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Marcenat

— Canton. — Il fait partie de l'arrondissement de Murat. Il est limité au nord par le département du Puy-de-Dôme; au sud, par les cantons de Murat et d'Allanche; a l'est encore , par le canton d'Allanche, et à l'ouest par ceux de Champs et de Riom-ès-Montagnes.

Sa surface territoriale est de 22,737 hectares, dont 1566 li. en terres cultivées; 3,539 h. en prés; 12,039 b. en pâtures et vacheries; 2,901 h. en bois, essence de sapin principalement, et 869 h. en terres vaines et rochers.

Son territoire est coupé par de nombreux ravins formés par les ruisseaux qui l'arrosent, et les deux rivières importantes de la Rue et de la Santoire.

Ses principales voies de communication sont : le chemin de grande communication de St-Flour à Bort, par Allanche; de Murat à Besse, par St-Bonnet. Condat et Chanterelle; de Marcenat à Riom-ès-Montagnes, par St-Bonnet, Lugarde et Marchastel.

Ces routes, quoique n'étant pas terminées en totalité, sont d'une grande importance pour ce canton, facilitent l'importation des grains, du sel et du vin. objets de première nécessité pour ces contrées , et l'exportation de ses produits, qui consistent principalement en bestiaux et fromages, ressources lucratives qui sont dirigées vers la Limagne, Lyon, le Languedoc et le Poitou.

Il se compose de 8 communes, savoir : St-Amandin, St-Bonnet, Chanterelle. Condat, Lugarde, Marcenat, Marchastel et Montgreleix.

Sa population est de 11,080 habitants, répartis dans 3 bourgs, 115 villages, 124 hameaux et 2,023 maisons.

Le sol du canton de Marcenat est généralement volcanique et granitique; sa température froide. Aussi ses terres sont d'un faible rapport en grains. Les pacages à vacheries sont bons et supérieurs à ceux du Mont-d'Or, quoique limitrophes. Leurs fourrages, quoique inférieurs à ceux de Salers et de la vallée de la Cére, donnent cependant aux bestiaux qui s'en nourrissent une abondante quantité de lait, et engraissent bien les bêtes destinées au couteau.

La longueur de l'hiver, la culture, qui n'exige des bras qu'une faible partie de l'année, les besoins des familles nombreuses sans occupations productifs imposent l'émigration à ces contrées, quoique ses résultats soient assez minimes, Les métiers qu'ils exercent principalement sont ceux de rémouleur, de chaudronnier, portefaix et surtout colporteur. Nés laborieux, ils abandonnent leurs parents et leur pays pour chercher ailleurs du travail et des moyens d'existence pour leur famille, et ne vont pas mendier sans pudeur dans les départements voisins .Malheureusement, dans leur commune, la probité n'est pas toujours respectée. I.c nom de leveur a acquis de la célébrité même hors des frontières de la France; mais la rigueur des lois ; remédie chaque jour, et le nombre de ceux qui se livrent a de criantes industries diminue chaque année.

La population du canton est généralement bien conformée : la stature des hommes est forte et élevée; mais leur caractère est violent et irascible. Les combats au couteau et au bâton sont fréquents, surtout dans la partie connue sous le nom d'Artense.

M. Chabrier, dans sa notice imprimée dans les Tablettes d'Auvergne, dit: « Le sol et le climat ne peuvent favoriser qu'une très-petite culture. Les terres produisent du blé, du seigle, du trémois, de l'orge, de l'avoine. On y sème aussi du blé-noir; mais cette dernière récolte résiste très-rarement aux intempéries des saisons.

La pomme de terre y prospère même dans les terrains les plus ingrats. Cette récolte, en 1817, avant été très-abondante (cette année, la France souffrait de la famine), les cultivateurs peu aisés mêlèrent de sa farine à celle de seigle, et obtinrent un pain comparable a celui du seigle pur.

Dans une partie du canton, on cultive le lin avec quelque succès. Cette culture, la plus intéressante après celle des grains, pourrait devenir une branche de commerce pour le pays, si l'on employait la méthode usitée pour le semer, le rouir ou le façonner. Tel est l'empire de l'habitude sur l'esprit du paysan, esclave de la routine, qu'il n'ose se détourner de la route tracée, dans la crainte de s'égarer : il faut qu'il travaille comme ses aïeux.

