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Chalvignac
. — La commune de Chalvignac fait partie du canton et de l'arrondissement de Mauriac. Elle est bornée au nord par le ruisseau de Labiou, qui la sépare des communes d'Arches et de Sourniac; au couchant, par la Dordogne, qui forme la limite des départements du Cantal et de la Corrèze; au midi, par la rivière d'Auze, qui la sépare du canton de Pleaux et des communes de Tourniac et de Brageac; elle confronte à l'orient avec la commune de Mauriac et une petite partie de celle du Vigean.
Les cours d'eau qui la bordent, et le ruisseau de Pialevedel qui la traverse, coulent dans des gorges profondes et resserrées, et ne peuvent être employés aux irrigations. La Dordogne est flottable et même navigable à la descente, à l'époque des fortes eaux. On exporte par cette voie les merrains et une petite quantité de bois.
Le gneiss et le micaschiste forment le sol des vallées; les argiles et les sables du terrain tertiaire couvrent une partie du plateau inférieur, qui s'étend jusqu'aux bords des vallées de la Dordogne, de Labiou et de l'Auze. On trouve quelques traces de calcaire sur les pentes du plateau de Miremont. Le plateau oriental, qui domine celui dont on vient de parler, repose tout entier sur le basalte; il est borné à l'ouest par des escarpements et des pentes rapides. C'est dans la gorge où coulent le ruisseau de Peyralbe et de Labiou, que l'on trouve des bancs puissants de calcaire primitif, exploités depuis un temps immémorial comme pierre à chaux; ces bancs verticaux, et dont la puissance varie depuis quelques mètres jusqu'à 20 mètres, se dirigent du sud au nord. Le mica domine d'autant plus dans la roche, qu'elle se rapproche davantage des bancs de gneiss; en quelques points, elle forme un véritable schiste calcaire; sa couleur est d'un gris bleuâtre, sa structure en petit est saccharoïde. Les travaux de la route départementale n° 6 ont mis à nu un banc d'un blanc sale, à structure fragmentaire. Le calcaire de Labiou a été exploité comme marbre, notamment dans le XII° siècle. Les voûtes de l'ancien chapitre du monastère de Mauriac, qui sert aujourd'hui de cave, sont supportées par des colonnes de ce marbre; il était aussi employé pour faire des devants d'autel; il en existait plusieurs dans l'ancienne église du monastère de Mauriac; l'un d’eux, qui porte des sculptures fort délicates du XII° siècle , a été conservé; on le voit dans le cimetière de Mauriac, où il forme le devant d'un tombeau. Les nombreux fragments de ce marbre que l'on trouve dans le pavé de l'église de Brageac et jusque dans le pavé de la ville de Mauriac, prouvent qu'il était autrefois fort employé; il se polit bien, et sa teinte se rapproche de celle du marbre bleu turquin. La structure des bancs actuellement en exploitation est trop fragmentaire pour que l'on puisse l'employer comme marbre.
Pendant la courte existence du haut fourneau de Saint-Thomas, commune de Bort, le calcaire de Labiou était employé comme castine.
Les fours à chaux sont mal construits et exigent une grande dépense de combustible. L'un d'eux est, depuis quelques années, alimenté par de la houille; il en est résulté une légère baisse dans le prix de la chaux.
Le sol des vallées est aride et n'est propre qu'à la production du bois et des châtaignes. Celui du plateau inférieur a peu de fertilité : il ne produit que du seigle et du sarrasin; les prés sont médiocres, les pâturages mauvais; le climat est doux et se prête à la culture des arbres fruitiers, qui ne sont pas assez multipliés. Le plateau supérieur, est un peu plus fertile; les prés sont de meilleure qualité et les terres plus productives ; mais il ne forme qu'une très-petite partie de la commune.
La commune se compose de 18 villages, 12 hameaux, et do 206 maisons habitées par 1,269 personnes.
Le chef-lieu, mentionné dans la charte de Clovis, est situé à l'extrémité de la commune; il domine la vallée de la Dordogne. L'église, dédiée à saint Martin, a quatre chapelles; son clocher carré a été reconstruit il y a quelques années.
Des reconstructions partielles faites à différentes époques, lui ont fait perdre son ancien caractère. Le chœur a une disposition particulière qui porterait à penser qu'il formait une ancienne chapelle, à laquelle on aurait ajouté le clocher, la nef actuelle et les quatre chapelles latérales. La porte occidentale offre tous les caractères de l'époque romane de transition; elle est en plein-cintre, ornée de deux colonnettes en retrait, à chapiteaux historiés, supportant deux tores cintrés. L'archivolte est ornée d'un damier; un cordon en têtes do clou hémisphériques dessine le cintre de la porte et se prolonge de chaque côté par une ligne droite jusqu'aux angles de la façade. Une rose est percée dans le haut du pignon; elle est ornée d'un tore et d'une moulure en forme de câble. Les dimensions en hauteur de la porte dépassent de près d'un mètre celles des colonnettes. C'était peut-être la porte de l'ancienne chapelle qu'on avait exhaussée pour la rendre propre à sa nouvelle destination. La cuve baptismale est Tort remarquable; elle est en trachyte; sa forme est cylindrique; elle a environ 50 cent de haut sur un 1 mètre 9 cent, de diamètre dans la partie supérieure. A la base, le diamètre est moins considérable. Elle est ornée, à l'extérieur, de moulures arrondies et d'entrelacs d'un dessin fort correct. Le bord intérieur est orné d'une élégante moulure perlée; elle repose sur trois pieds qui ne font pas corps avec elle : deux sont en forme de lions, la troisième est une simple pierre qui a remplacé très-probablement un lion; elle est en partie encastrée dans le mur; il serait à désirer qu'elle fût entièrement dégagée. On remarque sur les entrelacs quelques restes de peinture. On peut sans hésiter fixer la date de cette cuve, comme celle de la porte, au XII° siècle.
