisse aller avec tant de lourdeur, ici, dans le tableau dont nous parlons, se soutient presque d'elle-même. Cependant après son trépas, et tant que ses restes mortels demeurèrent sur cette terre, le Christ, quoique Dieu, resta soumis à toutes les lois physiques de l'humanité. Et c'est ce qui faisait dire au vieux Michel-Ange, en contemplant la descente de croix de Daniel…

(I) Les jésuites ont tenu le collège d'Aurillac partir de 1G20. —

…de Volterre, qui se trouve à Rome, dans l'église de la Trinité-du-Mont : « Ah ! parlez-moi de ce corps, au moins il tombe comme un cadavre. » Ce défaut, je le répète, me semble capital, dans l'œuvre de M. Van-den-Berghe, mais il est racheté par de grandes beautés de forme et de raccourcis. — Je recommande, à la voûte de la chapelle de Saint-Géraud, sept médaillons peints à fresque, et représentant plusieurs actes de la vie du saint. Ces peintures, bien que dégradées, sont du XVIIe siècle, et présentent un certain intérêt archéologique et légendaire.

En sortant de l'église, il faut s'arrêter sur la place du Monastère, devant la vasque en serpentine d'un seul bloc, qui reçoit les eaux de la fontaine. Quelques archéologues la croient antique, et veulent y reconnaître un travail romain. D'autres, avec plus de raison, s'en référant aux textes (1), établissent que te bassin aurait été exécuté par les soins de Pierre de Roquenatou, 15e abbé, mort en 1117. Il n'est pas exact de dire, ainsi qu'on l'a fait souvent, que cette vasque, dont la circonférence est de neuf mètres, sur un demi-mètre environ d'épaisseur, rendait par vingt-quatre ouvertures l'eau qui lui venait d'une cuve supérieure. Non ; ces vingt-quatre trous, creusés circulairement dans le marbre, à une petite profondeur, ne traversent pas la paroi, et servaient probablement à recevoir quelques ornements, tels que des macarons de cuivre. Ce bassin, quoi qu'il en soit, est un ouvrage très-apprécié ; il se recommande tant par l'harmonie de ses proportions, que par le fini du ciseau.

Il y a peu d'années, lors du déblaiement du vieux cimetière qui occupait l'emplacement de la place Gerbert, un grand nombre de cercueils de pierre furent exhumés. Tous accusaient une certaine antiquité. Rien cependant ne put indiquer d'une manière positive s'ils appartenaient aux premiers chanoines, après la sécularisation de l'abbaye, ou s'ils étaient de l'époque antérieure des bénédictins. Le terrain n'ayant été remué et enlevé que jusqu'au niveau du sol, c'est sous le pavé actuel que doivent nécessairement se trouver les tombes les plus anciennes et les plus curieuses.

L'église des Cordeliers (deuxième paroisse), a pris le nom de Notre-Dame-aux-Neiges. Cette église, de la même date que la précédente (1590—1632). offre la forme d'une longue nef, et ne présente aucun caractère distinctif. Sa voûte, d'une inclinaison puissante, n'est pas soutenue par des colonnes, mais repose sur d'épaisses murailles, que contiennent à l'extérieur des contre-forts munis d'arcs-boutants. Les baies des fenêtres, étroites comme des meurtrières, ne laissent pénétrer dans le sanctuaire qu'un jour sombre et voilé. Le maître - autel en marbre, appartenait jadis à l'église des Carmes. Parmi quelques bons tableaux, on distingue la Cène, du Bassan, qui décorait autrefois le réfectoire des Père» cordeliers. Rien que cette toile ait souffert de maladroites retouches, elle n'en conserve pas moins le sceau d'un grand style. La tête du Christ, placée en pleine lumière, est d'un modelé très-heureux; il y aune sérénité divine sur ce front qui lit l'avenir, et où déjà commencent à s'empreindre les douleurs du calvaire. Le type de la figure du Sauveur, c'est selon nous, l'image d'un dieu tourmenté comme un homme, mais de l'homme souffrant comme un dieu. Bassan paraît avoir voulu le…

(I) Voyez Brève chronioon, cité dans les Ânalecta de Mabillon, édition in-f°, p.349.