Le commerce est peu animé. On y tient cependant douze fêtes, quatre a

Marcenat et huit à Condat: celles de Marcenat sont peu importantes, mais à Condat elles sont renommées. Il s'y fait des ventes considérables de chevaux, de bêtes à cornes et de moutons : les chevaux, peu distingués par leurs formes, ont de la vivacité et de la vigueur, mais sont généralement petits et impropres à l'attelage.

Il n'y a actuellement dans !e canton qu'un seul étang, situé nu lieu de Parpaleix, commune de Condat ; il est peuplé de carpes et de tanches. Il n'existe aucun lac; mais dans une commune voisine du département du Puy-de-Dôme, un surtout se recommande par ses particularités à l'attention des curieux, et nous ne devons pas le passer sous silence : c'est le lac appelé des Clauses du village où il est situé. On y voit flotter plusieurs îles; leur position, à la fin de l'automne, indique le vent qui a le plus régné dans l'année.

On trouve dans ses forêts des renards, des fouines, des lièvres, quelquefois des chevreuils, rarement du sanglier; elles recèlent un nombre prodigieux de loups qui se répandent pendant l'été dans les montagnes et étendent au loin leurs ravages.

Nous allons jeter un coup-d'œil rapide sur la statistique du vénérable M. Chabrier , mort le doyen des juges de paix d'Auvergne et membre de la Légion-d'Honneur; il complétera l'aperçu sommaire du canton du Marcenat.

Dans les communes de Marcenat et de Montgreleix, on trouve des carrières de pierres de taille remarquables par leur teinte et leur souplesse pour le travail. L'éloignement des lieux où elles pourraient être employées et la difficulté de leur transport ne permettent pas une exploitation développée. Dans le canton, il croit des plantes médicales très-salutaires. M. Délarbre, auteur de la Flore d'Auvergne, vint passer plusieurs jours a Marcenat pour herboriser les montagnes et les forêts. Partout il trouva des plantes utiles.

Les habitants de ce canton ont de la sagacité, l'esprit insinuant, plein de ruses, un fonds de bonté naturelle qui les porte à se lier facilement avec des étrangers, pourvu que l'intérêt ne soit pas sur jeu; à la moindre contradiction, ils s'emportent, abondent en imprécations et en invectives, sources de haines et de voies de fait dont les conséquences sont souvent funestes.

Chaque commune, même chaque village, a en quelque sorte un idiome particulier. Il est même des petits villages dont le langage, dans la signification d'une infinité de mots, n'a aucun rapport avec ceux des villages voisins; et cet état existe depuis bien des siècles, malgré les alliances et les relations journalières.

Les maladies de la peau sont les plus communes; viennent ensuite les fluxions de poitrine, les pleurésies, les catarrhes, conséquence naturelle des subites variations de la température; les fièvres putrides, les dysenteries deviennent quelquefois contagieuses; a la fin de 1817 et au commencement de 1818, année de disette, elles emportèrent plus de la moitié de ceux qui en furent attaqués. La goutte, si commune ailleurs, est presque inconnue dans ce canton.

Les maladies charbonneuses sont celles qui frappent le plus les bestiaux ; on les nomme maladies des montagnes, parce que c'est pendant l'été, lorsque les troupeaux pacagent sur les vacheries, qu'elles causent leurs plus grands ravages.

Le vent d'ouest souffle très-fréquemment pendant l'hiver, occasionne de nombreuses tempêtes (esshirs) et cause quelques morts dans les neiges. L'atmosphère varie continuellement, même dans les plus beaux jours de l'été.

Commune.

 — La commune de Marcenat dépend naturellement du canton auquel elle a donné son nom et de l'arrondissement de Murat. Sa forme est allongée de l'est à l'ouest. Elle est bornée au nord par celles de Montgreleix et de Condat; au sud, par St-Bonnet et Landeyrat; à l'est, par la commune de Pradiers et le département du Puy-de-Dôme, et à l'ouest, par Condat et la rivière de la Santoire, intermédiaire entre elle et Lugarde.

Sa superficie est de 5,100 hectares, dont 200 h. environ en terres labourables; 4,300 h. en prés et pâtures à vacherie, de bonne qualité; 500 h. en bois de hautes futaies et taillis, dont l'exploitation est rendue difficile par l'escarpement des côtes sur lesquelles ils sont assis.

Elle est arrosée par la Santoire, les ruisseaux de d'Ouzan, de Labastide, etc.

Sa population est de 2,653 habitants, répartie dans 22 villages, 20 hameaux et 593 maisons.

