Document tiré du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet Edition de MDCCCLII (1852) Volume 1/5.
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EXPLOITATION DES SUBSTANCES MINÉRALES.
Le département du Cantal est un de ceux où l'exploitation des mines et carrières a pris le moins de développement. La cause doit en être attribuée non à une pauvreté réelle, mais à l'absence de voies de communication et de débouchés, au petit nombre des recherches et des entreprises, au peu 'de persévérance des explorateurs.
Le terrain primitif renferme des substances métalliques et fournit des matériaux de constructions ; nous parlerons d'abord des exploitations et des recherches de métaux.
Des explorations de minerai de fer ont été faites, en 1839 et en 1840, par MM. Mignot, au village de Caleau, près Pleaux , et auprès de Thinières, commune de Beaulieu. Elles se rattachaient à la création du petit haut-fourneau d'essai de Saint-Thomas, près Bort. Elles n'ont pas donné de bons résultats ; mais un filon a été exploité avec quelque avantage auprès d'Embrousse et d'Estrades, villages situés dans la Corrèze, non loin de Pleaux et tous près des limites du département. Le haut fourneau de Saint-Thomas s'est aussi alimenté du minerai primitif du Deveix, exploité sur les montagnes qui bordent, dans le voisinage de Bort, la rive droite de la Dordogne.
En 1847 et 1848, un filon de fer péroxydé de belle apparence a été reconnu à Fondevial, commune de Molèdes, en même temps que d'autres gisements de minerai de fer disséminés dans les montagnes du Cézalier. Le but de cette étude était la création d'usines à fer dans le bassin houiller de Brassac. Les explorations n'ont pas été poursuivies.
Parmi les gîtes de plomb connus, le plus important est celui de Cazaret, commune de Saint-Santin-Cantalès. Le minerai est une galène (plomb sulfuré) à petites facettes brillantes et quelquefois légèrement irisées, qui est mêlée à de la blende (.), à des pyrites de fer et de cuivre (..) , à du mispickel (."). La galène est fort riche en argent, et ce dernier métal paraît se trouver parfois répandu dans le minerai sans être associé à la galène : certains échantillons même présentent une petite quantité d'or. D'après les essais de M. Becquerel, la richesse moyenne de la galène massive en argent est de 489 grammes aux 100 kilos. Le gite fort irrégulier ne forme pas un filon, ainsi qu'il est ordinaire aux gites métallifères du terrain primitif, mais un banc intercalé au milieu des feuillets de micaschistes et d« schistes talqueux. Une partie de ces schistes est transformée en argile. Le minerai est disséminé au milieu d'eux, tantôt uniformément, tantôt en veines ou en rognons. L'amas renferme en outre des veinules de calcaire cristallin et de quartz. Son épaisseur a varié entre 7 mètres et 1 ou 2 mètres .- sa richesse est très-variable aussi : sa direction principale est celle du Sud-Sud-Ouest au Nord-Nord-Est.
La mine de St-Santin-Cantalès, découverte en 1835, a été concédée à une société en 1839. Les explorations, poursuivies sur une longueur de l00 à 120 mèt. et sur une faible profondeur , ont été suspendues dès 1839, à la suite d'un amincissement ou d'une interruption du gite. D'autres masses voisines, celles du bois de F éniès et du moulin du Cazaret, de Pruns et de Parieu, analogues à la précédente, mais d'une moindre richesse et d'une moindre puissance, ont donné lieu aussi à quelques travaux pendant la même période. Les recherches ont été reprises en 1846, par suite d'un accord entre les concessionnaires et une compagnie nouvelle qui s'engageait à dépenser 30,000 fr. : elles ont été interrompues l'année même, sans avoir donné de résultats. En somme, la richesse première de l'amas du Cazaret était de nature à faire espérer un gite exploitable, et les explorations ont été tout-a-fait insuffisantes pour faire connaître l'étendue, la fréquence, l'allure plus ou moins régulière de ces amas métalliques.