A côté de la porte latérale de l'église, on voit engagé dans le mur un bénitier dont la forme singulière prouve, je crois, que dans l'origine il avait eu une autre destination. C'est un bloc cubique de marbre blanc ou d'albâtre avec une large veine d'un jaune de rouille; il est taillé et poli sur cinq des faces que l'on voit en tout ou en partie. Sur chaque face est un panneau arrondi et saillant; trois de ces panneaux sont creusés en forme de vases hémisphériques; le creux qui se trouve dans la partie supérieure reçoit l'eau bénite; mais on ne comprend pas quelle destination pouvait avoir celui qui est sur la face antérieure, et surtout celui qui est au-dessous et qui repose sur le mur. Les deux panneaux des faces latérales ne paraissent pas creusés Serait-ce un ancien mortier à piler qu'on aurait transformé en bénitier? Je l'ignore. Quoi qu'il en soit, la matière de ce bénitier est assez rare et assez précieuse, et la forme assez extraordinaire pour justifier la description que j'en ai donnée.
En 1296, Géraud de Durfort, co-saigneur de Chalvignac, fit hommage à l'évêque de Clermont.
Il a existé une famille de Chalvignac dont plusieurs membres sont mentionnés dans le Nobiliaire d'Auvergne. Nous n'en citerons qu'un seul, Rigaud, qui s'éleva, par son savoir et son mérite, aux fonctions importantes de lieutenant-général du bailli des montagnes. Le jeudi après la fête de tous les saints 1317, il reçut, comme notaire, la donation faite par Bernard de Sartiges, archiprêtre de Mauriac, à Bertrand de Sartiges, son frère ; il prend dans cet acte le titre de clerc-notaire et de jurisconsulte- En 1321, il fut témoin de la transaction passée à Argentat, entre le vicomte de Turenne et Raymond de Montai, chambrier du monastère de Mauriac, au sujet des droits de justice que le chambrier exerçait sur divers villages de la paroisse de Soursac. Dans cet acte, il est qualifié maître Rigaud de Chalvignac, jurisconsulte. En 1330, il tint les assises en qualité de lieutenant-général d'Aymond de Bonnebaud, bailli des montagnes; il était assisté par Hugues de Bénavent, procureur du roi au bailliage. Il était seigneur de Chalvignac et y exerçait la haute justice; c'est en sa qualité de haut justicier qu'il obtint de la cour du bailliage des montagnes, le samedi après la fête de Saint-Pierre 1328, l'autorisation de faire élever des fourches patibulaires au bourg de Chalvignac. Il était en outre seigneur ou co-seigneur des villages d'Aynes, du Peyrou, de Doumis, du Faët, de Crousi, de la Vernhe, de Fermigoux , de Lerm et de trois autres villages aujourd'hui détruits, et qui, comme les premiers, étaient situés dans la paroisse de Chalvignac : c'étaient les lieux de Chaourche-Haut, la Porcharie et Neuvialle (Titres divers). Rigaud de Chalvignac parvint à un âge fort avancé; il vivait encore en 1370. Après Rigaud on trouve Antoine de Chalvignac, damoiseau, qui accorda des investitures, le 12 février 1413 et le 6 janvier 1419. (Nobiliaire d'Auvergne.)
Cependant, avant cette dernière époque, la seigneurie de Chalvignac et des villages que nous avons nommés était passée dans la maison de Noailles. Le 4 octobre 1416, noble homme Jean de Noailles, seigneur dudit lieu, de Chambre et de Montclar, en fit l'aveu et dénombrement à magnifique et puissant homme et seigneur Jean Le Meingre, dit Boucicault, chevalier, maréchal de France, comte de Beaufort et d'Alest, vicomte de Turenne et de Valerne, seigneur de Charlus-Champagnaguès. Cet aveu et dénombrement contient l'énonciation expresse que la seigneurie de Chalvignac avait appartenu à maître Rigaud de Chalvignac. La maison de Noailles l'a possédée jusqu'à la Révolution.
Les villages et hameaux de cette commune sont:'
1° Aymons, autrefois Mons, village situé sur le plateau basaltique, a été le siége d'une seigneurie qui, au XV° siècle, était réunie à celle de Miremont. Il y avait en ce lieu une maison forte ou repaire dont il faudrait peut-être chercher les vestiges dans le pré appelé de la Motte. Le vendredi après Pâques 1289, Géraud, archiprêtre de Mauriac, et Rigaud de Ruzolles, clerc, arbitres choisis par les parties, rendirent une sentence par laquelle ils décidèrent que Hugues et Mathieu de Monte, du Mont ou d'Aymons, devaient tenir leur terre en franc fief honorable et libre du doyen et religieux de Mauriac, sans aucune redevance ; la même sentence leur attribuait la haute justice (Titres de Mauriac, bibl. imp.).
2° Aynes, village bâti dans la vallée et sur les bords de la Dordogne. C'est un des lieux habités les plus bas du département. A Aynes, la Dordogne n'est qu'à 272 mètres au-dessus du niveau de la mer. Une petite plaine formée d'un terrain d'alluvion s'étend au-dessous du village jusqu'à la rivière. Les héritages sont plantés d'arbres fruitiers qui y réussissant très-bien. On y voit quelques pêchers remarquables par leur belle végétation. Il existe un village du même nom et dans une position semblable sur les bords du Lot, à l'autre extrémité du département, dans la commune de Vieillevie.
3* Belouride, village au pied méridional du plateau de Miremont.