Marcenat, le chef-lieu, à 3 rnyriam. de Murat, est une petite ville située agréablement sur un plateau élevé, légèrement incliné vers le nord-ouest, qui se trouve au pied du Mont-Flac, dernier mamelon du Cézalier. C'est sans contredit une des plus jolies du Cantal. Lorsque l'on y arrive par Allanche, on trouve, à la distance, d'un kilomètre, de belles plantations qui se prolongent dans plusieurs' sens et contrastent avec la nudité des contrées que l'on vient de traverser. Les Monts-d'Or, géants au front nébuleux, lui envoient bien une partie de l'année des rafales d'air glacial; mais, en dépit de quelques journées froides et pluvieuses, Marcenat n'en est pas moins, pendant quelques mois de l'été , un séjour agréable et très-fréquenté.

Les maisons paraissent avoir été bâties sur le même plan; elles sont généralement basses, mais d'une solidité commandée par les vents et la rigueur du climat. Toutes ne remontent pas à une époque reculée : les trois plus anciennes ayant des tours, et qui appartiennent à M. Benoid, maire actuel, à M. Chabrier de son vivant, et celle occupée par les Frères des écoles chrétiennes, provenant de la famille de Castellane, sont les seules dont l'architecture dénote le XVIII° ou XVII° siècle.

L'église est dédiée à saint Biaise. Ancienne et solidement bâtie, elle est placée au sud-ouest du bourg, a trois nefs terminées par un autel et un retable sorti du même ciseau. Ces retables sont à colonnes torses, parsemés de pampre, de grappes de raisins et d'oiseaux. Les statues qui occupent les niches ou surmontent les corniches sont mieux exécutées qu'elles ne le sont d'ordinaire dans nos montagnes. Le vandalisme d'une époque fatale les a respectées; mais les dorures, par la suite des âges, ont perdu leur éclat. L'intérieur aurait besoin d'être restauré.

En voyant les dispositions des constructions, on serait tenté de croire que l'architecte de cette église n'avait projeté qu'une croix latine, et qu'il n'avait pas de plan arrêté. La disposition de la toiture et des deux travées à plein-cintre, courant de l'est à l'ouest, accrédite cette opinion ; mais, par L'examen de l'ensemble, on découvre un amalgame symétrisé de style ogival et de plein-cintre, tant pour les ouvertures que pour les arceaux et les voûtes, dont plusieurs sont à nervures. Cette confusion place la construction de cette église à l'époque où le style ogival fut fatalement abandonné pour faire place à l'architecture lourde et maussade du XVII° siècle. Marcenat, en ce genre, est une église de transition.

Les piliers, au nombre de cinq, sont un peu massifs, mais très-ornés. Quelques-uns ont subi des mutilations déplorables à cette époque où l'art était devenu une cause de proscription. Des autels adossés à deux d'entre eux ont servi de prétexte à ces dévastations affligeantes au point de vue de l'art, indépendamment du sentiment religieux.

La longueur intérieure de l'église est de 32 mètres et sa largeur de 15 mètres. Un énorme arceau qui soutient le clocher lui donne une ampleur de 6 mètres. Les deux tribunes superposées qui y sont établies reçoivent, l'une, l'école des Frères, l'autre, celle des Dames religieuses. La porte d'entrée est ornée de multiples boudins; sa forme est gracieuse, mais un peu basse On serait tenté de croire que, pour chasser l'humidité, on a exhaussé le pavé.

Ces détails sont extraits d'une note parfaite sur Marcenat, qui m'a été envoyée par M. Hippolyte Benoid, son maire actuel.

Le clocher vient d'être reconstruit à neuf, en 1854, à l'aide des sacrifices de la communes, par les soins du Maire, de M. Charbonnel, alors son curé, et de M. Ravenet, son habile architecte Sur une tour carrée, solidement établie et flanquée de six énormes contreforts dont quatre sont surmontés de clochetons élancés, en rapport avec la flèche principale, a été construit, au point central, une tour octogone, surmontée d'une flèche hardie de 18 mètres de hauteur et de 22 mètres tout compris. Les ouvertures de ce clocher sont ornées de trèfles et de festons. Cet ensemble donne un aspect très-élégant à ces travaux modernes, surtout lorsqu'en venant par la route d'Allanche on les aperçoit dominant majestueusement les arbres séculaires qui les environnent, et ces belles plantations, dues à M. Barbat-Duclozel, venu très-anciennement des capitouls de Toulouse, dont la descendance est maintenant fixée dans la Limagne et le Bourbonnais.

La principale cloche, après celle de St-Flour, est la plus forte du département. Le second rang ne peut lui être disputé.