….comprendre ainsi. Saint Jean, dont l'imagination était si poétique, ressemble à une jeune femme : ses veines transparentes laissent voir leur sang et sentir leur chaleur. Il s'est endormi, soucieux, sur l'épaule de son maitre, pareil aux colombes qui cherchent un abri, alors que vient l'orage. En tant que création, les poses des apôtres ont do la variété, les draperies du mouvement, et chaque, figure son expression particulière. Néanmoins, on observe sur quelques visages, une certaine dureté de contours, annonçant une exécution hâtive. Toutefois ce qui doit racheter ces imperfections, c'est l'ensemble de la peinture, brillant par une grande mélodie de teintes, et celle ampleur de coloris qui distinguera toujours l'école vénitienne (1).

Dans la môme église, au-dessus de la deuxième chapelle, à droite, on remarquera un cadre représentant saint Ignace dans sa cellule, au moment où venant de terminer la rédaction de ses Constitutions, le fondateur des Jésuites prend un crucifix, et presqu'en extase, demande à Dieu l'éternité de son œuvre.

L'hôtel Consulaire (aujourd'hui maison Guy), n'avait dans le principe que deux étages. Sa muraille septentrionale se trouve adossée à d'autres constructions, tandis que les angles, à l'est et au midi, sont flanqués chacun d'une tourelle élancée, laquelle vient reposer sur un cul-de lampe orné de rinceaux de vigne.

(1) J'écrivais il j a peu de temps, dans un article adressé à l'Echo du Cantal, quelques lignes, que je demande la permission de reproduire ici en substance. Elles pourront nous être utiles dans nos diverses appréciations.

» Quatre grandes Écoles de peinture se partagent l'Italie. Grâce à l'esthétique particulière des maîtres, à leur manière différente de voir et de sentir, chacune d'elles a un caractère moral et matériel qui l'individualise et la différencie.

» Ainsi, pour commencer par l'école Florentine-Romaine, la plus ancienne en date, on lui reconnaît pour caractère moral : l'expression, la science des mouvements et de la physionomie, l'amour idéal de la Vierge pour son fils ;- — elle a pour caractère matériel : la beauté des lignes, la pureté exquise du dessin. — Les chefs et les créateurs de cette école sont: Andréa Ricco (XIIIe siècle, peinture traditionnelle du bas empire) ; — Cimabué, mort en 1310 (dernier représentant de l'imitation bysantine) ; — Giotto, qui personnifie l'affranchissement; — puis, Angélico de Fiesole, — Orcagna, — Masaccio, — Pérugin, — André del Sarto, — Michel-Ange, — Raphaël.

» Vient en seconde ligue, l'école Lombarde, dont le caractère moral est la mélancolie, ou plutôt la morbidesse, comme disent les Italiens; — et le caractère matériel ; l'entente du clair-obscur. — A la tête de celte école marchent : Léonard de Vinci (14521510), — Le Corrège, — F. Mazzuola, dit Le Parmesan.

» L'école Vénitienne, a pour caractère moral, l'imagination et la fantaisie ; — elle a pour caractère matériel, la puissance de la couleur. — Ses maîtres sont : les deux Bellini (1426-1516) ; — Giorgion, mort à 32 ans, de jalousie, et par conséquent d'amour ; — Le Titien, — Le Tintoret, — Paul Véronèse, — les deux Palma, — les Hassan.

» La dernière école est la Bolonaise, école éclectique, qui créée en 1590, c'est-à-dire soixante-dix ans après la mort du Sanzio, a pris au trois maîtrises précédentes, leur côté le plus saillant. 11 faut expliquer ici que la reine des écoles, celle de Raphaël, avait peut-être un peu trop sacrifié le coloris a la pureté de la forme et à l'idéalité de l'expression. L'école bolonaise le sentit, et tout en désirant continuer cette manière correcte, elle voulut y joindre, comme élément vivifiant, soit l'application hardie des raccourcis, soit l'emploi des grands effets pittoresques. Pour cela elle emprunta à l'école romaine la ligne, à la lombarde te clair-obscur, à la vénitienne la couleur. Or, de cette synthèse ingénieuse, fondée par Louis Carrache (i55'i-i6i9), sortirent : Annibal et Augustin Carrache, — Le Dominiquin, — l'Albane, — Le Guide, — Le Guerchin, etc. — Telles sont les quatre écoles, autour desquelles se déroule le cycle entier de la peinture italienne. »

L'auteur de notre Cène des Cordeliers, est Jacopo da Ponte, dit le Hassan, né à Bassano en 1510, mort dans la même ville en 1592.

Autour des fenêtres, autrefois en croix, s'avancent en saillie, de larges corniches de pierre taillée.