4° Besseyre (la), village au centre du plateau inférieur. Près d'un bois voisin naît une source qui porte le nom de Fontaine-de-Madame.
5° Bouige (le), hameau.
6° Cher (le), village qui domine les côtes de la Dordogne.
7° Cheyres (les), altitude 578 m., domaine qui appartenait au seigneur de Miremont. Il y a environ quinze ans, en jetant les fondements d'un mur auprès de la maison, on découvrit un souterrain que je fus visiter; il est entièrement creusé dans un gneifs décomposé. Sa direction est du midi au nord ; à 9 m. 33 c. de l'ouverture accidentalle par laquelle on y pénétrait, la galerie se bifurque et ses deux branches se réunissent à 16m. 33 c. de distance en une seule galerie, qu'un éboulement ne me permit pas de suivre. Vers le milieu, les deux branches sont mises en communication par une galerie transversale qui a 1 m. 75 c. de long. Après la bifurcation, en suivant la galerie qui est à gauche, on trouve une pièce ovale ayant 2 m. 66 c. de longueur sur 1 m. 66 c. de largeur. On y pénètre par une ouverture qui n'a que 84 c. de haut. Il a été impossible de mesurer exactement la hauteur et la largeur des galeries, le sol étant exhaussé par les débris de la roche qui se délite tantôt en larges plaques, tantôt en poussière. Cette désagrégation du gneiss a eu pour résultat d'agrandir les galeries dont la largeur est de 1 m. 3 c. dans les parties les plus resserrées, et la hauteur de 1 m. 66 c. à 1 m. 84 c. La roche a conservé, en quelques endroits, l'empreinte du pic avec lequel les galeries ont été creusées. L'étendue et la profondeur de ces empreintes font connaître qu'alors la roche était fort tendre et en partie décomposée.
On ne trouve dans le gneiss aucune trace de filons métalliques; il est seulement pénétré en quelques endroits par des veines de quartz et de feldspath réduits à l'état de kaolin. On a trouvé dans le souterrain des fragments d'une poterie grossière et d'un gris noir, qui n'ont pu m'étre représentés. J'ai vivement regretté de n'avoir pu voir ces fragments de poterie, qui m'auraient aidé à fixer la date de ce souterrain. Tout me porte à penser qu'il est fort ancien et qu'il remonte à l'époque celtique.
8° Crouzy-Bas, sur le plateau supérieur, 572 mètres.
9 Doumis, anciennement Domis, Domiseum , 594 m. Son territoire forme un plateau bordé de trois côtés par les gorges de la rivière d'Auze et du ruisseau do Piale-Vedel. On remarque dans les environs et dans le village des briques romaines et des vestiges de fondations antiques. Doumis est mentionné dans la charte de Clovis. On le distinguait au moyen âge de Doumis-Bas , aujourd'hui le Pestre , hameau situé dans la vallée d'Auze et qui dépend de la commune de Tourniac. C'est dans ce dernier lieu que Begon de Scorailles avait fondé, en 1440, une abbaye qui, quelques années plus tard, fut transférée à Valette, sur les bords de la Dordogne, à 4 ou 5 kil. au-dessous du Pestre.
10° Fun (le), village sur le plateau supérieur, 695 m.
11° Fayt (le), anciennement Fait, 572m.
12° Fureitit (la). C'est dans les dépendances de ce village que se trouvent les plus belles carrières de calcaire et les principaux fours à chaux.
13° Firmigoux, anciennement Formigoi et Fermigoux, mentionné dans la charte de Clovis.
14° L'Herm ou L'Erm, 560 m., mentionné dans la charte de Clovis.
15° Intiouguet, hameau.
16° Maison-Neuve (la), hameau.
17* Miremont, 654 m. L'orthographe de ce nom a varié suivant les siècles. Au commencement du XII° siècle, on écrivait Miramont,' de Miramonte; au XIV°, de Miromonte; au XV°, de Miramont ou de Miramonte; dans le XVI° et au XVII°, Miremont.
LE CHATEAU DE MIREMONT
Les ruines encore imposantes du château, sa proximité de la ville de Mauriac, les souvenirs historiques qui s'y rattachent ont donné a Miremont une certaine célébrité. Sa situation sur un plateau élevé qui dominait les plaines voisines et qui commandait les deux ports de Naugenat et de St-Projet, sur la Dordogne, en faisait une place très-importante. Cette importance augmenta encore après le funeste traité de Bretigny (1360), par lequel le Limousin fut cédé au roi d'Angleterre. Miremont se trouva alors sur l'extrême frontière et devint l'une des barrières opposées aux incursions ou aux ravages des Anglais; barrière impuissante, ainsi que nous le verrons bientôt.
Le plateau basaltique de Miremont forme un carré long, assez régulier, qui se dirige de l'est à l’ouest. Bordé de toutes parts par des escarpements ou des pentes rapides, il se rétrécit vers l'ouest. C'est dans cette partie que le fort avait été construit; il n'occupait qu'une faible partie du plateau qui formait, en avant des fortifications, une magnifique esplanade; il était défendu à l'est par un rempart en maçonnerie qui existe encore et qui ferme toute la plaine. A l'extrémité méridionale du rempart était la porte d'entrée, protégée par un fossé et un pont-levis, et surmontée par une tour carrée. Les écuries étaient adossées à l'intérieur du rempart; elles étaient voûtées.
Un espace vide où se trouvaient peut-être les jardins, séparait les remparts, d'un fossé profond, entièrement creusé dans le basalte; les fondations du château étaient assises sur l'un de ses bords. Ce fossé était protégé à l'extérieur par un mur ou contrescarpe. Le pont-levis était, dans les derniers temps, remplacé par un pont en pierre.
