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Rhue (La) de Condat. — Le géant des monts Cézaliers, comme le pic de Sancy pour les monts d'Ores ou le plomb du Cantal pour le groupe qui l'environne , c'est le puy Chamaroux. A la base de ce puy, situé a l'est de Montgreleix, dans le département du Puy-de-Dôme, et dont l'altitude est de 1478 mètres, la Rhue prend sa source. Ce n'est d'abord qu'un faible cours d'eau , comme presque toutes les rivières du Cantal à leur naissance ; mais bientôt le ruisseau de Lascombes, celui . de Trémiseau et plus bas la rivière d'Eglise-Neuve, qui descend impétueuse des environs de Vassivières, viennent confondre leurs eaux dans son lit, et, continuant alors sa course vers l'ouest, la rivière ainsi accrue atteint le riant et fertile bassin de Condat, gracieuse oasis, où, après une course désordonnée au fond de la gorge étroite et resserrée dans laquelle elle se trouvait captive, elle prend, en enfant folâtre, ses aises en ondulant sur une riche mosaïque de cailloux roulés. Elle a dépassé déjà les hautes culées du pont en fil de fer qui relie ses deux rives; la Santoire a mêlé plus loin son onde à la sienne; alors , plus confiante en sa force, elle affronte hardiment, sur son lit de rochers, les sombres forêts de Maubert, des Gaulis qui s'étendent à sa droite, et celles de Peyrelègue, de St-Amandin et de Chavagnac qui bordent son autre rive : paysage abrupte, accidenté, sauvage qui fait rêver, en le parcourant, à ces contrées de l'antique Ecosse où le fils de Fingal( le célèbre barde Ossian, puisait ses inspirations harmonieuses, ou bien à ces forêts gauloises au fond desquelles le druide , couronné du gui sacré, invoquait le puissant Odin , l'impitoyable Thor, et présidait aux sacrifices qui, trop souvent, hélas! dans ces temps barbares, se terminaient par l'effusion , sur la pierre des dolmens, du sang d'un ennemi vaincu.

On n'arrive de St-Amandin au carrefour de Courneliou , pour aller à Tremouille , qu'en passant la Rhue sur une perche en sapin jetée d'un rocher à l'autre , dans un endroit resserré , en amont d'un gouffre profond et tourbillonnant, passage difficile et dangereux qu'on n'aborde pas, une première fois surtout, sans un serrement de cœur : la rivière qui bondit sous vos pas vous donne le vertige; la perche flexible sur laquelle vous avancez , en faisant glisser avec précaution vos pieds l'un après l'autre, touche presque le flot; vos mains se crispent sur le seul garde-fou qui vous empêche de perdre l'équilibre; et, lorsque vous êtes passé, ce n'est pas sans un sentiment de terreur que vous jetez un regard sur la fragile passerelle qu'un moment d'oubli ou d'inattention aurait pu vous rendre fatale.

Après avoir reçu les ruisseaux de Couderc, de Tremouille et de St-Amandin, la Rhue se réunit au-dessous de Coindes à une autre rivière qui porte le même nom. sauf une légère différence dans l'orthographe, la Rue de Cheylade, qui vient du puy Mary ; confondant alors et leurs eaux et leurs noms, elles atteignent, sous la désignation de Grande-Rue, les plaines du Chambon, d'Embort et de Sarraus, et forment bientôt la cascade de Rochemont ou le Saut-de-la-Saule. Est-ce une cataracte comme le Saut-du-Niagara ou celui du Doubs? Non, sans doute. C'est plus cependant qu'une cascade; car les flots de la Rue , resserrés dans un passage étroit, tombent en masse écumeuse, d'une hauteur d'environ huit mètres, dans un bassin profond d'où ils se relèvent en bouillonnant contre les parois de la roche porphyrique qui les tient prisonniers. Leur action incessante a creusé dans le roc, malgré sa dureté, des entonnoirs profonds, des niches modelées avec un art parfait, des sillons, des rainures dont la profondeur est l'ouvrage des siècles. C'est, assurément, une de ces merveilles de la nature a la fois si imposante et si frappante, qu'après l'avoir contemplée, on en garde à jamais le souvenir ineffaçable. Afin d'utiliser cette remarquable chute d'eau , quelques travaux viennent d'être exécutés sur la rive droite de la Rue par une compagnie qui se propose, dit-on, de s'en servir pour mettre en mouvement des usines importantes destinées au moulinage de la soie ou à tout autre entreprise industrielle.

A quelque distance de là, le ruisseau de Soulou, qui vient de St-Etienne, se réunit à la Rue sur la rive gauche; elle a déjà reçu de l'autre rive la rivière de Tarentaine et le ruisseau de la Crégut, qui prend sa source dans le beau et grand lac de ce nom. Elle pénètre alors dans le département de la Corrèze, alimente la scierie et le fourneau d'essai de minerais de fer de St-Thomas, atteint le pont de St-Thomas, formé d'une seule arche remarquable par sa hardiesse et son élévation, et va se joindre à la Dordogne au-dessous du village de St-Thomas, après un parcours d'environ 46 kilomètres.

16 Mai 1856

Louis ROBIN,

Secrétaire archiviste de ta Commission de Statistique du canton do Riom-ès-Montagnes

 

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