La partie la plus riche du monument, est le portail. Ce portail, qui encadre deux croisées, finit au second étage, mais avant l'exhaussement moderne, montait jusqu'au toit. Son style appartient au gothique tertiaire le plus orné. Dans le tympan du rez-de-chaussée, sont sculptés des anges soutenant un écusson effacé, et où étaient gravées les armes de la ville. Les deux grandes lignes ogivales qui dessinent la porte, vont se réunir au-dessus de l’écu, dans un champ semé de fleurs de lys, et se terminent en choux frisé. Un chien accroupi grimpe de chaque côté, le long des clochetons. La suite de l'ornementation du portail, au moment où elle embrasse la fenêtre du premier étage, est à peu près la même, avec cette différence, que le champ dans lequel se rencontrent les courbes de l’ogive, porte, au lieu de fleurs de lys, des sculptures tréflées. La façade dont nous parlons n'a pas une ride, mais se trouve pourtant criblée de cicatrices ; preuve certaine que l'injure lui vient, non de la main du temps, mais du bras des hommes.

Vers le milieu du siècle dernier, on enleva de la salle principale de cet hôtel un manteau de cheminée, qui existe encore, et date de 1572. C'est une grande pierre de deux mètres de longueur sur une largeur de soixante centimètres; elle contient quatre écussons. Le premier est l'écu des Cambefort, famille ancienne, dont le chef était consul alors ; le second, celui d'Aurillac ; le troisième, les armoiries de l'abbaye, et le quatrième, celles de la paroisse. Ce monument est un legs cruel des guerres civiles : une inscription latine nous apprend qu'il fut dédié au Tout-Puissant, en mémoire du massacre de la St-Barthélemy (1). — Puisque le sujet nous y mène, disons un mot de notre organisation municipale. Elle date de loin, et les suppositions les plus vraisemblables la font remonter à saint Géraud. Ce qu'il y a de certain, c'est que ce travail de formation ou plutôt de rénovation, décomposition de la puissance seigneuriale d'où sortit enfin l'affranchissement des communes, était fait chez nous depuis longtemps, quand il commençait à peine à s'accomplir ailleurs. Ainsi, ailleurs, la société était féodale et servile, tandis que chez nous elle se trouvait royale et municipale ; de sorte que le tiers-état naissait à peine dans le reste de la France, quand dans la Haute Auvergne, il touchait déjà à l'âge de l'émancipation. Et voilà ce qui explique pourquoi l'hermine des consuls se froissa si souvent avec la robe des abbés. C'est qu'ici les serfs, devenus des bourgeois, étaient comme toute jeunesse, pleins….

(I) Le bruit des boucheries de Paris, avait eu un triste retentissement à Aurillac. Au mois de septembre, les officiers du roi et les consuls, firent emprisonner au château de Cologne et dans les salles basses de l'hôtel Malras (actuellement le palais de justice, rue de Lacoste), tous les huguenots qu'on put saisir. D'après nos titres, confirmés par les mémoires du président de Vergnes, quatre-vingts d'entr'eux ne voulant pas abjurer, furent impitoyablement égorgés. La pierre que nous venons de décrire, se rapporte à ces événements, et a pour but de les perpétuer. Voici l'inscription :

Dco dicabant Guillelmus Cambefort, primus consul, cùm bonis consoeiis, Joane Chanut. Cive, Petro Delom. Guillelmo Cortes, Durando Sallesmercaloribus, et Francisco Barate, pharmacopole.

Auriliati civitatem et catholicos concives à tyranniâ proditorum hereticorum et heresià libe

ravit. Pio voto Pétri Molle mercatoris. — A. D. (Anno DominiJ 1572. — Je dois celle pierre i

la bienveillante bonté de M. le comte de Sarrasin.

….d'ardeur et de force. Se sentant l'intelligence d'administrer leurs affaires, ils tenaient en respect les moines, qui voulaient s'immiscer dans l'administration de la chose commune. Ces éternels conflits eurent pour effet de consolider encore nos franchises communales : à ce point que dès le x° siècle, nos aïeux respiraient derrière leurs murailles, un air de liberté qui ne soufflait que là.

La statistique de nos consuls est vraiment intéressante, envisagée seulement comme étude de mœurs publiques. Nous n'avons la liste complète que depuis l'année 1300, et voici son résultat. Les consuls étaient au nombre de six, et nommés annuellement le premier vendredi de septembre, par une élection à deux degrés. D'abord les marchands se montrent en plus grand nombre (c'est le travail); ensuite les bourgeois ^la fortune) ; puis les juges (les dignités); enfin les avocats {la science).