Au midi, l'enceinte se composait d'un mur en terrasse fort élevé et d'une solidité telle qu'il existe encore en entier; à l'ouest, le mur d'enceinte formait des angles saillants et rentrants; il s'appuyait d'un côté à une tour et allait se relier, au nord, à une autre forte tour isolée qui servait de donjon et commandait l'entrée du fossé. Des cours et des jardins assez vastes s'étendaient entre le château et l'enceinte occidentale
Il ne reste plus du château que quelques pans de mur et deux tours ruinées. Autant qu'on peut en juger par ces restes et par les fondations, le château devait être flanqué de tours à chacun de ses angles. Hors de l'enceinte et à l'aspect du nord, on voit les substructions d'un bâtiment fort exigu que la tradition désigne sous le nom de Chapelle des Huguenots.
En 1760, le château de Miremont était encore entier; comme il était d'un entretien coûteux, un intendant persuada au marquis de Simiane, seigneur de Miremont, qu'il y aurait plus de profit â le démolir et à en vendre les matériaux. Ce conseil fut suivi; en 1770, on découvrit le château et on en vendit la tuile. Cette œuvre de destruction fut continuée pendant plusieurs années, et ne s'arrêta que lorsqu'il ne resta plus une pierre de taille dans les murs.
Dans l'une des tours qui se sont conservées, il existait des peintures à fresque représentant divers sujets mythologiques et notamment Daphné changée, en laurier. Au-dessus de la cheminée, on avait représenté le siége du château avec cette légende : Siége de Miremont. 1574. J'ai conservé un croquis de cette peinture aujourd'hui détruite. Il paraîtrait que la place aurait été attaquée du côté de l'ouest, et qu'une brèche considérable avait été pratiquée dans la tour isolée ou donjon.
L'origine du château de Miremont remonte aux époques les plus reculées du régime féodal; il fut assiégé en 1105 par Pierre Leroux, évêque de Clermont. - Pierre Aimar, qui en était seigneur, prétendait exercer sur l'église et la terre de Mauriac des droits qui ne lui étaient pas dus. Arnaud, abbé de St-Pierre-le-Vif, de Sens, étant venu à Mauriac pour installer Pierre de St-Balderic, qu'il avait nommé doyen en remplacement de Gausbert, déposé au concile de Troyes, avait opposé une vive résistance aux prétentions d'Aimar. Celui-ci, soit qu'il voulût se venger de l'abbé, soit qu'il voulût lui arracher des concessions , le fit arrêter, avec toute sa suite, par des soldats appelés Robertins, au moment où il se mettait en route pour retourner à Sens. Arnaud fut conduit au château de Ventadour, en Limousin, où il fut retenu prisonnier. En ce temps-là, l'évêque de Clermont était dans les environs d'Aurillac , à la tête d'une armée nombreuse, pour combattre les ennemis qui ne manquent jamais à l'Eglise. Guy et Raoul de Scorailles, vassaux de l'abbé, donnèrent avis à l'évêque qu'Arnaud venait d'être fait prisonnier à l'instigation de Pierre Aimar. Aussitôt, le prélat prend la résolution de le délivrer; il marche sur Miremont à la tête de ses troupes. Aimar, voyant que la résistance était inutile, rendit la liberté à Arnaud et à sa suite, et leur fit restituer tout ce qu'on leur avait pris (Chronic. » S. Pétri civi, spicil.,1. it, p. 751, édit. in-4°).
Pierre Aimar ou Adémar est le premier des seigneurs de Miremont dont le nom soit parvenu jusqu'à nous; il avait des frères qui formèrent probablement la branche qui prit le nom de Mauriac, et deux fils, Bernard et Guy.
Bernard mourut en allant en Palestine fin itinere hierosolimitano). Il est peu probable que Bernard ait fait partie de la première croisade; il aurait pu suivre, en 1105, le comte de Poitiers dans son expédition contre les infidèles; mais je trouve encore cette époque trop reculée. Il paraît, d'après le traité passé entre Pierre de Mirabel, doyen de Mauriac, et Guy de Miremont, frère de Bernard, que ce dernier avait secondé Pierre Aimar, son frère, dans sa lutte contre le monastère de Mauriac. Or, c'est en l'année 1105 que cette lutte était dans toute sa force. Si Bernard n'a été en Palestine qu'après l'année 1105, il y serait allé en pèlerinage, comme beaucoup d'autres chevaliers qui, à leur arrivée, quittaient le bourdon pour prendre l'épée.
Sous le règne de Louis VI et sous le pontificat de Calixte II, par conséquent avant l'année 1130 , Guy , qui prend le nom de Miramont, cédant aux instances de Pierre de Mirabel, doyen de Mauriac, et touché par la grâce divine, confirme tous les dons que Pierre Adémar, son père, ses oncles et ses proches avaient faits au monastère de Mauriac : il s'oblige à servir la rente de deux sols que Bernard, son frère, mort dans le voyage de Jérusalem, avait léguée au monastère ; il reconnaît que la moitié du Mas-du-Faët, principal objet des longues contestations qui avaient existé entre le monastère de Mauriac et les seigneurs de Miremont, appartenait aux religieux. Cet acte fut fait en présence de Pierre, archiprêtre; d'Armand des Vaysses, de Bernard d'Artiges, de Rigal de Sots, de Géraud Benedicti, de Rotbert, du doyen et des religieux de Mauriac.
En 1140, Guy de Miremont et les hommes de Chalvignac donnèrent à l'abbé d'Obazine, pour la fondation du monastère de Doumis, tout ce qu'ils possédaient à Doumis.
