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Margeride

 

— C'est le nom donné au plateau élevé qui sépare la vallée de l'Allier de celle de la Truyère. Il a dû probablement son nom au château qui existait très-anciennement sur le rocher de las Costas, commune de Clavières (3° volume, page 212). Ce plateau était principalement occupé par de vastes forêts, dont l'essence dominante était celle de sapin. Le gouvernement, à cause de leur étendue, s'en était emparé en partie; mais ce qu'il possédait fut rendu plus tard à leurs anciens propriétaires La très-grande portion e-t comprise dans les départements de la Lozère et de la Haute-Loire, tandis que 1,700 hectares seulement font partie du département du Cantal, vers son extrémité orientale.

Les cimes des montagnes des Margerides, car il en est plusieurs qui sont comprises sous cette dénomination, ces cimes, disons-nous, sont remarquables par la fraîcheur qui y règne, fraîcheur qui séduit l'œil du voyageur, et constamment entretenue par de nombreux cours d'eau, dont la limpidité est attrayante. Sur les points culminants, on aperçoit un grand nombre de hêtres qui affectent la forme pyramidale; la nature en a fait les frais et dépassé ce que la main de l'homme aurait pu entreprendre, tant est grande leur régularité.

Des sommets de ces plateaux se détachent des vallées riantes, d'un aspect très-varié et qui ne sont pas inférieures aux sites les plus pittoresques de l'Ecosse et de la Suisse. Les pentes, très-rapides ordinairement, sont couvertes, à l'aspect du nord, de bois de sapin, tandis que le midi est occupé par des taillis de chêne d'une grande utilité pour les habitants. L'écorce est employée dans les tanneries; le corps du bois au charronnage, et la feuille sert à la nourriture de nombreux troupeaux de chèvres. Les principales vallées sont connues sous le nom de Vallée de Coloni, Vallée de Gourgueyre, Vallée de Cronce, connue aussi sous celui de la Valtette.

Les montagnes sont couvertes de vastes prairies qui fournissent abondamment à l'élève des bêtes à cornes, et pendant l'été les moutons couvrent leurs nombreuses bruyères.

Indépendamment des bois de haute futaie, on en trouve encore d'essence de hêtre d'une vaste étendue. Les plus considérables sont connues sous les noms de Bois de Timouneyre, Bois de Favol, Bois de Roche-Roulante dans la commune de Paulhac (Lozère).

Les Margerides se relient aux montagnes de la Lozère et se terminent dans ce département à la commune de Chananeilles. Les communes de Clavières, Chazelles, Vabre, Lorcières et Vedrines-St-Loup sont, dans le Cantal, celles qui en possèdent la majeure partie; mais leurs bois, en presque totalité, sont en taillis. Ils sont tous domaniaux ; le gouvernement et les communes n'en possèdent aucune parcelle importante.

Margeride formait une importante seigneurie qui appartenait très-anciennement à la maison de Montgascon. En 1279, Béatrix de Montgascon en étant devenue héritière, la porta en dot a Robert, comte d'Auvergne. Marie de Flandre, veuve du comte d'Auvergne, la vendit à Guillaume Roger de Rosière.

La terre de Margeride passa ensuite à la maison de Taillac, puis à la maison d'Apchier, par le mariage de Jacques avec Dauphine de Taillac. Enfin, en 1701, elle devint, par donation, la propriété du duc de Bouillon, et après lui, de son neveu, le prince de La Tour-d'Auvergne.

Douées d'une végétation énergique, les forêts de la Margeride étaient admirables de force et de vigueur. Il en était encore ainsi il y a moins d'un siècle, et nos pères s'accordaient tous dans l'attestation de ce fait; mais toutes les causes de conservation existaient pour elles; aucune route ne permettait le transport de ses bois, soit en poutres, soit en planches Loin des centres de populations, sa lisière seule fournissait à St-Flour un mauvais charbon pour la cuisine, un détestable bois pour le chauffage, et quelques bois de construction.

Ses anciens seigneurs, comme les autres propriétaires de forêts en Auvergne, avaient accordé, à des conditions très-minimes, aux villages voisins de leurs bois, des droits d'usage et de construction : c'était alors le seul moyen d'en tirer quelque produit Nonobstant ces concessions, la presque totalité de la partie centrale de la forêt restait intacte; les arbres séculaires périssaient et tombaient sur place, et presque tous disparaissaient sans utilité.