L'église du Collège étale orgueilleusement un joli portail, dans le goût italien, que Bernini (Cav. Bernin), le grand génie de la décadence, avait mis à la mode au XVIIe  siècle.

En 1842, un jeune artiste aurillacois, M Joachim Issartier, peignit le chœur de cette église. La composition principale représente Moïse frappant le rocher. C'est une peinture à l'huile annonçant de l'imagination et une certaine force créatrice. La scène en effet est pleine d'action; malheureusement le dessin s'y montre faible et la perspective tout-à-fait défectueuse. La lumière étincelle au ciel, mais elle ne sait pas descendre pour envelopper les objets et pénétrer les groupes. Aussi les personnages paraissent-ils comme étouffés, en l'absence de l'air qui ne circule nulle part. — La décoration à fresque, d'ordre corinthien, au milieu de laquelle sont placés en grisaille, saint Pierre et saint Paul, a de l'éclat •t même du style.

Dans la porte du tabernacle, se trouve enchâssée une petite peinture sur agathe, dont le sujet est la Vierge glorieuse soutenant son fils, et adorée par quatre saints, et une sainte vélue en religieuse. — Cet échantillon précieux, nous paraît appartenir à l'école allemande, au temps de Hans Holbein le vieux (1450 — 1506); c'est-à-dire à l'époque où cette école n'avait encore rien pris à l'Italie, et reproduisait les types bysantins que lui avaient laissés les Grecs du bas-empire, bien qu'en les émancipant déjà par la forme et l'expression (1).

Il faut examiner en passant un Saint-Ignace-de-Loyola à genoux, d'autant plus curieux, que je le crois un portrait, et un portrait ressemblant. Cette figure, touchée avec franchise, est pleine de relief. C'est la grandeur morale du personnage original, jointe à la mélancolie de son caractère, et à la virilité de son esprit.

Reste une Adoration de* Mages, tableau moderne, donné par le gouvernement,

(I) L'école allemande a trois rameaux :

1° Ecole d'Augsbourg, dont le plus illustre maître est Hans Holbein le jeune (1498-1553%

2° Ecole de Saie, dont le chef est Lucas Cranach (1472-4553), l'ami de Luther, celui qui poussa les Hollandais dans le naturalisme.

Ecole de Nuremberg, qui a pour représentant suprême Albert Durer (1471-1528), la personnification la plus complète du génie allemand.

Les deux premières écoles moururent presqu'en naissant ; la troisième se fondit, au commencement du xvii' siècle, dans les écoles italiennes et flamandes.

… et dont l'auteur est M. Constant Misbach. — Au devant de sa maison, la Vierge est assise, tenant l'Enfant-Jésus sur ses genoux. Les mages l'entourent : deux sont debout portant de riches présents; l'autre est prosterné, et offre au Christ une coupe remplie de pièces d'or. Dans le fond, se déploie la suite des trois monarques.

Il manque sans doute à cette toile, l'habileté de faire, la grande manière qui caractérise les artistes supérieurs; mais à leur défaut, on y trouve de la conscience, quelquefois de l'élévation. L'exécution constate l'oubli malheureux d'un principe capital. Les grands maîtres, dans leur emploi de la couleur, délaissaient et sacrifiaient souvent le coloris de chaque objet isolé, afin de parvenir à une plus savante harmonie de l'ensemble. Ici, on a procédé différemment. Le jaune peintre, encore inexpérimenté, termine complètement chaque personnage, sans se préoccuper du tout. Aussi, pour mieux finir chaque partie, il a nui à l'effet général; pour arriver à la précision, il a rencontré la sécheresse.

La plus belle figure est sans contredit celle de la Vierge. Cette tête, admirablement réussie, accuse des études sévères : on y trouve chasteté, pureté, douceur. J'y remarque surtout une combinaison idéale qui ne saurait être du hasard. C'est que dans ce visage si bien conçu, on distingue la tendre naïveté, le délicieux étonnement, enfin l'adorable ignorance d'une femme, devenue mère, sans s'être initiée par les sens aux mystères de la maternité. Voilà une aspiration heureuse vers le génie du moyen âge : cela est véritablement beau, beau maintenant, beau partout, beau toujours.