Le minerai du Cazaret est célèbre par des essais et des études de traitement électro-chimique faits par le savant M. Becquerel.
Quelques travaux ont été exécutés, vers 1760, par le marquis de Simiane, sur un filon de galène non argentifère situé à Crouzy, commune de Chalvignac.
Les autres gisements de plomb ont été à peine reconnus.
Les filons d'antimoine sulfuré sont communs dans le canton de Massiac. Ils appartiennent à une région métallifère plus vaste, qui embrasse une partie des départements de la Haute-Loire et du Puy-de-Dôme. Le minerai forme généralement des veines fort irrégulières dans des filons de quartz de directions diverses. Cette irrégularité explique le peu de persistance de la plupart des exploitants qui, après avoir épuisé les riches colonnes de minerai, ont reculé devant des recherches souvent improductives.
Parmi les gîtes qui ont donné lieu à des travaux, nous citerons : Verteserre;
Bonnac; St-Poncy ; Chazelles, commune d'Auriac; Chalet, près Massiac; Luzer, et Ouche : ces deux dernières mines ont été l'objet d'exploitations plus considérables.
L'extraction de l'antimoine paraît avoir pris quelque développement dans le Cantal, de 1783 à 1788. Depuis, elle ne s'est perpétuée d'une manière un peu continue que dans la mine d'Ouche : encore les travaux de cette mine ont-ils été plusieurs fois suspendus. Le gîte de Luzer a été réexploité de 1810 à 1812, et, pendant cette période, s'est montré très-productif. De nombreuses fouilles, très passagères, ont été faites à diverses époques sur des filons, la plupart anciennement connus, principalement de 1836 à 1840. L'exploitation de la mine d'Ouche vient d'être une dernière fois suspendue, par suite de l'appauvrissement du filon et de l'approfondissement des travaux. Avant cette suspension, quelques recherches, dont les dépenses n'ont pas été suffisamment compensées, ont été faites sur le prolongement du gîte. Mentionnons une découverte d'antimoine assez belle, faite récemment sur les confins du Cantal et de la Haute-Loire, mais dans ce dernier département, entre les villages de Terré et de Chamelles, commune d'Auriac.
Une des causes qui ont le plus contribué à la cessation presque complète des exploitations d'antimoine de l'Auvergne , est la concurrence des antimoines de la Toscane et de l'Algérie , et la baisse de prix qui en est résultée. Ajoutons que l'ignorance avec laquelle sont dirigés la plupart des travaux de recherches, le peu de soins apportés au triage et au lavage des substances métallifères, dont une forte proportion est perdue ou rejetée comme stérile, sont pour beaucoup dans la difficulté que ces entreprises éprouvent à se maintenir.
Les carrières de roches primitives sont nombreuses et disséminées sur une foule de points. Les matériaux qu'elles fournissent ne sont généralement transportés qu'à une très-faible distance. Les exploitations sont irrégulières et discontinues, comme les besoins des diverses localités.
Le granite s'emploie comme pierre de taille, comme meulière : le granite et le gneiss , comme moellons: le quartz, le granite, certains gneiss, comme roches d'empierrement : les schistes micacés et talqueux , comme pierres tuilières. Les environs d'Anterrieux fournissent de belles pierres de taille : on les extrait des gros blocs détachés dont les champs sont couverts.
Les calcaires saccharoïdes de la Forestie sont exploités pour pierres à chaux: ils donnent une chaux grasse et très-pure. On a exploité aussi pour le même usage le calcaire primitif à Druilhes et au Montel. La cuisson de la pierre se fait généralement au bois; car le combustible végétal abonde dans la contrée. On commence pourtant a employer aussi le combustible minéral. Ce calcaire est susceptible de prendre une taille assez fine et certains blocs pourraient fournir du marbre commun.
Le terrain houiller est le plus important par ses richesses minérales, quoique les travaux d'exploitation n'aient pu y prendre encore qu'un développement extrêmement minime.
