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St-Cirgues-de-Jordanne

 — La commune de St-Cirgues-de-Jordanne dépend du canton nord et de l'arrondissement d'Aurillac; elle s'allonge du nord-est au sud-ouest et s'étend dans la grande vallée de Jordanne dont elle prend le nom. Elle est bornée au nord par la commune de Saint-Projet; au sud par celles de Vic et de Thiézac; à l'est, par Mandailles, et à l'ouest, par Lascelle.

La population de la commune de St-Cirgues se compose de 733 habitants, pour I bourg, 13 villages et 7 hameaux.

Cette commune, peu éloignée d'Aurillac, est une des plus pittoresques du haut-pays d'Auvergne. Ses tableaux pourraient être comparés à ceux de l'Oberland Helvétique, et laissent une impression profonde chez le touriste qui les visite. Deux chaînes de montagnes la circonscrivent; l'une, la chaîne méridionale, commencé au col du Ben-Carrel, passage fréquenté par ceux qui se rendent dans la vallée de Cère; les abords de ce col sont hérissés de sombres rochers, au-dessus desquels s'élève un plateau pacagé par des vacheries. Ce plateau se resserre et se ploie pour former un autre col sous lequel devait être pratiqué, d'après un projet récent, l'une des galeries souterraines du Grand-Central. Au-delà de ce dernier col, la chaîne se redresse par des pentes abruptes; puis, montant insensiblement, elle se prolonge par une crête étroite de rochers, et se termine brusquement au pic de Belle-Combe élancé dans les airs comme un môle gigantesque; la perspective du puy de Belle-Combe commande le paysage dans toute l'étendue de la vallée de la Jordanne, à partir d'Aurillac. La montagne paraît y être brisée, tant elle s'abaisse en descendant de ses hautes cimes pour aller, par de larges croissants, rejoindre les pitons volcaniques de Luzclade de Griou.

En regard Je la chaîne méridionale règnent, à une grande hauteur, des croupes ondulées et couvertes de gazon; elles se terminent au pied des monts de Chavaroche qui les couronnent de leurs altiers contreforts. Vu de loin, Chavaroche présente l'aspect d'une vaste coupole; mais quand on le regarde du fond de la vallée, ses lignes supérieures semblent dessiner une longue corniche bordée de plusieurs frises basaltiques.

Entre les deux chaînes que nous venons de décrire apparaissent au loin les derniers horizons de la vallée, amphithéâtre de Titans, où d'un côté du Col-de-Cabre, surgissent l'Homme-de-Pierre, la Roche-Noire, le Puy-Mary et le Puy-Perarche; tandis qu'en face d'eux, Bataillouze et les cônes de Griou et de Luzclade élèvent dans les airs leurs cimes imposantes.

C'est dans ce cadre que se succèdent à grands traits les plans divers de la vallée. De pari et d'autre vingt cours d'eau viennent s'y réunir à la Jordanne. Mentionnons parmi eux les ruisseaux du Pouget, de Fabre, du Chaumeil, de Condous, de Beguet, de l'Estival, de la Gourgue, d'Aubusson, etc. Chacun de ces ruisseaux baigne un petit vallon qui mériterait une description particulière par sa fraîcheur, sa grâce, ses beaux ombrages, la limpidité de ses eaux et ses cascades produisant une éternelle harmonie. Une singularité de ces vallons latéraux, c'est qu'ils pénètrent dans la vallée-mère par d'étroits défilés. Mais si l'on franchit leurs tortueux abîmes où bondit le torrent, l'horizon se déroule bientôt devant l'œil, riche de verdure et d'habitations. On n'avait soupçonné qu'un pli de terrain, on découvre une ravissante oasis, toute abritée par les racines des montagnes. Au front des coteaux qui l'accidentent et dans une position généralement avantageuse, l'épargne de l'émigrant cantalien lui a bâti pour ses vieux jours une élégante retraite, où l'obscur travailleur deviendra le propriétaire considéré de sa paroisse. C'est à travers ces images d'aisance, au milieu des prairies, sur le tapis d'un épais gazon tout semé d'orchidées aux nuances diverses, de narcisses, d'asphodèles, d'iris et de renoncules; à l'ombre des aulnes, des frênes, des platanes, des érables, des tilleuls et des alisiers; au bruit de mille chutes d'eau, que le touriste atteindra des espaces plus pauvres et plus rocheux, surmontés par des bois ou des taillis de hêtres, dans les profondeurs desquels le ruisseau prend sa source. Ces forêts alternent avec des bruyères et des rochers sur les parois escarpées de la montagne.