Les galbes des mages appartiennent chacun à une race différente dont le type parait assez ingénieusement saisi. Le profil seul du monarque agenouillé, copié d'un marbre antique, rappelle une tête grecque de Platon. Mais ce vieillard couronné, nous sommes obligés de le dire, ne s'incline pas noblement : il est accroupi sans dignité. Et maintenant, quand il voudra se relever, ses jambes lui feront défaut sans doute. En supposant, en effet, qu'il en existe sous les plis de la robe, elles se trouvent si dénuées de proportions, que le potentat oriental, parfait de torse, aura debout, toute la difformité d'un nain. C'est encore une bien mauvaise inspiration que d'avoir fait sourire Jésus-Christ à la vue de l'or et de lui faire toucher, avec une espèce de joie coupable, quoique enfantine, ces richesses qu'il devait tant maudire, lui, être tout d'abnégation, de dévouement et de pauvreté !

Parmi les curiosités de la ville d'Aurillac, je cite encore la chapelle d'Aurinques. Cette chapelle funèbre fat construite à l'endroit où Guinot de Veyre trouva une mort glorieuse en défendant intrépidement la ville attaquée par les huguenots. — Dans la nuit du au 5 août 1581 , les calvinistes, quoique en pleine paix, tentèrent de s'emparer d'Aurillac. Déjà un certain nombre d'entre eux avait escaladé le haut du rempart, et leur clairon sonnait « ville gagnée! » lorsque la sentinelle de la tour Seyrac déchargea son arquebuse sur le trompette, ferma rapidement la porte de la tour, et donna l'allarme par ses cris. Quelques habitants accoururent en armes, et les assaillants se voyant sans issue pour entrer, essayèrent alors de descendre dans la ville, par le toit d'une maison qui touchait presque au mur. Pendant ce temps les postes arrivaient, et l'un d'eux commandé par Guinot pénétra hardiment dans la maison envahie, où l'on se battit avec acharnement. Sur ces entrefaites quelqu'un eut l'idée d'incendier une écurie voisine de ce lieu, pour en chasser un groupe d'ennemis. Malheureusement le feu qu'on ne put circonscrire, s'étendit, gagna la maison où Veyre et ses soldats combattaient, et tous, sans en excepter un seul, périrent ensevelis dans les flammes. Je ne connais rien de plus douloureux que l'histoire de Guinot. Sa vie courte et brillante, ses amours, sa mort, son cadavre calciné qu'on ne reconnut qu'à la bague d'or donnée par sa fiancée; tout cela émeut, attriste, désole : c'est un mélancolique poème d'héroïsme et de malheur.

Il y a peu d'années encore, que dans l'église de Saint-Géraud, au-dessus de l'ogive de la chapelle des Veuves, on voyait un bas-relief représentant un bras passé dans les courroies d'un bouclier. La main était fermée, et laissait voir une bague placée au quatrième doigt. S'il faut en croire la tradition, Melle Cayrols, fille de l'avocat du roi, se trouvait sur le point d'épouser Veyre, quand celui-ci mourut. Dès cette beure, renonçant à un monde, vide pour elle comme le néant, la jeune fille fit réparer cette chapelle, et avant d'entrer en religion, ordonna qu'on gravât sur l'arceau d'entrée, l'image de tout ce qui avait survécu de reconnaissable du corps brûlé de son fiancé. Celte pierre dans laquelle était incrusté tant de désespoir, fut détruite sans nécessité, en 1833. Ainsi sont respectés en province, les touchants souvenirs! L'unique trophée qui reste aujourd'hui de la victoire du 5 août 1581, est une trompette en cuivre, recueillie le lendemain dans les fossés, et qu'on conserve à la bibliothèque communale.

Depuis 1701, on a placé dans la chapelle d'Aurinques, trois tableaux, détestables en tant que peinture, mais intéressants comme intérêt local, retraçant le premier, l'instant du combat et de l'embrasement ; le second, l'heure qui suivit la victoire ; et le troisième, la procession qui eût lieu pour remercier la Vierge à la protection spéciale de laquelle on attribua le salut d'Aurillac.