Le principal gisement de houille reconnu est celui de Lempret. Les couches y sont très-irrégulières, sujettes aux interruptions et aux resserrements, mais atteignent parfois une assez grande épaisseur et fournissent de la houille de bonne qualité. Les premières fouilles faites sur les affleurements de Lempret et de Pradelleg sont probablement assez anciennes.
Les MM. Mignot, vers 1838 et 1839, firent quelques tentatives pour installer à Lempret une exploitation régulière. Alors fut construit le petit haut fourneau de St-Thomas: cet appareil marchait au charbon de bois; mais on avait le projet d'élever des hauts fournaux au Coke, en cas de réussite. On essaya d'expédier les charbons par la voie de la Dordogne. A peine entreprises, ces tentatives furent abandonnées, et l'exploitation de Lempret est retombée depuis dans son ancien état de misère et de délaissement. Aucune connaissance de l'art des mines n'a présidé à la direction des travaux; le manque de capitaux a fait reculer devant les ouvrages d'avenir les moins dispendieux et les plus nécessaires; ou, ce qui était pis encore, a fait adopter des demi-mesures tout-à-fait inefficaces. A plusieurs reprises, les galeries souterraines, menées à une profondeur trop faible, sont venues percer dans les eaux qui affluent en grande abondance dans les vieilles excavations : chacun de ces accidents a contraint de suspendre les travaux existants et de reporter l'exploitation en d'autres points , où elle a été aussi éphémère. Le dernier d'entr'eux, survenu au commencement de 1850, a causé la mort de deux hommes et l'abandon de deux puits. En 1849, les concessionnaires de Lempret ont ouvert une petite extraction par galerie d'écoulement vis-à-vis le village de Largniac ; mais l'impureté du charbon et le peu d'épaisseur de la couche rendent ce travail peu important.
L'exploitation de la mine de Pradelles a été plus misérable encore. En 1838, un puits a été foncé sur les affleurements d'une couche et a desservi une petite extraction, suspendue en 1840. En 1844 on a foncé un nouveau puits, nécessaire pour la continuation des travaux. Mais celui-ci, dont l'emplacement avait été très-mal choisi, a conduit dans la mine les eaux des vieilles excavations, d'où est résultée une interruption définitive des travaux réguliers. Depuis, il n'a été fait que des fouilles passagères.
Des recherches, faites sur un affleurement auprès de Madic, ont amené la découverte de deux couches assez régulières, l'une ayant 3 mèt. d'épaisseur, l'autre 1 mèt. 50 c. Une exploitation y fut établie en 1838 : on enleva les deux couches dans leur partie la plus élevée et on reconnut qu'elles se perdaient, après un développement en direction de 100 mètres au plus. En 1843, on se résolut à les rechercher en profondeur; mais dès Tannée 1844 on s'est arrêté devant quelques difficultés d'aérage , et devant le peu de succès des travaux , d'ailleurs mal conduits.
Mentionnons encore un grand nombre de fouilles peu profondes exécutées par de simples ouvriers dans les environs de Jalleyrac et de Vendes, sur des couches peu épaisses et irrégulières. Dans ces dernières années, ces fouilles se sont multipliées, parce que la quantité de charbon extraite par les concessionnaires de Lempret et de Pradelles est devenue insuffisante, même pour la très-faible consommation du pays.
En somme, l'extraction annuelle de la houille, dans le bassin de Lempret et de Bassignac, s'élève au plus à 5,000 ou 6,000 quintaux métriques. Les débouchés se bornent : à la consommation des maréchaux de l'arrondissement de Mauriac; à celle de la petite ville de Bort, où quelques brasseries sont établies; de temps eu temps, à la consommation de quelques fours à chaux. Ces débouchés locaux pourraient sans doute s'accroître dans une assez forte proportion , si les concessionnaires les encourageaient en livrant le charbon à des prix moins élevés: mais ces mines ne peuvent prendre une importance réelle que par l'exportation des produits à d'assez grandes distances, ou par la création d'industries nouvelles, telles que hauts fourneaux , verreries. Quand la navigation de la Dordogne, à laquelle le département de la Corrèze consacre chaque année quelques fonds, aura été suffisamment améliorée, les charbons pourront être expédiés par voie d'eau à Argentat, où ils trouveront un écoulement facile. Les concessionnaires pourraient peut-être atteindre aussi le marché de Tulle, même celui de Limoges, malgré la concurrence du bassin de Lapleau , en profitant du très-haut prix de la houille sur ce marché.