Cependant le tableau de la vallée-mère se compose dans son ensemble des cannelures que tracent de part et d'autre ces vallons latéraux; rangés parallèlement entre eux, ils forment par leur succession des plans d'une accidentation variée, mais d'un agrément infini; le lit proprement dit de la vallée serpente entre les racines de la montagne qui s'aplatissent et ondulent plus mollement à leur extrémité; mais ce lit de vallée n'est lui-même qu'un plateau couvert des plus frais herbages, et circulant au pied de mille promontoires. Une longue et sinueuse tranchée le parcourt dans toute sa longueur; cette tranchée, quelquefois profonde de deux cents mètres, est le ravin au fond duquel retentissent les flots de la Jordanne. Le touriste armé de courage pénétrera dans cette route mystérieuse et presque souterraine pour y suivre les grèves de la rivière; sa marche y sera pénible, sans doute, mais il y découvrira mille curiosités qui le frapperont d'enchantement. Cette magnifique galerie commence aux portes de Jordanne, gueule béante du rocher par laquelle s'échappe la rivière, au-dessous du village de St-Cirgues. Elle se prolonge jusqu'aux environs du village de St-Julien. Dans toute cette étendue, l'œil ne sait ce qu'il doit admirer le plus, ou des hautes parois de rocher qui de part et d'autre encadrent la Jordanne, ou de la voûte de feuillée qui s'étend d'une de leurs corniches à l'autre, ou des grottes percées dans leurs flancs, et dont quelques-unes sont très-profondes, ou des blocs énormes qui ont roulé dans les flots de la rivière, se sont agrégés l'un à l'autre, ont formé des ponts, des arceaux naturels, des piédestaux couverts de mousse et d'arbrisseaux, revêtu parfois d'autres figures étranges et dessiné le plus fantastique et le plus effrayant chaos, par exemple au Gouffre-d'Enfer. Çà et là des plages de verdure comme éboulées de la prairie supérieure, descendent à la rive; des bosquets d'aulnes ou de trembles détachent leurs broderies sur le roc, mais ne peuvent en atteindre la cime ; de profondes baignoires ont été sculptées dans le lit de la rivière par l'action des flots, et opposent le calme de leur surface et la pénombre transparente du gouffre, au tumulte et à l'éclatante blancheur des eaux qui s'y précipitent. Mais l'un des spectacles les pins attrayants de ce sanctuaire où la nature cache tant de beautés, c'est la vue des cascades qui s'élancent majestueusement du haut des berges de la rivière et viennent tomber sur ses bords comme une pluie nuancée par le soleil; les plus ravissantes de toutes sont incontestablement les cascades du Chaumeil; elles se précipitent l'une en face de l'autre et présentent le plus beau contraste; l'une s'échappe en effet d'une touffe d'arbrisseaux pour bondir de 50 mètres de hauteur dans la rivière; l'autre divise, étage ses chutes, et parvient à la Jordanne par cinq cascatelles de 6 à 10 mètres en moyenne. Chacune de ces cascatelles frayant sa 'voie au fond d'un rocher paré de mousse, protégée par son arceau de feuillage et déchargeant ses eaux dans une vasque aux bords ciselés, forme à elle seule un petit tableau plein de grâce. Mais si l'on embrasse l'ensemble du paysage, si l'on contemple à la fois, dans un encadrement de vertes pelouses et des sites les plus riants, ces cinq cascatelles dont les eaux glissent de l'une à l'autre en s'épanouissant sur le rocher, la rustique passerelle jetée entre deux chutes, l'arc-en-ciel de la grande cascade, le flot de la Jordanne les recevant l'une et l'autre et entraînant leurs eaux dans le demi-jour de ses hauts portiques aux nervures de feuillée, oh! Alors un cri d'admiration s'échappera du cœur pour notre haut-pays d'Auvergne.