Après avoir visité ce monument, il faut faire quelques pas vers le haut de la rue d'Aurinques, et donner un coup-d ‘œil à la maison de Mme de Machurin, dont la façade, porte encastrées plusieurs pierres ayant appartenu à l'ancien hôtel du président Maynard. Sur celle du milieu se lit encore l'inscription amère, si connue : donec optata veniat (jusqu'à ce que la mort désirée vienne). Quelques biographes font naitre Maynard à Aurillac, d'autres à Toulouse en 1382. Quoique le lieu de sa naissance soit contesté, le poète a toujours été placé par les écrivains du Cantal, dans leur panthéon auvergnat. Ce personnage nous appartient effectivement, par les séjours prolongés qu'il fit dans notre ville, par les nombreuses relations qu'il y avait conservées, par les hautes fonctions qu'il y remplit, peut-être même par sa mort. Son existence fut mêlée de chances diverses. Maynard, jeune encore, s'adonna aux lettres. Nommé secrétaire des commandements de Marguerite de Valois, ses manières, son caractère enjoué et son esprit, le firent rechercher à la cour. En 1617, le duc de Luynes lui fit donner la présidence du présidial d'Aurillac. Plus tard, il suivit en Italie le comte de Noailles, ambassadeur près de Sa Sainteté, et pendant trois ans, de 1634 à 1637, le poète fit à Rome de la diplomatie et des épigrammes. On dit que le pape Urbain VIII (Barberini), aimait ses vers, et recherchait sa conversation pleine de saillies. Eu 1635, le cardinal de Richelieu ayant créé l'Académie française, et laissant aux. Fondateurs désignés par lui le soin de se compléter, Maynard, quoique absent, et en froideur avec le cardinal, n'en fut pas moins nommé au dix-septième fauteuil. De retour en France, le nouvel académicien reprit sa présidence, et après une dernière apparition au Louvre, sous la régence d'Anne d'Autriche, revint à Aurillac où, selon toutes les apparences, il mourut au mois de décembre 1646, avec le titre de conseiller d'Etat. — Maynard a joui pendant sa vie d'une célébrité méritée. Il compta, sous Louis XIII, parmi les planètes académiques qui décrivaient, sur le ciel littéraire du xvir3 siècle, les plus brillantes ellipses; il possédait une grande fraîcheur d'imagination, réunie au goût, au trait, à la grâce. Avec Malherbe et Racan, ils prirent la langue un peu dure d'Henri IV, adoucirent son accent, et la firent parler en vers heureux. On lui doit l'invention d'un rhythme nouveau, par l'introduction de certaines pauses calculées II aima l'élégance, le tour, la clarté; c'était enfin un bel esprit. Cependant, quelques-unes de ses qualités poétiques se trouvèrent obscurcies par les défauts d'une nature ombrageuse, qui se cabrait au moindre bruit. Une position subalterne où il étouffait, un amour ardent de la cour, d'où Richelieu l'éloigna par ses rigueurs, excitèrent sa verve acérée, subtile, impitoyable. Des ennemis puissants profitèrent de l'occasion pour chercher à l'accabler. Alors, irritée, l'abeille harmonieuse prit un dard de guêpe dont elle se servit trop souvent. Le cardinal tint bon, et cette âme malade, qui n'avait besoin que d'être mise au régime, s'enfiévra à plaisir et s'exaspéra follement, pour se décourager plus follement ensuite. C'était fini; Maynard avait tourné pour toujours le dos au bonheur, car quelques années après, humilié et vaincu, il mourait misanthrope, sans que le titre qu'Anne d'Autriche lui avait décerné, eût pu apaiser son cœur ou raviver sa pensée. — Cet homme fut littérateur, courtisan, diplomate, jurisconsulte. Génie singulier et bizarre, c'était, au dire de ses contemporains, un inconcevable mélange de gaité et de tristesse, d'orgueil et d'humilité, de foi et de doute, de sarcasme mordant et de tendre rêverie. Ses œuvres consistent en épigrammes, odes, chansons et lettres.

Peintures de l'hôtel de Noailles (aujourd'hui maison de Falvelly). — La famille de Noailles possédait depuis longtemps la terre de Pénières, commune de Cros-de-Montvert, lorsqu'en 1609, Charles de Noailles, évêque de Saint-Flour, fit à Aurillac l'acquisition d'une maison située dans la rue des Esclots. Ce prélat qui aimait notre ville de prédilection, avait fait disposer dans sa propriété réparée et embellie un appartement somptueux. C'est dans la pièce principale de cette habitation que se voient les peintures.

La salle figure un carré long ; une seule croisée l'éclairé du côté du midi. Quatre énormes poutres, supportant une quantité considérable de solives, placées en sens inverse, composent le plafond. Toute cette charpente, d'un fond brun, est décorée d'une multitude infinie d'arabesques blanches. Une cheminée de grande dimension occupe le milieu de la chambre, vers l'ouest. Tout autour de la salle règne une boiserie à compartiments inégaux, séparés entr'eux par des moulures dorées. Dans cette boiserie, se trouvent enchâssés trente panneaux, ornés de peintures à l'huile représentant des sujets bibliques. Ces panneaux sont entourés d'une quantité prodigieuse de caissons peints en grisaille; les uns carrés, et séparant horizontalement les panneaux principaux, les autres en firme de rectangles, placés au-dessus et protégés par la cymaise.