En 1201, Hugnes de Miremont donna le Mas-del-Bousquet à l'abbaye de Valette Le même fit don à la mémo abbaye, en l'année 1205, d'une métairie située à la Besse.
La maison de Miremont s'éteignit au commencement du XIV° siècle, et les terres qu'elle possédait passèrent dans les maisons de Saint-Exupery et de Saint-Chamand, par les mariages de Marthe de Miremont avec Elie de Saint-Exupéry et de Marguerite de Miremont avec Olivier de Saint-Chamand.
Avant 1336, Olivier de Saint-Chamand prenait le titre de co-seigneur de Miremont
Au XIII° siècle, le fief de Miremont, comme la plupart des autres grands fiefs de la Haute-Auvergne, était indivis entre des seigneurs différents. Le mercredi avant la St-Jean 1284, Olivier, Arnaud et Pierre d'Albars, chevaliers, et Guy d'Albars , damoiseau , reconnaissent tenir du roi, en franc fief, la tour appelée d'Albars, située à Miramon , paroisse de Chalvignac ; ils déclarent que leurs prédécesseurs n'avaient fait aucun aveu au sujet de ladite tour, si ce n'est au comte de Poitiers (Arch. imp.. j. 271). Le même jour, Olivier d'Albars reconnaissait tenir du roi un alberg annuel, avec huit cavaliers, sur les maisons de D deTeulet et de Guillaume de Mallesec, sises à Miremont (id.). Ces deux actes sont passés sous le sceau des consuls d'Aurillac.
Cette partie de la seigneurie de Miremont passa dans la maison de St-Exupery. Dans un acte de foi et hommage du 27 mai 1516, François de St-Exupery reconnaît tenir du seigneur de Charlus, son château de Miremont et une tour comprise dans ledit château, appelée d'Albars.
En 1398, Guillaume Besseyras, damoiseau, était co-seigneur de Miremont. Pendant les xm°, xiv° xve et xvi° siècles, une maison fort ancienne, celle de Mauriac» possédait la co-seigneurie de Miremont; ses membres prenaient indifféremment le nom de Mauriac ou de Miremont. En 1255, Guy de Mauriac était co-seigneur de Miremont et de Tournemire.
Par une transaction du 3 mai 1515, Jean d'Apcher, chevalier, seigneur de Montbrun, mari de Jeanne de Mauriac, et Bernard de Miramon ou de Mauriac, seigneur de Pradines, concèdent pour son douaire à Louise de Rillac, veuve de Guillaume de Mauriac, en son vivant seigneur de Miremont et de Scorailles, les rentes d'Ally y et de Scorailles, la jouissance pendant sa vie de son habitation dans le château et place de Miremont.C'est à savoir une chambre à la tour neuve, une autre chambre à ladite maison, la cave de la tour neuve et la moitié du jardin grand qui est par devant ladite maison, la tenue d'un bœuf pour engraisser et une pipe de vin chacun an.
L'indivision et le voisinage devaient être la source de fréquentes contestations. François de Mauriac et Guy de Miremont n'en furent pas exempts; ils eurent un procès qui fut terminé par un arrêt du Parlement de Paris. François de Mauriac le perdit. Cela résulte d'une quittance à la date du 4 juin 1559, donnée par noble dame Magdeleine de Senetaire, consorte de puissant seigneur messire Guy de Miremont, chevalier, seigneur dudit Miremont, Favar, le Doignon et le Cheyrol, de la licence, congé et consentement dudit Miremont, à noble François de Mauriac dit de Miremont, co-seigneur dudit Miremont, seigneur d'Ally etco-seigneur de Scorailles, de la somme de 97 livres 2 sols parisis, valant la somme de 121 livres 7 sols 6 deniers tournois, pour raison de certains dépens auxquels ledit de Mauriac avait été condamné par la Cour de Parlement, à Paris.
En 1580, François de Mauriac et autre François, son fils, vendirent leur part dans la seigneurie de Miremont, château , maison environnée de fossés, rentes, domaine, à Claude de Levy , chambellan de Monsieur, frère du roi, comte de Charlus, et à Jeanne de Maumont, sa femme, au prix de 18,000 livres. Un règlement fut fait entre les deux seigneurs, Claude de Levy et Henri de Bourbon, vicomte de Lavedan. Le comte de Charlus eut dans son lot un corps de logis flanqué de deux tours, l'une carrée, l'autre ronde, la boulangerie et une cour séparée de celle du vicomte de Lavedan par un mur élevé. Une tour placée dans la cour du vicomte demeurait commune entre les deux seigneurs. L'entrée du château se trouvait dans la cour du seigneur de Charlus; il y avait un grand portail avec un pont-levis. La chapelle appelée d'Entremont, située hors du château, demeurait commune. Chaque seigneur avait sa cloche. Les bois demeuraient indivis, à l'exception de celui de la vigne, qui était la propriété exclusive du baron de Charlus, de même que le droit de four à chaux et d'extraction de la pierre de marbre. (Déribier.)
Le seigneur de Charlus était encore co-seigneur de Miremont en 1585; cependant, cette seigneurie ne tarda pas à être aliénée; à la fin du XVI° siècle, elle était possédée sans partage par Françoise'de St-Exupery, vicomtesse de Lavedan.
Guy de St-Exupery, le dernier de son nom , chevalier, bailli royal des montagnes d'Auvergne, en 1562, épousa, le 29 mai 1548, Madeleine de St-Nectaire, fille de Nectaire de St-Nectaire et de Marguerite d'Etampes, et sœur d'Antoine de St-Nectaire, abbé d'Aurillac et évêque du Puy.