Au-delà des cascades du Chaumeil, on doit en visiter une autre qui glisse vers la rive droite de la rivière, en regard d'un délicieux petit bois; il en est deux encore qui retentissent au fond du Gouffre-d'Enfer. Plus haut, la rivière elle-même forme une bruyante cataracte, qui produit un bel effet, vue du chemin d'Aurillac à Mandailles,

Ce pittoresque chemin s'écarte peu des berges de la Jordanne; quelquefois même il s'en rapproche tellement, par exempte près de Saint - Cirgues, qu'il touche alors aux bords de l'abîme, et que le voyageur entrevoit sous ses pieds d'incommensurables profondeurs. Au Saut-de-la-Menette, le roc est excavé sous le chemin même, qui n'est soutenu que par l'entrelacement des racines de grands arbres aventurés sur le gouffre. Quelques Assures permettent à l'œil d'apercevoir bien bas les cimes d'autres grands arbres. Ce lieu terrible prêtait à la légende; elle ne l'a pas négligé.

Mais revenons à Saint-Cirgues, descendons au petit pont de bois jeté sur le ruisseau qui baigne les environs de ce bourg, et remontons ce petit cours d'eau; nous passerons bientôt sous l'arche brisée d'un roc qui, dans les temps reculés, dut former une voûte et peut-être une digue au-dessus des eaux du ruisseau. Là, commence un autre désert de St-Bruno, dont les charmes sauvages nous attirent et nous entraînent. De longs murs de rochers couronnés d'arbustes surplombent et enserrent ce défilé, le dominant à une hauteur prodigieuse sur notre gauche. Le torrent qui écume ou glisse à nos pieds nous conduit à travers la pelouse dans l'ombre d'un bouquet d'aulnes qui occupe le fond du ravin. Bientôt un bruit sourd se fait entendre; l'air fraîchit, la brise nous apporte une poussière humide. Quelques pas de plus , ct au fond du bois , dans une enceinte de rochers tapissée de plantes grimpantes , apparaît et bourdonne le large éventail blanc de la cascade de la Guinotte ou de Saint-Cirgues. Des arbres placés aux deux bords du torrent et penchés sur l'abîme, se joignent au-dessus de la chute Un autre arbre excru sur un fragment de rocher, au milieu des flots, partage comme un meneau cette ouverture ogivale d'où l'onde s'élance par deux jets abondants; ces deux jets s'unissent dans leur chute pour lui donner toute son ampleur et toute sa majesté. Elle apparaît entre deux blocs énormes, piédestaux naturels qui semblent destinés à supporter la statue dé la naïade et celle du faune qui la protége. Après avoir reposé un instant dans la vasque arrondie qu'elle a creusée au premier gradin du rocher, l'onde glisse et s'élargit sur ce gradin; puis elle forme une seconde cascade plus déployée que la première et si voisine, que ses flots paraissent continuer cette première chute et lui donner environ vingt mètres de hauteur. Autour de la cascade règne cette luxuriante végétation qui, dans le haut-pays , décore les sites les plus alpestres et ne laisse apparaître chez eux que la grâce et la majesté. A quelques pas au-dessus de la grande chute, dans un pli du vallon, se cache l'humble moulin du la Guinotte . alimenté par le ruisseau qui forme à ses côtés une cascatelle. Un chemin ramène de ce point vers St-Cirgues, en passant au bord de l'abîme où tombe la cascade que nous venons de décrire, l'une des plus belles et des moins connues de l'Auvergne entière.

Le bourg de Saint-Cirgues, distant de 1 myriam. 7 kil. d'Aurillac, est situé non loin du lit de la Jordanne, à l'extrémité sud-ouest de la commune et très près du bourg de Lascelle.

L'église, placée sous l'invocation de saint Cyr et de sainte Julitte , est simplement bâtie. Le chœur et les chapelles sont voûtées en ogive. On y remarque une croix de procession très-ancienne avec des figures émaillées, ainsi que plusieurs tableaux d'une assez bonne exécution : un St-Charles-Borrhommée, un St-Antoine-de-Padoue et un autre tableau sur toile, très-usé, mais dont quelques détails semblent rappeler la touche et et les fortes teintes de Zurbarran

Les anciens curés de St-Cirgues ont été : noble Pierre de Fredevialle, recteur en 1364; il fit son hommage au seigneur de Tournemire pour l'église, le cimetière et la maison du presbytère. Pierre Gralhiet l'était en 1418; Antoine Despinats, en 1441. Jacques Chapsal, curé en 1500, fit son hommage en 1519. Antoine Chapsal, Jean Chapsal, Guillaume Chapsal occupèrent cette cure jusqu'en 1609. Jean Lacoste était curé en 1628; François Fortet, en 1672; Géraud-Vigier.en 1673, et encore en 1713. Paul Delzons prenait le titre de prieur de St-Cirgues en 1728, et Louis Boissy administrait la cure en 1753.