Dans l'église sont deux chapelles, consacrées, l'une, à Notre-Dame-de-Montaigu, l'autre, dédiée à sainte Attilie. Nous allons nous en occuper plus loin.

La déclaration des revenus de la cure de Marcenat, faite en 1728, M. Raymond Morin, curé, et le prieur claustral de la Voûte St-Flour, portait ce qui suit:

Revenus non affermés, dunes des grains par abonnement                        180 liv.

Rente pour la portion congrue du curé et de son secondaire. . ,                  450

Fondation des prêtres filleuls                                                                                100

Total ... .. . . .                                                                                                            730

CHARGES.

Honoraires du secondaire qui a pat aux fondations... .                               150

Frais de levée des dîmes                                                                                    30

Entretien du presbytère. ..                                                                                  15

Reste Net . ..                                                                                                           535 liv.

Géraud Marcombe fut curé de Marcenat en 101-2 ; Jean de Giou, en 1665. Revenons à nos chapelles

D'abord, celle de Notre-Dame-de-Montaigu. Comme Jacques Branche a omis de la relater dans son Histoires de Saints d'Auvergne , nous allons copier ce qui la concerne sur un manuscrit du XVII° siècle que nous avons sous les yeux et intitulé : Relation véritable de l’ Histoire de Notre-Dame-de-Montaigu ou du Sichen, et du sujet merveilleux de cette dévotion.

L'image qui est à Marcenat est très-assurée; le révérend père Orgiac, jésuite, l’ a donnée; le docte Lvpse, personnage assez connu par ses livres, écrit de Notre-Dame-de-Montaigu ce qui s'en suit:

« En la duché de Brabant, qui est en Flandre , au milieu d'une belle plaine, sur un endroit d'une montagne qu'on appelle Montaigu, un berger ayant rencontre une petite image de Notre-Dame dans un vieux chêne, s'en saisit avec dessein de l'emporter et de lui dresser un petit oratoire à la maison ; mais, chose étrange, cette résolution ne fut pas plutôt formée en son esprit, que le voilà arrêté en même lieu où il était, tout ainsi que s'il eût pris racine, sans pouvoir avancer d'un seul pas. Cependant le soleil se couche, et son maître, qui n'entend nulle nouvelle de lui ni de ses brebis, l'attend avec impatience; mais, voyant que l'heure passait et qu'il ne revenait pas, il se douta de quelque accident; cela le fit résoudre à s'assurer de ce qui se passait et aller apprendre ce qui lui était advenu. Jamais homme ne fut plus surpris que ce pauvre garçon voyant son maître et se sentant ainsi découvert, ce qui fut cause que, ne pouvant plus dissimuler ce qui lui était arrivé, il confessa ingénument sa faute, et, tirant l'image de son sein, pria très-instamment son maître de la vouloir remettre ou lieu dont il l'avait tirée. Le maître ne l'eut pas plutôt remise, que le berger commença de marcher sans difficulté comme s'il eût été délié.

La nouvelle de cet accident se répandit aussitôt partout, et dès-lors ce fut chose merveilleuse, du concours qui se fit à cette image. Il est bien vrai que l'année 1480 elle fut enlevée, et ne sait-on pas par qui ni comment; mais le lieu ne; laisse pas pourtant d'être fréquenté comme devant. Six ans après la perte de l'image, un honorable vieillard en substitua une autre à sa place, laquelle y ayant été gardée jusqu'à l'an 1602, fut mise en une petite chapelle de bois, et enfin honorablement logée dans une belle église qui fut bâtie à cet effet par l'archevêque de Malines, qui est une ville distante de trois lieues de Montaigu. Les miracles qui s'y sont faits et s'y font encore aujourd'hui ne pourraient pas être mis en compte. Il y a fort peu d'endroits en la chrétienté où il n'y ait des images miraculeuses qui ont été du chêne où se rencontra la première image, comme il y en a dans le bois qui sont envoyées.