Ils n'eurent de leur mariage que deux filles, Françoise, mariée en 1571 à Henri de Bourbon, et Rose, mariée en 1585 à Louis, seigneur de Rilhac. Henri de Bourbon était arrière-petit-fils de Charles, fi1s naturel de Jean II, duc de Bourbon, connétable de France; il était baron de Malauze, vicomte de Lavedan et baron de Chaudesaigues; il eut pour tutrice Jeanne d'Albret, reine de Navarre, mère d'Henri IV. Il servit fidèlement ce prince, qui n'attendit pas son avènement à la couronne de France pour le récompenser; il le nomma lieutenant de sa compagnie d'hommes d'armes, alors qu'il n'était encore que roi de Navarre. Le vicomte de Lavedan mourut en 1611, et laissa pour lui succéder Henri, deuxième du nom, son fils, filleul d'Henri IV, qui érigea en sa faveur la baronnie de Malauze en marquisat.
Louis fut son héritier; quoiqu'il professât la religion protestante, il n'en jouit pas moins, pendant trente-cinq ans, de tous les revenus de la cure de Chalvignac. La cour des Grands-Jours trouva cette perception peu justifiée et encore moins orthodoxe, et elle condamna le seigneur de Miremont à 4,000 livres parisis d’aumône, et à restituer, pour les fruits de la cure de Chalvignac, depuis le10 mars 1630, 54,000 livres, à raison de 1,500 livres par an. Antoine Ferval, curé confidentaire, fut condamné à 400 livres d'aumône et privé de son bénéfice. L'arrêt fut prononcé le 16 janvier 1666 (Origine des Grands-Jours, m. s., Archives imp., section judiciaire).
Louis-Auguste de Bourbon fut le dernier de cette famille. Il était, en 1719, colonel du régiment d'Agenais ; il fut tué en 1744 au siége de Montalban. Il laissa pour héritière Marie-Geneviève, sa sœur, qui avait épousé Ferdinand, comte de Poitiers. Etant devenue veuve, elle vendit, avant 1747, la seigneurie de Miremont à Louis-Hector , marquis de Simiane , dont la famille l'a possédée jusqu'à la Révolution.
La seigneurie de Miremont relevait en fief de Charlus et en arrière-fief de l'évêque de Clermont.
Nous avons parlé d'un premier siége soutenu par le château de Miremont en l'année 1105. Pendant la longue lutte entre la France et l'Angleterre, les Anglais, ou plutôt les pillards qui tenaient leur parti, ne pouvaient négliger un château qui leur assurait le passage de la Dordogne, et qui protégeait les communications entre le château de Ventadour, leur principale place , et la Haute-Auvergne. Suivant M. Déribier , Robert Knol s'en serait emparé par surprise , en 1360, et aurait choisi pour y commander Mandonet de Badafol; suivant le Nobiliaire d’Auvergne. Mandonet de Badafol aurait pris Miremont en 1357, en aurait été chassé peu de temps après et l'aurait repris en 1374. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en l'année 1374, Mandonet Badafol ou de Badafol tenait le château de Miremont.
Il est probable qu'il l'occupait depuis quelque temps, et qu'il avait commis assez de ravages dans la contrée pour contraindre l'évêque de Clermont, seigneur suzerain de Miremont, à faire les plus grands sacrifices pour l'en chasser. Il emprunta pour cela du comte d'Armagnac 5,000 liv. qui furent apportées de Rodez a Clermont par Aymar de Jouy, et passées en compte à Bona et Noël par Beraud, comte de Clermont, dauphin d'Auvergne, Guy de La Tour et Guillaume d'Apchon, qui avaient la charge des finances. (Savaron. Origines de la ville de Clermont.)
Les guerres de religion furent moins désastreuses pour la Haute-Auvergne que les guerres des Anglais. Cependant, peu de localités furent à l'abri des ravages des troupes des deux partis. La plupart des villes et un assez grand nombre de châteaux furent attaqués ou pris. Le château de Miremont fut de ce nombre. — Henri de Bourbon, vicomte de Lavedan, qui avait épousé l'héritière de la maison de Miremont , était le chef des protestants dans la Haute Auvergne. Seigneur de Chaudesaigues et de Miremont, aux deux extrémités opposées de la province, il donnait la main, d'un côté, aux huguenots du Rouergue et des Cévennes, et de l'autre, à ceux du Limousin et du Quercy. Elevé par Jeanne d'Albret, possédant toute la confiance du roi de Navarre, il exerçait une grande autorité dans son parti. Le 15 avril 1574, il s'était emparé de la ville de Mauriac; celle de Pleaux avait été prise le dernier mars précédent. Le vicomte de Gourdon, général des religionnaires du Quercy et du Limousin, tenait Beaulieu, Argentat et St-Céré. Le haut-pays tout entier s'émut en voyant les religionnaires maîtres de cinq villes placées à quatre ou cinq lieues l'une de l'autre, et dont les garnisons pouvaient mutuellement se secourir. Les Etats furent assemblés à Murat, le 4 mai 1574. et une somme de 80,000 livres fut votée pour la délivrance des places prises par les huguenots. St-Hérem, gouverneur de la province; Montal, son lieutenant dans la Haute-Auvergne, et le baron de Cornusson, gouverneur du Quercy, appelèrent sous leur bannière toute la noblesse catholique.
Le 28 juin, Montal écrivait à Noailles que M. de St-Hérem, M. de Cornusson et lui, joignent leurs forces et comptent avoir deux mille hommes de pied et plus de cinq cents chevaux avec cinq pièces d'artillerie; il l'engage à venir les joindre, et lui donne rendez-vous à Pénière.
Les religionnaires, avertis de ces préparatifs, n'attendirent pas l'arrivée des troupes du gouverneur d'Auvergne; le 29 juillet, ils abandonnèrent la ville de Mauriac, après l'avoir démantelée et se retirèrent à Miremont.