La terre de St-Cirgues a appartenu à la famille de Tournemire. Guy de Tournemire en jouissait en 1304. Géraud et Guillaume de Tournemire père et fils traitèrent, en 1347, avec les habitants du lieu au sujet des rentes et arrérages qu'ils devaient. Cette terre passa à la famille de Baldeil, d'Aurillac. Jean Baideil en était seigneur en 1425. Antoinette Baldeil fut dame de St-Cirgues et épousa N. Dumas, seigneur de Maury ; elle eut de grands démêlés avec noble Nectaire de Ribier, seigneur de la Peyre, et traita plus tard avec Jacques de Ribier, son fils, auquel elle céda ses droits en 1595. Celui-ci était seigneur de St-Cirgues en 1617. Guy de Ribier en jouissait en 1640; Henri de La Tour, en 1666, et y joignait la seigneurie de Lapeyre. Jacques de La Tour lui succéda par alliance. Il était seigneur du lieu en 1671. Enfin, la famille de Fontanges de Velzic l'a possédé jusqu'en 1789.


Les villages et hameaux de la commune de St-Cirgues sont:

Asprat. village au nord-est du bourg.

Aubusson, village possédé, en 1407, par noble Bertrand du Sailhans, seigneur de Ventailhac, et qui resta pendant quelque temps dans les mains de cette famille. En 1666, les rentes d'Aubusson appartenaient à Anne du Couderc de Fracor, qui les vendit à N.-Hélis Verdier, bourgeois d'Aurillac. Bernard du Verdier était seigneur d'Aubusson en 1684. Ce fief passa par alliance à la famille de Cantaloube, et le Sr de Cantaloube de Marmiès fut seigneur d'Aubusson, du Vers et de la Renaudie, en 1753. Il y, avait une chapelle à Aubusson, déjà en ruines en 1756. Ce village est près des montagnes de Bertrande.

Borie-Basse, village.

Borie Haute, hameau.

Chapserre, village près de l'ancien chemin d'Aurillac au Col-de-Cabre; il relevait de la terre de la Peyre.

Chaumeil, gros village au nord du bourg. Le domaine voisin, Boscatel, situé dans une position pittoresque, était à Anne du Verdier, qui le porta à N.-Hugues de Gausserand, Sr de Roannes.

Guipal, hameau.

Lasplaces, hameau.

La Sagne, hameau.

10' Liaumiers, village sur le chemin et près de la rivière.

11° Maury, village dont Jacques Dumas était seigneur en 1621, et placé au-delà de la Jordanne.

12° Mejannet, village.

13° Parrade, village.

14° Perrier, village qui dépendait de la terre de la Peyre en 1514.
15° Prunet, hameau.
16° Puech-Vemy, hameau.
17° Serre (la), village.
18° Tralabre, hameau.
19° Vert (le), village au S' de Cantaloube, en 1753.

COUTUME DE SAINT-CIRGUES.

« Par la coutume locale gardée audit lieu, les habitants en icelui ne peuvent changer le bétail qu'ils hivernent audit lieu, ne mettre autre bétail pour icelui faire estiver es fraux et communs dudit lieu en temps d'été. »

Ainsi, fait observer M. de Chabrol, les bestiaux estivés dans les pacages communs de St-Cirgues devaient être identiquement les mêmes que le propriétaire avait hivernes chez lui. Il ne suffisait pas que le nombre fût le même. Mais, d'après le même auteur, cette coutume n'était pas exactement pratiquée; on adoptait en mémo temps la coutume de Naucelles, qui réglait, conformément au droit commun, les bestiaux que chacun avait le droit d'introduire dans les communaux.

L'art. 3 de la coutume de Jussac était également suivi à St-Cirgues.

Henri DE LALAUBIE.

 

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