Or, la dévotion de Notre-Dame-de-Montaigu est une des plus agréables, faciles, utiles, miraculeuses, célèbres et universelles de ce temps. Toutes sortes de maladies spirituelles et corporelles y trouvent leur remède, et il semble que Dieu ait attaché à icelle ses grâces et bénédictions envers les bommes. La grande quantité de miracles en toute façon qui s'y sont faits et font tous les jours, par Notre-Dame-de-Montaigu, en sont une preuve plus que manifeste. Il ne faut que voir ceux que Lypse rapporte, et lire les livres particuliers qu'a mis à jour un prêtre de la Compagnie de Jésus, dans lesquels il a ramassé grand nombre de miracles faits particulièrement par Notre-Dame-de-Montaigu. »

La relation ne nous dit point comment l'image miraculeuse fut transportée à Marcenat; mais il est probable que ce fut un des émigrants du pays qui l'enleva lors de sa disparition, en 1480. Tout ce que nous savons, c'est qu'elle fut enlevée de nouveau par les huguenots, en 1580, et certainement détruite par eux.

En 1602, les habitants, dans l'impossibilité où ils se trouvaient de retrouver leur ancienne vierge se procurèrent une nouvelle statue et la placèrent dans la chapelle de Notre-Dame. La dévotion remonte à 1651, et dans l'espace de dix-huit ans , elle fut suivie par les pèlerins venus de onze diocèses différents. Les noms de 5,500 affiliés sont inscrits dans un registre ouvert à cet effet, ainsi que les prières instituées pour gagner les indulgences.

La translation des reliques de sainte Attilie est de l'histoire contemporaine, et nous y avons assisté. Nous allons faire un extrait de la relation de cette fête des Tahlettes d'Auvergne.

A une petite distance de Marcenat, on aperçoit un rocher sur lequel sont assises les ruines de l'ancien château d'Aubijoux, qui dominent une esplanade entourée d'arbres séculaires. Cette plate-forme est bornée d'un côté par les débris et les murs presque détruits du donjon féodal, et de l'autre côté par un mamelon à la pente rapide surmonté par une croix. Aux deux autres aspects, le regard embrasse une large étendue et se perd dans un vaste horizon.

M. le marquis de Castellane, qu'une mort prématurée a enlevé avant le temps a ces contrées. et MTM la marquise de Castellane, dont les grâces, la vertu et la charité resteront longtemps gravées dans les cœurs des habitants, avaient obtenu à Rome, de notre Saint-Père le pape, le corps de sainte Attilie exhumé de ses catacombes.

L'époque de l'inauguration était connue à l'avance, ainsi que celle do leu translation à l'église de Marcenat. Mgr de Marguerye, évêque de St-Flour, était venu officier lui-même à cette pieuse cérémonie, aussi les flots du peuple se pressaient sur tous les chemins; chaque commune, à plusieurs lieues à la ronde, envoyait ses représentants, et de toute part les habitants de la plaine et des montagnes, le cœur joyeux, accouraient en foule pour être témoins de cette auguste fétc. Le nombre des assistant n'était pas moindre de vingt cinq mille, et jamais Marcenat n'avait réuni dans son enceinte une aussi nombreuse population.

Le 16 juillet 1843 avait été choisi; le beau soleil des montagnes aux jours d'été brillait dans toute sa splendeur. Au milieu de l'esplanade avait été dressé un superbe reposoir, dont la forme était celle d'une chapelle a jour. 11 éblouissait les regards lorsque le soleil étincelait sur les dorures de son ornementation: une table en mosaïque, supportée par des cadres en boiseries sculptées et dorées richement, servait d'autel. Tout annonçait la magnificence de l'amphitryon.

Ce fut un solennel et pieux spectacle que celui de celte messe célébrée pontifical cm ont au milieu de ces magnificences. La musique du régiment en garnison a Clermont avait été appelée pour embellir la fête. Une foule immense était groupée sur les flancs des collines ; les vieilles ruines féodales pavoisées aux couleurs de l'époque semblaient représenter les vieilles races. Passé et présent étaient confondus dans un même sentiment de respect et de vénération.

Or, le moment de l'élévation eut une solennité grandiose que nul des témoins n'oubliera jamais. Qu'elles sont grandes, qu'elles sont imposantes ces pompes de la religion ! Quelle puissance humaine pourrait faire prosterner ainsi instantanément vingt-cinq mille têtes au son d'une clochette.

Notre cadre est trop restreint pour entrer dans tous les détails de cette fête, qui, du reste, ont été publiés dans le journal la Haute-Auvergne et dans les Tablettes historiques (tom. IV, page 464). Mous ajouterons seulement qu'une population très-nombreuse s'était portée le soir, à deux heures, à Aubijoux. La procession était venue prendre l’ arche sépulcrale qui était demeurée exposée à la vénération des fidèles. Le clergé précédait les saintes reliques, et la châsse portée par les prêtres d'Allanche, d'Ardes, de Riom-ès-Montagnes et d'Espinchal, était suivie de Mgr l'évêque revêtu de ses habits pontificaux. Une multitude immense formait le cortége et occupait dans toute sa longueur la route qui conduit d'Aubijoux à Marcenat (plusieurs kilomètres). A l'entrée du bourg, la procession trouva trois arcs de triomphe et un reposoir sur la place. La chasse fut ensuite portée à l'église et déposée sur l'autel. Elle resta scellée sous la statue de Notre-Dame-des-Miracles. Le soir, il y eut illumination et feu d'artifice sur les ruines.