Dans ce temps-là le génie des spéculations n'existait pas; on ne savait pas lutter contre les obstacles naturels. En 1737, pour utiliser cet état de choses, on y fit l’établissement d'une verrerie. Mais, soit par suite de l'ignorance des ouvriers, soit de quelque vice dans la manière de chauffer, soit enfin du mauvais choix des cailloux, des sables, et surtout des fondants salins qu'on y employait, elle fut discréditée : les bouteilles se trouvèrent d'un verre bleu, et il en fut de même du verre à vitres. Rien ne fut vendu; au bout de quatre années les entrepreneurs durent abandonner leur usine.

Cet insuccès ne découragea pas les spéculations. En 1742, une compagnie nouvelle reprit les travaux; au bout de dix ans elle échoua comme la précédente; en 1752, elle renvoya ses ouvriers.

Les travaux furent encore repris en 1769 : ce fui à cette dernière compagnie que le chimiste Sage conseillait l'emploi, pour matière de leurs bouteilles, de laves basaltiques dont le pays abonde. La réussite aurait été d'autant plus avantageuse, que le basalte est fusible sans addition, tandis que pour fondre les quartz et les diverses pierres vitrifiables, il faut y joindre quelques matières salines qui, rares en Auvergne, deviennent fort chères par l'éloignement des contrées d'où l'on est oblige de les tirer. Cette verrerie fut encore abandonnée dans la révolution, et reprise au commencement de ce siècle, à Coloni, sur la Déges, dans le département de la Haute-Loire, et enfin, vers 1824, transférée au château de Chamblard, appartenant à M. de Buffand, gérant de la banque de France. Son gendre, le général Cubières, la vendit à M. Bretonne de la Valette. Les bois n'ayant pas suffi à l'alimenter, la verrerie a dû cesser. Depuis cette époque, on n'a plus mis en activité de semblables établissements. En ce qui concerne le Cantal, il n'y a plus eu d'usine verrière depuis la révolution.

La belle terre de la Margeride, telle qu'elle s'est retrouvée constituée depuis la révolution sur le prince de La Tour-d'Auvergne, est considérable. D'après une noie que nous avons reçue de M. Combes, ses forêts comprendraient 1,351 hect. 80 cent., savoir:

« Margeride 923 h. 44c.

Bruyères et montagnes 378 27

Montsuc  49 79

Total 1351 50

Tous ces bois sont situés dans la commune de Védrines-St-Loup, sauf le

bois de Montsuc. Nous ne croyons pas qu'il y ait eu rien de vendu de la  propriété de Margeride (sous le rapport parcellaire) avant ni après la révolution.»

C'est dans la commune de Vedrines-St-Loup qu'a été construit le château moderne, vers le commencement du XVIII° siècle. Il est situé sur une élévation, à la lisière de la forêt. Sa vue est riante, fort étendue, et couronnée par les montagnes du Mézin et de la Chaise-Dieu. Son aspect est celui du levant. C'est une belle habitation, composée d'un corps de logis et de deux pavillons. Des restaurations bien entendues furent faites, il y a une quarantaine d'années, par le prince de La Tour-d'Auvergne et l'ont rendue très-confortable.

Cette riche propriété est maintenant en la possession d'une compagnie lyonnaise, qui exploite ses bois sur une grande échelle. Deux machines à vapeur et 200 ouvriers y sont occupés. La plupart de ses produits, transportés par charrois au port de la Mothe, près de Brioude, sont dirigés ensuite par eau sur Paris, Orléans et Nantes.

Ainsi, à l'industrie verrière en a succédé une autre plus préjudiciable à la forêt; elle est non seulement exploitée, mais littéralement détruite. Un voyageur qui l'aurait visitée il y a trente ans et qui la parcourrait maintenant, demanderait où s'élevaient ces arbres majestueux. La bête du Gévaudan (voir Lorcières) n'y trouverait plus un asile assuré.

Pour utiliser le sol de cette forêt anéantie, la compagnie a fait construire quelques bâtiments dans lesquels se trouvent 80 vaches. Comme les montagnes voisines, la Margeride va être livrée à l'industrie fromagère. Mais, où retrouver cette poésie des vieux arbres; où chercher les harmonies de la nature dans ce que ses paysages offrent de plus grandiose!

Margeride suivait la coutume de la Mothe-Canillac, avec appel à Riom. Sa justice était située près de Langeac.

 

P.de.C

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