Chaque montant de la cheminée contient deux médaillons, sur chacun desquels est peint, dans un riche fond d'or, un pontife en pieds et en habits sacerdotaux. Les personnages ont 42 centimètres de hauteur. — Première figure : portrait d'un pape que je crois être Sylvestre II, notre Gerbert. La tiare couronne sa tête; il est revêtu d'une chappe à ramages, et tient de ses deux mains un livre fermé, et la crosse aux trois croix. L'expression de celte physionomie est douce, triste, et remplie à la fois de malice et de finesse. — Au-dessous, un prélat, en costume de cardinal, barrette et camail rouges. Sur sa robe écarlate et traînante, descend un rochet blanc à larges manches. Il porte un livre ouvert ; sa barbe argentée est longue et touffue. Selon moi, ce personnage serait ou le cardinal Bertrand, ou plutôt le cardinal Georges d'Armagnac, 52e abbé d'Aurillac, archevêque de Toulouse et d'Avignon, mort vers 1584. — Le troisième médaillon, placé sur le montant de droite, doit être le premier Guillaume d'Auvergne, de la maison de Conros, évêque de Paris. Il est coiffé d'une mitre blanche, unie et sans ornements. Ses mains soutiennent un livre et la crosse épiscopale. Barbe brune, figure grave. — Le quatrième enfin représente Guillaume Beauféti, né au village de Veyrac, et médecin de Philippe-le-Bel. Sa mitre et sa chappe sont rouges. Le peintre a mis un volume fermé dans une de ses mains, et le bâton pastoral à l'autre : c'était toujours là l'emblème de la science et du pouvoir.

Voici le titre de quelques sujets des boiseries formant le tour d'appui : La Création ; — Mort d'Abel ; — Invocation de Noè; — La Tour de Babel ; — Sara chassant Agar ; — Trois Anges apparaissent à Abraham et lui prédisent la naissance d'un fils. Ce dernier tableau, comme le précédent, est ravissant par l'éclat, par ses tons fermes et chauds. Dans le fond, coule une rivière, et plus loin à l'horizon, se dessinent les édifices d'une ville. Le paysage est d'un extrême fini ; l'heureuse répartition de la lumière répand sur toutes les lignes un calme merveilleux.

Continuons : Incendie de Sodotne et Gomorrhe; — Naissance d'Isaac; — Sacrifice d'Abraham ; — cette composition harmonieuse respire une tendresse inouïe de sentiment. — Entrevue de Rebecca et d'Elie'zer; — Esaii vendant son droit d'ainesse; — Jacob surprend la bénédictiond'Isaac ; — Rencontre de Rachel et de Jacob ; — Songe de Joseph ; — Joseph jeté dans la citerne ; je recommande la ligure de Joseph, magnifique de désolation, de frayeur, et de larmes qu'il n'ose laisser couler. Ruben, pris de dos, et incliné sur l'abîme, est un raccourci franchement accusé, d'un effet superbe. — Les frères de Joseph envoient à Jacob la robe ensanglantée de son fils ; — Joseph s'échappant des bras de la femme de Putiphar ; — Joseph expliquant les songes de Pharaon ; — Joseph reconnu par ses frères ; toutes les draperies sont largement jetées; les têtes bien ressenties, la couleur brillante. — Joseph arrive en Egypte ; — Mort de Jacob. 

Parmi les camaïeux des rectangles, on distingue des fantaisies pleines de charme ; de petits tableaux traités avec une rare mignardise. Celui qui est au-dessus du trentième panneau, par exemple, a des volailles perchées, d'une excellente facture, des poules fort belles, des coqs, un dinde qui fait la roue. — Dans un autre, c'est un mulet qui se repose ; pour perspective une solitude et une croix. —

Ailleurs, un cordelier priant, et contemplant le ciel dans une extatique ferveur ; une sainte Madeleine, pleurant dans sa grotte. — Ailleurs encore, c'est une autruche, arrangeant avec son bec les plumes de ses ailes. Enfin un autre gracieux paysage se compose d'un frais bouquet d'arbres; sur le devant, un berger fait traverser une rivière à quelques chèvres; au fond, un lointain nuageux.