Un anniversaire de cette fête rappelle au mois de juillet cette auguste translation.

La faulx de la mort a moissonné l'auteur de cette cérémonie; le vent de la douleur a éloigné sa famille; sa cendre ignorée repose solitaire dans le champ des générations qui ont payé le fatal tribut de l'humanité; seule, sainte Attilie est restée la sainte de Marcenat, a survécu aux pompes de ce monde, et sa protection est devenue le centre de la vénération du pays.

La place de Marcenat est grande et assez régulière ; ses arbres séculaires en ont fait une promenade agréable. L'ancien cimetière, qui entourait l'église, est venu l'agrandir, et l'on y a fait, en 1854, de nouvelles plantations. Au champ des douleurs a succédé celui des récréations : les générations actuelles foulent les cendres anciennes, et souvent, le dimanche, la musette excite à la danse la jeunesse insouciante, et cependant ses pieds cadencés pèsent sur les ossements des vieux pères!

Le nouveau cimetière est conforme aux usages modernes ; il date de l'administration de M. Benoid, père du maire actuel. Déjà plusieurs monuments funèbres embellissent ce lieu de désolations. Dans notre société actuelle, la vanité des vivants trouve à s'exercer aux dépens des morts. C'est ainsi que sont conservés les souvenirs des cœurs; une pierre ou une plaque de marbre, voilà nos sentiments!

Marcenat n'a jamais été fortifié. Nous ne savons de son histoire que ce qui en a été dit sur son occupation par les huguenots en 1580. Il a dû certainement aux difficultés des communications et à son isolement dans les montagnes, d'être épargné dans les vexations et ravages subis par l'Auvergne pendant des guerres de plusieurs siècles.

Il a existé une famille portant le nom de Marcenat. Voir le Nobiliaire d'Auvergne.

Marcenat a dû son agrandissement au voisinage du château d'Aubijoux, qui y avait des receveurs, un juge et un bailli. Aujourd'hui, comme chef-lieu de canton, il s'y trouve un receveur d'enregistrement, un juge de paix, un bureau de poste, un percepteur et une brigade do gendarmerie à pied, un notaire.

Ses établissements publics sont:

Une école pour les jeunes garçons, dirigée par les Frères des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie. Ils sont établis dans l'ancienne maison de M. de Castellane.

La maison d'éducation pour les filles est sous la direction des Dames de Saint-Joseph.

Les voies de communication qui vont faciliter l'abord de Marcenat, ont déterminé l'édilité à faire construire une halle sur un plan élégant. Elle deviendra l'entrepôt nécessaire des substances alimentaires, et surtout des grains qui manquent généralement à ces contrées. Les habitants seront dispensés de courses fatigantes et parfois périlleuses aux marchés d'Allanche et de Murat. Elle a été commencée en 1854.

Indépendamment du marché fixé au jeudi de chaque semaine, Marcenat a cinq foires qui ont lieu le 25 avril, le 11 mai, le 3 septembre, le 2 juillet et le 4 octobre.

Marcenat faisait, vers la fin du XVII° siècle, un commerce de dentelles assez considérable. Des métiers y furent établis à la même époque que dans plusieurs autres villes d'Auvergne, et il occupait beaucoup de femmes. En 1812 encore, on y comptait cinquante ouvrières vivant de cet état. A peine aujourd'hui y trouverait-on une douzaine de personnes livrées à cette industrie.

Marcenat tend à acquérir une nouvelle importance depuis 1830; il s'est considérablement agrandi. Quelques nouvelles maisons, celle des religieuses, contribuent à son embellissement et brisent son ancienne monotonie.

Dans la première division du département, Condat avait obtenu le district. Dans la nouvelle répartition. Marcenat est devenu le chef-lieu du canton, ce qui ne contribue pas peu a son développement.

Les villages et hameaux de cette commune sont:

Arbre-Cabanne, hameau.

D’Aubagnat village.