La délivrance de Mauriac n'était pas le seul but de l’expédition de M. de St-Hérem ; il avait pris envers les Etats l'engagement d'assiéger le château de Miremont ; il y était en outre poussé par Montal, qui nourrissait une inimitié profonde contre Madeleine de St-Nectaire, dame de Miremont, et qui espérait, en s'emparant du château, la faire mourir et ruiner sa maison {Mêm. de Bouillon). St Hérem, n'ayant point d'artillerie, laissa à Mauriac deux cents arquebusiers et prit le chemin du Rouergue où il fut chercher les pièces nécessaires pour assiéger Miremont. Il était accompagné par les sieurs de Vezolles, juge de Mauriac; Lacarrière, consul d'Aurillac, et par quelques autres délégués du pays, qui s'engagèrent envers les Etats du Rouergue à la restitution des pièces qu'onavait empruntées.
Les forces réunies par St-Hérem étaient considérables. Henri de Latour, vicomte de Turenne , qui avait quitté la cour et qui était sur le point d'abjurer la religion catholique, avait réuni des troupes destinées à soutenir la cause des religionnaires; mais comme il ne voulait pas se démasquer encore, et pour donner le change sur ses projets, il se fit inviter par St-Hérem à assister au siége et s'y rendit à la tête de trois cents gentilshommes et de quelque infanterie (Mém. du duc de Bouillon). Les troupes réunies par St-Hérem s'élevaient à six mille hommes. Celtes qui défendaient le château étaient moins nombreuses, mais elles étaient aguerries, déterminées et commandées par le vicomte de Lavedan. Leur ardeur était excitée par Madeleine de St-Nectaire, qui n'ignorait pas que si la place était prise, l'avenir de sa maison était compromis et sa vie en danger.
Le siége fut mis devant la place; elle fut battue de 900 coups de canons; le donjon était en partie démoli; les courtines avaient beaucoup souffert; la brèche avant paru praticable, les assiégeants donnèrent l'assaut; mais ils furent vigoureusement repoussés par l'intrépide garnison. Le vicomte de Turenne perdit vingt de ses meilleurs gentilshommes qui avaient voulu établir un logis sur une contrescarpe. D'une autre part, les vivres et les munitions manquaient, l'un des canons avait éclaté, un autre était éventé. (Compte de Biaise de Vernye. Archives de la maison de Bargues.) Il fallut donc lever le siége, et cette expédition, entreprise à grands frais, n'eut d'autre résultat que la délivrance de Mauriac. Elle laissa les huguenots maîtres de la campagne, enrichis par le pillage et par les rançons qu'ils avaient fait payer aux bourgeois de Mauriac et de Pleaux, et plus audacieux que jamais. Le siége fut levé dans le courant du mois d'août. (Compte des consuls de Mauriac.) Il avait duré sept semaines. (De Vernye.) , ,
Les hostilités continuèrent entre le lieutenant du haut-pays et le vicomte de Lavedan. Elles se ranimèrent avec une nouvelle ardeur dans l'été de 1575. Cette fois ce fut Gilles de Montal qui fut l'agresseur. Il avait à venger les échecs de la campagne précédente. Les religionnaires s'étaient emparés de la ville et du château de Laroquebrou dont il était seigneur : il était d'ailleurs encouragé par le roi Henri III et par Catherine de Médicis, qui lui écrivait de Paris le 15 juin 1575.
« Monsieur de Montal, pour respondre à celle que vous m'avez escripte des vingt sixième et vingt septième du mois passé, j'employrai la despèche que présentement vous envoye, le roi monsieur mon fils, par le contenu de la quelle vous verrez son intention et mesme le contentement grand qu'il a de vous et de vos bons déportements pour son service; vous priant de les continuer et estre certain qu'où je pourrais faire pour vous selon les occasions, ce sera bien volontiers; priant Dieu, monsieur de Montal, qu'il vous ayt en sa sainte garde. » (Copie du XVI° siècle en nos mains.)
Montal fit tous les préparatifs nécessaires pour ouvrir la campagne. Le 12 juillet, il écrit à Noailles : « Qu'il saura empêcher que le vicomte de Lavedan ne lui lève ses dixmes, et le prie de se tenir prêt pour défendre Mauriac. » (De Sistrière. Notes sur l'histoire d'Auvergne, m. s.)