Il existe cinq concessions de mines dans l'arrondissement de Mauriac, savoir: celles de Madic, de Pradelles, de Lempret, de Lagraille et Monigrou, de Champleix. La dernière embrasse les terrains de Vendes et de Jalleyrac.
Le terrain houiller renferme en outre du minerai de fer carbonaté. Deux couches de cette substance ont été explorées auprès de Vendes, et le minerai qu'elles ont fourni a contribué à l'alimentation du haut fourneau de St-Thomas.
Le grès houiller est exploité en divers points, pour pierres de taille et moellons, notamment auprès de Madic, de l'Hôpital, de Largniac.
Le calcaire tertiaire est exploité comme pierre à chaux aux environs d'Aurillac: à St-Paul, Crandelles, Teissières, Jussac, St-Santin, Montmurat, Laveissière, Dienne. Les carrières de Montmurat fournissent aussi de la castine pour les hauts fourneaux de l'Aveyron.
Plusieurs poteries et tuileries emploient des argiles tertiaires.
Les roches volcaniques fournissent les matériaux de construction les plus estimés. La plupart des trachytes sont d'une taille facile et très-peu susceptibles de se désagréger sous l'influence des agents atmosphériques. Les bancs de cette roche, ainsi que les blocs détachés qu'on trouve au milieu des conglomérats, sont exploités en un grand nombre de points. Les principales carrières se trouvent auprès des centres importants de population, tels qu'Aurillac, Murat, Mauriac. Saint-Flour tire ses pierres de construction de Bouzentès et des Ternes, et nous avons décrit la roche qu'on extrait de ces localités. Citons encore les carrières de Marcenat et de Montgreleix. Certains tufs volcaniques, scoriacés et pourtant assez consistants, sont recherchés à cause de leur très-grande légèreté spécifique, pour des usages spéciaux , par exemple pour la construction des voûtes : tels sont les tufs de Chevade, près Murat.
Les scories et les cendres volcaniques fournissent des pouzzolanes excellentes pour la fabrication des mortiers.
Les phonolithes et certains basaltes tabulaires sont exploités comme pierres tuilières. La plus importante de ces carrières est celle de Dienne : il en existe aussi près de Montgreleix, à Niermont.
La dureté et la pesanteur très-grande des basaltes empêchent qu'on ne les emploie comme pierres ile taille : ils ont en outre le défaut de se lier mal au mortier. On s'en sert quelquefois comme moellons. Ils conviennent bien aux murs en pierres sèches et aux constructions massives. Ils forment les meilleurs matériaux d'empierrement.
Les nombreux et puissants gisements de tourbe qu'on trouve sur les plateaux qui s'étendent entre les montagnes du Cantal et du Cézalier, fournissent le combustible à une vaste région presque entièrement dépourvue de bois , qui comprend les communes de Montgreleix , de Marcenat, de Landevrat, de Ségur, une partie de celles de Dienne et de Condat. L'extraction, limitée par les besoins de la consommation locale, est intermittente et irrégulière, et n'atteint qu'un chiffre assez faible.
En diverses localités, notamment auprès de Laroquebrou, du Pont-du-Vernet, des argiles de décomposition sont employées par les fabricants de tuiles et de poteries.
Les galets et les cailloux d'alluvion ne sont utilisés que pour l'empierrement des routes.
Les sables de la Jordanne roulent une petite quantité d'or, provenant, soit des roches volcaniques, soit peut-être de roches primitives. L'extraction de cette substance formait autrefois une branche d'industrie très-peu lucrative. Depuis un siècle environ, elle a complètement cessé.
TOURNAYRE, Ingénieur des Mines.