Aubijoux , jadis Albujio ou Albugatio, souvent aussi dans les vieux titres Albnjhars , était une ancienne baronnie qu'il ne faut pas confondre avec celle d'Albéghar ou Aubughat, dépendant aussi du duché de Mercœur, réunie au marquisat de Merdogne, et qui était possédée par la maison de Foix.

Aubijoux était une seigneurie très-considérable , comprenant le Luguet et se montagnes. et une infinité d'autres fiefs en outre de Marcenat. Nous venons de dire qu'elle était comprise dans le duché de Mercœur. L'époque de son érection en baronnie ne se retrouve pas. Hugues d'Amboise, marié le 13 novembre 1 181; Madeleine d'Armagnac, fut le premier de cette famille qui prit le titre baron d’Aubijoux.

Cette seigneurie fut érigée en comté, par lettres-patentes du mois d'août I563, en faveur de Jacques d'Amboise, dit l’amant fortuné. On lit dans Expilly « que la terre et seigneurie d'Aubijoux furent érigées en marquisat, par lettres d’août 1563, registrées le 13 août 1560, en faveur de Louis d'Amboise, frère puîné du cardinal, qui avait eu celte terre en partage, d'où elle vint à ses nièces par La mort de François-Jacques d'Aubijoux, dernier de sa famille. »

Suivant d'anciennes chroniques, en 1008, le roi Robert de France possédait en Auvergne le château de terre d'Aubijoux. Ce qui est plus certain, c'est que Robert, comte de Clermont, en était seigneur en 1262. Après la mort de Beraud X, dernier titulaire de la maison de Mercœur, arrivée en 1320, cette seigneurie devint un sujet de litige entre les dauphins d'Auvergne, les comtes de Joigny et le vicomte de Polignac, descendant tous, par les femmes de Bernard VIII, sire de Mercœur et de Béatrix de Bourbon-l'Archambaud. Une sentence arbitrale, l'année 1359, donna gain de cause à Beraud, comte de Clermont, dauphin d'Auvergne, petit-fils de Robert et d'Alixent de Mercœur.

Beraud X de Mercœur avait laissé la jouissance d'Aubijoux à Pons de Polignac son cousin, doyen du chapitre de Brioude, el Chabrol avance que cette terre fut cédée par transaction de 1337 au vicomte Armand III de Polignac ; mais soit par la sentence do 1339 précitée, soit par tout autre arrangement. Aubijoux revint aux dauphins d'Auvergne, comtes de Clermont, puisque Marguerite-Dauphine, fille de Beraud II, de Clermont, et de Marguerite de Sancerre, la porta en mariage, en 1404, à Jean du Bueil, grand-maître des arbalétriers.

De la maison du Bueil, en 1438, la terre d'Aubijoux passa aussi par alliance dans la maison d'Amboise , par le mariage de Pierre d'Amboise , sénéchal de Beaucaire, avec Anne du Bueil, sœur de l'amiral Louis d'Amboise, fils posthume de Jacques, fut seigneur d'Aubijoux. Il fit échange avec Guinot de Gouzel seigneur de Ségur et de St-Saturnin, de la terre de Romaniargues et de ses dépendances, près Allanche, et reçut en compensation des rentes :Saint-Bonnet, Artiges, etc.

Jacques d'Amboise, comte d'Aubijoux, marié à Françoise de Biragues, fille du chancelier de ce nom, n'en eut pas d'enfants et fut tué à la bataille de Coutras, en 1587. Son frère, François, quoique chevalier de Malte, épousa Louise de Lévy, et leur fils mort en 1656, sans enfants, fut le dernier rejeton mâle de cette illustre famille. Elisabeth d'Amboise, sa sœur, mariée en 1645 à Louis de Barmont ou Bermont-du-Caylar-de-Toiras , devenue comtesse d'Aubijoux par la mort de son frère, lui porta cette seigneurie.

Marie-Elisabeth de Bermont-de-Toiras, héritière d'Aubijoux, la porta en mariage, en 1715, à Alexandre de la Rochefoucaud, duc de la Roche-Guyon et pair de France. Il resta longtemps dans cette famille; mais, parla suite, Alexandrine-Louise de Roban-Chabot, veuve et héritière de Jean-Baptiste de la Rochefoucaud , duc d'Auville, lieutenant-général des armées navales, épousa en secondes noces le comte Boniface de Castellane, pair de France. Devenue une seconde fois veuve sans enfants, elle partagea, par son testament, la seigneurie d'Aubijoux et du Luguet entre la maison de Rohan et le marquis Henri de Castellane, député du Cantal, petit-fils de son mari, mort, comme nous l'avons dit, dans un âge peu avancé. En lui ont fini les barons d'Aubijoux. Cette belle propriété a été démembrée, et toutes les terres, montagnes, etc. qui la composaient, vendues en détail par l'une et l'autre famille. Il n'existe plus aujourd'hui de terre d'Aubijoux.