Le même jour, il adressait aux consuls de Mauriac des lettres ainsi conçues: « Gilles de Montailh, chevalier de l'ordre du roy, gentilhomme ordinaire de sa chambre, gouverneur, lieutenant-général pour sa majesté en l'haust pays M d'Auvergne, aux consuls de la ville de Mauriac; salut. Nous avons advizé de mettre une compagnie de cent arquebusiers au lyeu plus proche, et à la veue du château de Miramont, pour garder que les ennemis y estant puyssent s'avitailler, et fournir d'aucuhgs vivres pour munir ledit chasteau, et aussi qu'ils ne ravagent et pilhent, et que ung chacun en la prévôté de Mauriac puysseaisément faire la recette et perception de ses fruicts et vivres. Pour la nourriture et l'entretènement desquels cent soldats, est besoing de dresser estape et magasin de vivres, attendu qu'ils seront logés à la campagne, et qu'ils n'auront moyen estant la de recouvrer vivres si on ne leur apporte. Pour ces causes et voyant en l'establissement desdits cent soldats entièrement pour le service du roy et sollacgement de tous ces pais, et particulièrement à toute la prévôté de Mauriac; vos dressiez promptement tant sur votre ville que sur les paroisses circonvoisines, à vous et sur icelles imposer ez le fortpourtant le faible et le plus esgallement que faire se pourra pour le prochain d'aoust, pour chacung jour deux cents pains bis, trente pains blancs, D du poids de XIIII onces estant cuits, cent trente pintes vin , deux moutons et une demye uchelle; tous lesquels vivres vous mettrez en une maison de votre ville à ce destinée, pour après estre départis auxdits soldats par cellui et tout ainsi que par nous il sera advizé. Lesquels vivres vous seront payés et remboursés ensemble esdites paroisses, des deniers provenans de l'impôt de quatre-vingt mille livres que les gens des trois Estats dernièrement assemblés a la ville de Murat ont accordés être imposés et levés sur ledit pays pour la reprise des forts de Meallet, Laroque et Miramont, et de ce que vous montrerez et ferez appareoir avoir légitimement payé et frayé. Au paiement desquelles choses voulions les compris à bref commission estre contraincts comme pour les propres deniers du roy, attendu que c'est pour le service de sadite majesté et solacgement dudit pays. Faict Aurillac, le 12 juillet 1575. » Ainsi signé Montal et scellé aux armes dudit seigneur, à cire rouge; et après est écrit : par mandement de mondit seigneur Cavanac. >
D'après ces lettres, Montal se proposait seulement de contenir la garnison de Miremont, de l'empêcher de se livrer au pillage et de troubler les habitants de la prévôté dans la levée des récoltes. Mais un événement qui semblait devoir lui assurer le succès qui lui avait échappé pendant toute l'année précédente, lui fit concevoir un projet plus hardi.
Dans un combat qui avait eu lieu au Puy-Quinsac, dans la commune de St-Julien-aux-Bois, sur les frontières du Limousin et de l'Auvergne, le vicomte de Lavedan avait été fait prisonnier par François de Lignerac, seigneur de Pleaux et de St-Chamand, enseigne des gardes de la reine. (De Luguet, p. ! '18. m. s., bibl. imp.) Les religionnaires découragés n'avaient plus à leur tête ce chef brave et expérimenté, qui avait résisté l'année précédente à toutes les forces de la province. Tout semblait donc concourir pour donner à Montal l'espoir de forcer les religionaires à se retirer de cette partie de l'Auvergne; il croyait toucher au moment où le château et la dame de Miremont tomberaient en son pouvoir.
Il établit auprès du château un camp pour surveiller la garnison et mettre un terme à ses courses désastreuses. Madeleine de St-Nectaire, qui avait sous ses ordres une compagnie de cavalerie de soixante gentilshommes qu'elle avait formée elle-même, faisait de fréquentes sorties et avait défait dans une rencontre deux compagnies de gens de pied. Montal, de plus en plus irrité et voulant mettre à profit la témérité de Madeleine, réunit deux mille hommes de pied et trois cents chevaux, et envoya une compagnie faire du ravage à une lieue de Miremont, sachant, dit d'Aubigné, que cette amazone serait aussitôt à eux, sans marchander. Elle sortit du château avec sa compagnie, prit avec elle quinze coureurs, laissa le reste de sa troupe en arrière, en leur disant : « Faites » comme moi, et elle partit au galop pour aller attaquer la compagnie de Moutal. Les ennemis, qui étaient au nombre de quarante et auxquels une montagne cachait le gros de la troupe de la dame de Miremont, ne voyant que quinze chevaux les attendirent de pied ferme. Madeleine marchait, suivant son usage, vingt pas devant les siens, connue de tous a sa longue chevelure qui flottait sur sa cuirasse Elle engagea le combat : aux premiers coups de feu que sa troupe entendit, elle accourut à son secours, fit une nouvelle charge et mit les ennemis en déroute.
Cependant, Montal, dont le stratagème avait réussi, sachant que le château était dégarni de ses meilleures troupes , qu'il n'y était demeuré que peu d'hommes et des moins aguerris, investit de près la place avec des troupes qu'il avait fait marcher toute la nuit et en ferma l'entrée à Madeleine.
C'est surtout dans les dangers que se révèlent les grands caractères. Le courage de notre héroïne ne fut pas ébranlé : supérieure aux revers qu'elle venait d'éprouver, elle comprit que Miremont ne résisterait pas s'il n'était promptement secouru. Elle court à Turenne, elle n'y trouve que quatre compagnies d'arquebusiers à cheval, commandées par d'Alagnac. En attendant un plus grand secours, elle résolut de jeter cinquante arquebusiers dans Miremont. Montal, averti, s'avance sur leur chemin à la tête de 120 hommes de pied bien choisis et d'un pareil nombre de cavaliers. Il arrive dans un défile resserré entre deux montagnes. D'Alagnac charge avec résolution l'infanterie et la force à se replier. Montal s'avance pour la soutenir; la dame de Miremont qui n'avait que cinquante chevaux prend la charge et renverse toute la cavalerie. Montal, frappé d'un coup à travers le corps, fut tomber dans la foule de son armée qui accourait à l'alarme. Le lieu étant fort étroit, les gens de pied ne perdirent que fort peu d'hommes; ils furent obligés de lever le siége tout en sauvant leur chef qui fut transporté dans un château à une demi-lieue de là. Il y mourut quatre jours après. La captivité du vicomte de Lavedan et la nécessité de se défendre avaient mis les armes à la main de Madeleine de St-Nectaire; elle les déposa après la mort de Montal et ne prit plus aucune part aux guerres religieuses qui se prolongèrent pendant plus de quinze ans. D'Aubigné dit dans son histoire: « Quelquefois nous reprochions par jeu aux gentilshommes de ce pays (l'Auvergne), qu'ils avaient été soldats à la dame de Miremont; et eux à nous, que nous ne l'avions pas esté. »
EM. DELALO