Ne nous demandons pas quel est l'auteur de cette composition originale ; le nom de l’artiste, en l'absence de renseignements positifs, restera probablement pour toujours un mystère. Contentons-nous de reconnaître que cette peinture est essentiellement flamande de style et de procédés matériels. Seulement le reflet italien vient y luire de temps â autre, et imprime, surtout dans le sentiment de certaines figures, un caractère facile à saisir. L'histoire des beaux-arts peut seule interpréter ce singulier mélange de deux écoles appartenant à un pays différent et inspirées par un génie si opposé. Essayons-en l'explication.

Van-Eyck et Hemling, les deux plus illustres maîtres de la primitive école de Bruges, cultivèrent sans nul secours étranger, l'art éclos sur les bords du Rhin. Ceux-là furent flamands de corps et d'âme, de touche et d'idée. Ils forment la première époque (1425). — Mais après eux, plusieurs artistes tels que Van-Orley, Jean de Maubeuge, Coxis, Otto Venins, tous esprits éminents, pensèrent qu'il était temps de donner de l'ampleur et de la virilité à l'école de Flandre, en la trempant dans le style italien. Voilà la seconde période (1530). — Le succès couronna cette épreuve, bien dangereuse du reste, car on pouvait craindre que le goût national, loin de se régénérer, ne se noyât dans l'imitation. Ainsi avait péri l'école allemande, submergée au berceau. Néanmoins, grâce à la personnalité vivace des peintres d'Anvers, un compromis se fit entre les deux écoles du Nord et du Midi, dont les éléments individuels se combinèrent sans se confondre. C'est de cette fusion que sortit la troisième époque de l'art flamand, art complet dès ce moment, qui produisit ces colosses glorieux qu'on appelle Van-Dick et Rubens (1620).

Eh! bien, les peintures de l'hôtel de Noailles étant d'une date intermédiaire entre 1609 et 1614, se rapportent précisément au temps où venait de se faire l'assimilation indiquée par nous : et voilà pourquoi la trace des deux écoles italienne et flamande, est sensible dans l'exécution de cette œuvre pleine d'intérêt.

Un usage constant désigne la salle peinte, sous le nom de chambre du cardinal. Quoi qu'il soit dans mes habitudes de respecter religieusement la tradition, dans les qualifications qu'elle impose aux choses et aux lieux, je dois cependant signaler ici une erreur et la démontrer. Indépendamment de l'aspect physique des peintures et de la forme des boiseries, accusant les unes et les autres une date plus reculée, il est certain en outre que Louis-Antoine de Noailles, future éminence, né à Pénières, en 1651, quitta l'Auvergne de bonne heure pour habiter Paris. Nommé évêque de Cahors en 1679, ce prélat n'obtint la pourpre qu'en 1700, c'est-à-dire, dix-sept ans après que l'hôtel avait cessé d'appartenir à sa famille. Rien n'indique même qu'à aucune époque, le cardinal y soit jamais venu (1). — Mais un souvenir très-précieux s'attache à cet appartement devenu historique. Il est positif que le 4 février 1650, Louise Boyer, dame d'atours de la reine Anne d'Autriche et femme d'Anne de Noailles, donnait le jour, dans la chambre même que nous venons de décrire, à un enfant qui se nomma Jules de Noailles, et devait être duc, pair et maréchal de France

Presqu'en face de l'hôtel de Noailles, au-dessus de la porte d'entrée d'une petite maison appartenant à M. Fabrègues, se remarque un monogramme curieux, gravé en relief sur une pierre, évidemment plus ancienne que la muraille où elle est enclavée. Ce signe, compliqué dans ses linéaments, est du xiv« siècle, et se compose des trois premières lettres entrelacées du mot grec Iesos. M. Bouillet, de Clermont, homme savant et esprit original, se basant sur la configuration des lettres, dissemblables dans plusieurs de ces monogrammes, a cru devoir y lire le mot ITIS, et pense qu'on pourrait interpréter ces quatre sigles de la manière suivante : In Terra Ierusalem soccii. Ce signe selon lui, se référerait donc aux croisades.— Nous devons dire que d'après l'opinion du plus grand nombre des archéologues, les différences signalées dans les lettres, par M. Bouillet, ne changent point le sens adopté jusqu'ici, mais doivent simplement se rapporter aux fantaisies des sculpteurs ornemanistes du moyen-âge , ou à la reproduction maladroite faite par des ouvriers qui ignoraient probablement, le sens des caractères consacrés. Il faut donc regarder cette figure, la seule de ce genre qui existe à Aurillac, comme désignant le monogramme du Christ.

 

Pin It