(Voir, sur ces grandes familles historiques, le Nobiliaire d'Auvergne.)

Quant au magnifique château construit à grands frais par M. le marquis de Castellane, plus bas que les ruines de l'ancien donjon féodal, cette gracieuse et élégante création de l'architecture de la Renaissance a été achetée, ainsi que sa réserve, par M. Bonnet, ancien sous-préfet de Saint-Flour, qui ne l'habite pas. Ce style découpé et chargé d'ornements, qui a exigé une nature de pierre de taille trop flexible pour nos rudes contrées, ce style, disons-nous, sympathise peu avec nos climats. Ce sera une cause de destruction prochaine pour la plus, belle habitation du Cantal.

Le château d'Aubijoux avait pour capitaine, en 1339, Etienne de Colonge, et, en 1641, Pierre de Brives, baron de Peyrusse.

Il y avait au château une chapelle desservie par les prêtres-filleuls de Marcenat, des rentes et autres revenus y étaient attachés.

Aubijoux avait un bailliage duquel ressortissait non seulement Marcenat, mais aussi les justices de Lugarde, St-Amant et Marinier, Peyrelade, la Verghne, les Gargoux ou Seinargoux, le Montel, Soubrevèze, St-Saturnin, Marchastel, le Cayre, Nastrat, Peyrebesse et l'abbaye de Feniers; les basses justices de Rocherousse, la Maninie, Belveseix , Florat, le plateau dans Estival, et partie des tènements de Malségur, Malmeuche et Prades.

Pierre de Giou , conseiller du roi, lieutenant-général de la maréchaussée, fut bailli d'Aubijoux en 1626; Antoine Barbat du Closel l'était en 1734.

(Voir, sur cette seigneurie, Chabrol, Expilly, Audigier, etc.)

La Barthe, hameau.

La Bastide, village sur le ruisseau de ce nom, au sud du bourg.

Batifoil, village sur le ruisseau du Dauzan , au fond du vallon et au nord du bourg.

Chaufour-ez-Hugues, village.

Le Cheri-Blanr, village.

10° Clide, bameau.

11° Conval, village près da Montgreleix.

12° La Cotte, hameau.

13° Crédor, bameau près de Marcenat.

14° Dreil, village sur la montagne, au nord, près du Dauzan.

15° Ebeynar, bameau.

16° L'Estival, village à l'est.

17° Fumade, hameau.

18° Godde, village à l'est, sur le Dauzan.

19° Les Granges, bameau.

20° Grange-Nouvelle, hameau.

21° Maltraveix, village près de Marcenat.

22° La Maninie. village sur le Dauzan.

23° Marquisat, hameau.

24° Mariat, village près de Batifoil.

25° Maucheix, village.

26° Moulin-du-Pont, bameau.

27° Peyreboul, hameau.

28° La Renaudie, village au-dessus de Batifoil.

29° Ribeyre, bameau.

30° Rochemont, hameau.

31° Rocherousse, village et fief qui appartenait, en 1450, à Reynaud de Leotoing, Sr de Charmensac. Antoine de Gouzel en était seigneur en 1680; Louis de Lastic en avait été seigneur en 1 034.

32° Les Ryaltes, hameau.

33° Le Saillant, village près de Montgreleix. On y voit une cascade à laquelle il a donné son nom. Du plateau d'une roche très-élevée tombe avec fracas une nappe d'eau qui couvre, comme d'un voile d'argent, un bassin creusé par les eau» au pied d'un rocher.

34° Salesse, hameau.

35° Serres, village à la cime des bois.

36° Souche-Serres, hameau. Il a existé une famille de Serres. Hugues en était seigneur en 1543.

37° La Traverse, hamoau.

38° La Vaissière, village sur la montagne.

39° Le Ventelou, bameau.

Marcenat était dans le pays de coutume.

Le terrain de cette commune est volcanique, et l'on y trouve fréquemment des masses basaltiques et quelques cheyres ou suite de rochers de cette nature, non interrompue sur diverses longueurs, ayant la forme de murailles quelquefois très-élevées et presque toujours à l'aspect sud.

 

P.deC

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